Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
Avec ce chapitre, st Benoit nous offre plusieurs critères de compréhension de ce qu'est la lecture pour les moines au réfectoire. /« Elle ne doit jamais manquer». Comme le pain ou l'eau qu'on trouverait indécent de voir manquer sur nos tables en Occident, la lecture ne peut manquer dans un réfectoire de moines. A la nourriture corporelle est associée indissociablement une nourriture pour l'esprit, et aussi une nourriture pour le cœur. /« Elle n'est pas faite au hasard».
Son choix revient aujourd'hui à f. Guillaume qui est à l'écoute des propositions d'autres frères. Il est attentif à garder un équilibre entre le repas du midi ou les lectures peuvent embrasser des champs d'intérêts ou de connaissances larges, et le repas du soir exclusivement consacré à une lecture spirituelle ou théologique. Les repas des dimanches et lundi, voire mardi, veulent honorer notre besoin d'information sur la vie du monde, sur les courants de pensée et les mouvements qui le traversent.
/St Benoit recommande une prière spéciale dite par tous en faveur du lecteur« afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil», à une époque où savoir lire n'était pas forcément le fait du plus grand nombre. Ceci peut être entendu aujourd'hui pour le lecteur, comme une invitation à demeurer attentif à rester un serviteur de ses frères. C'est pour eux qu'on lit, dans le souci de les aider à comprendre au mieux le texte. Que chaque lecteur ait donc à cœur de ne pas oublier qu'il lit pour les autres. Entre le lecteur qui peut être tenté de faire des effets, et celui qui semble lire pour lui-même, il y a une vigilance à garder. Si l'on a des doutes sur sa manière de lire, qu'on n'hésite pas à demander si notre façon convient. Et si des frères souffrent d'une manière de lire, qu'ils en parlent à un tiers pour évaluer s'il faut faire ou non w1e remarque. /Dernière recommandation : la reprise du même verset d'ouverture qui introduit l'office des Vigiles. « Seigneur ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange ». Si nous réservons aujourd'hui cette invocation à la liturgie, on peut entendre à travers cette prière, que toute parole qui sort de la bouche du lecteur est appelée à servir la louange du Seigneur. C'est à un profond regard de foi que St Benoit nous convie ici : celui d'accueillir tout ce qu'on entend, comme bien plus que des paroles qui nous instruisent, mais comme des paroles qui voudraient nous aider à approfondir le mystère de notre foi. Par les lectures entendues, il nous revient moins d'aiguiser notre curiosité plus ou moins insatiable, que notre intelligence appelée au discernement de l'action de Dieu à l'œuvre dans notre monde et dans nos vies. Si parfois, nous pouvons rester bien perplexes ou désemparés face à des évènements ou faits relatés, nous pouvons toujours transformer notre perplexité en prière... pour mieux comprendre, pour mieux aimer aussi ce monde aux prises avec les douleurs de l'enfantement.
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
« Bien que la nature humaine incline à l'indulgence pour les âges .. » Rien d'étonnant que la règle de Saint Benoît consacre un chapitre aux vieillards et aux enfants. Car déjà la nature humaine assez spontanément est attentive à ces deux périodes riches de l'existence humaine. Deux périodes éloignés dans le temps et pourtant si proches par bien des aspects. C'est le paradoxe de notre existence humaine de rapprocher ainsi ces deux âges de l'éclosion de la vie et son affaiblissement progressif. Dans l'un et l'autre cas, se vit une commune fragilité et une forte dépendance à l'égard d'autrui pour les besoins les plus élémentaires ... Mystère de la vie qui commence et finit sous le signe d'une extrême vulnérabilité... « Qu'est-ce que!'homme ? » A-t-on envie de dire. Et quelle pédagogie porte en elle-même l'existence humaine! Mais quel est le sens de cette trajectoire qui nous fait vivre de la totale dépendance inconsciente à la progressive autonomie, pour entrer dans la maturité responsable de soi-même, des autres et du monde, puis peu à peu vivre la perte de ses facultés jusqu'à une nouvelle dépendance d'autrui?
De la dépendance inconsciente à la dépendance consentie, en passant par l'ïndépendance responsable de tous: chacun de nous vit cet étonnant processus d'humanisation qui, pour les plus anciens d'entre nous, consiste en cette mystérieuse entrée dans la perte progressive de ses facultés... Cette perte est une épreuve. Comment la vivre? Est-ce une perte gui m'avilit à mes propres yeux ? Est-ce une perte que je vis dégradante ? Ou bien est-ce une pe1ie qui m'entraîne à un plus grand consentement dans la confiance ? Questions fortes et auxquelles il n'est pas possible de répondre à la place des autres. Questions qui invitent à un travail intérieur profond et vital. Notre vie monastique ne nous exempte pas de ce travail intérieur lié à l'âge. Mais la pédagogie monastique n'est-elle pas en synergie profonde avec cette pédagogie de l'existence, quand elle nous apprend la désappropriation en toute chose? Jour après jour, dans l'obéissance à la cloche, à la vie commune, aux frères, à l'abbé, nous entrons dans w1 consentement gui voudrait nous éduquer à la confiance, en notre Père des Cieux. Sous la vigilance attentive de nos frères, il s'agit de grandir dans la confiance filiale, comme des fils dans les mains de Notre Père des Cieux. Heureux sommes-nous de vivre dans une communauté, de plusieurs générations. Ensemble nous apprenons cette pédagogie de la vie vers une plus grande confiance. Ensemble nous nous entraidons.
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
« Ils auront un logement à part affecté à leur usage... » Lorsqu'une communauté démarre, elle ne pense pas nécessairement à construire un espace spécial pour l'infirmerie. Puis vient le temps, où l'âge se fait plus sensible et les anciens plus nombreux. Je pense aux monastères du Barroux et de Flavigny qui sont en train de finir pour le premier et de commencer pour le second un projet de construction d'une infirmerie. Avec les normes actuelles, ces projets demandent une attention particulière. Mais qu'on soit au 6°s ou au 21°s, les besoins des personnes restent fondamentalement les mêmes : un lieu réservé à leur usage dit Benoit, un lieu avec un confort suffisamment déployé pour la commodité de leur vie ; des soins appropriés et exceptionnels pour faciliter la toilette et les soins ; et enfin une nourriture adaptée qui ne prend pas en compte l'austérité habituelle du monastère. C'est à travers la qualité de ce suivi très concret que va s'exprimer l'honneur et la charité dues aux malades. Quand on est très mal, chaque détail compte, et mérite attention pour soulager d'une douleur ou pour apporter un peu de réconfort. Un bon geste, la parole aimable, le ton apaisé, la disponibilité, la capacité à perdre du temps pour patienter. .. Ce climat est important pour permettre à la personne, marginalisée par son mal, de se sentir reconnue. Le poids de son fardeau s'en trouve d'autant allégé.
Je dis merci au f. Pacôme d'être l'âme et la cheville ouvrière de l'infirmerie, Il ne compte pas son temps et son énergie. Il est important qu'il ne se sente pas seul. D'autres frères selon leurs possibilités ou leurs charismes peuvent apporter leur pierre à l'attention portée à nos frères anciens ou malades. F. Jeai1 Marie, Roger et Ignace sont présents auprès de f. Sébastien pour les libre-service. Cet investissement à plusieurs nous rappelle à tous que la charité vis-à-vis de nos frères en souffrance da11s leur santé, n'est pas réservée à une élite spécialiste du monastère. Elle est notre affaire à tous. Pour soulager f. Pacôme, et lui permettre d'avoir des nuits tranquilles et réparatrices après des journées souvent bien exposées aux demandes diverses, je lui ai proposé de dormir dans une cellule hors de l'infirmerie. Trois frères (f. Guillaume, Barnabé et moi-même) ont accepté de venir passer la nuit à l'infirmerie, à tour de rôle, par période de 15 jours chacun environ. Ils seront là pour assurer une présence auprès de nos frères de l'infirmerie, et pern1ettre de parer au plus pressé en cas de besoin. Cela va se mettre en place vers la fin de semaine.
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Peut-être vous souvenez-vous des paroles du P. Notker lors de la retraite, à propos de cette citation biblique : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait». Il avait insisté sur la force du regard de foi qui reconnait en toute personne le Christ. Et il illustrait cela en rappelant qu'au cours d'une négociation difficile avec des autorités nord-coréennes pour pouvoir faire là-bas une oeuvre sociale, il avait abordé la rencontre en se disant que ces personnes, apparemment hostiles, étaient aussi le Christ. Il s'est mis à les regarder autrement et, nous disait-il, quelque chose avait changé dans ces négociations qui avaient débouché finalement sur une issue heureuse. Cet exemple m'avait frappé car il mettait en lumière combien dans nos relations bien des choses se passent lorsque notre regard sur les personnes s'ajuste. Et quoi de plus ajusté pour aborder une rencontre que de considérer l'autre comme le Christ, lui qui se plait à s'identifier aux plus petits, aux plus pauvres, aux plus autres, finalement à chacun.
De ce point de vue, chaque rencontre est une initiation, une initiation pour nous faire entrer plus avant dans le mystère du Christ présent en chacun. Aujourd'hui st Benoit nous invite à nous laisser initier par la rencontre avec nos frères malades ou diminués dans leur santé. Et la preuve que nous avons bien besoin d'initiation, ce sont toutes les impatiences, les agacements ou les jugements dont nous pouvons être capables à leur égard. Si souvent, nous passons à côté du juste regard qui nous ferait entrer dans une attitude plus douce, plus humble pour nous mettre à leur écoute ou à leur service. En quelque sorte, nos frères malades sont ici nos maitres. Ils nous fo1111ent à une autre approche de la vie. Ils nous rappellent combien la vie est fondamentalement fragile. Là où nous nous surprenons à être impatients, nos frères souffrants nous rappellent que ce n'est pas notre force ou notre rapidité qui va leur faire du bien, mais notre douceur. Là où nous sommes agacés ou gênés par le:; misères qui les humilient, ils nous redisent que ce gui est normal n'est pas que« tout roule comme sur des roulettes», mais que tout soit porté avec attention et présence à l'autre... Là où nous les jugeons, voire méprisons, en raison de leur faiblesse peu flatteuse, ils nous redisent que la vraie dignité n'est pas d'être jeune et beau, mais d'être aimable, parce qu'aimé de notre Père des Cieux et, si nous y consentons, aimé par nous, gui acceptons de nous tenir simplement à leur côté comme un frère.
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
Je suis frappé par le climat liturgique qui se dégage de cette fin de chapitre sur les semainiers de la cuisine... un climat qui oblige à prendre de la hauteur vis-à-vis de son propre travail, ici du travail exigent de la cuisine et du travail des autres. Le lavement des pieds dans le rite d'entrée et de sortie rappelle l'invitation du Christ demandant aux disciples de faire entre eux comme il a fait lui-même pour eux. Et l'appel à la prière de tous avant de prendre le service rappelle le début de chaque office.
Peut-on retenir quelque chose pour nous aujourd'hui qui ne donnons pas autant de force liturgique, à l'entrée dans les services ? Notre rituel du samedi en garde la mémoire fondamentale, celle de nous confier à la grâce du Seigneur pour bien vivre ce qu'on a à vivre, sans murmurer, avec générosité. Je disais que ce rituel de St Benoit oblige à prendre de la hauteur, cette hauteur de vue qui permet de tout considérer dans la lumière du Christ. L'exemple du lavement des pieds placés dans ce contexte est à cet égard très évocateur. Là où nous aurions spontanément tendance à dire à un frère qui a rempli une tâche bien prenante, comme la cuisine, qu'il a bien mérité d'aller se reposer, St Benoit lui demande encore, avant et après son service, de laver les pieds de tous ses frères. Nous aurions presqu'envie de faire l'inverse, que la communauté lave les pieds des frères cuisiniers en signe de reconnaissance. Dans ce qui peut nous paraitre exagéré dans la proposition de Benoit, nous sommes bien obligés de reconnaitre qu'il nous entraine dans une autre vision du service et du travail. Là où nous sommes sensibles à la reconnaissance due à la peine prise par les uns et les autres, ou encore là où nous sommes sensibles à l'équité entre la peine prise et le repos reçu, St Benoit nous engage à suivre le Christ et à nous donner comme lui, entièrement. Que retenir pour nous de cela ? Tout en convenant que nous ne pouvons plus reprendre comme tel ce rituel, li gommer l'évolution de la pensée par rapport au travail, n'y-a+il pas un élan à recevoir? Ne sommes-nous pas chacun conviés à regarder le Christ et, en le regardant, à puiser en Lui cette énergie qui l'animait pour se livrer jusqu'au bout? A chacun, il pourra être donné de trouver en Lui la force mais aussi la bonne mesure dans le don de soi. Servir comme le Christ oblige à faire appel à une énergie qui ne vient pas de nous. Demandons-là, recueillons-la, car elle nous est offerte. C'est le sens de notre prière de chaque samedi lorsque nous demandons« l'esprit de fài et d'amour».
Que chacun de nos frères qui travaillent à la cuisine, aux pluches, aux fromages soient tout particulièrement remerciés pour leur généreux dévouement.
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
Dans le paragraphe entendu, nous avons une belle inclusion avec la répétition des mots
« se servir mutuellement » et« charité ». La cuisine est pour Benoit un lieu privilégié pour vivre le service mutuel dans la charité. Dans sa première mention, le mot « charité » est un ajout « inattendu » selon les mots de P. Adalbert, au regard de la RM. En effet, la formulation est un peu étrange. Benoit y explicite le bienfait du service mutuel en affirmant que « cela procure une plus grande récompense et charité». Pour lui, se servir mutuellement non seulement ne peut se faire que dans la charité, c'est la seconde formule, mais cela fait grandir en charité.
Je retiens cette notation précieuse pour notre vie commune : nous donner les uns aux autres dans le service déploie en nous la charité. Dans un quotidien toujours bien rempli, où l'on risque de courir après le temps, il peut arriver que l'on établisse en notre tête une hiérarchie entre des choses importantes, son emploi, ses obligations, et des choses moins importantes, les services, une visite à un frère, un courrier. Si le temps est limité certes, qui ne nous permet pas de tout faire, restons vigilants pour ne pas tomber dans une sorte d'obsession de la course contre la montre, pour essayer de gagner à tout prix quelques minutes. Ce type de posture peut à la longue nous transformer en personne insensible, uniquement polarisée par leur devoir. Elle peut nous faire passer à côté des petites choses de la vie qui font aussi partie du paysage. On fonce tête baissée dans nos activités, et on ne sait plus s'arrêter pour un frère qui demande un service, ni pour une attention gratuite vis-à-vis d'un ancien ou d'un plus jeune. Concrètement, soyons heureux de saisir toutes les occasions où nous nous servons mutuellement, où nous nous donnons dans le service mutuel. Soignons intérieurement ce temps donné de telle sorte qu'il nous fasse vraiment grandir en charité. Soyons en alerte vis-à-vis de nous-mêmes lorsque nous vivons le service des frères plus ou moins à contre-cœur. Car alors la charité ne pourra pas grandir en nous et entre nous. Aussi veillons à donner avec joie de notre temps, de notre attention dans les petites choses, dans le desservice, dans les ménages des étages ou des sanitaires... Sur ce dernier point,je me demande si nous ne pourrions pas revoir l'organisation des services de nettoyage de nos sanitaires ou des lieux communs pour qu'il soit plus partagé et qu'on les vive en se soutenant davantage... Ne manquons pas le rendez-vous des services mutuels, pas seulement parce qu'on ne peut faire autrement, mais parce que la charité ne demande qu'à croitre à travers eux, pour nous procurer un surcroit de joie.
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
Dans ce chapitre « entièrement original par rapport à la RM" selon les mots du P. Adalbert, Benoit équilibre de manière très humaine et en même temps exigeante, le chapitre précédent. Dans ce dernier, il invitait expressément à la mise en commun des biens dans une compréhension très radicale. Mais si tout ce qui est au monastère appartient à tous, et ne peut être revendiqué par un seul, tous doivent recevoir également le nécessaire ? Prenant toujours appui sur l'expérience des premières communautés chrétiennes, et de l'idéal qui les anime, Benoit ne néglige pas la nécessaire prise en compte des besoins de chacun. « On distribuait à chacun selon ses besoins» (Ac 4, 35).
Cette recommandation de Benoit nous invite à arrêter sur ce gu'est l'égalité dans un monastère. Tous nous sommes égaux. Comme le dit St Benoit : « sous un même Seigneur. nous portons d'égales obligations de service, car 'Dieu ne.fait pas acception de personnes·» (RB 2, 20). Si nous sommes égaux en devoir, en vertu de notre appel, nous sommes aussi égaux en droit, comme le suggère une recommandation qui concerne l'abbé : «L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous» (RB 2, 22). Chacun est digne d'être aimé par l'abbé d'une égale charité. Mais aimer chacun d'une égale charité ne se traduira jamais de la même façon pour les uns et pour les autres. Egalité n'est jamais uniformité. Cela fut les illusions et les désillusions des régimes communistes qui ne pouvaient que devenir dictatoriaux dans leur désir de mettre tout le monde au même régime. Pol Pot fut peut-être celui qui poussa l'idéologie à son paroxysme le plus meurtrier. L'égalité chrétienne ne gomme pas l'individualité de chacun mais cherche sans cesse à la servir. La recherche du bien commun, du bien de tous, passe par la recherche du bien de chacun. Il ne peut se faire à son détriment. Et ensuite chacun est appelé à trouver son vrai bien dans la recherche du bien de tous. Il ne peut s'agir de vouloir conduire sa vie pour soi seul, en se prenant comme seule fin. Dans une vie commune comme la nôtre, il y a donc toujours une tension entre la recherche du bien de tous. et la recherche du bien de chacun. La grandeur et la finesse de la charité sera de grandir dans une mutuelle recherche du bien de l'autre. Non pas chercher ce qui est mon intérêt, mais celui de l'autre. Dans la confiance que l'autre ou les autres prendront soin de ce qui m'est nécessaire. Et ensemble chercher le bien de tous, de la communauté, afin qu'elle remplisse vraiment sa mission de témoigner de l'évangile dans l'amour de Dieu et des frères, afin qu'elle ,oit vraiment une maison de Dieu.
1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
8. s'il ne s'amende pas, il subira une réprimande.
Pourquoi une telle insistance de Benoit pour que les moines arrachent à la racine Je vice de la propriété? N'est-ce pas par désir de porter à sa plénitude l'idéal de la première communauté chrétienne : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun» (Ac 4, 32). Les moines sont appelés, au nom de leur foi, à mettre en pratique une totale mise en commun des biens, pour témoigner. Mais finalement pour témoigner de quoi? Paul nous offre un élément de réponse : « Aucun d'entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi dans noire vie comme dans notre mari, nous appartenons au Seigneur »(Rm 14, 7-8). Oui, nous sommes appelés à témoigner que nous appartenons au Seigneur, en tout notre être et jusque dans l'usage des biens que nous ne retenons pas comme étant nôtres. Au milieu du monde, nous chrétiens qui sommes au Christ, sommes appelés à manifester qu'il y a une vraie joie à vivre légers, non encombrés de pleins d'objets ou de possessions, parce que notre vrai bien est ailleurs. Il est dans le Christ Jésus. Déjà celui-ci nous donne part à sa vie et sa force, et il nous donnera après notre mort de partager en plénitude sa dignité de Fils de Dieu.
C'est à cette lumière de la foi qu'il nous faut sans cesse revenir pour bien vivre Je renoncement exigent que Benoit nous demande. Si nous Je vivons seulement comme un règlement ou comme un« c'est comme cà » ou encore au nom d'un certain communautarisme qui ne supporte pas qu'une tête dépasse l'autre, nous ne trouverons jamais la vraie joie d'être léger et libre. Nous resterons des frustrés, jaloux de ce quel'autre peut avoir et pas moi, toujours sourcilleux de peser etc... En fait, ce petit chapitre nous rappelle que nos différentes règles en la matière sont une pédagogie pour nous entrainer à une vraie liberté intérieure. Lorsque nous ne nous attachons pas à un certain type de matériel lié à un emploi, lorsque nous laissons les clés dont nous n'avons plus usage, lorsque nous donnons à la lingerie du linge qui nous est offe1i en voyant avec Je linger si nous avons un besoin etc, nous nous exerçons à ne pas entretenir l'esprit de propriétaire en nous. Si nous avons besoin, nous gardons, sinon nous redonnons... Ce critère du besoin est très instructif. Car, il est bien à l'image de notre condition de pèlerin. Nous utilisons les choses pour les besoins de notre vie sur cette terre. Nous passerons, et nous ne les emporterons pas au ciel... A quoi bon nous y attacher?
1. Pour l'avoir du monastère en outils, vêtements et biens de toute sorte, l'abbé choisira des frères, de vie et mœurs dont il soit sûr,
2. et il leur remettra ces différents objets, comme il le jugera bon, pour qu'ils les conservent et les recueillent.
3. De ces objets, l'abbé gardera l'inventaire. Ainsi, quand les frères se succèdent à tour de rôle dans l'emploi, il saura ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
4. Si quelqu'un traite les biens du monastère sans propreté ou sans soin, on le réprimandera.
5. S'il ne s'amende pas, il subira les sanctions de règle.
Dans la plaquette, on trouve cette réflexion de F. J.Noël « le travail me fait découvrir l'obéissance réelle, le respect de la matière, de l'outil, du temps et des temps, du frère avec qui je travaille... »
« Obéissance au réel, respect de la matière, de l'outil» voilà en d'autres mots ce que veut nous transmettre ce petit paragraphe sur les outils. Après avoir exhorté le cellérier à considérer « tout son savoir», comme les vases sacrés de l'autel, Benoît développe la même attention à l'égard de « l'avoir du monastère». Sa manière d'en parler avec exigence et précision traduit bien la haute conception qu'il se fait de l'ensemble des objets, « outils, vêtements et bien de toute sorte » qui sont au monastère. Il parle un peu comme le ferait un artisan à propos des outils de travail qui sont pour lui, avec ses mains, toute sa richesse... aussi précieuse que la prunelle de ses yeux. L'abbé est présenté ici en quelque sorte comme cet artisan gui veille à tous les outils du monastère.
Aujourd'hui, il nous est bon d'entendre cela et de pouvoir recueillir cette notion de respect des outils, qui se dégage. Dans notre société de consommation qui produit sans cesse de nouveaux objets pour éliminer les anciens, ces lignes de la Règle nous enseignent une belle sagesse. Elle nous invite à porter un juste regard sur les objets, la matière : un regard d'artisan qui sait prendre soin de tout ce dont il dispose, un regard d'artisan qui aime ranger pour ne pas perdre, un regard qui sait la valeur des choses pour les conserver en son état et pour s'en détacher quand elles sont hors d'usage. En communauté, nous pouvons nous aider à avoir de juste regard de respect gui ne méprise ni ne fait de l'objet une idole dont on ne peut se séparer. Dans le présent, je crois qu'il nous faut veiller à ne pas laisser des secteurs autrefois utilisés s'encombrer d'objets qui, non rangés ou répertoriés, sont en quelque sorte perdus. Parfois il vaut mieux donner que de garder ce dont on n'a plus usage... mais que tout cela se fasse en concertation avec le cellérier ou l'abbé. Il s'agit des biens du monastère, acquis à la sueur du travail des générations passées qu'on ne peut brader à la légère.
13. Qu'il ait avant tout l'humilité, et quand il n'y a rien à donner à quelqu'un, qu'il lui offre en réponse une parole aimable,
14. comme il est écrit : « Une parole aimable surpasse le don le plus précieux. »
15. Tout ce que l'abbé lui enjoindra, il en aura la responsabilité ; ce qu'il lui interdira, il ne se le permettra pas.
16. Il fournira aux frères la ration prescrite sans arrogance ni délai, de peur qu'ils ne s'irritent, en se souvenant de ce que mérite, selon la parole divine, « celui qui irritera un des petits. »
17. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des auxiliaires, pour que lui aussi, grâce à leur aide, il remplisse la charge qui lui est confiée sans perdre la paix de l'âme.
18. On donnera ce qui est à donner et on demandera ce qui est à demander au moment voulu,
19. afin que personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu.
«Qu'il ait avant tout l'humilité ... » S'il y a une qualité entre toutes qui est demandée au cellérier, c'est l'humilité. L'humilité est cette vertu qui a le pouvoir d'imprégner toutes nos actions et toutes nos attitudes. lei, elle permet d'accueillir un frère dans la paix, avec une
« parole aimable», alors qu'on ne peut satisfaire sa demande... ou encore elle permet au cellérier de rester attentif à chacun, « en donnant ... sans arrogance ni délai » afin de n'irriter. ni de contrister personne« dans la maison de Dieu». L'humilité sera aussi de reconnaitre que la tâche est lourde et que des aides peuvent être nécessaires pour ne pas perdre la paix de l'âme... Nous disons merci à f. Benoit qui ne ménage pas sa peine et son temps au service de la communauté. Je mesure, au poids de la charge qu'il porte, qu'il va faudra repenser notre organisation dans tout le secteur cellérerie. Nous en reparlerons dans les prochaines semaines.
Je reviens sur l'invitation de Benoit: «qu'il ait avant tout l'humilité» ... Nous retrouvons là une constante forte de sa pensée qui traverse toute la règle... Le moine, quel que soit son rôle en communauté, de l'abbé au dernier arrivé, est invité à demeurer vigilant sans cesse en recherche de !'humilité. On pourrait se demander pourquoi cette insistance ? En écoutant la lecture suivie de l' Apocalypse que nous avons à Vigiles, on peut réentendre que l'humilité est au cœur de la révélation chrétienne. Dans le combat géant qui se déroule, l'auteur de l'Ap révèle que c'est un Agneau qui est vainqueur face à la Bête qui lui fait la guerre. La victoire contre le mal symbolisée par la Bête ne s'obtient pas par la force ou la puissance, mais par l'humilité du Christ, symbolisé
par !'Agneau comme égorgé. Si l'Ap l'appelle« Seigneur des seigneurs et Rois des rois» (Ap 17, 14), c'est par qu'il règne désormais sur le mal et ses puissances, en vertu de sa Résurrection. Et celle-ci est fruit de son abandon confiant entre les mains de son Père, au moment de sa mort. Jésus a accepté d'être comme un Agneau conduit à l'abattoir, et ne pas opposer la violence à la violence. Son humilité, manifestation de son Amour pour nous et pour le Père, a désarmé les puissances d'orgueil et de luxe de la Bête. Le jugement de la Prostituée, figure des puissances terrestres, dont parle I' Ap n'est que la conséquence de la victoire du Christ, l'Agneau Immolé. Face à son humilité aimante, toutes les richesses de la Prostituée, (perles précieuses, bois odorants, objets en ivoire... etc... ) sont comme réduites à néant. En vue du Royaume de Dieu, tout ceci s'évanouit comme un songe. Aussi lorsque le moine laisse l'humilité imprégner son agir et sa vie jour après jour, il participe déjà à la victoire de l' Agneau. Il lui donne déjà pleine consistance dans notre histoire... anticipation de ce que sera la vie dans le Royaume.