vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 49, v 1-4 De l'observance du Carême. écrit le 16 août 2011
Verset(s) :

1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,

2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,

3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.

4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.

Commentaire :

« Que l'on efface en ces jours saints du Carême toutes les négligences des autres temps. » (49/3) Quinze fois, dans la Règle, St Benoit parle de nos négligences, s'adresse aux négligents On peut même être étonnés de la place qu'il leur donne. Fidèle à toute la Tradition Monastique, Benoit voit dans la tiédeur, l'acédie, le ver rongeur de la fidélité du moine à l'appel qu'il a reçu de Dieu. Négligence est synonyme à ses yeux de relâchement, de paresse, et même de mauvaise vie. C'est pourquoi, tout au long de la Règle, il s'applique à dénoncer les lieux, les temps où la négligence menace le frère, et donc la communauté ! Il commence par donner à l'Abbé la consigne de réprimander et de corriger avec particulière attention « les négligents et les rebelles » (2/25) Puis il recommande au moine de ne pas négliger l'exactitude, ni au Chœur, ni au réfectoire. De ne pas être négligent pour la Lectio Divina. Ni pour l'Office Divin quand il est en voyage. Il insiste pour qu'on ne néglige pas les frères malades, sans doute parce que c'est un précepte évangélique. Peut être aussi parce que c'est un point où l'on est facilement négligent, avec l'excuse de toutes les autres charges qui prennent notre temps. On peut penser encore que chacun de nous est visé par ce précepte qu'il donne au cellérier : « ne rien tenir pour négligeable. » (31/11) « Considérer tous les biens du monastère comme vases sacrés ! » Mais comme le relâchement peut se glisser au fil des jours, avec l'habitude, cette grande mangeuse de nos élans, alors, le Carême est là pour nous permettre d'effacer, par une reprise en mains, toutes les négligences de l'année. Car Benoit, quand il parle de négligence, ne pense pas qu'elle est caractéristique de quelques mauvais moines : au dernier ch. de la Règle il nous dit que son programme n'a rien à voir avec l'héroïque perfection des Pères. C'et tout juste un petit commencement, « pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite, et négligents. » La tentation est de faire le catalogue des négligences des autres: c'est une perte de temps, et c'est souvent malveillant. Nous devons faire effort pour être moins sévère envers les autres. Et plus lucides envers nous-mêmes. Quels sont les points de négligence dans ma vie ? Puis-je accepter une remarque d'un autre ? Quel usage est-ce que je fais du chapitre des coulpes ? Puis-je reconnaître mes manquements devant la communauté ? Pas seulement la vaisselle cassée ! Puis-je demander pardon à un frère ? (2011-08-16)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 48, v 22-25 Du travail manuel de chaque jour écrit le 13 août 2011
Verset(s) :

22. Le dimanche, de même, tous vaqueront à la lecture, sauf ceux qui sont affectés à différents services.

23. Cependant si quelqu'un est négligent et paresseux au point de ne pas vouloir ou pouvoir apprendre ou lire, on lui assignera un ouvrage à faire, pour qu'il ne reste pas inoccupé.

24. Aux frères malades ou délicats on assignera un ouvrage ou métier approprié, de façon qu'ils ne soient pas oisifs et que la violence du travail ne les accable point ou ne les mette en fuite.

25. L'abbé doit avoir égard à leur faiblesse.

Commentaire :

Pour St Benoit, le dimanche est avant tout consacré à la Lectio Divina. Mais il demande à L'Abbé de prendre en compte la faiblesse des frères. Ce qui est important, c'est d'aider chacun à rester un chercheur de Dieu.

Ce qu'il faut combattre, c'est l'oisiveté. Le mot latin, OTIOSITAS, est un dérivé négatif du terme OTIUM, qui signifie repos. Le repos est bon et nécessaire. Et même la détente. Les Pères du désert savaient que la détente est utile pour les moines. Vous vous souvenez de cet apophtegme : Un riche négociant d'Alexandrie va au désert pour chasser. Il tombe sur un groupe de jeunes moines en train de jouer aux boules, avec des cailloux. Scandalisé, il va trouver leur Abba. Celui-ci lui répond : « Tu as un bel arc. Tend-le. Encore. Encore. -Non, si je le tends encore je vais le casser.- Les moines, c'est pareil. » Savoir se détendre est bon. Mais l'oisiveté est un faux repos, pas une détente, ni un repos en Dieu. Elle peut avoir l'apparence du repos, mais elle nous laisse dans le vague. Elle ne donne ni la joie, ni la paix du cœur. Mieux vaut alors s'occuper pour le service des frères. C'est meilleur que les occupations oiseuses, sans rapport avec cette recherche de Dieu qui nous a amenés au monastère. L'oisiveté que vise Benoit n'est donc pas l'absence d'occupation, ni le repos, ni la détente, mais le fait de fuir Dieu dans des tâches oiseuses, de tuer le temps.

Pour combattre l'oisiveté, Benoit demande que le remède soit proportionné aux capacités des frères. « Sans les accabler, ni les mettre en fuite. » II revient à l'Abbé de considérer la faiblesse et la fragilité de chacun, pour proportionner l'effort à la capacité. Ce n'est pas si simple. Il y a le risque de sous estimer la capacité d'un frère, et qu'il tombe dans la paresse et la négligence. Ou de le surestimer, avec le risque qu'il se décourage, ou prenne la fuite ! Cela demande à l'Abbé, et à nous tous, une vraie conversion : nous avons tendance à juger qu'une chose est possible ou non, qu'un frère est paresseux ou excessif, en fonction de notre propre échelle de valeurs. Prendre en considération la capacité du frère, pas la nôtre, c'est très difficile. Le regard que nous portons sur nous-mêmes est aussi faussé que celui que nous portons sur les autres. Il s'agit d'un long travail de conversion, pour que peu à peu, notre regard sur les frères s'approche de celui que Dieu porte sur lui. Un long travail de discernement, un fruit de l'Esprit Saint.(2011-08-13)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 48, v 10-21 Du travail manuel de chaque jour écrit le 12 août 2011
Verset(s) :

10. Des Calendes d'octobre au début du carême, ils vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure.

11. À la deuxième heure, on célébrera tierce, et jusqu'à none tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné.

12. Au premier signal de la neuvième heure, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où retentira le second signal.

13. Après le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou aux psaumes.

14. Aux jours de carême, depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure, ils vaqueront à leurs lectures, et jusqu'à la fin de la dixième heure ils feront ce qui leur est assigné.

15. En ces jours de carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu'il devra lire à la suite et intégralement.

16. Ces livres doivent être distribués au début du carême.

17. Avant tout, bien sûr, il faut désigner un ou deux anciens qui circulent dans le monastère aux heures où les frères vaquent à la lecture.

18. Ils veilleront à ce qu'il ne se trouve pas de frère atteint d'acédie, qui vaque à l'oisiveté ou au bavardage au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui non seulement se fait tort à lui-même, mais en outre distrait les autres.

19. Si l'on en trouve un, – à Dieu ne plaise, – on le réprimandera une fois, deux fois ;

20. s'il ne s'amende pas, il subira la réprimande de règle, de telle façon que les autres en conçoivent de la crainte.

21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.

Commentaire :

Ce passage de la Règle nous parle encore de travail, et de Lectio. Lorsqu'il parle de la Lectio Divina, Benoit emploie toujours le même verbe : VACARE. C'est le mot qui a donné en français vacances. VACARE, c'est faire le vide, vider son cœur, son esprit, de toute préoccupation. La Lectio suppose donc un chemin de vide, une recherche de la paix, du silence du cœur. La lectio suppose ce désir de la paix du cœur, et surtout elle nous aide à trouver cette paix. Pour que la Parole de Dieu puisse résonner dans notre cœur, il faut qu'il ne soit pas trop encombré.

Vaquer à la Lectio, faire silence en soi, chercher la paix du cœur, pour que se mette à chanter en nous la symphonie des Ecritures. Au plus profond de notre être, comme une musique silencieuse. Comprendre l'Ecriture, c'est bien plus que comprendre un texte. C'est entrer dans le mystère de ce que nous sommes sous le regard de Dieu.

A propos du travail, Benoit nous dit : « Tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné. » L'une des caractéristiques du travail monastique, c'est qu'il nous est prescrit. Nous ne l'avons pas choisi. C'est aussi le cas pour beaucoup d'hommes et de femmes, qui pourtant ne sont pas moines. Mais ce qui est en cause, pour nous, est bien plus fondamental qu'une affaire d'organisation des tâches. Le chemin de l'intimité avec Dieu passe par une dépossession. De nos idées, sur Dieu, sur la prière, sur nous-mêmes. Quand nous reprenons l'initiative, quand nous organisons notre vie à notre guise, bien souvent c'est parce que nous cherchons à échapper à cette confrontation avec l'autre, avec l'altérité de Dieu, avec notre propre altérité.

St Benoit conjugue sous de multiples variantes ce principe spirituel fondamental : Recevoir son travail, recevoir sa nourriture, recevoir ses vêtements, recevoir une charge. Apprendre à renoncer à sa volonté propre, aux compensations faciles, pour devenir libre. Pour s'ouvrir peu à peu à la Joie de Dieu. ( 2011-08-12)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 48, v 2-9 - Du travail manuel de chaque jour. écrit le 11 août 2011
Verset(s) :

2. Nous croyons donc que ces deux occupations seront bien réparties selon les temps dans l'horaire que voici :

3. de Pâques aux Calendes d'octobre, depuis le matin en sortant de prime ils travailleront, là où c'est nécessaire, presque jusqu'à la quatrième heure.

4. De la quatrième heure jusqu'à l'heure où ils célébreront sexte, ils vaqueront à la lecture.

5. Après sexte, en sortant de table, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet, ou si quelqu'un veut lire pour son compte, il lira de façon à ne déranger personne.

6. On célébrera none à l'avance, au milieu de la huitième heure, et ils se remettront au travail qui est à faire jusqu'aux vêpres.

7. Si les conditions locales ou la pauvreté exigent qu'ils s'occupent de rentrer les récoltes par eux-mêmes, ils n'en seront pas fâchés,

8. car c'est alors qu'ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les apôtres.

9. Cependant tout doit se faire avec mesure à cause des faibles.

Commentaire :

Comme le rappelait le 1er verset, les 2 occupations dont parle ici Benoit sont : le travail manuel, et la lectio divina.

Pacôme et Cassien parlaient seulement du travail, pas de la lectio. Mais Augustin réserve déjà 3 heures par jours à la lectio. Et à sa suite toutes les Règles monastiques d'Occident prévoiront un temps pour la lecture de la Parole de Dieu. Cette mesure donne quand même une place importante au travail manuel, dans la vie du moine. C'est une réaction contre le monachisme gaulois primitif, celui de St Martin, où les frères disposaient de la journée entière pour prier. Cette conception messalienne, purement priante, de la vie monastique est venue d'Orient. Mais elle a été vigoureusement combattue par Basile, par Augustin et par Cassien. C'est vrai : « il faut prier sans cesse », comme le dit la lere lettre aux Thessaloniciens. Mais Paul parle aussi de l'obligation de travailler, de gagner sa vie. Et cela nous vaut la très belle formule de Benoit : « C'est alors qu'ils seront vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos pères et les apôtres. » Le moine de Benoit travaille donc, pendant la plus grande partie du jour, en unissant, quand cela est possible, la prière à l'activité manuelle.

La prière de l'homme est une réponse à Dieu. Pour parler à Dieu, il faut avant tout l'écouter. De là le besoin de lire et d'apprendre l'Ecriture. La prière qui accompagne le travail du moine suppose des temps où le moine ne travaille pas, mais lit et mémorise la Bible.

Sur le rapport entre la prière et le travail, la prière pendant le travail, chacun fait ce qu'il peut. Cela dépend beaucoup du travail que nous faisons. Peu d'emplois permettent de ruminer la Parole de Dieu en travaillant. Un libraire, un cuisinier, un frère devant son ordinateur, peuvent difficilement ruminer la Parole de Dieu pendant leur travail ! L'hôtelier doit accueillir l'hôte comme le Christ : c'est une autre façon de prier sans cesse. C'est aussi valable pour l'infirmier quand il prend soin des frères malades. Ce qui peut tous nous aider dans cette recherche du prier sans cesse, c'est le choix d'un verset d'écriture chaque jour : le retrouver dès que possible, dans les déplacements, tous les moments vides. C'est une façon d'être à l'écoute de Dieu, de rester en relation avec le Christ, de s'imprégner de sa Parole. De le rejoindre tout au long du jour. (2011-08-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48, v 1 Du travail manuel écrit le 09 août 2011
Verset(s) :

1. L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils être occupés en des temps déterminés au travail manuel, et à des heures déterminées aussi à la lecture divine.

Commentaire :

« L’oisiveté est ennemi de l’âme ». Quand Benoît pense l’organisation des activités du moine, travail et lecture, il les pense dans cette visée spirituelle : le bien de l’âme. Être occupé par un travail manuel et s’adonner à la lecture sont deux activités durant lesquelles l’âme, le cœur du moine va pouvoir grandir devant Dieu. Dans les deux cas le moine se donne. Il ne fait pas que s’occuper mais il se donne.

D’une part, il se donne à la communauté par le travail il sert ses frères et il prend sa part de la charge communautaire ; d’autre part, il se donne à Dieu dans la lecture, dans l’écoute de la parole de Dieu et dans l’étude afin de mieux le connaître et le servir. Je dirai volontiers que l’opposé de l’oisiveté n’est pas s’activer pour s’activer, mais c’est de se donner. Là est le vrai critère de discernement de nos activités au monastère. Est-ce que je me donne ou est-ce que je me recherche moi-même ? Effectivement la suractivité peut se révéler petite sœur de l’oisiveté. Être très actif d’une manière fébrile qui rend les relations difficiles avec les frères parce que tout est expédié, est une situation qui mérite tout autant d ‘attention que l’oisiveté. D’un côté comme de l’autre, il y a risque d’être à la recherche de soi, au lieu de se donner aux autres en vérité. Recherche de soi dans l’activité, dans un faire qui me plait, dans lequel je me laisse engloutir plus ou moins consciemment. On recherche de soi en s’économisant, en faisant le strict minimum, en s’esquivant dès que possible d’un travail ou d’un service. Être sur actif ou être oisif : deux tendances que l’on rencontre tous un jour ou l’autre, avec pour chacun une propension à se situer plus d’un côté que de l’autre.

Comment veiller à garder l’équilibre, afin de vivre toute chose en se donnant aux frères et à Dieu ? Pour cela, soyons attentifs aux clignotants qui s’allument : du côté suractivité ce sera le stress ou l’énervement pour des petites choses. Si cela devient fréquent, il faut consentir à vérifier son fonctionnement personnel pour y voir plus clair. Du côté de l’oisiveté, ce sera les remarques des frères qui s‘interrogent sur une absence d’un service ou sur les retards au travail. Ayons le courage de prendre au sérieux ces clignotants. Ils peuvent nous aider à déjouer les pièges dans lesquels on peut si souvent tomber, plus ou moins inconsciemment. Il n’est pas facile de se donner de façon juste et vraie. C’est là notre travail pour les frères et pour Dieu. (2011-08-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 47, v 1-4 Du signal de l’œuvre de Dieu écrit le 06 août 2011
Verset(s) :

1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.

2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.

3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.

4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.

Commentaire :

« Quant à chanter et lire, on ne s’y risquera pas si l‘on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs ». Pour Benoît, lire et chanter c’est plus qu’une tâche, c’est un office et une fonction « officium ». Dans son vocabulaire, cet office se range parmi ceux du cellérier, du cuisinier, de l’hôtelier, pour lesquels on emploie le même mot. Cela peut nous paraitre surprenant, mais cette fonction de lecteur-chanteur revêt cette importance pour deux raisons.

La première est que tous ne savaient pas lire, ni n’étaient assez assurés pour lire en public. La deuxième mentionnée dans le passage entendu est liée au but recherché : il s’agit d’édifier les auditeurs. Ce mot « édifier » est intéressant, quand Benoît l’utilise, c’est toujours dans le sens figuré de : favoriser la croissance des auditeurs, soit dans la liturgie, soit au réfectoire. Le sens figuré est ainsi devenu courant dans le latin ecclésiastique, au regard du sens propre de « construire une maison » (aedificare= aedes-facere). Ce glissement entre le sens propre du mot édifier (construire une maison) au sens figuré (favoriser la croissance morale ou spirituelle d’une personne ou d’un groupe) révèle la vive conscience que l’on a, en milieu chrétien, de l’importance de la parole pour la construction de la communauté. C’est la parole de Dieu entendue dans la liturgie qui nous constitue communauté chrétienne et corps du Christ, Temple de l’Esprit. C’est la parole de Dieu entendu qui édifie en chacun l’être spirituel. Tout ceci peut nous aider à savoir la raison pour laquelle Benoît insiste tant sur cette édification des auditeurs. La parole entendue construit la communauté et chacun de ses membres. Et nous savons combien cela est vrai. Quand un lecteur ne lit pas assez fort, ni assez distinctement, quand il lit trop pour lui-même, ou trop vite, l’écoute s’en trouve difficile, voire perturbée. Et la parole ne peut faire son œuvre en profondeur. Il nous faut alors nous aider et accepter humblement les remarques de nos frères, même si on a l’’impression de bien faire. Chacun de nous doit accepter de se dépasser, ne pas s’arrêter « moi je suis comme ça ». Car lire à l’office n’est pas un privilège, mais c’est vraiment un office, une fonction pour que la parole de Dieu puisse toucher les cœurs et construire la communauté. (2011-08-06)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 46, v 1-6 Manquements en n’importe quelle autre chose écrit le 30 juillet 2011
Verset(s) :

1. Si quelqu'un, en travaillant à n'importe quel travail, à la cuisine, au cellier, au service, au pétrin, au jardin, à quelque métier, ou n'importe où, commet quelque manquement

2. ou brise ou perd quoi que ce soit ou tombe dans quelque autre faute où que ce soit,

3. et ne vient pas de lui-même aussitôt faire satisfaction spontanément devant l'abbé et la communauté et avouer son manquement,

4. si on l'apprend par un autre, il sera soumis à une pénitence plus sévère.

5. Mais s'il s'agit d'un péché de l'âme dont la matière est restée cachée, il le découvrira seulement à l'abbé ou à des anciens spirituels,

6. qui sachent soigner leurs propres blessures et celles des autres, sans les dévoiler et les publier.

Commentaire :

Deux vérités sont importantes dans ce chapitre « commettre un manquement », une faute et avouer. C’est une évidence pour Benoît, tout manquement ou faute commise appel un aveu, une reconnaissance. Cela vaut pour les manquements dans la vie communautaire comme pour ceux plus secrets. Les premiers pourront être plus connus ayant touchés le déroulement de la vie de la communauté. Les seconds resteront dans le secret de la relation avec l’abbé ou le père spirituel. Pourquoi cette insistance sur l’aveu ? Benoît est-il désireux de tout savoir ou en quête d’une certaine transparence ? La mention finale concernant l’ancien « capable de soigner ces propres blessures » et celle des autres nous oriente vers sa préoccupation profonde : celle de permettre la guérison du frère. C’est une donnée anthropologique commune que l’être humain peine à porter seul le poids d’une faute, d’un manquement. Ce poids encombre sa conscience et souvent ronge ses énergies vitales. Un jour ou l’autre, il a besoin de parler avec quelqu’un afin de déposer ce fardeau. A cette donnée humaine très commune, s’ajoute ici une sorte d’impératif, lié à notre propos de conversion monastique. Benoît nous engage à prendre en main notre vie et à ne pas laisser caché quelque part, une faute ou un manquement qui risquent de freiner, voir d’affaiblir notre « élan spirituel. C’est une tentation dangereuse que de garder pour soi des fautes ou des manquements. Ils peuvent à longue nous tenir enchainer et nous refermer sur nous-mêmes en nous empoisonnant la vie. Nous sommes faits pour la liberté et la vérité, qui sont ici d’autres synonymes de l’humilité. Soyons vigilants pour demeurer des vivants désireux de vivre dans la clarté. Mettons à profit des instruments qui sont à notre disposition le chapitre des coulpes, l’ouverture du cœur à l’abbé ou à un ancien, le sacrement de la réconciliation. (2011-07-30)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 45, v 1-3 De ceux qui se trompent à l’oratoire écrit le 29 juillet 2011
Verset(s) :

1. Si quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, et s'il ne s'humilie pas sur place et devant tous par une satisfaction, il subira une punition plus sévère,

2. pour n'avoir pas voulu réparer par l'humilité le manquement qu'il avait commis par négligence.

3. Quant aux enfants, pour une faute de ce genre ils seront battus.

Commentaire :

Comme ces lignes le laissent entendre, Benoît prend très au sérieux les fautes à l’office, en demandant au moine qui s’est trompé de faire un geste d’humilié. Pour bien comprendre cette insistance, il faut garder en mémoire les chapitres 19 et 20 sur la tenue et la révérence à avoir lorsque l’on est à l’office. S’il est vrai que le moine doit garder à l’esprit qu’il se tient alors en présence de Dieu, sa manière d’être et de prier ne peut être désinvolte ou superficielle. L’humilité dans la prière, dans l’attitude appellera l’humilité lorsqu’on se trompe. Dans le service de la louange de Dieu être négligent est le signe que l’on n’est pas bien conscient profondément de ce que l’on fait. Et effectivement, ce n’est pas facile de demeurer présent à la présence divine. Ce n’est pas facile de laisser à la porte de l’Eglise les activités que l’on est en train de faire. La question que nous renvoie ce chapitre, à nous qui passons trois ou quatre heures à l’Eglise, pourrait se formuler ainsi : Comment ne pas s’habituer aux erreurs que l’on fait ? Comment ne pas s’installer dans les distractions qui nous tirent très loin de la prière ? Comment revenir et se ressaisir ? Nous n’avons plus la pratique de la satisfaction par laquelle on se mettait à genoux ou l’on faisait une inclination en signe de désir de conversion. Comment donc ne pas s’habituer aux erreurs et aux distractions ? Je pense que notre manière d’être à l’office dépend beaucoup de notre manière d’être devant le temps qui l’a précédé. Si nous arrivons essoufflé, tendu, énervé, une bonne partie, sinon tout l’office, se passera à régler les problèmes, voire peut être à retrouver un peu de paix. Mais si nous savons couper avec nos activités au moment de la cloche pour nous préparer et nous acheminer tranquillement vers l’Eglise, nous vivrons ce temps davantage comme un temps de présence à Dieu. Pour ne pas nous habituer aux manques d’attention et aux distractions, habituons nous à nous préparer tranquillement à l’office. Venons-y non en courant pour nous en acquitter. Venons-y plutôt en nous préparant à une rencontre. Le Seigneur nous attend pour nous offrir sa parole et nous partager sa présence. (2011-07-29)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 44, v 1-9 Des excommuniés écrit le 28 juillet 2011
Verset(s) :

1. Celui qui est excommunié pour faute grave de l'oratoire et de la table, au moment où l'on achève de célébrer l'œuvre de Dieu à l'oratoire, se prosternera devant la porte de l'oratoire et demeurera ainsi sans rien dire,

2. mais seulement la tête contre terre, couché sur le ventre aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire.

3. Et il fera ainsi jusqu'à ce que l'abbé juge qu'il a donné satisfaction.

4. Quand, sur l'ordre de l'abbé, il viendra, il se jettera aux pieds de l'abbé, puis de tous, afin que l'on prie pour lui.

5. Et alors, si l'abbé l'ordonne, on l'admettra au chœur, à la place que l'abbé aura décidée,

6. mais sans qu'il ait le droit d'imposer à l'oratoire un psaume, une leçon ou autre chose, si l'abbé à nouveau ne lui en donne l'ordre.

7. Et à toutes les heures, lorsque s'achève l'œuvre de Dieu, il se jettera à terre à l'endroit où il se tient,

8. et il fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé à nouveau lui ordonne de mettre fin à cette satisfaction.

9. Quant à ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, ils satisferont à l'oratoire jusqu'à un ordre de l'abbé.

Commentaire :

Comme nous le savons bien, dans la Règle, l’excommunication est une mesure pédagogique à des fins thérapeutiques. Elle veut réveiller le frère par un éloignement imposé afin qu’il prenne conscience de la distance qui s’est creusée entre lui et la communauté à la suite de fautes et d’entêtements répétés. Le rituel entendu ce matin déploie tout un cérémonial qui engage l’excommunié sur une voie de repentir. Celui qui a troublé la communauté et qui s’est éloigné d’elle par ses fautes doit manifester concrètement son désir de conversion Il doit pour cela « faire satisfaction ». Une expression un peu étrange à nos oreilles qui entre en résonnance avec une autre expression « faire réparation ». Nous savons comment ces expressions se sont chargées de pratiques et d’attitudes qui nous semblent peu pertinentes pour notre mentalité. Davantage qu’à des pratiques, nous sommes attachés à l’attitude profonde du cœur sous l’effet de la grâce. Chacun est renvoyé à ce profond travail de conversion qui se joue au niveau de son cœur. Personne ne peut le faire à sa place. Nous pouvons nous interpeller, nous poser des questions, nous faire des remarques pour permettre à un frère d’ouvrir les yeux sur son comportement. Mais nous savons que la prise de conscience de ce qui bloque sa vie et de ce qui le coupe de ses frères, ne pourra venir que de la grâce. Réveillé, illuminé de l’intérieur, alors le frère aura le goût et le désir de revenir en communion avec ses frères. Mystérieux chemin qui demande beaucoup d’humilité. Humilité de la communauté devant un frère qui peine et avec lequel on souffre sans bien savoir comment le rejoindre. Humilité du frère qui doit accepter de laisser tomber les nombreuses, autojustifications derrière lesquelles il pense être à l’abri. Humilité du frère qui accepte de revenir en assumant et en se donnant tel qu’il est. Chemin de grâce, d’une grâce qui coûte à chacun : humilité et prière, beaucoup de prière !! (2011-07-28)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 43, v 18-19 Retards à l’œuvre de Dieu ou à table écrit le 27 juillet 2011
Verset(s) :

18. Et que personne ne se permette de prendre à part aucun aliment ou boisson avant l'heure prescrite ou après.

19. De plus, si le supérieur offre quelque chose à tel ou tel, et que celui-ci refuse de le prendre, quand il désirera ce qu'il a d'abord refusé ou autre chose, il ne recevra absolument rien jusqu'à ce qu'il s'amende comme il faut.

Commentaire :

Cette fin de chapitre semble quitter le sujet des retards abordés jusqu’alors. On pourrait aisément lui donner comme sous-titre : « à temps et à contretemps ». En effet Benoît rappelle qu’on ne prend pas de nourriture avant ou après l’heure prescrite des repas. On observe le temps du repas, sauf exception pour les malades ou les anciens en accord avec l’abbé ou l’infirmier, disons-nous aujourd’hui. Et Benoît ajoute encore l’invitation à vivre « à temps » et non « à contretemps ». Ainsi si on propose quelque chose à un frère qui le refuse. Ce dernier ne pourra le réclamer ensuite. Ces deux situations décrites par Benoît peuvent faire échos à bien d’autres que nous rencontrons ou vivons dans la vie quotidienne. Ces situations manifestent combien il ne nous est pas facile de vivre « à temps », dans le tempo de la vie. E qu’il n’est pas rare que nous soyons surpris à vivre « à contretemps ». Contretemps quand nous devançons ou retardons les choses à faire, ce qui nous met en décalage avec nos frères. Contre temps quand nous opposons un refus, par principe, au lieu de consentir à une demande qui nous bouscule peut-être, mais qui nous entraine dans la vie et la charité. Tristes contretemps qui non seulement irritent les frères mais nous enferment sur nous-mêmes, nous replient.

Oui le temps est maitre de vie. Il nous enseigne à vivre doublement selon son temps : par l’horaire et les heures fixes qui structurent nos appétits pour le repas et notre rythme de veilleur pour les temps de prière. Mais le temps nous enseigne aussi la vie par tous les imprévus qui viennent bousculer nos prévisions, nos plans. Savoir être docile, non rigide mais ouvert pour saisir l’opportunité de la charité est une grâce à demander et à recueillir. C’est plus encore la joie de vivre toujours plus comme un vivant, un enfant de Dieu sous la conduite de l’Esprit de son Père. (2011-07-27)