Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
1. Si un abbé demande qu'on lui ordonne un prêtre ou un diacre, il choisira parmi les siens quelqu'un qui soit digne d'exercer le sacerdoce.
2. Quant à celui qui sera ordonné, il se gardera de l'élèvement ou de la superbe,
3. et il ne se permettra rien en dehors de ce que l'abbé lui commande, sachant qu'il sera soumis bien plus encore aux sanctions de la règle.
4. Et sous prétexte de sacerdoce, il n'oubliera pas l'obéissance et la discipline de la règle, mais de plus en plus il progressera vers Dieu.
5. Il regardera toujours comme sienne la place qu'il avait de par son entrée au monastère,
6. sauf pour le service de l'autel et si le choix de la communauté et la volonté de l'abbé voulaient le promouvoir en raison du mérite de sa vie.
7. Toutefois il saura garder pour lui-même la règle établie pour les doyens et prévôts.
« De plus en plus, il progressera vers Dieu »
Ainsi parle Benoît à propos d’un frère prêtre dans le souci qu’il observe effectivement la règle. Il serait à craindre que, devenu prêtre, il se sente au dessus des autres et dispensé de certaines obligations. En revenant du Vietnam, je mesure mieux ce que Benoît veut dire ici. Dans nos communautés là bas, cette question du sacerdoce reste sensible. Le désir d’être prêtre habite beaucoup de frères qui entrent au monastère. Il est difficile de faire découvrir que la vie monastique n’est pas d’abord sacerdotale.
Ensuite la difficulté est redoublée à cause de l’image du prêtre que l’on se fait. Être prêtre, c’est d’emblée être placé sur un piédestal par les fidèles. Du coup, il est difficile pour un moine prêtre de se considérer à égalité avec les autres frères. F. Pierre Thoï me disait que les frères de Tien An ne voulaient pas au début qu’il travaille avec les novices au jardin, de même des laïcs qui le voyaient ne comprenaient pas.
Du coup, la tentation est forte pour les prêtres d’avoir une vie à part, dans le travail mais aussi dans la vie commune.
Nous touchons ici un trait de mentalité lié à une culture, trait qui entre en conflit avec le projet monastique tel que nous le recevons de Benoît, où le prêtre se distingue, avant tout, par son service à l’autel, mais rien sur les autres points.
Nous mesurons combien autour de la question du sacerdoce se greffent plusieurs aspects inhérents aux cultures, aspects toujours à convertir.
En Occident, dans notre culture très sécularisée, la tentation pourrait se situer dans l’autre extrême opposé. Les réactions identitaires de certains courants naissent en partie de ce contexte.
Et en même temps, ce contexte assez décapant peut être une chance pour situer le prêtre à sa juste pace, moins comme l’homme du sacré, que l’homme qui préside au rassemblement de la communauté pour écouter ensemble la Parole de Dieu et faire mémoire de la mort et de la résurrection du Christ.
Dans un monastère, le moine prêtre exerce ce ministère en présidant l’Eucharistie ou en s’y unissant dans la concélébration.
Dans le service des sacrements, le moine prêtre reste le témoin en sa personne et en sa fonction que notre communauté se reçoit du Christ avec toute l’Eglise. Il est serviteur des mystères de Dieu pour ses frères.
Invitation à une joyeuse humilité de la part du prêtre qui se rend disponible et de la part des frères qui se laissent guider.
Dieu se donne au milieu de nous.
(2011-09-24)
5. Si par la suite il veut se fixer définitivement, on ne s'opposera pas à cette volonté, surtout que l'on a pu apprécier sa vie au temps où il recevait l'hospitalité.
6. S'il s'est montré exigeant ou vicieux au temps où il recevait l'hospitalité, non seulement il ne faut pas l'agréger au corps du monastère,
7. mais encore on lui dira poliment de s'en aller, de peur que sa misère ne vicie encore les autres.
8. S'il ne mérite pas d'être mis dehors, non seulement, s'il le demande, on le recevra et on l'agrégera à la communauté,
9. mais encore on le persuadera de rester, pour que son exemple instruise les autres,
10. et parce qu'en tout lieu on sert le même Seigneur, on est au service du même roi.
11. Si même l'abbé voit qu'il en est digne, il pourra le mettre à une place un peu plus élevée.
12. D'ailleurs ce n'est pas seulement le moine, mais aussi ceux de l'ordre des prêtres et de celui des clercs dont il a déjà été question, que l'abbé peut établir à une place supérieure à celle de leur entrée, s'il voit que leur vie en est digne.
13. Mais l'abbé se gardera de jamais recevoir à demeure un moine d'un autre monastère connu, sans le consentement de son abbé ou sans lettre de recommandation,
14. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
Appartenir à une communauté monastique ne semble pas avoir complètement le même sens pour Benoît que pour nous aujourd’hui. Visiblement les frontières entre les communautés étaient plus poreuses autrefois permettant des transferts de moines plus aisés. Ce qui ressort par contre de ces lignes et dans lequel nous nous retrouvons d’emblée, c’est l’importance du soutien mutuel pour avancer dans la vie monastique. Ainsi Benoît recommande que l’on persuade un moine étranger de rester s’il s’insère bien dans la communauté, afin que « son exemple instruise les autres ». Benoît semble attacher une grande valeur à l’exemple d’un frère pour le bien de tous. Comme pour Benoît, nous restons plus sensibles à la manière de vivre d’un frère qu’à ses paroles. Non seulement cela, mais nous avons besoin les uns des autres pour nous conforter dans la recherche qui est la nôtre. Si nous redoutons toujours un peu des frères qui se donneraient ou se poseraient en exemple, nous sommes édifiés et consolidés par la vie fervente des autres. Comme dans la construction d’un mur, à l’inverse une pierre mal ajustée ou décalée peut entrainer un déséquilibre pour l’ensemble. Ou bien pour éviter cela, il faudra un effort supplémentaire pour que les pierres supérieures soient ajustées. Il en va souvent ainsi dans la vie commune. La dérive de l’un et la négligence d’un autre peuvent entrainer une sorte d’érosion de l’exigence vécue par tous qui risque d’entrainer les plus faibles. De toute façon, la faiblesse des uns demande un surcroit d’effort ou de force aux autres pour ne pas se laisser entrainer dans le laisser-aller. C’est vrai par exemple pour les retards aux exercices de vie commune, c’est vrai encore pour la présence active au desservice le midi, où la fuite des uns pèse sur les autres.
Ce matin, je signalerai un troisième lieu sensible, c’est le poste info de la bibliothèque où le risque est réel de s’attarder et de perdre du temps, sur des sites non utiles ce qui peut laisser penser qu’on peut faire n’importe quoi. Ici aussi nous pouvons nous entraider et nous entrainer en nous tirant vers le haut. Soyons vigilants nous avançons ensemble et nous avons besoin les uns des autres pour devenir ce que nous sommes : une maison de Dieu. (2011-09-23)
1. Si un moine étranger arrive de provinces lointaines, s'il veut habiter au monastère en qualité d'hôte
2. et se contente de la coutume locale telle qu'il la trouve, sans troubler le monastère par ses vaines exigences,
3. mais en se contentant simplement de ce qu'il trouve, on le recevra aussi longtemps qu'il le désire.
4. S'il fait quelque critique ou remarque raisonnable, avec une humble charité, l'abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l'aurait pas envoyé précisément pour cela.
« L’abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l’avait pas envoyé pour cela ». Cette recommandation très fine est révélatrice du tact spirituel de Benoît. Il invite l’abbé à être toujours à l’affut pour être attentif à faire la volonté de Dieu. Comme tout frère, il se doit d’être à l’écoute des personnes et des situations. Car Dieu parle à travers les unes et les autres. Le verbe latin utiliser ici (tractare) est le même que celui employé dans le chapitre sur la réunion de la communauté en Conseil (3,2). De même l’abbé examine les propos des frères et notamment des plus jeunes pour décider ensuite du meilleur parti à prendre, de même ici l’abbé examinera si ce moine de passage ne serait pas l’instrument de Dieu pour dire une parole à la communauté. Bien sûr l’abbé doit discerner avec prudence « prudenter ». De même la manière avec laquelle le moine ferait une remarque est aussi importante, « avec une humble charité ». Nous le voyons tout ici est affaire de tact spirituel, et la manière de dire les choses de la part du moine, et la manière de les recevoir de la part de l’abbé.
Il est heureux d’envisager notre vie monastique sous cet angle là du tact spirituel. Tact qui témoigne d’une belle profondeur du regard sur les rencontres et les événements que nous vivons. Rien dans notre vie n’est anodin. Et Dieu ne cesse de venir à notre rencontre au gré de nos journées. Apprendre et désirer le reconnaitre en toute chose, c’est grandir dans ce tact spirituel qui feront de nos rencontres des espaces de vie et de croissance. Dans cette lumière notre quotidien peut trouver une nouvelle saveur, saveur de la charité, de la joie spirituelle dans les choses très simples, saveur d’une vie où tout prend sens sous le regard de Dieu. « Goutez et voyez comme est bon le Seigneur » dit le psalmiste. Que le Seigneur nous vienne en aide !! (2011-09-22)
1. Si quelqu'un de l'ordre des prêtres demande à être reçu au monastère, on n'y consentira pas trop vite.
2. Toutefois s'il persiste absolument dans cette supplication, il saura qu'il devra observer toute la discipline de la règle
3. et qu'on ne lui en relâchera rien, pour que ce soit comme dans l'Écriture ;: « ;Ami, pourquoi es-tu venu ;? ;»
4. Toutefois on lui accordera de se placer après l'abbé et de bénir ou de conclure les oraisons, si toutefois l'abbé l'y autorise ;;
5. sinon, il ne se permettra rien du tout, sachant qu'il est soumis aux sanctions de règle, et il donnera plutôt à tous des exemples d'humilité.
6. Et si jamais il est question au monastère de nominations ou d'autre chose,
7. il regardera comme sienne la place qu'il a de par son entrée au monastère, non celle qui lui a été accordée par respect pour son sacerdoce.
8. Quant aux clercs, si l'un d'eux, animé du même désir, veut être agrégé au monastère, on les placera à une place moyenne,
9. à condition toutefois qu'ils promettent eux aussi l'observation de la règle et leur propre persévérance.
On retrouve dans ce chapitre la même réserve déjà observée au sujet de l’entrée du nouveau venu. Quand un prêtre demande à s’agréger à la communauté, « on n’y consentira pas trop vite ». Prudence donc, pour s’assurer des motivations de la personne qui a, par son sacerdoce, une place un peu à part. La prudence de Benoît est motivée par son souci de ne pas permettre une altération de l’esprit monastique. Ici il ne se situe pas d’abord au plan des observances à vivre même si elles sont bien prises en compte. Il est soucieux de sauvegarder avant tout l’esprit d’humilité, humilité du prêtre et humilité dans la communauté. Si le prêtre reçoit par respect pour son sacerdoce, une place plus honorable, il est invité à donner des exemples d’humilité. La vigilance apportée sur les questions de préséance montre combien Benoît souhaite qu’il n’y ait pas de confusion dans l’esprit des frères. L’essentiel n’est pas dans la place reçue par respect de son sacerdoce, mais dans la place que le prêtre doit occuper de par son entrée au monastère.
Ces notations nous redisent bien à chacun, que l’important n’est pas dans la place qui nous vient de nos fonctions ou de nos rôles dans la communauté. Non chacun est d’abord un disciple qui a été appelé par le Christ. C’est cet appel qu’il doit faire fructifier avant tout. S’il y a une valeur à ne jamais perdre de vue c’est celle-là. La valeur que nous donnent nos fonctions, le sacerdoce ou nos rôles peut nous bercer dans l’illusion si nous n’y prenons garde. Comme tout moine, chacun de nous doit demeurer à l’écoute de la Parole, l’oreille toujours tendue pour reconnaitre dans sa vie, la voix du Christ, et se laisser saisir par lui. « Ami pourquoi es-tu venu ? ». Oui c’est pour grandir dans l’amitié avec le Christ que nous avons choisi cette voie. (2011-09-21)
1. Si un noble vient à offrir son fils à Dieu au monastère, si l'enfant est d'âge tendre, ses parents feront la pétition dont nous avons parlé plus haut,
2. et ils envelopperont cette pétition et la main de l'enfant dans la nappe de l'autel avec l'oblation, et ils l'offriront ainsi.
3. Quant à ses biens, ou bien ils promettront sous serment, dans la pétition en question, que jamais par eux-mêmes, ni jamais par le tuteur qu'ils auront désigné, ni d'aucune manière, ils ne lui donneront ni ne lui fourniront l'occasion d'avoir un jour quelque chose. –
4. ou encore, s'ils ne veulent pas faire cela et entendent offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur récompense,
5. ils feront donation au monastère des biens qu'ils veulent donner, en se réservant, s'ils le veulent, l'usufruit.
6. Et l'on coupera ainsi tous les ponts, de façon qu'il ne reste à l'enfant aucune idée qui puisse le séduire pour sa perte, ce qu'à Dieu ne plaise ! C'est ce que nous avons appris par expérience.
7. Ceux qui sont plus pauvres feront de même.
8. Quant à ceux qui n'ont rien du tout, ils feront simplement la pétition et offriront leur fils avec l'oblation devant témoins.
Ce chapitre est apparemment obsolète, puisque nous n’accueillons plus d’enfants d’âge tendre comme au temps de Benoît. Mais il peut encore nous suggérer quelques réflexions concernant la place de nos familles dans notre engagement monastique.
Le rôle central que jouent les parents dans ce chapitre est à cet égard significatif. Nous les voyons faire eux-mêmes la pétition et envelopper celle-ci avec la main de l’enfant dans la nappe de l’autel avec l’oblation. Puisque l’enfant est encore trop jeune, ce sont les parents qui font l’acte d’offrande de leur fils.
Les recommandations au sujet des biens montrent jusqu’où doit aller le sacrifice consenti par les parents. Ils ne pourront plus avoir prise sur leur fils à travers un don ou un héritage qui lui reviendrait ensuite. Avec l’oblation de leur fils, ils doivent accepter que sa destinée leur échappe.
En vertu de cet engagement, l’enfant participe au même dynamisme spirituel que les moines adultes. Il va se recevoir totalement de Dieu à travers la communauté, et cela jour après jour !!
Sans vouloir calquer la situation décrite dans ce chapitre au sujet des parents, nous pouvons cependant dégager quelques similitudes.
Aujourd’hui le jeune adulte s’engage librement, qu’il ait reçu ou non le consentement de ses parents. Et pourtant, c’est un fait, les parents, les frères et les sœurs son impliqués dans notre profession. Notre engagement leur demande implicitement de consentir à la distance que notre vie demande, et d’accepter une nouvelle manière de vivre les relations.
S’ils y consentent, ils vont alors découvrir que la relation filiale ou fraternelle n’est pas rompue mais qu’elle peut trouver un autre visage, voire une autre profondeur reçue dans la foi.
S’ils n’y consentent pas, cela peut conduire à des ruptures (heureusement rares) souvent pénibles.
De même par rapport aux biens, aux cadeaux, ils doivent apprendre la distance et accepter que la famille qui subvient désormais à nos besoins, c’est le monastère, et que les cadeaux et dons appartiennent au monastère.
Nous le savons d’expérience, nos relations familiales se trouvent modifiées par notre profession. Nos familles sont amenées à faire un chemin qu’elles n’avaient pas imaginé.
Nous touchons là la force des paroles radicales du Christ sur les difficultés au sein de la famille que pourra rencontrer celui qui se met à sa suite.
(2011-09-20)
24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,
25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.
26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.
27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,
28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.
29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.
Sans rien se réserver du tout .
Le rituel de profession se finit par le changement d’habit. Le jeune frère laisse ses vêtements et revêt les habits du monastère. Ce geste symbolise la renonciation à tout bien qu’il aura signifié auparavant par écrit, de telle manière qu’il ne se réserve rien du tout à lui. Ne rien se réserver .
Le coutumier rappelait, il y a peu, qu’on veille au libre –service à ne pas se réserver du dessert ou un plat, mais que l’on se serve au gré du repas. Tentation de faire des réserves, de retenir pour soi les bonnes choses, sans se soucier de ce qui restera aux frères.
Oui, tentation de capter, peut-être pour assouvir la peur de manquer ou bien la peur d’être démuni. Oui, le réflexe de la réserve qu’on accumule en nourriture, en papier, en vêtements, en objets de toute sorte est un réflexe de peur qui peut se transformer insensiblement en égoïsme quand tout se centre sur soi-même.
Mais pourquoi avoir peur ? Et de quoi avoir peur ?
En faisant profession, on lâche tout dans la belle confiance que Dieu, à travers la communauté, pourvoira. On accepte de se recevoir tout entier. Sans faire de réserve, on brûle tous ses vaisseaux.
Mais curieusement, la vie nous rattrape avec ses encombrements et la multiplicité des sollicitudes. Si nous n’y prenons pas garde, on se recrée un empire très personnel de choses, un monde à soi pour se protéger ?
Mais de quoi avoir peur ?
Pour ne pas nous laisser dominer par nos peurs ?
La Règle et nos coutumes nous entrainent à la vigilance. Et quand il faut remettre l’ancien en recevant du neuf, quand il faut rendre compte de ses dépenses et des choses que l’on reçoit. Oui nous devons nous exercer à la vigilance. Il serait dommage de vivre ces pratiques comme des brimades. Ce serait le signe que nous sommes devenus esclaves des choses, finalement prisonnier de nous-mêmes. Alors que nous sommes faits pour la liberté.
Oui ne laissons pas nous enlever la grâce de la liberté à laquelle veut nous conduire notre profession monastique.
(2011-09-17)
9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,
10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »
11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.
12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.
13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.
14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,
15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,
16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.
Voici la loi sous laquelle tu veux servir dit Benoît en parlant de la Règle qui sera lue au novice plusieurs fois. Voici la loi .
Il y a deux jours aux Vigiles, nous entendions l’épître aux Galates nous rappelant que ce n’est pas la loi qui nous justifie, mais la foi en Jésus Christ crucifié. Benoît vit-il d’un autre évangile que celui de Paul ? Ou bien y a-t-il loi et loi ? Certainement le contexte dans lequel se situe Paul est il bien différent de celui de Benoît. Paul doit assurer le fondement de la foi en Jésus –Christ mort et ressuscité, fondement qui accomplit la loi de Moïse. Le croyant n’a plus besoin des pratiques.
Au niveau des fondations, Benoît entend offrir une proposition pour aménager le premier étage, pour poursuivre l’image de la maison. Sur les fondations de la foi en Christ peuvent se développer des maisons différentes dans leurs formes. La vie monastique est une de ces formes. Elle a son architecture propre, elle a donc une loi propre fondée sur la foi en Christ. Et cette loi ne vise à rien d’autres que de déployer les harmoniques de la foi.
Benoît utilise le mot militare quand il parle de vivre sous la loi de la Règle. C’est le langage militaire qui rappelle celui du prologue à propos des armes de l’obéissance.
Ce langage militaire place d’emblée notre vie monastique du côté du combat et de la lutte. Nous moines, nous choisissons de vivre notre vie chrétienne sous cette lumière là. La vie chrétienne comme un combat, combat de la foi, de la fidélité, combat de la charité, combat de l’Espérance. La Règle, notre loi, va nous aider à tenir dans ce combat. Elle va nous enseigner à nous donner vraiment et en même temps avec prudence. Elle nous laisse encore les armes à utiliser : l’obéissance, l’humilité, le service mutuel, mais aussi les instruments des bonnes œuvres.
Elle précise la manière de se comporter entre nous, avec l’abbé et entre frères.
Et Benoit insiste : vivre sous cette loi, si on la choisit vraiment c’est pour toujours. Si on a reconnu dans cette maison, le lieu où nous pouvons vivre notre foi, alors il faut persévérer. Car on ne joue pas avec sa vie chrétienne, c’est elle que l’ont veut déployer à travers la vie monastique. Vécue dans la lumière du combat, elle ne peut être exempte d’épreuves qui peuvent en retour nous apprendre la constance et la persévérance dans l’amour du Christ.
(2011-09-15)
5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.
6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.
7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.
8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.
En cette fête de la croix glorieuse, il est bon d’entendre ces lignes. En effet, le mystère de la croix et de la résurrection du Christ est la seule lumière qui permette de comprendre ce que nous dit Benoît.
Au nouveau venu, Benoît recommande que l’on ne transige pas avec la vérité de notre vie. Celle-ci comportera des choses dures et pénibles, pour celui qui cherche Dieu ; il ne peut en être autrement.
Les moines sont-il masochistes, à vouloir ainsi affronter des choses dures et pénibles ? Non ils veulent simplement être des disciples du Christ. Et le Christ nous montre que le chemin vers la vie passe par l’affrontement avec des forces de mort qui font obstacle, avec la souffrance et avec la mort.
Oui la croix du Christ, son combat pour demeurer fidèle jusqu’au bout, et sa résurrection fondent notre chemin monastique.
Si nous voulons chercher Dieu, c’est à la manière du Christ. Nous cherchons, non par curiosité, ni pour résoudre une énigme. Comme le Christ nous cherchons Dieu en écoutant sa Parole et en la laissant illuminer chacun de nos pas. Comme le Christ et en lui nous nous appliquons à l’œuvre de Dieu et à la prière, pour mieux nous tourner vers notre Père. Comme le Christ et en lui, nous nous appliquons à l’obéissance et aux pratiques d’humilité, dans le désir d’ajuster notre cœur à l’amour sans réserve qui nous est offert en premier.
Cette fidélité vécue avec le Christ et en lui nous fera nécessairement traverser des âpretés et des difficultés qui viennent le plus souvent de notre dureté de cœur ou de notre paresse. Nous peinons à être docile à la Parole et au souffle de l’Esprit. Mais dans la foi, nous savons que cette peine n’est pas vaine. Elle est chemin vers la vie, déjà là et déjà offerte à celui qui s’y laisse introduire pair le Christ.
Comme le dit la belle hymne des vêpres que nous chantons le dimanche. Le Christ nous introduit dans la vie, car il est celui en qui l’amour de Dieu se donne, espace ouvert, pays sans borne, mais dont la croix toujours marque l’entrée .
(2011-09-14)
1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,
2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»
3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,
4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.
On pourrait résumer les propos de ce début de chapitre ainsi : surtout pas d’illusions !!
La volonté est forte en effet d e démasquer tout ce qui pourrait n’être qu’illusion dans le désir exprimé par le nouveau venu d’entrer au monastère. La méthode recommandée nous étonnera toujours. Les mauvais traitements infligés et les difficultés d’entrée . Dès le début une sorte de radicalité est posée sans état d’âme. Le nouveau venu est mis d’emblée face aux choses extrêmes qu’il pourra rencontrer plus tard s’il persévère. Ainsi on traduit en français par mauvais traitement, les injures dont parle le chapitre 7 au 4° degré !! Ce sont les injustices dont un jour ou l’autre, tout moine se voit ou se croit être l’objet. La pédagogie mise en œuvre ne consiste pas à éviter les injustices, mais à les provoquer pour éprouver où se situe le nouveau venu. Est-il de ceux qui ne se supportent pas et qui s’insurgent, ou est-il de ceux qui ont déjà perçus que, les injustices ne manquant jamais, la vie avec Dieu consiste à apprendre à les traverser dans l’humilité ?
Si aujourd’hui, nous ne nous sentons pas accordés à ce type de pédagogie musclée, nous devons cependant garder en vue la dynamique profonde.
Comment celui qui arrive fait-il face aux contrariétés ? Sur qui met-il son appui, en lui-même ou en Dieu, et dans l’ouverture au maitre des novices ?
Face aux difficultés, son désir de servir Dieu peut-il s’approfondir et s’enraciner dans un amour plus personnel du Christ ?
D’emblée le nouveau venu est engagé, hier comme aujourd’hui, dans une lutte sans complaisance avec tout cet imaginaire qui l’encombre. Les contrariétés et les difficultés viennent battre en brèche les images de la vie et les représentations qu’il se fait de lui-même.
La lutte ne fait que commencer et elle durera toute la vie.
Consentir à la réalité par amour du Christ, dans l’humilité et l’obéissance est le cœur de la pédagogie monastique et le moyen de progresser vers plus de liberté.
(2011-09-13)
7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,
8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,
9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».
Comment se garder de l’avarice, ce fléau qui peut s’insinuer facilement ? Benoît propose, à la suite du Maitre, une solution : vendre un peu moins cher nos produits que les séculiers.
Il est intéressant de voir que Benoît et le Maitre donnent ensuite de cette même pratique une justification différente. Le Maître dit que c’est par philanthropie que les moines consentent à ne recevoir qu’un prix inférieur à ce que requiert la justice (RM 85.5). Quant à Benoît, il invoque un motif plus théologique pour qu’ en tout Dieu soit glorifié . Ce motif est tiré de la première lettre de st Pierre (4,11) où l’expression est entendue dans un contexte plus large de service des autres fait au nom de Dieu, dans la conscience que la fin de toutes choses est proche (4,7).
Benoît semble vouloir dire : même dans ce domaine toujours délicat et ambigu du gain, Dieu doit être glorifié . C’est la marque que toute la vie du moine n’a pas d’autre préoccupation que de servir la gloire de Dieu et son honneur.
Ce rappel est bon à entendre pour nous aujourd’hui où nous avons l’habitude de distinguer les domaines avec leur logique propre : l’économie et sa logique, le spirituel et sa logique. Effectivement l’autonomie des domaines doit être maintenue pour une gestion saine de la réalité. Et en même temps, le souci de la gloire de Dieu, de son honneur et de la juste image que nous donnons de lui dans nos manières de vivre, doit rester comme une vive attention spirituelle pour chacun de nous. C’est lui avant tout que nous voulons servir.
Notre manière de nous rapporter aux autres, aux clients du magasin et aux hôtes de l’hôtellerie est elle empreinte de respect et de juste déférence ?
Notre manière de parler argent ou de négocier ou d’indiquer les prix fait-elle signe de notre liberté profonde ?
Finalement, en tout ce que nous vivons, donnons-nous à voir que l’essentiel qui nous habite le cœur, c’est la recherche de Dieu ?
Pour être sûr que nous sommes là, sachons éventuellement questionner nos frères qui travaillent avec nous, sur la justesse d’une parole ou d’une attitude. Sachons entendre les remarques qui sont faites.
Rechercher Dieu, c’est aussi cela : être toujours prêt à se remettre en question.
(2011-09-10)