vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 05-09 De l'humilité écrit le 14 décembre 2022
Verset(s) :

5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,

6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.

7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

« Frères. si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité ... il nous faut dresser cette échelle qui apparût en songe à Jacob ... ». Et un peu plus loin st. Benoit poursuit:

« quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la

dresse jusqu'au ciel». Ainsi pour Benoit. l'humilité est-elle autant l'objet d'une décision,« il nous faut dresser celle échelle» que d'une grâce reçue: « quand le cœur a été humilié. le Seigneur la dresse jusqu'au ciel». Une décision et une grâce. Une décision en réponse à un appel : hier soir, nous entendions le prophète Sophonie nous dire : « cherchez le Seigneur, vous les humbles du pays qui accomplissez sa loi. Cherchez la justice, cherchez l'humilité » (So 2.3 ). J'aime ce rapprochement fait par le prophète entre justice et humilité qui laisse penser à

une équivalence entre les deux recherches, celle de la justice et celle de l'humilité. On peut entendre le mot justice tout d'abord dans le sens usuel, de quête de relations justes et équitables entre les hommes, quête qui ne voudrait laisser personne de côté, hors de la jouissance normale de la vie. Vivre cette quête de la justice. c'est vivre une quête de l'humilité dans le sens où. à travers elle. nous nous enracinons un peu plus dans notre humus commun à tous. La recherche du bien pour tous, me rend plus humble dans la conscience de ma propre petitesse et de ma dépendance à !"égard de tous pour être vraiment ce que je suis. Dans un second sens plus théologique. la recherche de la justice peut être entendue comme l'ouverture à la grâce du Seigneur qui seul rend juste. De lui seul, vient le salut qui me fait fils de Dieu. Cherchez cette justice-là. m'ouvrir à la grâce. c'est entrer dans une attitude humble qui sait ne rien pouvoir prétendre être ou avoir par soi-même. surtout pas le salut. Cette seconde acception rejoint l’intuition que vivre la recherche de l'humilité, est non seulement une décision, mais toujours u11e grâce. Une grâce qui nous vient du Christ, le vrai humble de la terre. Comme nous le chantons : « Agneau que Dieu nous promettait, réponse au cri de nos détresses. Jésus commence en notre chair, un long chemin d'abaissement». Par sa venue en notre chair. Jésus. Verbe de Dieu a dessiné l'échelle de l'humilité. Par amour pour nous. tombés par orgueil, il a consenti à sÏ1Urnilier. Et par son humiliation jusqu·à la mort de la croix. il a relevé notre humanité blessée pour la porter dans la force de sa résurrection à la gloire divine. En quelque sorte. il est lui-même. en sa vie abaissée et glorifiée, l'échelle de l'humilité par laquelle nous est parvenu le salut. Désormais, c·est vraiment en lui, avec lui et par lui, en sa grâce, que notre vie ici-bas peut devenir l'échelle de l'humilité dressée vers le ciel. Demandons à Jésus. le Christ d'avoir en nous les mêmes dispositions qui étaient les siennes (Ph 2. 5).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 01-04 De l'humilité écrit le 12 décembre 2022
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

Ces lignes sont comme une introduction à l'ensemble du chapitre. Elles offrent le fondement scripturaire en deux citations tirées de Luc et du Ps 130. sur lequel se fonde le propos de Benoit sur l'humilité. La première citation se présente comme une sorte de théorème de l'humilité: « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé,,. Cette sentence de Jésus est affectionnée particulièrement par l'évangéliste Luc qui la reprend deux fois explicitement, en conclusion des deux paraboles. celle du choix des places. et celles du pharisien et du publicain (14,1 l ; 18,4). et une fois implicitement dans le magnificat: « Il renverse les puissants de leur 1rône, il élève les humbles,, (]. 5:?.-53). Cette phrase de Jésus annonce le développement qui va suivre avec l'image de l'échelle de Jacob sur laquelle on monte par l'humilité et on descend par l'orgueil. La seconde citation est tirée du Ps 130, dans sa formulation basée sur la traduction latine de la Vulgate. « Mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés» nous introduit davantage dans le corps du chapitre. En effet les l l degrés qui suivent sont comme l’illustration de la première partie de la citation « mon cœur ne s·est pas élevé,, pour mettre en lumière le travail gui se vit dans le cœur du moine. Travail du cœur en ses désirs. en ses volontés, en ses pensées pour qu'il ne s'élève pas, comme soulignera fortement le 1°degré. Concrètement qu'est-ce qu'un cœur qui ne s'élève pas'' Les degrés suivants s'attachent à en repérer les signes. Cela se manifestera dans la capacité à obéir (2°-3°),

à supporter les injustices (4°), à vivre dans la conscience de ses limites et d'en être content (5-7°). à vivre selon la règle commune (8°), à être discret dans sa manière de parler et de rire (9- 11°). De la citation du Ps 130. nous avons laissé le second membre : "Mes yeux ne se sont pas levés". Elle annonce le dernier degré. le 12°, dans lequel je vois une illustration. lorsque le moine conscient de ses péchés garde les veux fixés au sol. à l'exemple du publicain, qui ne sent pas digne de lever les yeux au ciel. La dernière partie du Ps 130, en sa traduction latine ne trouve heureusement pas d'illustration dans ce chapitre. Je la cite : « qu 'arrivera-t-il si mes sentiments n'étaient pas humbles. si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère. ainsi tu traiteras mon âme». Mais on pourrait dire que la dernière partie du chapitre en est comme un contrexemple. En effet, lorsque le moine qui a gravi tous les degrés de l'humilité connait l'amour de Dieu parfait, alors il jouit comme l'enfant contre sa mère. d'une grande union avec Dieu. Loin d'être séparé de lui, par l'orgueil, il se trouve uni par l'humilité dans une étroite relation d'amour. qui lui donne une aisance et une assurance dans la pratique du bien et de toute chose dans la vie monastique.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 08, v 01-08 De la taciturnité écrit le 10 décembre 2022
Verset(s) :

1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »

2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.

3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,

4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;

5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »

6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.

7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.

8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.

Commentaire :

« Faisons ce que dit le prophète: j'ai dit : Je surveillerai mes voies. afin de ne pas pécher par ma langue'. La taciturnité ou l'apprentissage du silence est pour st Benoit une

discipline qu'il enracine dans les Ecritures comme un moyen pour éviter le péché. Il permet ainsi d'atteindre 1'idéal de sagesse que l'on trouve souvent exposé dans les psaumes et les livres sapientiaux : faire silence pour mieux écouter et devenir disciple. A cette façon de Benoit de voir le silence, nous sommes peut-être plus sensibles aujourd'hui avant tout à l'expérience du silence. Dans notre monde de plus en plus bruyant. apprendre à faire silence est moins le fait de l'obéissance à une règle qu'une expérience à vivre, et à vivre positivement. Car le silence a un enseignement à délivrer à chacun de nous. Il s'offre comme un espace apparemment inconfortable, vers lequel on a peur d'aller. On craint de quitter le flot des paroles ou des occupations, pour aller vers cet espace apparemment vide. Mais cet espace n'est pas vide. Si nous osons nous y aventurer et y demeurer, il nous apprend peu à peu quelque chose d'une plénitude, une plénitude d'être où nous pouvons habiter sans crainte, ni frayeur. Le silence est comme l'antichambre de la maison où nous habitons peu à peu avec nous-mêmes, un peu plus heureux d'être ce que nous sommes. Certes pour garder l'image de la maison, entre les bruits du dehors et le calme de l'intérieur, le sas, cet espace vide peut être encore remplis de bruits non désirables. Proportionnellement, certains bruits vont même résonner plus fortement dans le silence : des agacements, des paroles qui ont blessé, le cinéma intérieur qu·on imagine contre un frère, les tentations de toutes sortes. Le silence peut alors nous faire peur. Il nous faut courageusement apprendre à traverser et affronter ces zones de turbulences. Une manière très féconde de le faire sera de transformer nos peurs ou nos énervements en prière pour que le Seigneur nous aide à vivre autrement ces bruits parasites. pour en faire quelque chose. Car le Seigneur n'est pas dans le tumulte, mais clans« le bruit d'un fin silence». Ce silence qui apaise et fortifie. C'est au service de ce silence plein, car lieu de communion avec le Seigneur, que sont ordonnées nos différentes rè11les de silence au monastère. Par le silence vécu de manière habituelle clans la maison, nous voulons nous faire ce cadeau d'un espace où chacun peut

apprendre à entrer dans la paix intérieure, clans une prière plus familière. De même vivre le travail en silence de manière habituelle, sans se crisper non plus, sera une grâce que l'on se partage mutuellement. Cultivons ce goût du silence libre et fraternel. Il ouvrira en retour des espaces de rencontres fraternelles plus profonds.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 14-19 De l'obéissance écrit le 08 décembre 2022
Verset(s) :

14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,

15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »

16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »

17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,

18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.

19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.

Commentaire :

Comment faire pour que notre obéissance plaise à Dieu·, Telle semble être la préoccupation à laquelle Benoit veut nous rendre sensible. Il invite à cultiver ce double regard qui reconnait. derrière le supérieur ou le frère qui demande quelque chose. un appel de Dieu et une occasion de lui témoigner notre foi et notre abandon. Et ce regard de foi se transformera peu à peu en attitude consciente qui permet de faire« sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou m1mnure ni réponse négative » ce qui est demandé. On le mesure dans nos journées dans notre quotidien que nous ne sommes pas toujours là. Car même lorsqu'elle est vécue de manière saine. sans les dérives que nous pouvons voir s·étaler aujourd'hui sous nos yeux. l'obéissance demande toujours une sortie de soi qui coûte. L'obéissance-écoute qui fait place à une autre parole que la mienne. bouscule toujours. Aussi l'obéissance reste une grâce â demander. grâce qui vient à l'aide de ce qu'en nous la nature rechigne à accomplir. En écho aux mots de Benoit. "' sans frayeur. sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative »,j'entends la belle hymne que nous chantons pour cette fête de !'Immaculée Conception. « Aucune peur. aucun refus ne vient troubler l’œuvre de grâce. son cœur est rempli d'ineffable attente, elle offre à Dieu le silence où la Parole habile ». Marie, pleine de grâce ouverte à l'œuvre de grâce. est­ elle pour nous un modèle d'obéissance? Ne serait-il pas plus juste de dire qu·il nous est donné de contempler en elle, l'immaculée préservée de la blessure du péché. ce qu·est l'obéissance de la foi pleinement accomplie. Une obéissance docile dans le sens où Marie s'ouvre à la Parole qui la déplace, cl oh combien. Mais aussi une obéissance responsable qui n'hésite pas à poser la question qui lui brûle les lèvres: « Comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge ? ».

Ainsi pouvons-nous entrevoir en Marie. une obéissance vraiment libre. et qui reste pourtant aussi une obéissance gui coûte. En effet. son acquiescement à la parole de l'ange aussi improbable qu’inattendue, ne signifie pas que s·ouvre pour elle un chemin qui sera d'une totale clarté et encore moins d'une grande facilité. Marie va devoir décliner cette obéissance première en de nombreux autres actes d·obéissance à la volonté du Père gui s'exercera à travers 1·obéissance aux évènements hostiles. comme la fuite en Egypte, puis à travers l'obéissance à ce Fils gui déroute dans sa manière de vivre et de prêcher la venue du Royaume. Sa présence à la croix l'entrainera clans une ultime obéissance à Jésus. en acceptant de devenir la mère de Jean. Sainte Marie. Mère de Dieu. apprends-nous comme toi à« bâtir notre maison dans les vouloirs du Père.»

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 10-13 De l'obéissance écrit le 07 décembre 2022
Verset(s) :

10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,

11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;

12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.

13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »

Commentaire :

Obéir parce qu'on nous le demande, ou obéir parce qu'on le désire. L'obéissance telle que Benoit l'entrevoit ici repose sur le désir. un désir fort qui anime celui qui obéit. Le mot

désir revient trois fois. cieux fois dans une compréhension positive : « Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la rie éternelle» ... « ils désirent avoir un abbé pour supérieur" et une fois dans une acception négative « n'obéissant pas à leurs désirs et à leurs plaisirs». Sous­ entendu, le désir a deux expressions : l'une qui a la vue longue et qui est tendu vers la vie éternelle, et l'autre qui a la vue courte et qui se concentre sur la recherche des plaisirs immédiats. Celui qui désire obéir, met en œuvre son désir selon une vision large et profonde. Pour reprendre les mots de l'évangile," il n'est plus l'homme d'un instant,,. Il a les yeux fixés sur l'horizon étendu de la vie qui ne s'arrêtera pas à cette vie terrestre. Paradoxalement. en choisissant cet horizon large, il consent à adopter la voie étroite de l'obéissance. Il choisit de restreindre sa recherche du plaisir immédiat. et des désirs sensibles. pour donner toute sa place à son désir profond qui a les promesses de la grandeur, de l'aisance et de la joie. Il me semble que nous éprouvons souvent cette tension entre le désir immédiat et le désir qui nous propulse dans la vie éternelle. Ne vivons-nous pas cela à chaque fois que nous renonçons à un petit plaisir pour privilégier l'attention à !'autre. le partage ou le temps donné... A chaque fois que nous faisons 1insi, nous plaçons l'obéissance. !"écoute de l'appel à aimer et à servir avant l'appel à nous servir. Lorsqu'à la cloche. nous consentons à arrêter sans tarder une tâche, pour arriver à l'office sans courir. nous laissons vivre notre désir plus profond que celui d'abattre du travail. qui est de nous tenir prêt pour une rencontre. Notre cœur appelé à la vie monastique a déjà perçu la profondeur gui peut s'ouvrir et nous combler de paix, lorsque nous vivons cette obéissance gratuite, par amour de Dieu. li nous suffit de ne pas l'oublier ou la laisser s'enfouir sous les soucis.

Lorsque st Benoit parle de« ceux qui sont pressés du désir d'avancer, on pourrait se demander: par qui sont-ils « pressés, qui nous« presse,, de la sorte ? N'est-ce pas l'œuvre de l'Esprit Saint auquel nous avons accepté d'obéir en entrant dans la vie monastique. Esprit

qui ne cesse« d'exercer cette douce et persistante pression sur nous. C'est le mystère de sa grâce de pouvoir exercer sur nous une pression, sans jamais nous ôter notre liberté.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 04-09 De l'obéissance écrit le 01 décembre 2022
Verset(s) :

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »

6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »

7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,

8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.

9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.

Commentaire :

Beaucoup d'éléments clans ce passage nous ouvre sur une vision très apostolique de la vie monastique. Apostolique dans le sens où notre vie monastique se trouve d'emblée assimilée à la vie des apôtres qui ont suivi Jésus. L'obéissance monastique est fondamentalement apostolique. En effet, les nombreux adverbes de temps qui expriment la simultanéité entre la parole entendue et l'obéissance qui accomplit ne sont pas sans rappeler les scènes d'appel des premiers disciples par Jésus. Ainsi les adverbes ou expressions «aussitôt», « sur le champs»,

« immédiatement », « sans le moindre délai» s'enracinent dans ce climat de liberté qui se dégage de l'évangile. comme celui qu'on entendait hier:« aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent ... aussitôt la barque et leur père. ils le suivirent» (Mt 5, 20.22). Ceux qui ont vu la représentation de l'évangile de Marc, avec Isabelle Parmentier. se souviennent de la mise en scène suggérée pour faire ressortir le mot « aussitôt", très présent dans le début de l'évangile. Jésus est venu dans la vie des hommes. li a traversé !'histoire avec cet empressement mêlé de grâce, pour entrainer les hommes dans son sillage sans tarder. Dans notre aujourd'hui. obéir c'est entrer dans ce mouvement où il n'y a pas un moment à perdre pour suivre Jésus et lui emboiter le pas. La citation que Benoit fait de la parole de Jésus : « qui vous écoule m 'écoute » explicite sa compréhension de l'obéissance, comme une actualisation de la relation unique que les apôtres ont vécu avec Jésus. Les apôtres ont écouté Jésus. et à leur tour. ils sont envoyés pour parler en son nom. Ceux qui les écoutent. écoutent Jésus. De siècle en siècle, cette annonce s'est perpétrée, comprise comme l'unique parole que Jésus continue d'adresser aux hommes par ses serviteurs et ses envoyés. Dans la vie monastique, l'écoute du Christ s'inscrit dans les moments les plus quotidiens de la vie. Ensemble, le P. Abbé et les frères, lorsque nous vivons l'écoute entre nous, lorsque nous l'inscrivons dans une obéissance concrète en vue de faire la

volonté de Dieu. nous poursuivons l'aventure apostolique. C'est-à-dire que nous permettons à la Parole de Jésus de continuer son œuvre de vie et de libération. Le salut arrive en chacune de nos vies lorsque nous consentons à obéir et entrer dans une suite plus réelle de Jésus. Lorsque nous obéissons à l'appel de la prière. à l'appel du service demandé. à l'appel de l'attention portée à tel frère dans le besoin, nous entrons dans le projet de Jésus. Peut-être vivons-nous une forme de mort. Mais une autre vie se donne qui nous fait participer alors à la réconciliation de toute chose en Jésus le Christ.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 01-04 De l'obéissance écrit le 30 novembre 2022
Verset(s) :

1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.

2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.

3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

Commentaire :

Ce début de chapitre sur I"obéissance est éclairant. Il nous donne les diverses motivations qui peuvent nous habiter lorsqu'on obéit. Diverses motivations qui vont de la crainte de la géhenne au désir de la gloire de la vie éternelle. en passant par la fidélité au service qu'on a voué. Entre crainte, fidélité à ce qu'on a promis, et désir de la gloire, il y a place pour une obéissance en chemin. Volontiers. je rassemblerai ces trois motivations sous la motivation énoncée juste avant «n'avoir rien de plus cher que le Christ ». li y a eu un jour. un moment

plus ou moins précis. où il nous est apparu que c'est au Christ. à Lui seul. que nous désirions donner notre vie. Et c'est pour Lui que nous nous engageons dans la vie monastique. C"est g Lui que nous voulons obéir pour le suivre au 21°s sur un chemin de don de nous-mêmes. comme ses disciples l'ont suivi sur les chemins de Galilée.

Une fois pris ce chemin qui donne une direction. celle de marcher vers la Jérusalem céleste, il nous reste à vivre concrètement l'obéissance au jour le jour. A l'ïmage d'une randonnée en montagne. nous passons souvent par des chemins creux. où l'on n·aperçoit plus le sommet vers lequel on se dirige. Nous marchons en suivant les indications disposées çà et là sur les pierres ou sur les arbres. Nous n·avons pas trop le loisir de lever la tête. nous restons les

, eux fixés sur les signes ou sur le sol. Ainsi en ,·a-t-il peut-être pour une bonne part de notre chemin monastique. Nous avançons dans l'obéissance à la vie commune. à ce qui est proposé. simplement parce que nous nous y sommes engagés. parce que nous nous sommes voués à ce service de Dieu et des frères. Chemin assez simple avec son lot de joie et dé peine. li importe alors de rester fidèle à cc qui est demandé. aux balises offertes par la tradition et l'expérience des anciens... et on avance. Dieu merci. parfois il v a une éclaircie de joie intense et de grâce, vécue dans la prière ou dans une rencontre fraternelle. C'est alors une ouverture heureuse d"où I"on aperçoit le sommet. Cela donne courage pour poursuivre. Dans une randonnée, parfois c'est la crainte d'être surpris par !"orage ou d'arriver trop tard dans la nuit qui nous fait hâter le pas. Ainsi en va-t-il encore de notre obéissance qui sera parfois motivée par la peur. peut-être moins la peur de l'enfer. que la peur de ne pas être comme les autres. ou pas à la hauteur à leurs

, eux ou aux nôtres, la peur de déplaire au supérieur. Acceptons d'avoir obéi aussi pour ses raisons pas très glorieuses. Car nous avons obéi et avancé, plutôt que de nous arrêter. Parfois, nous éprouvons vraiment le désir de progresser et d'obéir parce que le désir du bien, le désir de Dieu nous réchauffe le cœur. Grâce insigne de consolation, sur laquelle nous pouvons nous appuyer sans chercher à la retenir. Car la Gloire et la félicité en Dieu est encore à venir.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 74 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 22 novembre 2022
Verset(s) :

74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

Commentaire :

Ce dernier instrument est parmi les pl us précieux que St Benoit nous laisse. Pour nous les moines qui vouons notre vie à nous ajuster toujours au plus près à la volonté de Dieu. le risque est réel de nous tromper d"objectif. Au lieu de grandir dans l'amour de Dieu. dans la connaissance intime de son nom. en recherchant sa volonté. nous pouvons nous regarder en mesurant nos faiblesses et nos impuissances. Nous nous lamentons sur nous-mêmes comme si notre perfection était le but. La tentation peut exister alors de nous durcir et finalement de nous fermer à la grâce de Dieu. Nous désespérons de nous. alors nous désespérons de Dieu. C'est la tentation du Malin qui en nous centrant sur nous-mêmes nous éloigne du Dieu Amour. Il nous lait penser que nous sommes indignes de Dieu et de son Amour. parce qu’il nous a rendu prisonnier de notre regard sévère sur nous-mèmes. Prisonniers de notre jugement critique cela conduit à la désespérance. Il n·y a plus place pour la miséricorde de Dieu.

La Bonne Nouvelle du Salut sonne alors haut et fort comme ·l'assurance que Dieu, Amour. est plus l!rand que notre cœur. Sa tendresse et sa miséricorde nous sont offertes sans aucun mérite de notre part. Elles sont notre justice. Elles seules nous rendent véritablement justes. si nous sommes tentés de penser pouvoir l'être par nos bonnes et belles actions. Quand Dieu appelle. quand il nous cherche. quand il nous invite à faire sa volonté. il nous propose un chemin de vie et de libération. Il vient nous offrir ce qui en nous ne demande qu'à germer et à s'épanouir. Si en faisant la volonté d'un Autre. de Dieu. nous avons parfois l’impression d'être arrachés à nous-mêmes. emmener sur des chemins vers lesquels on n’irait pas immédiatement. nous comprenons après coup combien ces chemins étaient ceux qui nous rendent heureux. Et si parfois. alors qu'on a commencé à marcher à la suite du Christ. l'on s'égare pour quitter son chemin. ne désespérons pas de sa miséricorde. Son amour nous attend encore. Lui ne désespère jamais de nous. Sa justice à notre endroit prend la figure de sa miséricorde. Si nous pouvons percevoir des difficultés dans l'abandon du chemin. elles ne sont pas une punition de Dieu. comme s'ïl nous faisait sentir notre faute. Non, ses difficultés ne sont que la conséquence de notre égarement qui nous coupe de la source. La source est toujours là. fontaine de miséricorde. mais nous avons préféré aller boire ailleurs. Revenons humblement avec confiance à la Source.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 73 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 18 novembre 2022
Verset(s) :

73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.

Commentaire :

« Faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil». Cette maxime

,·enracine dans la recommandation de Paul aux Éphésiens:« Si vous êtes en colère, ne tombez pas dans le péché : que le soleil ne se couche pas sur votre colère» (Ep 4. 26). Je suis intéressé par la mention. « avant le coucher du soleil». Peut-être pouvons-nous entendre clans cette précision. comme une limite forte à tenir. Chaque jour est comme un tout de notre vie. comme notre histoire en raccourci. Le conclure en paix avec les frères sera le conclure en paix avec Dieu. Le conclure en paix permettra d'aborder le suivant dans la paix, non alourdi par le poids c1·u11 conflit non digéré. Qui ne fait pas la paix le soir avant de se coucher ressemble à un terrain dont on a éteint l'incendie en surface. mais où sous la terre couve encore le feu. Comme nous l'avons-vu lors de l'incendie d’il y a quelques années. ce feu continue d'être vivant pour ne demander qu'à repartir un peu plus loin, se communiquant par les racines. Ne pas faire la paix avec un frère, c'est garder en soi ce feu qui à la moindre contradiction ne demandera qu'à se raviver pour envenimer les journées suivantes. Et. il risque d'empoisonner les relations fraternelles. parfois pendant longtemps. Le temps passant. on ne sait plus très bien d'où et comment est né le conflit. mais demeure une animosité. ou une agressivité. Plus profondément. garder ce feu en soi va aussi envenimer notre relation avec le Seigneur. Evagre le souligne volontiers : « Tout ce que tu feras· pour te venger d'un frère qui t'aura fait du tort, tout cela te

deviendra une pierre d'achoppement au moment de la prière » (Traité de la prière 13 ). Ou encore : « si tu veux prier « en esprit », n'aie d'aversion pour personne et tu n'auras pas de nuage pour t'obscurcir la vue durant la prière ,, (Traité de la prière 127). Nous savons combien dans la prière particulièrement. notre esprit peut être prompt à échafauder des plans contre un frère qui nous a fait du tort, ou que l'on estime tel. Se réconcilier avec lui avant le coucher du soleil. c'est couper court et éteindre le feu tout de suite sans le laisser s'enfoncer dans la terre et risquer de se transmettre en profondeur. C'est humilité de faire le premier pas. même si on peut légitimement ou non estimer que ce n·est pas à nous de le faire... Dans le doute. il vaut

mieux prendre les devants en mettant un billet en faisant un geste, en disant simplement qu'on regrette ce qui s'est passé. la parole dite de travers. Et si le frère ne veut pas entrer dans ce mouvement de réconciliation. on aura fait soi-même le pas qui nous laissera en paix.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 72 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 17 novembre 2022
Verset(s) :

72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,

Commentaire :

« Dans l'amour du Christ. priez pour ses ennemis». Avec la RM, Benoit avait déjà intégré dans sa liste d'instruments, « aimer ses ennemis", parmi un ensemble de recommandations sur la manière de se positionner face aux contradicteurs. lei. avec les 4 instruments ajoutés en final, il demande de prier pour ses ennemis. De manière consciente ou non. il offre ainsi deux instruments, aimer et prier pour ses ennemis. qui sont dans]'étroite ligne de Mt 5. 44 : « Eh bien moi. je vous dis. aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux: car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons... » Benoit développe en disant: « dans l'amour du Christ, priez pour vos ennemis». Comment comprendre cette incise? Il me semble qu'ïl y a deux façons : soit, dans l'amour que nous portons au Christ. prions pour nos ennemis, soit, dans l'amour que le Christ nous porte. prions pour nos ennemis... Dans le premier cas. nous sommes invités à être cohérents. Si nous aimons le Christ. il nous faut prier pour nos ennemis... Dans le second cas. nous sommes remis devant notre faiblesse. C'est dans la mesure où nous nous laissons touchés par l'amour du Christ que nous prierons pour nos ennemis. Ces deux accents ne s'opposent pas et peuvent même se compléter. Le premier mettant en avant notre engagement. le second notre profonde dépendance de la grâce. Dans les deux cas, en priant pour nos ennemis. pour ceux qui nous font souffrir d"une manière ou d"une autre. nous nous révélons être des fils de notre Père des Cieux qui aiment aussi bien les méchants (mais non leur méchanceté) que les justes. Plus précisément. nous les aimons comme le Christ les aime. Notre prière pour eux devient une expression de l'amour du Christ pour eux. Nous sommes ses modestes mais indispensables instruments. Avec le Christ. en épousant son regard sur ceux-là qui nous font du mal. nous œuvrons pour que leur cœur se laisse toucher par son amour. Je

pense à la prière que nous pouvons développer en ces jours pour que cesse l'agression de la Russie en Ukraine. Dans l'amour du Christ. nous sommes conviés à prier pour l'agresseur injuste sans cesser d'aimer, afin qu’il change son attitude. Face à certaines de ses menaces,

comme une attaque nucléaire, notre prière veut se faire plus insistante. plus aimante pour rejoindre l'amour que le Christ porte à tous les peuples, en particulier à ces deux peuples frères devenus aujourd'hui ennemis.