vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 70-71 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 16 novembre 2022
Verset(s) :

70. Et vénérer les anciens,

71. aimer les jeunes.

Commentaire :

Au début et à la fin de la règle. comme pour en montrer l'importance. nous trouvons en des termes assez semblables cette double invitation : vénérer ou honorer les anciens. et aimer les jeunes. Une communauté monastique est belle et forte de la diversité des générations qui la compose. Je pense au verset de Jérémie qui prophétise le retour d'exil : « Celui qui dispersa Israël le rassemble ...ils viennent criant de joie sur les hauteurs de Sion.. La jeune fille se réjouit, elle danse, jeunes gens, vieilles gens tous ensemble 1 » (.lr 31, 10.13) Vivre ensemble. jeunes gens et vieilles gens. est certainement une source de joie profonde. Dans cette cohabitation, se goûte une sorte de plénitude de la vie humaine. Celle-ci apparait dans toutes ces facettes, de l'impétuosité de la jeunesse plus ou moins insouciante à la lenteur de la vieillesse plus ou moins facile à porter et à assumer. Vivre ensemble est une école pour chaque génération. Chacune apprend de l'autre le mystère de la vie. Le jeune qui voit l'ancien comprend simplement en le regardant le poids de la finitude, du temps qui creuse son empreinte sur le visage et dans le corps. L'ancien en regardant le jeune n'oublie pas que la vie est toujours jaillissement, énergie, promesse. La proximité dans le quotidien peut parfois paraitre rude : au plus jeune qui peine à supporter les infirmités qui peuvent lui faire peur ou lui peser, et rude aussi pour le plus ancien qui peut se sentir mis de côté, ou peu reconnu quand le mouvement semble aller trop vite. Allons-nous nous laisser enfermer par ce constat ? Ou bien allons-nous cultiver ce regard contemplatif porté sur l'autre qui ouvre une fenêtre unique sur le mystère de la vie ? Pour chacun de nous. il y a une grâce à demander pour ne pas nous tromper de regard, et que s'éveille en nous le regard juste et apaisant. Nous avons sur ce point à lutter contre une tendance mondaine présente en notre société, qui met facilement de côté les anciens. pour ne pas affronter vraiment la finitude, la souffrance et la mort. Une bonne manière d'entrer de façon active dans cette dynamique est de cultiver le respect, l'attention, la déférence vis-à-vis de l'ancien ... Pouvoir l'écouter. l'attendre. prendre le temps avec lui ... Ces petits gestes ou altitudes valent de l'or pour lui. Pour l'ancien vis-à-vis du jeune, le travail n'est pas forcément facile : avoir un apriori de confiance vis-à-vis des plus jeunes, de bienveillance en acceptant de ne plus être au centre, et de s'en réjouir pour eux... Ce regard libre et aimant vaut aussi de l'or pour les plus jeunes. La joie sera grande pour les « jeunes gens et vieilles gens d·être ensemble" dans la mesure où chacun accepte de se décentrer, de ne pas vouloir occuper tout le terrain. toute·l'attention.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 68-69 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 15 novembre 2022
Verset(s) :

68. ne pas aimer la contestation,

69. fuir l'élèvement.

Commentaire :

Juste après l'instrument« ne pas aimer la contestation» qu'il reprend dans l'ordre à la liste de la RM. Benoit insère 4 nouveaux instruments. dont le premier, « fuir l'élèvement ». Cet ajout ne surprend pas sous sa plume, lorsque l'on sait son insistance sur l'humilité clans toute la règle. « Ne pas aimer la contestation et « fuir l'élèvement » s'éclairent l'un et l'autre pour mettre en lumière deux défauts à éviter pour qui cherche à avancer sur le chemin de l'humilité. Dans la bible. on rencontre deux types de contestation. celle qui se joue avec Dieu et celle qui fait entrer en rivalité avec les frères. Je vais m'arrêter ce matin sur la première. Ainsi en Dt 31,27, Moïse qui achève d'écrire les paroles de la Loi dans un livre, veut-il que le livre soit bien mis en valeur pour prendre à témoin le peuple.« En effet, dit-il. moi je connais ton esprit rebelle et ta nuque raide. Si, aujourd'hui, alors que je suis encore vivant parmi vous. vous vous êtes révoltés contre le Seigneur, qu'en sera-t-il après ma mort ? ». Ici, il s'agit de la contestation - dureté de cœur qui rend imperméable à la Parole. En Paul, on trouve encore un autre écho de contestation qui peut habiter notre cœur face à Dieu. Lorsqu'il évoque en Rm 9. 19 sq. le fait que Dieu fait miséricorde à qui il veut. et qu'il endurcit qui il veut (Pharaon), il coupe court à la contestation qui peut monter en notre esprit.« Alors tu vas me dire: 'Pourquoi Dieu adresse­ t-il encore des reproches ? Qui, en effet, a pu s'opposer à sa volonté ? Mais toi, homme qui es­ tu donc, pour entrer e0n contestation avec Dieu ? L 'œuvre dira-t-el!e à l'ouvrier: Pourquoi m'as-tu faite ainsi ? · Le potier n'est-il pas maitre de son argile, pour faire avec la même pâte un objet pour un usage honorable et un autre pour un usage méprisable ? » Cet exemple se fait l'écho de ce qui peut nous traverser un jour ou l'autre dans notre relation avec le Seigneur. A la manière de Job. devant certains évènements ou faits incompréhensibles. on en vient à contester avec le Seigneur. Dans ce dialogue intime et très personnel. se joue peut-être quelque chose de très important dont il ne faut pas avoir peur. C'est le moment où en nous nous situons dans la vérité de notre relation avec le Seigneur. en osant être nous-même avec nos questions. nos révoltes peut-être, nos incompréhensions sûrement. Ces moments de vérité, loin d'être une contestation orgueilleuse. peuvent permettre un chemin plus vrai vers l'humilité. En osant poser au Seigneur toutes nos questions. nos doutes ou notre mal-être. nous nous tenons clans la conscience profonde de notre dépendance radicale à son égard. A lui seul. nous pouvons dire cela. car lui seul peut apporter une réponse qui sera unique pour chacun. Il nous restera à écouter sans nous endurcir pour entrer clans une confiance plus profonde.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 66-67 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 12 novembre 2022
Verset(s) :

66. ne pas avoir de jalousie,

67. ne pas agir par envie,

Commentaire :

Sommes-nous toujours maître des mouvements de jalousie ou d"envie qui peuvent nous traverser ? Comme les pensées qui surgissent on ne sait comment, ces mouvements ou sentiments que l'on ressent nous surprennent parfois. Jalousie et envie sont deux sentiments proches : le premier révèle en nous une certaine amertume, un malaise devant une autre personne. tandis que le second avive en nous le désir de posséder ce qu'il a ou ce qu'il est. On peut éprouver de la jalousie et de renvie à l'égard de quelqu'un parce qu'il réussit mieux, ou qu'il est doté de qualités que je n'ai pas ou bien qu'il jouît d'une reconnaissance qui fait envie... S'éveille la soif de posséder ce qu'il a ou d'être comme il est... Jalousie et envie révèlent en nous un mal-être. Avant de considérer trop vite négativement ces mouvements qui nous traversent dans le désir de les repousser. il peut être bon de les regarder en face. S'ils viennent et reviennent parfois de manière insistante. c'est le signe qu'il y a en nous une part fragile. Face aux autres. nous peinons à être simplement nous-mêmes. Et cela 1ù1 rien d'étonnant, car il n'est pas si facile de devenir soi-même. Et qui peut prétendre y être arrivé ? L'âge avançant. nous apprenons peu à peu à nous accepter et à habiter avec nous-même. Jalousie et envie nous font donc signe qu'il nous faut continuer à travailler l'estime de soi. Apprendre à nous regarder comme Dieu nous regarde et nous aime : une créature fragile mais digne de sa grâce pour grandir dans la condition de fils de Dieu. Reconnaitre les talents que le Seigneur nous a donné et que les autres nous aident souvent à voir, n'est pas s'enfler d'orgueil. Cela fait naitre au contraire l'humble action de grâce qui retourne tout à Dieu. A l'inverse. nous enfermer dans la mésestime de soi, n'est-ce pas faire injure à notre Créateur et mépriser notre Sauveur qui vient nous chercher à travers nos failles et nos faiblesses ?

Lorsqu'on parle de jalousie ou d'envie, on utilise volontiers l'image de feu: le feu de la jalousie. le feu de l'envie. L'image est suggestive. Car, comme le feu. si nous les laissons s'installer. et occuper toute notre pensée, elles risquent de nous embraser tout entier, d'obscurcir peu à peu notre esprit et notre capacité à discerner face à la personne objet d'une certaine convoitise ... La charité à l'égard de la personne. objet de ces mouvements de convoitise. peut­ être un bon antidote. Au lieu de nous laisser gagner par le ressentiment à son égard. cultivons la charité par des attentions. Mieux aimer l'autre en ses dons. me réjouir avec lui. c'est m'ouvrir à la richesse du corps auquel nous appartenons ensemble. Dans le Christ. membre d'un même corps. ce qu'est la main. m'est précieux si je ne suis que le petit orteil du pied... ! Comme le petit orteil est important pour l'équilibre de tout le corps. donc de la main !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 65 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 11 novembre 2022
Verset(s) :

65. ne haïr personne,

Commentaire :

En ce jour de St Martin. où nous nous rappelons aussi de la fin de la guerre de 1914-18, cet instrument tombe bien. « Ne haïr" personne". En effet, la haine "du boche", de l'allemand, a été un des moteurs de cette guerre. dite « grande » par l'ampleur du désastre humain qu'elle a entrainé. Des générations ont été élevées dans cette haine réciproque entre nos deux pays, haine qui a perduré encore entre les deux guerres mondiales. Nous pouvons nous réjouir qu'elle n"ait pas continué trop longtemps après 1945, faisant place au contraire à de nombreuses initiatives de réconciliation. Les chrétiens de part et d'autre du Rhin en ont été d'ardents promoteurs. à l'instar de l'"Abbé Franz Stock. un allemand qui participait déjà dans les années 30. à des groupes de rencontre franco-allemands. Les hommes politiques ont eu la sagesse de s'ouvrir à une forme de coopération qui allait conduire à l'édification de l'Europe. Entretenir la haine. c'est garder en soi. personnellement et collectivement. un poison qui ne peut qu'apporter la mort. A l'heure d'aujourd'hui où nous souffrons du conflit entre l'Ukraine et la Russie, ce serait un danger de voir se développer une nouvelle haine, la haine du russe cette fois-ci. « Ne haïr personne", reste donc comme un mot d'ordre salutaire pour tous, pour nous moine en premier. Dans nos manières de parler de ceux gui agressent, des russes aujourd'hui, il nous faut savoir garder le juste regard, un discernement pour bien distinguer entre un milieu politique enclin à une certaine mégalomanie exacerbant la puissance militaire et le peuple qui comme tous les peuples a certainement envie de vivre en paix. La volonté de puissance aveugle se

nourrit de la peur de l'autre et vice versa. La peur de l'autre. en bonne part imaginaire nourrit des réflexes de défense ou d'attaque irrationnels. Ne haïr personne, cet impératif porte en lui un dynamisme pour faire de nous des artisans de paix, là où nous sommes. Par nos paroles. nous interdire et nous aider à ne jamais vouer des personnes au rejet ou au mépris, quelle qu'elles soient. Par un esprit d'ouverture. nous intéresser pour mieux découvrir l'autre, sa culture et son histoire. Mieux le connaitre jusque dans ses peurs et les bonnes ou moins bonnes raisons qui les motivent. Aucun humain n'est digne d'être appelé ennemi. S’il adopte une posture d'agression, l'art sera de s'ingénier à le désarmer sans violence. à moins qu’il ne s'agisse de la légitime défense. Nous moines avons une arme non violente. c'est la prière. En présentant à la

miséricorde de Dieu un frère ou un peuple aveuglé par la violence, nous appelons sur lui !'Esprit de sagesse et de paix. Par la prière. nous demandons à Dieu qui peut toucher les cœurs. de le désarmer, en nous laissant nous aussi désarmer de toutes nos violences.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 64 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 10 novembre 2022
Verset(s) :

64. aimer la chasteté,

Commentaire :

« Aimer la chasteté». Dans le contexte ecclésial français difficile qui nous secoue tous, cet instrument s'avère particulièrement cl"actualité. Plus qu'une recommandation, ou même qu'un bon conseil. il peut se révéler comme une bonne nouvelle. En effet, les affaires graves qui ont blessé durablement les victimes d'abus sexuel manifestent combien la chasteté est un bien précieux pour chacun et pour tous. Car elle concerne tout être humain appelé à être respecté et à respecter l'autre. à l'intérieur d'un couple comme dans le célibat. La chasteté apparait donc aimable, et même désirable. Lorsque St Benoit nous invite à« aimer la chasteté ». il ne fait que nous entrainer avec sûreté sur un vrai chemin de bonheur: celui des relations justes et bonnes avec autrui, mais aussi avec soi-même et avec Dieu. Que veut dire concrètement « aimer la chasteté" ? Aimer la chasteté. c'est rechercher des relations gui libèrent les différents partenaires. sans que l'un ait prise ou veuille tout savoir sur l"autre. Toutes les relations ne sont pas appelées à être amicales ou amoureuses. mais toutes sont appelées à être chastes, parce qu'il y va de leur viabilité. Même des relations très ordinaires sans implications affectives doivent être empreintes de respect et de justesse, que ce soit la relation avec le facteur ou le livreur qui passe tous les jours ou toutes les semaines, ou encore la relation avec la vendeuse qui appelle pour présenter des produits pour la cuisine ou pour l'entretien ... Tous, nous faisons l'expérience du bonheur éprouvé lorsque les relations, même très banales, sont ajustées. à fortiori lorsqu'il s'agit de relation fraternelle ou amicale... En même temps. nous tous qui sommes sur le chemin du bonheur, faisons l'expérience plus ou moins amère de relations qui ne sont pas ajustées. sans que l'on ne sache toujours bien ni pourquoi ni comment. Mais quelque chose passe mal et n'est pas en place de sorte que chacun n'est pas vraiment libre. Aimer la chasteté et la désirer oui, mais la vivre. est toujours une recherche et une vigilance qui vont s'affinant au fur et à mesure que l'on avance en âge. Avec le temps, on mesure combien chacun est riche de sensibilité. de qualités uniques, et donc digne de toujours plus de respect, d'égards et d'attentions. Notre perception de la chasteté s'affine. Pour cela, soyons à l'écoute de notre ressenti : lorsqu'un malaise est là, qu'un trouble apparait face à une relation mal engagée, soyons prudent. Cherchons la juste distance. Lorsque notre corps se réveille en sa sexualité ou en ses désirs plus ou moins ordonnés. sachons l'écouter pour y reconnaitre un signe qui nous appelle à la vigilance. Ne restons pas seul. Parlons avec un tiers, dans l'accompagnement spirituel ou en un autre lieu. En parlant, apprenons à mieux nous connaitre, à accepter aussi de ne pas être tout­ puissant en la matière. comme si seul nous pouvions tout maitriser. Au lieu même de la relation qui peine à être juste et chaste, appuyons-nous sur la relation de confiance en un tiers qui nous écoutera, conseillera et éclairera peut-être. Aimer et désirer la chasteté passe par ce travail.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 63 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 09 novembre 2022
Verset(s) :

63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,

Commentaire :

« Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu ». Cet instrument peut paraitre un peu surprenant. comme déjà nous l'avons remarqué pour d"autres. Il semble énoncer une évidence. Être chrétien. disciple de Jésus engagé à sa suite, nous presse de chercher à accomplir les commandements de Dieu. Si nous ne sommes plus des hommes de la Loi, au sens de vouloir trouver dans son observance notre justification, comme Paul le montre si fortement dans la lettre aux Romains. nous n'en demeurons pas moins appelés à vivre selon les commandements de Dieu. Cependant. entre les juifs et nous chrétiens. il y a une différence. Elle tient en ceci : que ces commandements ne se présentent plus à nous comme une obligation qui nous surplombe, mais comme la conséquence logique de la vie selon l'Esprit qui nous incline à accorder toute notre vie à la vie de Dieu. De l’intérieur, !'Esprit nous presse à vivre en conformité profonde avec la Loi et les commandements de Dieu. Cette nouveauté de la vie chrétienne nous entraine à aimer la Loi, non comme un but, mais comme un repère sûr pour guider nos pas et nous éviter l’illusion. Ainsi en va-t-il aussi de notre vie monastique. Avec

toutes ces exigences et ces pratiques. elle ne veut pas nous remettre sous le joug de la Loi, mais certainement nous entrainer à affiner notre don au Seigneur. Non pas « l'aimer en gros ", mais vraiment en détail.

Dans cette lumière. nous pouvons mieux comprendre l’instrument entendu. L'apparente incongruité s'efface devant le réalisme bienfaisant qu’il nous invite à garder. En effet, deux expressions ressortent : « chaque jour "et « par ses actes ". « Chaque jour », nous rappelle que notre fidélité est sans cesse à reprendre pour·l'observance des commandements. « Chaque jour ", indique le principal laps de temps sur lequel il nous faut porter notre attention. Hier est fini, demain n'est pas encore arrivé. C'est " l'aujourd'hui" de Dieu" que !"Esprit nous rend plus attentif que jamais à vivre . « Par nos actes». ajoute Benoit. Autre point d'attention: il ne faut pas confondre les bonnes intentions et les désirs qui soulèvent le cœur et la réalité. Les

actes signent la vérité et la profondeur de notre engagement. Nous donnons-nous du bout des lèvres ou bien tout entier ? Chaque jour. la question nous est implicitement posée, et chaque jour. il nous faut répondre. Selon les jours, et selon les circonstances, notre engagement est plus ou moins ajusté. Pour notre plus grand bonheur, si nous nous laissons conduire par l'Esprit, Celui-ci nous arrache à nous-même et à nos tendances centripètes, Avec-Lui, nous sommes

ramenés toujours à l'essentiel. « Ton souffle est bienfaisant, qu'il me guide en un pays de

plaine ».

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 62 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 08 novembre 2022
Verset(s) :

62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.

Commentaire :

« Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être"- Cet instrument me fait penser à la tentation de la vaine gloire décrite par Evagre au début cl son Traité Pratique. En effet cette pensée de vouloir être appelé saint, de rechercher une certaine gloire peut bien traverser un jour ou l'autre notre esprit de moine qui voue sa vie à tendre vers la sainteté par la conversion. Voilà en quels termes Evagre parle de la« vaine gloire» :

« La pensée de la vaine gloire est la plus subtile, et elle assaille facilement ceux dont la vie est droite, elle veut faire connaître au public leurs combats et assurer les opinions flatteuses des hommes, (elle) représente aux yeux les démons criants et des femmelettes guéries, et une foule touchant quelque vêtement. Ce démon prophétise aussi au moine la prêtrise, lui fait imaginer les gens qui le cherchent et qui. s'il ne leur cède pas. l'entraîneront prisonnier (pour l'ordonner prêtre de force). Et l'ayant ainsi abusé de vaines espérances. il se retire, le laissant à tenter, soit au démon de l'orgueil. soit à celui de la tristesse, qui suggère des pensées contraires aux espérances. Il advient, aussi parfois ,qu'il livre au démon de la fornication celui qui. il y a peu de temps encore, était un prêtre vénérable et sain!. » (T.P. l 3)

Comme le suggère Evagre. cette pensée est subtile car elle nous cherche au meilleur de ce que nous voulons vivre : une vie droite sous le regard de Dieu et à son service. dans le retrait, caché aux yeux des hommes. Subtile. cette pensée peut vite aussi s'insinuer au lieu même de notre progression. voire de nos victoires. Quand nous pouvons repérer en nous une plus grande aisance dans tel ou tel domaine. si nous la laissons s'installer en notre conscience. cette pensée risque de nous attribuer à nous-mêmes et nos seules forces. une victoire qui est toujours une grâce de Dieu. Au lieu de nous tourner vers lui pour lui rendre grâce et le louer. nous nous regardons et nous nous contemplons. Cette pensée est encore subtile car elle peut suggérer que faire mieux connaitre notre vertu pourra servir le Royaume de Dieu. être utile à l'annonce de la Bonne Nouvelle. Au versant personnel de ce combat correspond aussi le versant communautaire, l'attachement toujours possible à une certaine gloire communautaire ... Nous sommes les meilleurs. nous avons la bonne vision de la vie monastique. Nous sommes à la pointe de la recherche en écologie. etc... En conséquence, sans forcément et systématiquement nous fermer à toutes les demandes d"articles ou de reportages qui nous font passer dans les journaux ou à la TV. nous devons demeurer prudents vis-à-vis de nous-mêmes. Chacun et tous ensemble. il nous faut rester vigilants pour ne pas nous installer dans ce genre d'attitudes mondaines qui nous détourne du Seigneur et de la quête de l'humilité. notre vrai et bon lieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 60 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 28 octobre 2022
Verset(s) :

60. haïr sa volonté propre,

Commentaire :

« Haïr sa volonté propre». Ce genre d'instrument ne sonne pas bien à nos oreilles... Cela grince. Le mot « haïr" est fort. Peut-on « haïr" ou ne pas avoir de volonté propre. dès lors que nous avons une volonté et qu’il nous faut l'exercer. Combien de fois. n·a-t-on pas entendu : « allez fais preuve d'un peu plus de volonté !" Ou bien « tu n'y arrive pas parce que tu mangues de volonté !". Cet instrument est de la même sève évangélique que les paroles abruptes de Jésus : « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père». mot à mot "sans haïr son père », en Luc l4,25, sa mère, ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple». Mt 10, 37 qui reprend ces paroles semblables de Jésus a atténué en disant : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'ai pas digne de moi ... ". A côté de ce radicalisme évangélique, notre formule « haïr sa volonté propre» semble finalement plus acceptable... Surtout. elle a l'avantage de traduire cet élan évangélique de don total de soi pour suivre le Christ, en pointant le lieu où il s'agit de travailler. Le lieu à travailler pour nous donner vraiment est celui de notre volonté. Passer d'une volonté centrée sur la recherche de son bien, de sa sécurité, ou de ses plaisirs, pour entrer pleinement dans la volonté de Dieu, comme Jésus a appris à le faire lui-même, en prenant résolument ce chemin qui le conduirait à .Jérusalem. Comme Jésus faire que notre volonté soit totalement accordée à celle du Père. Il y a une porte

étroite à passer, une croix à accepter chacun là où nous sommes. En effet. notre volonté est liée à notre vision du monde et de la vie. Souvent notre vision spontanée de la vie a du mal à prendre en compte les difficultés, la souffrance et finalement la mort. Notre volonté propre va s'ingénier à contourner les obstacles en s'imaginant ainsi trouver par elle-même la vie, en réduisant la vie à la quête de mon petit bonheur. En nous appelant à le suivre, Jésus nous invite au contraire à accorder notre volonté, notre désir sur la volonté de Dieu. Et quelle est-elle ? La volonté de Dieu. c'est notre bonheur inséparablement de celui des autres. Dieu veut nous apprendre le chemin de la vie. non en gommant les difficultés. la souffrance ou la mort. Il nous montre comment les traverser avec Jésus, pour recevoir la vie autrement. Plutôt que de fuir les difficultés et la souffrance, les porter avec les autres. Aimer les autres dans leurs faiblesses leurs infirmités, nous donner au lieu de chercher à dominer, apprendre à tout recevoir au lieu de prendre... C'est L'Esprit gui nous apprend jour après jour à ajuster notre volonté à celle du Père. Apparait alors en conséquence combien est souvent petite et mesquine notre volonté propre.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 59 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 octobre 2022
Verset(s) :

59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,

Commentaire :

« Ne pas assouvir les désirs de la chair». Cet instrument s’inspire explicitement de Ga 5. 16 : « Je vous le dis. marchez sous la conduite de 1'Esprit. vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair » ... D'un côté. on a : « marcher sous la conduite de l'Esprit" et de

l'autre « satisfaire les convoitises de la chair". Spontanément on voit mieux ce que peut signifier satisfaire les convoitises de la chair. mais moins clairement ce que veut dire marcher sous la conduite de l'Esprit. .. Et pourtant c'est à cette marche qu'il nous faut tendre... Comme les deux dynamiques sont clairement contraposées. on peut déjà comprendre en négatif ce qui ne nous est pas profitable... La dynamique de la chair veut nous faire assouvir, combler, satisfaire des désirs qui, une fois rassasiés, nous endorment peut-être pour un moment, mais ensuite se réveillent très vite pour redemander instamment leur ration. Si nous sommes dépendants de ces désirs, si notre bonheur s'attache à eux, nous demeurerons de perpétuels insatisfaits ... jamais assez de nourriture, le menu ne sera jamais assez fin. les plaisirs ne nous suffiront pas, notre corps, notre cœur en demanderont toujours plus.« Ne pas assouvir !es désirs de la chair " est donc un bon conseil d'ami : si tu mets ta joie dans les seuls plaisirs de la chair, tu resteras un éternel malheureux .... Et la dynamique de l'Esprit ? Comment va-t-elle se manifester ? Que va-t-elle nous apporter ? A la différence des désirs de la chair, marcher sous la conduite de l'Esprit Saint ne nous endort pas, mais nous garde toujours en éveil. Sous la conduite de l'Esprit Saint, le chemin n'est pas tracé immédiatement, ni toujours de la même manière, même pour des moines. Comme Jésus l'a dit de celui qui est né de l'Esprit. comme le vent. on ne sait pas ni d'où il vient. ni où il va... Si les désirs de la chair nous orientent inexorablement vers la répétition en vue des mêmes objets. !'Esprit nous conduit vers là où on ne sait pas toujours. Dans notre vie quotidienne, comment apprendre cela ? Comment avancer sans chercher à tout savoir ni à tout maitriser ? Je vois deux points d'attention : une attention intérieure aux mouvements profonds qui nous traversent : telle suggestion ou idée inconnue, qui peut-être à priori un peu dérangeante ou peu agréable, mais qui persiste comme pour nous suggérer un appel. une action. une décision.... La seconde attention est celle portée aux évènements ou paroles qui viennent parfois se mettre au travers de nos projets immédiats. Au lieu de les contrer. voire de s'énerver parce que cela bouscule nos plans. nous laisser foire par eux... Cette souplesse peut se révéler très fructueuse. Elle décentre de soi, et apprend à remettre notre vie à un Autre. au Seigneur de nos vies qui sait mieux que nous, nos vrais besoins.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 57-58 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 25 octobre 2022
Verset(s) :

57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,

58. se corriger de ces fautes à l'avenir.

Commentaire :

« Confesser avec larmes ses fautes passées à Dieu dans la prière ... » Cet instrument est plein de la sève de l'enseignement des Pères du désert. Ceux-ci voyaient en effet dans la reconnaissance de leurs fautes, transformée en prière de contrition, un moyen spirituel sûr pour grandir dans l'humilité et la vie avec Dieu. Ainsi Paul le Grand disait : « Je suis dans un bourbier enfoncé jusqu'au cou. et je pleure devant Dieu en disant: 'Aie pitié de moi·» (Paul le Grand 3 ). Ou encore Abba Matoès a dit : « Plus l'homme approche de Dieu, plus il se voit pécheur. En effet, Isaïe le prophète, quand il voit Dieu, se déclare misérable et impur» (Matoes 2 ). Comment faire nôtre cet élan spirituel qui. dans le même mouvement où nous nous reconnaissons pécheur. nous fait grandir en vérité et confiance devant Dieu ? En effet. se reconnaitre pécheur, confesser avec regret nos péchés, c'est principalement nous tenir devant notre Père des Cieux en abandonnant toute prétention de nous justifier nous-même. Devant Lui, nous pouvons éprouver une profonde liberté. et une plus vive conscience d'être aimé gratuitement, dès lors que nous renonçons à nous présenter avec nos réussites, et nos pratiques dont on s'est bien acquitté. Confesser nos fautes. c·est prendre appui non sur nos forces mais sur nos faiblesses, sur notre péché. Attention, il peut y avoir ici des écueils : celui de ressasser un mal commis. ou celui de s'enfermer sur une mauvaise image de soi en se dépitant sur soi­ même. Cela peut entrainer à une certaine tendance à la culpabilisation qui est toujours mortifère, car enfermant sur soi. Au contraire. ta contrition dont il s'agit ici. nous tourne vers le Seigneur, comme vers un Père très miséricordieux qui nous fait goûter son pardon et son amour, en nous libérant du poids qui pèse sur notre conscience. Peu à peu. nous sommes allégés du poids de péché qui peut encombrer notre conscience. Le souvenir du péché demeure. Mais il est comme une cicatrice qui garde mémoire. et de notre faiblesse toujours capable de tomber. et de la miséricorde du Seigneur qui emplit notre vie de sa paix et de sa lumière. Notre labeur intérieur peut beaucoup gagner en vitalité et en lumière à travers cette prière qui nous présente toujours humble devant Dieu, Comme le publicain que Jésus nous offrait en exemple dimanche dernier, nous pouvons faire nôtre sa prière : « Seigneur, montre-toi favorable au pécheur que je suis ». Avec lui. prenons le chemin de la justice par laquelle notre Dieu nous rend juste de la manière

qu'ïl connait mieux que nous-même.