vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 17, v 01-06 Combien de psaumes faut-il chanter à ces mêmes heures ? écrit le 15 mars 2023
Verset(s) :

1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.

2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,

3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.

4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.

5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.

6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.

Commentaire :

Nous n'avons gardé aujourd'hui que 3 petites heures, sexte, none et complies. Chacune a une place importante dans la journée. Sexte culmine en fin de matinée comme un moment de pause devant le Seigneur, avant le repas. C'est une manière de lui confier le travail déjà accompli. Les hymnes du temps ordinaire à Sexte nous entrainent à vivre ce temps de plusieurs manières: comme une possibilité d'apaiser devant le Seigneur, « les.flammes du péché et les ardeurs de la colère ». Mais aussi dans la mémoire de l'heure où Jésus fut mis en croix, cette célébration élargit notre prière à toute l'humanité que le Christ attire dans l'élan de son amour. Il saisit dans son offrande « l'effort de l'homme et le poids perdu de la souffrance ». Avec la prière de None, laissée à notre seule responsabilité, nous avons une belle opportunité de nous approprier la prière de l'office. Elle n'est plus seulement quelque chose qu'on doit faire, mais un temps qui peut devenir vraiment un temps personnel. Qu'en faisons-nous chacun? la souplesse qu'elle offre permet aussi de la prier avec d'autres frères au début du travail ou d'une réunion, ou encore au terme d'un café ou d'une rencontre avec des hôtes. N'hésitons pas à la célébrer ainsi à plusieurs, sans la négliger, par respect humain ou par facilité. Nous est offerte la grâce de nous reconnaitre frères autrement dans la prière. L'hymne de None, « 0 toi qui es

sans changement », ou « Berger puissant » donne le ton : nous nous acheminons vers le soir du jour et de la vie. C'est l'occasion de prendre conscience de notre finitude qui passe devant Celui qui est sans changement. Mais nous confessons dans le même temps, l'assurance d'être conduit par le Berger de l'humanité, vers sa Lumière et vers sa Gloire, tendu vers le face à face.

Complies est la prière du seuil, entre le jour et la nuit, avec en filigrane, un autre seuil, celui entre la vie et la mort. Chaque soir en cette prière, nous déposons le poids du jour. Nous invoquons le Christ vainqueur du mal. Qu'il nous délivre de l'adversaire qui rôde dans la nuit. C'est la prière de confiance où l'on remet notre esprit, notre souffle à notre Créateur. La prière à Marie est une dernière expression de notre confiance. Comme des enfants, nous nous tournons vers la Mère de l'Eglise sûre que sa prière n'oublie personne et porte chacun vers son Fils, le Christ.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 16, v 01-05 Comment célébrer les offices divins dans la journée. écrit le 14 mars 2023
Verset(s) :

1. Comme dit le prophète : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

2. Ce nombre sacré de sept, nous le réaliserons en nous acquittant des devoirs de notre service au moment du matin, de prime, de tierce, de sexte, de none, de vêpres et de complies,

3. car c'est de ces heures du jour qu'il a dit : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

4. Quant aux vigiles nocturnes, le même prophète dit à leur sujet : « ;Au milieu de la nuit, je me levais pour te rendre grâce. »

5. C'est donc à ces moments que nous ferons monter nos louanges vers notre créateur « pour les jugements de sa justice » : à matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies ; et la nuit, « nous nous lèverons pour lui rendre grâce ».

Commentaire :

Ce n'est pas un hasard si les deux citations bibliques de ce chapitre sont tirées des psaumes, le livre des louanges, et plus spécialement du Ps 118, ce grand psaume des amants de la loi. En proposant aux moines de scander leurs journées par la prière del'office toutes les trois heures, st Benoit les met dans le sillage des grands priants de la bible qui murmurent ses louanges. jour et nuit. Dire la louange de Dieu, lui rendre grâce : telle est leur mission. Comme nous le chantons dans une préface, « Dieu, tu n'as pas besoin de notre louange, et pourtant c'est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n'ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi » (Préface commune 4). Quand Dieu nous inspire de lui rendre grâce, il nous fait le beau cadeau de nous rapprocher de lui. Mystérieux mouvement de grâce gui respecte notre liberté tout en nous engageant à nous donner. Notre prière qui se voudrait être « un prier sans cesse », est un mouvement qui nous échappe en partie en son origine. L· Esprit vient nous entrainer à la prière. Il vient prier en nous. Et en même temps, il ne peut le faire sans nous. sans notre consentement et notre adhésion. Mystère de la grâce et de la liberté. Une bonne partie de notre labeur monastique n'est-il pas précisément là : consentir à entrer dans un mouvement de prière gui nous précède ? A chaque office, nous avons rendez-vous avec la grâce et avec notre liberté. Avec la grâce pour accueillir un don qui sera unique et qui ne se répètera pas. Avec notre liberté qui est entrainée à consentir à lâcher nos affaires en cours et nos soucis. Chaque office nous fait entrer dans une relation plus vivante avec le Seigneur. Nous croyons qu'il s'intéresse à nous, à notre vie d'homme. Et nous découvrons qu'il nous intéresse à son projet de salut, à son désir de sauver tous les hommes, c'est-à-dire de les rendre heureux de vivre de sa vie.

Profitons des minutes du début de l'office, pour retirer nos sandales devant le Seigneur, c'est-à-dire pour nous présenter humblement devant Celui qui nous fait vivre, de qui nous venons et vers qui nous allons. Demandons-lui la grâce, « Viens à mon aide», d'une attention intérieure plus soutenue à la prière que nos lèvres diront. Confions-lui nos soucis, nos affaires encore en cours, et faisons attention à sa grande affaire en cours à Lui, le salut de tous les hommes.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 15, v 01-04 En quel temps, on dira alleluia écrit le 11 mars 2023
Verset(s) :

1. De la sainte Pâque jusqu'à la Pentecôte, on dira alleluia sans interruption, aussi bien dans les psaumes que dans les répons ;

2. de la Pentecôte au début du carême, toutes les nuits, on le dira seulement aux nocturnes avec les six derniers psaumes.

3. Mais tous les dimanches, sauf en carême, les cantiques, les matines, prime, tierce, sexte et none seront dits avec alleluia, mais vêpres avec antienne.

4. Mais les répons ne seront jamais dits avec alleluia, si ce n'est de Pâques à la Pentecôte.

Commentaire :

Ce petit chapitre est un peu anachronique en Carême où précisément il est recommandé de ne pas dire « alleluia ». Cette petite discipline est pleine sens pour faire signe d'une retenue dans la louange qui éclatera pleinement à Pâques et durant tout le temps pascal. Retenue dans la louange, mais non absence de joie. Comme nous l'avons entendu, le mercredi des cendres, st Benoit nous invite au contraire à cultiver la joie durant le carême : « en ces jours, ajoutons quelque chose aux prestations ordinaire de notre service ...en sorte que chacun offre à Dieu ...avec la joie de l'Esprit Saint quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée ... » et un peu plus loin, il ajoute : « qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel». Comment St Benoit arrive-t-il à combiner exigences du Carême et joie spirituelle, joie dans l'Esprit Saint? Il semble nous dire: n'ayez pas peur de renoncer, car il y a dans le même temps une joie gui est donnée ! Comment accéder chacun à cette expérience de joie alors que le climat plus austère du Carême pourrait nous rebuter? N'est-ce pas tout d'abord une grâce à demander à J"Esprit Saint : qu'il nous enseigne lui-même cette joie qui vient de lui, au cœur du manque plus sensible. Ensuite, peut-être sous sa conduite, nous faut-il oser descendre plus profondément en nous-même. dans le silence de la prière, dans une certaine abstinence d'images ou de distractions, dans une retenue dans les plaisirs de la nourriture etc... oser affronter cette part obscure de nous-mêmes que l'hymne de Sexte nous fait entrevoir. Affronter et reprendre contact avec cette part obscure, dans ses deux dimensions, comme le disait f. Guillaume dans une homélie : dans sa part plus ombreuse car pécheresse, mais aussi dans sa part plus cachée et peut­ être plus proche de notre vrai désir. Car derrière nos désirs immédiats de plaisirs, de sécurité, ou encore de maitrise, ne se cache-t-il pas plus profond le désir d'être vraiment nous-mêmes, tel que nous sommes et tel que nous pouvons exister sous le regard de notre Dieu ? Sans fard, sans peur, dans la confiance d'être aimé avec nos dons et nos faiblesses, avec nos élans généreux comme à travers nos errances. Nous tenir là avec la confiance que Dieu nous rejoint et que

!'Esprit peut nous visiter, n'est-ce pas source d'une grande joie? et une joie qui libère de nouvelles capacités de nous donner ?

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 14, v 01-02 Aux anniversaires des saints, comment célébrer les vigiles ? écrit le 08 mars 2023
Verset(s) :

1. Cependant aux fêtes des saints et à toutes les solennités, on célébrera comme nous avons dit de célébrer le dimanche,

2. excepté qu'on dira les psaumes ou antiennes et leçons qui se rapportent à ce jour. Mais on gardera la mesure indiquée plus haut.

Commentaire :

Depuis le concile et la réforme liturgique, nous sommes sensibles à la célébration du temps liturgique en cours, en valorisant la spécificité de chaque temps dans sa dynamique théologique et spirituelle propre... Durant le carême, le temps pascal, I'Avent, le temps de Noël, grâce aux lectures, aux oraisons, aux préfaces, aux hymnes et aux antiennes propres se dessine un chemin spirituel qui fait sens et qui nourrit notre engagement dans la durée. Ensemble, en Eglise, nous marchons à la rencontre du Christ, en célébrant son mystère qui nous incorpore un peu plus à Lui, année après année.

D'une certaine manière les fêtes de saints viennent interrompre la dynamique propre du cycle liturgique. Chaque fête, des mémoires facultatives de Ste Bernadette aux solennités des st Jean Baptiste ou sts Pierre et Paul, chaque fête apporte une note propre plus ou moins exprimée, depuis la seule oraison d'ouverture à la messe à l'office avec textes et antiennes propres. Nous connaitrons cela prochainement en la 4° semaine de Carême avec les fêtes de St Joseph et St Benoit, un jour après l'autre. Ces deux figures nous sortiront-elles du cheminement spirituel dans lequel nous évoluons? D'une certaine manière, elles nous réenracinent dans l'histoire concrète à travers la vie de personnes concrètes. L'histoire de l'Eglise leur est redevable d'un témoignage de foi et de vie unique, sans lequel nous ne serions certainement pas là... Faire mémoire de leur vie et de leur enseignement, c'est rendre grâce au Seigneur d'avoir suscité de telles personnalités qui ont façonné le visage de l'Eglise. C'est aussi nourrir notre propre chemin à la lumière du leur. Autrement dit, accueillir l'interruption de la célébration d'un temps liturgique par ces mémoires ou fêtes de saints peut-être une manière d'élargir notre regard et notre cœur, en retrouvant l'épaisseur du temps d'où nous venons. Je remarque que nous avons tendance globalement dans notre liturgie, à ne pas tellement faire mention des saints, même si nous chantons une hymne spéciale. Je crois qu'il nous faut veiller, célébrants à l'eucharistie et hebdomadiers à l'office, ne pas oublier de faire mention des saints, dans la prière litanique par exemple. Dans le déroulement de l'année liturgique, ils sont comme des voyants gui s'allument dans la nuit. Ils nous assurent: « voilà la bonne route». Leur témoignage et leur fidélité nous encouragent.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 13, v 12-14 Aux jours ordinaires, comment célébrer les matines? écrit le 07 mars 2023
Verset(s) :

12. Assurément, la célébration matinale et vespérale ne s'achèvera jamais sans que, en dernier lieu dans l'ordonnance de l'office, l'oraison dominicale soit dite d’un bout à l’autre par le supérieur, de façon à être entendue par tous, à cause des épines de disputes qui ont accoutumé de se produire.

13. Ainsi l'engagement pris par cette oraison qui leur fait dire : « ;Pardonne-nous comme nous pardonnons nous-mêmes », les mettra en demeure de se purifier de cette sorte de vice.

14. Quant aux autres célébrations, on y dira la dernière partie de cette oraison, en sorte que tous répondent : « Mais délivre-nous du mal. ;»

Commentaire :

Dite lors de chaque office, la prière du Notre Père tient une place non négligeable dans notre office. Elle a acquis encore un peu plus de solennité qu'au temps de St Benoit, puisque nous la disons ou chantons tous ensemble, là où elle n'était dite que par le supérieur à Laudes et à Vêpres, tandis qu'aux autres heures elle était dite à voix basse par chacun avant que la communauté ne reprenne que la dernière parole, ce que nous avons gardé à Complies, avant le coucher. Nous lui donnons encore un peu plus de solennité en levant les bras à Laudes et à Vêpres. Ces adaptations liturgiques expriment en elles-mêmes le relief que nous avons pris soin de donner à la prière du Seigneur, l'oraison dominicale. Elles veulent peut-être aussi tout simplement nous aider à ne pas nous habituer à cette prière, à faire en sorte qu'elle ne glisse pas sur nous, comme l'eau sur les plumes d'un canard. St Benoit était attentif à la cohérence entre les paroles dites sur l'engagement au pardon et la vie des frères. Cette exigence garde encore toute sa pertinence pour nous aujourd'hui.

Mais nous sommes aussi peut-être attentifs à la réalité de la relation dans laquelle cette prière nous introduit... En disant Notre Père, nous parlons comme des enfants avec le Dieu qu'Abraham, d'Isaac et de Jacob révéraient avec crainte. Nous entrons avec simplicité dans un dialogue filial avec le Dieu apparu dans le buisson ardent à Moïse qui a appris à qui il avait à faire en se déchaussant. Peut-être avons-nous oublié quel privilège cela représente de pouvoir parler ainsi en grande confiance avec notre Père des Cieux... Depuis Jésus qui, sur une croix, a tant souffert, nous osons le nommer Père, nous qui ne sommes que poussière, pour reprendre les mots de notre hymne de Carême. Car nous savons de manière sûre qu'il est l'Amour toujours offert. En disant le Notre Père, au sein de la communauté monastique où nous vivons coude à coude, nous apprenons à nous regarder les uns les autres comme des frères. Chacun vit une intimité unique avec notre Père commun. « Vous n'avez qu'un seul Père» ... et« vous êtes tous frères» entendrons-nous Jésus nous dire aujourd'hui. En nous entrainant à nous tourner avec confiance vers son Père et notre Père des cieux, Jésus nous entraine inséparablement à regarder avec amour et respect chaque frère, proche d'abord et lointain ensuite, fils comme moi du même Père.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 13, v 01-11 Aux jours ordinaires, comment célébrer les matines? écrit le 04 mars 2023
Verset(s) :

1. Les jours ordinaires, d'autre part, on célébrera la solennité des matines de cette façon,

2. c'est-à-dire qu'on dira le psaume soixante-sixième sans antienne, en traînant un peu, comme le dimanche, en sorte que tous soient présents pour le cinquantième qu'on dira avec antienne.

3. Après quoi on dira deux autres psaumes selon l'usage, c'est-à-dire

4. la deuxième férie, le cinquième et le trente-cinquième,

5. la troisième férie, le quarante-deuxième et le cinquante-sixième,

6. la quatrième férie, le soixante-troisième et le soixante-quatrième,

7. la cinquième férie, le quatre-vingt-septième et le quatre-vingt-neuvième,

8. la sixième férie, le soixante-quinzième et le quatre-vingt-onzième ;;

9. quant au samedi, le cent-quarante-deuxième et le cantique du Deutéronome, qu'on divisera en deux gloria.

10. Mais les autres jours, on lira un cantique des prophètes, chacun à son jour, comme les psalmodie l'Église romaine.

11. Après cela suivront les Laudes ; puis une leçon de l'Apôtre récitée de mémoire, le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Évangile, la litanie et c'est tout.

Commentaire :

Lorsque nous venons à l'office, nous exerçons tous comme baptisé, notre sacerdoce baptismal. Tous, nous sommes prêtres en ce sens où nous faisons monter vers Dieu le sacrifice de louange. J'aime bien la petite définition qu'offre la lettre aux Hébreux du sacrifice de louange, lorsqu'elle recommande : « En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c'est-à-dire les paroles de nos lèvres qui proclament ton nom " (He 13, 15). Durant l'office, nous ne cessons de proclamer le Nom béni de notre Dieu, son Nom de Seigneur et Sauveur, Père, Fils et Esprit Saint. Les doxologies concluant chaque Ps en sont comme un condensé sans cesse repris. Il est heureux de nous souvenir de cette dimension sacerdotale de notre présence au chœur. Ensemble, nous officions pour célébrer la louange de Dieu. avec toute l'Eglise. En son sein, nous avons cette vocation particulière de chanter le Nom de Dieu, de le bénir pour tous ses bienfaits, de le louer de nous appeler ses fils, de l'invoquer dans la confiance qu'II nous écoute et de le chercher toujours, Lui dont la sainteté est le chemin (Ps 76, 14). Telle est notre mission première reçue à la fois comme un appel et à la fois comme un don : un appel qui nous sort de nous-mêmes, surtout aux jours où nous trainons les pieds pour venir à l'église, et un don, un cadeau comme le suggère le psalmiste:« à l'ombre de tes ailes, tu abrites les hommes, ils savourent les festins de ta maison, aux torrents du paradis tu les abreuves » (Ps 35, 9). Si nous savons que ce sacrifice de nos lèvres plait à Dieu plus que le sacrifice de taureaux ou d'agneaux gras, nous savons aussi qu'il exige de nous pour être juste une attitude d'humilité et une cohérence de vie. Attitude d'humilité pour être avec le psalmiste devant le Seigneur avec un esprit brisé, c'est-à-dire non suffisant, toujours en recherche: « le sacrifice qui plait à Dieu, c'est un esprit brisé. tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé» (Ps 50, 19) ... Mais il exige aussi une cohérence de vie. L'auteur de l'épitre aux Hébreux ajoute après avoir recommandé d'offrir un sacrifice de louange: « N'oubliez pas d'être généreux et de partager. C'est par de tels sacrifice qu'on plait à Dieu » (He 13, 16). Humilité, partage : en ce temps de carême, nous sommes particulièrement conviés à nous ajuster individuellement et communautairement pour que notre sacrifice de louange rende vraiment gloire à Dieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 12, v 01-04 De quelle manière célébrer la solennité des matines ? écrit le 02 mars 2023
Verset(s) :

1. Aux matines du dimanche, on dira d'abord le psaume soixante-sixième sans antienne sur le mode direct.

2. Après quoi on dira le cinquantième avec alleluia.

3. Après quoi on dira le cent dix-septième et le soixante-deuxième,

4. puis les Bénédictions et les Laudes, une leçon de l'Apocalypse par cœur et le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Évangile, la litanie, et c'est tout.

Commentaire :

Le titre de ce chapitre a tout d'abord retenue mon attention. A propos de ce chapitre sur l'office des Matines ou Laudes du dimanche, c'est la seule fois que St Benoit utilise le mot

« solennité» dans un des titres de ce directoire liturgique. Même si, comme le suggère le P. Adalbert, ce titre pouvait originellement dans la règle du Maitre regrouper les deux chapitres 12 et 13, consacrés aux Laudes, on peut entendre une certaine importance donnée à l'office des Laudes en général, et aux Laudes du dimanche en particulier pour Benoit. Cette importance peut se comprendre car cet office veut faire mémoire de l'évènement de la résurrection du Christ, une mémoire que le dimanche on se doit de solenniser. La victoire du Christ sur la mort et le péché, est la Bonne Nouvelle Chrétienne à célébrer avant tout. A côtés des psaumes 117 et 62, les bénédictions mais aussi les laudes (c'est-à-dire les Ps 148-150) veulent manifester cette louange débordante qui peut sortir du cœur des croyants.

Je voudrais m'arrêter sur les «Bénédictions». St Benoit désigne sous ce terme les cantiques de Daniel, dits des trois enfants que nous chantons aussi en deux parties, les dimanches du temps ordinaires. Ses Bénédictions appellent toute la création du Seigneur à chanter ses louanges« vous les cieux, bénissez le Seigneur ...et vous la terre, vous les enfants des hommes, bénissez les Seigneur ... ». En reprenant ses bénédictions au matin de chaque dimanche, nous voulons associer toute la création à reconnaitre la Seigneurie du Christ Ressuscité sur tout l'univers. Toute la création doit chanter sa louange et l'acclamer. A l'heure où nous retrouvons notre lien profond avec toute la création, au sein de l'univers créé, ce cantique peut nous apprendre à jouer notre rôle de gardien du jardin, conscient à la fois d'être un au milieu des autres êtres. Dans la lumière de la résurrection du Christ qui transfigure toute chose, comme gardiens de la maison commune, nous sommes les témoins et les serviteurs du dessein de Dieu de tout récapituler dans le Christ. Chaque être en lui doit trouver sa juste place, une place ordonnée au bien de tous, pour la louange de sa gloire. Qu'avec le chant du cantique de Daniel repris aux laudes des dimanches et fêtes, nous remplissions notre rôle d'entraineur de toute la création à louer son Créateur, et qu'en notre vie quotidienne, nous en soyons d'heureux artisans de cette harmonie sans cesse recherchée.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 10 v 01-03 Comment célébrer la louange nocturne en saison d'été? écrit le 28 février 2023
Verset(s) :

1. De Pâques aux Calendes de novembre, d'autre part, on maintiendra intégralement toute la quantité de psalmodie indiquée plus haut,

2. excepté qu'on ne lira pas de leçons dans un livre en raison de la brièveté des nuits, mais à la place de ces trois leçons, on en dira de mémoire une de l'Ancien Testament, suivie d'un répons bref.

3. Tout le reste, on l'accomplira comme il a été dit, c'est-à-dire qu'on ne dira jamais aux vigiles nocturnes une quantité moindre que douze psaumes, non compris les psaumes trois et quatre-vingt-quatorze.

Commentaire :

En recevant ce chapitre sur les vigiles en saison d'été, je voudrais m'arrêter sur cette dimension essentielle de la veille dans notre vie monastique. La veille nocturne, qu'elle soit au milieu de la nuit, tard le soir ou tôt le matin, est l'exercice concret qui nous rappelle à tous que la vie monastique est pour une part essentielle, une vie de veille au service du Seigneur. Il est intéressant de constater que les autres religieux ont rarement cet office des vigiles, inscrit dans leur horaire. Certains célèbrent l'office des lectures tel qu'il est proposé aussi aux prêtres, mais en une heure qui peut être aussi bien diurne que nocturne. Leur mission n'est pas là d'abord. A 1ïnverse, notre vocation monastique est fondamentalement une vocation de veille pour le Seigneur. Nous veillons la nuit pour nous tenir prêts lorsque le Seigneur viendra, à 1'instar des jeunes filles de la parabole qui savent toujours alimenter leur lampe. Par notre désir gardé en éveil, par notre amour toujours en travail, nous lui ménageons un espace d'accueil dans nos vies déjà, mais aussi au cœur du monde. Nous veillons aussi pour intercéder pour l'humanité. Avec le chant des psaumes, montent à travers nos voix, les cris des hommes et des femmes qui ne savent plus vers gui exprimer leurs souffrances ou tourner leur regard. Bien sûr, notre veille n'est pas limitée à la nuit. Mais cette veille nocturne marque et donne à l'ensemble de notre journée cette dynamique. « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur », dit Paul (Rm 14, ). Tout au long du jour, nous cherchons à unifier notre vie, nos pensées. nos actions, notre désir dans l'amour du Seigneur et des frères. Comme l'a souligné la visite canonique, tous ne sont pas présents à cet office, et il nous faudra peut-être reprendre cette question. Mais je crois que tous, nous sommes conviés à être des veilleurs, c'est-à-dire des personnes qui ne veulent surtout pas se griser en quoi que ce soit pour oublier ou pour se divertir. Rien de ce qui fait notre quotidien n'est banal. Tout peut nous aider à nous centrer et recentrer sur le lien vital et aimant avec le Seigneur et avec nos frères. Aux frères, qui ne peuvent venir la nuit, je redis qu'ils peuvent avant de se coucher ou bien tôt le matin prendre par exemple un ou deux psaumes, ou bien une des lectures, afin de ne pas être coupés de la communauté. Ce petit exercice les tiendra en éveil à leur mesure, une mesure bien réelle car très personnelle.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 67-70 De l'humilité écrit le 11 février 2023
Verset(s) :

67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.

68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,

69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.

70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !

Commentaire :

Sommet de l'échelle de l'humilité, cette conclusion peut être considérée comme le sommet de notre vie monastique: l'expérience de l'amour de Dieu gui se libère en nous. Il est heureux, qu'à la différence du Maitre, St Benoit place ce sommet dans la vie présente. non dans l'au-delà de la vie éternelle. Cet horizon n'est donc pas hors de notre portée, il est plutôt là comme une promesse, la promesse de l'efficacité du travail de l'humilité. Celle-ci, loin de nous rabougrir, ouvre, en un retournement saisissant, à la dilatation de l'amour. Pour Benoit, celle­ ci est synonyme d'aisance (sans aucun effort), d'assurance (sans crainte) et de plaisir dans la recherche des vertus pour accomplir le bien.

On peut se demander : comment !'humilité produit-elle ce résultat désirable ? Je reprends l'un après l'autre les trois aspects d'aisance, d'assurance et de plaisir. Si alors qu'auparavant, on vivait les observances monastiques comme quelque chose de laborieux, l'humilité produit l'aisance, n'est-ce pas parce que l'humilité est venue désarmer nos résistances à nous donner ? Nous peinons à faire ceci ou cela, parce que nous ne nous donnons pas entièrement. Soit, nous nous réservons, soit, nous faisons d'autres choix que ce qui est demandé. Une tension surgit du fait que nous voulons rester maitre encore de notre vie L'humilité nous rend serviteur du dessein de Dieu. L'humilité nous donne plus d'assurance car elle nous apprend à ne plus mettre notre confiance en nous-mêmes. Nous entrainant toujours plus loin dans la connaissance de notre pauvreté, elle nous jette en quelque sorte dans les bras du Seigneur. En Lui seul, nous pouvons trouver notre force et notre salut. Qu'avons-nous à craindre, qu'avons-nous à perdre si c'est sur lui que nous nous appuyons? L'humilité enfin est source de plaisir, le plaisir de vivre selon les vertus, comme par habitude... Les vertus : on peut entendre aussi bien les vertus théologales (foi espérance, charité) que les vertus cardinales (prudence, force, tempérance,justice). Est-ce surprenant? Non car l'humilité nous ramenant à notre humus, aux racines de notre humanité, nous redonnent accès à ces potentialités que nous portons en nous, comme créature à l'image de Dieu, potentialités qui ne demandent qu'à s'épanouir sous la conduite de ]'Esprit. Car c'est lui le grand artisan de notre humilité en devenir. Oui confions-nous à Lui. Qu'il daigne nous entrainer sur ce chemin avec confiance et joie.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 62-66 De l'humilité écrit le 08 février 2023
Verset(s) :

62. Le douzième degré d'humilité est que, non content de l'avoir dans son cœur, le moine manifeste sans cesse son humilité jusque dans son corps à ceux qui le voient,

63. autrement dit, qu'à l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, partout, qu'il soit assis, en marche ou debout, il ait sans cesse la tête inclinée, le regard fixé au sol,

64. et se croyant à tout instant coupable de ses péchés, il croie déjà comparaître au terrible jugement,

65. en se disant sans cesse dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les yeux fixés au sol : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel. »

66. Et aussi avec le prophète : « Je suis courbé et humilié au dernier point. »

Commentaire :

12° degré d'humilité. Ce qui ressort fortement de ce 12° c'est l'adéquation profonde qu'il y a entre l'intérieur et l'extérieur du moine. Benoit présente comme un gage d'authenticité !'attitude extérieure du moine, attitude faite de modestie, de recueillement, d'effacement, car elle reflète l'attitude intérieure d'un homme qui se sait profondément pécheur et qui n'ose pas lever les yeux vers le ciel, comme le publicain. Sa démarche, son corps, toute sa personne dit sa remise totale à Dieu dont il attend de lui seul, la justification. Sur le chemin de l'humilité, nous ne sommes souvent pas là encore. Entre masque, façade, apparence et notre intérieur, nos émotions, nos pensées persistantes, se trouvent souvent une forte distance. Comment demeurer vigilant pour ne pas nous tromper nous-mêmes ? St François de Sales que nous entendions il y a quelques jours parlait ainsi à Philothée : « C'est un des grands artifices de l'ennemi de faire que plusieurs s'amusent aux paroles et contenances extérieures des deux vertus de l'humilité et de la douceur, qui, n'examinant pas bien leurs affections intérieures, ne le sont néanmoins nullement en effet ; ce que l'on reconnait, parce que nonobstant leur cérémonieuse douceur et humilité, à la moindre parole qu'on leur dit de travers, à la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'élèvent avec une arrogance non pareille» (Intro à la Vie dévote, Pléiade p 153). Ainsi St François de Sales met bien en évidence la distance entre une attitude extérieure plus ou moins consciemment feinte, et les affections intérieures qui se révèlent à la moindre injure ou parole de travers. Sur la voie d'unification de notre être et de notre vie, quel point d'attention pouvons-nous retirer pour notre quotidien? A l'instar du publicain, nous pouvons cultiver la juste compréhension de notre être pécheur devant Dieu. Non pas autodépréciation, mais regard lucide sur notre faiblesse à aimer vraiment et entièrement, lorsque nous sommes laissés à nos seules forces. Nous pouvons aussi cultiver la vigilance vis-à-vis des pensées pharisiennes qui rôdent toujours pour nous enfermer dans une vision idéale et fausse de nous-mêmes. Ne les laissons pas nous embrumer l'esprit et lorsqu'elles se présentent, invoquons le Seigneur:

« Préserve ton serviteur de l'orgueil, qu'il n'ait sur moi aucune emprise» (Ps 18, 14).