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11. Châtier le corps,
« Châtier le corps » Instrument toujours difficile à entendre et à commenter dans notre contexte culturel si prompt à offrir le maximum de douceurs à notre corps. Cet instrument passe pour du masochisme tout simplement. Une première question qu’on peut se demander : les anciens étaient –ils plus masochistes que nous ? Les écrits monastiques nous rapportent des récits de prouesses ascétiques, mais ils veillent aussi à nous rapporter les histoires de tel ou tel qui n’a pas fait preuve de discernement dans ses pratiques corporelles et qui est tombé dans la démesure, fatale à son équilibre physique et psychique. A notre différence, des anciens vivaient cette conviction forte qu’en travaillant sur le corps, on pouvait sûrement agir sur l’âme. D’où leur attention particulière pour l’ascèse touchant la nourriture, le sommeil, la parole. Leur but n’est pas de tuer le corps, mais de le travailler pour libérer l’âme de ses passions qui s’expriment dans et par des mouvements corporels.
Evagre a une pensée qui est assez significative de cette recherche : «Qui réduit en servitude ses chairs sera sans passion, qui les nourrit souffrira en elles des douleurs » (Aux moines 6). Comment entendre cet instrument aujourd’hui ? Certainement tout d’abord, en trouvant un autre mot à la place de châtier : « discipliner ou exercer ? ». Ensuite en essayant de mieux comprendre le lien entre notre cœur, notre âme et notre corps. Nous savons mieux aujourd’hui que les troubles ou les dérèglements éprouvés dans notre corps, ont leur source en bonne part dans notre histoire et dans des difficultés relationnelles vécue lors de notre petite enfance, le plus souvent à notre insu. Des mouvements, des pulsions mal orientées nous traversent sans que l’on en comprenne toujours bien la cause et ils nous encombrent ou nous pèsent. Quelque chose de notre désir, de notre cœur profond est blessé et qui s’exprime dans des mouvements corporels, voire dans des addictions diverses où notre corps est mis en otage. Au sens propre on peut ainsi devenir esclave de la boisson, de la nourriture, de relations aliénantes. Notre corps pris au piège de ces mauvaises habitudes nous donne alors un signal d’alarme. S’il a besoin d ‘être discipliné pour ne pas nous entrainer dans la déchéance qui peut venir vite, il nous envoie un signal fort. En nous une blessure est là qui appelle un chemin de guérison du cœur, de l’âme, du désir. Et plus que les anciens, nous savons l’importance de la parole, de la relation renouvelée sur ce chemin de guérison. Châtier le corps ? Nous dirions donc plus volontiers : «discipliner notre vie corporelle et libérer la parole »
10. Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.
« Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ ». Heureuse coïncidence, ce matin nous entendrons dans l’Evangile la même invitation de la part de Jésus. Cela nous redit si nous l’avions oublié que la RB ne veut rien d’autre que de nous entrainer sur les chemins de l’Evangile à la suite du Christ. La liturgie de ce second jour de Carême nous propose donc cette péricope en Luc 9 dans laquelle Jésus annonce sa passion : «Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup et que le 3°jour il ressuscite ». Et aussitôt il ajoute : «Celui qui veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive ». Au début du Carême, la liturgie oriente nos regards vers Pâques, vers le mystère pascal du Christ. Durant 40 jours, nous allons nous préparer à vivre cette fête. Mais qu’est-ce que nous voulons dire quand nous disons : « nous préparer » à la fête Pâques ? Hier dans une oraison nous demandions la grâce de mieux nous unir à la passion du Christ. En nous orientant vers Pâques, la liturgie veut nous aider à vivre ces fêtes de telle façon que la grâce dont elles sont porteuses donne vraiment tout son fruit. Grâce d’union du Christ en sa passion, grâce d’union au Christ en sa Résurrection. Par notre baptême, cette grâce est déjà à l’œuvre en nos vies comme ferment. Et la liturgie est comme ce bain ou ce milieu qui va activer ce ferment en nous permettant d’entrer dans une relation toujours plus personnelle avec le Christ. Car le Christ veut nous entrainer dans son propre mystère de mort et de résurrection pour nous donner en plénitude sa gloire. Mais cela il ne veut pas le faire sans nous, ni malgré nous. Et c’est là le sens de son invitation à renoncer à soi-même et à prendre sa croix. Pour que le mystère pascal du Christ nous atteigne et nous transforme dès maintenant, Jésus nous engage à faire comme lui, à se renoncer à nous-mêmes, à entrer dans cette mort mystérieuse qui nous libère de notre ombre ou de tous nos masques de laideur ou encore de nos illusions sur nous-mêmes. Cette mort là n’est pas suicide, mais au contraire libération de la vie sans goût, qui végète et qui vivote. Oui, si nous ne consentons pas à cette mort-là, si nous ne laissons pas le Christ nous apprendre à la vivre avec lui, nous ne gouterons pas dès ici-bas la vie véritable. La puissance de la résurrection déjà à l’œuvre. N’ayons pas peur de renoncer, de lâcher prise sur ces choses dont nous pressentons bien qu’elles nous enserrent et nous entravent. Le Christ est avec nous.
9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».
« Ne pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas qu’on nous fasse ». Cette formule empruntée au livre de Tobie rappelle en négatif la formule que l’on trouve en Matthieu et Luc. « Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites le vous-mêmes pour eux ». Mt 7,13. Formule que Matthieu présente comme un résumé de la Loi et des Prophètes.
Nous ne sommes pas loin de ce qu’on entendait jeudi soir au réfectoire dans la bouche d’Hillel : « ce qui est détestable à tes yeux, ne le fais pas à autrui ». Hillel présentait ce précepte comme un condensé de la Torah, le reste n’en étant qu’un commentaire. Adiu Steinsaltz poursuit en disant que cette formule d’Hillel est une adaptation en négatif du commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». L’amour du prochain est ainsi proposé comme le résumé de la Loi. Paul en Gal 3.14 s’inscrit dans la même ligne quand il affirme : «Par la charité, mettez vous au service les uns des autres. Car un seul précepte contient toute la Loi en sa plénitude : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Avec cet instrument de la RB nous avons comme un résumé des Ecritures. Sa place à la fin de la série des instruments apparentés au décalogue laisse penser qu’on le considère un peu ainsi.
«Ne pas faire à autrui ce qu’on en veut pas qu’on nous fasse ». Ce précepte qui résume la Loi est un précepte qui semble appartenir à la sagesse universelle. Il semble que nous pourrons le rencontrer dans la bouche de sages d’autres traditions religieuses. Son enracinement profondément humain nous redit combien toutes les Ecritures prennent à bras le corps notre réalité humaine. La forme négative «Ne fais pas » ne gomme pas la face sombre de notre agir qui peut nuire à autrui. L’être humain est fragile et c’est à partir de sa propre fragilité reconnue et assumée qu’il peut vraiment aller à la rencontre des autres. Toutes les Ecritures sont un enseignement pour nous aider à assumer notre propre fragilité dans la lumière de Dieu qui nous crée et nous sauve pour nous permettre de nous tourner vers les autres.
Comment entendre concrètement ce précepte pour nous aujourd’hui ? Je vous donne quelques exemples concrets : ne laisse pas un livre sans fantôme à la bibliothèque, ce que tu n’aimerais pas trouver .. ne laisse pas une voiture avec un réservoir vide en rentrant de course, ce que tu n’aimerais pas trouver… Ne laisse pas une place sale au réfectoire ou aux toilettes à ton suivant, ce que tu n’aimerais pas trouver… ne laisse pas à ton frère un fruit gâté dans le plat commun, ce que tu n’aimerais trouver. La vie quotidienne commune est notre école pour apprendre à aimer.
8. Honorer tous les hommes,
« Honorer tous les hommes ». Dans cet instrument, il me semble que l’on peut entendre l’écho d’un grand amour. Amour qui habitait le cœur de Benoit, lui qui avec grand liberté se détache du commandement mosaïque : « tu honoreras ton père et ta mère » pour l’élargir et l’appliquer à tous les êtres humains. Oui, il faut beaucoup d’amour pour honorer tous les hommes, car honorer engage un regard, une attitude et des gestes bien concrets.
Un regard. Honorer tous les hommes engage un regard de bienveillance a priori, pour essayer de rejoindre l’autre là où il est, pour le comprendre, même s’il montre des attitudes ou une conduite repoussante voire mauvaise. Dieu seul regarde tous les hommes de ce regard là pour atteindre cette part virginale en lui, lieu d’un commencement toujours possible Dieu seul peut nous aider à élargir notre regard à le purifier. Demandons-lui cette grâce.
Une attitude. Honorer tous les hommes nous engage dans une attitude d’ouverture et de confiance a priori. L’inverse d’honorer sera de se fermer ou d’avoir peur de l’autre, du frère. Honorer l’autre nous entraine à laisser nos défenses et les jugements qui nous confortent dans notre fermeture.
Des gestes. Honorer tous les hommes peut nous emmener bien loin dans le don de nous-mêmes. Des gestes d’attention, un billet, un service rendu seront dans notre quotidien la manière immédiate de rester ouvert. Ce sera d’accepter de passer quelques minutes pour un frère ou une personne en renonçant à ne penser qu’à soi.
Honorer tous les hommes. Acceptons de ne pas savoir faire, mais ne baissons pas les bras. Désirons entrer plus avant dans cette voie d’amour qui va changer notre regard sur les autres, notre attitude et nos gestes à leur égard. Avec la grâce de Dieu, à demander humblement, nous allons nous agrandir et faire grandir autour de nous.
7. ne pas porter faux témoignage. »
« Ne pas porter de faux témoignage ». L’injonction est ferme car les conséquences peuvent être fatales pour la personne incriminée. Jésus en est un exemple type. A son procès, on a cherché à tout prix à produire deux faux témoins pour garder les apparences d’une juste procédure. Durant toute sa vie, il a dérangé. Ses ennemis ont été à l’affût du moindre écart de paroles ou de geste pour le faire taire. On a commencé par médire en le calomniant : c’est un possédé, c’est un ivrogne et un glouton. On l’a finalement condamné à mort. Un processus similaire recommencera avec Etienne qui fut lapidé.
Dans chacun des cas, on remarque combien des phénomènes d’entrainement jouent à fond. L’accusation grandit et prend de l’importance au fur et à mesure que les uns et les autres consentent à entrer dans le jeu du dénigrement et de la calomnie. Nous sommes face à des mécanismes humains qui se répètent dans la grande comme dans la petite histoire. Et nos monastères n’échappent pas à la possible tentation. Quand il y a un conflit entre frères, le pas est vite franchi d’accuser un tel et de lui coller à la peau des étiquettes et des propos malveillants. Un pas supplémentaire est fait quand on attribue au frère des intentions mauvaises. « Il fait cela par ce que …il veut cela … il pense cela.. » etc Celui qui accuse cherche des oreilles complices pour qu’augmentent les avis et les analyses qui enfoncent le frère de façon souvent injuste.
Méfions-nous des bavardages sur les frères. Veillons à demeure libre et à toujours chercher la vérité. Soyons vigilants pour ne pas donner notre oreille ou notre voix à ceux qui facilement critiquent les frères, médisent et parfois calomnient. Chacun de nous est plus grand que ses erreurs. Chacun de nous a besoin de frères qui puissent écouter et éventuellement dire en face une parole, mais pas de mauvaises langues qui parlent toujours par derrière. Avec le psalmiste nous pouvons redire : « Mets une garde à mes lèvres, Seigneur ! Veille au seuil de ma bouche. Ne laisse pas mon cœur pencher vers le mal, ni devenir complice des hommes malfaisants » Ps 140.3-4.
6. ne pas convoiter,
« Ne pas convoiter ». Depuis le jardin d’Éden, nous sommes enclins à la convoitise, à ce mystérieux désir de prendre par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Nous sommes alors sous l’emprise d’une grande illusion, orchestrée par le grand Illusionniste qu’est par excellence le Mauvais esprit. Ce dernier veut nous faire croire que tout est à portée de main et que tout nous appartient. Comme s’il n’y avait pas de limites et que tout est bon à prendre. Du fait de cette illusion première et tenace, notre désir est fragilisé. Il a perdu son élan premier et fécond qui l’inclinait à se tourner vers son Dieu pour tout recevoir de sa main. Ainsi notre désir blessé peine-t-il désormais à trouver sa juste posture. Là où notre désir est fait pour la relation dans l’échange où l’on donne et reçoit, la convoitise détourne le désir et nous incline à mettre la main sur tout.
Elle rabaisse tout à l’état de choses à prendre. Le désir construit des personnes, la convoitise chosifie tout, même des personnes. Si le désir déploie en nous la vie, lentement, sans craindre la patience et les balbutiements, la convoitise stérilise notre vie et nos relations.
« Ne pas convoiter ». Avec cet instrument nous sommes renvoyés à exercer sans cesse un discernement, entre désir et convoitise. Discernement par l’intelligence et par les actes. Par notre intelligence, nous pouvons mesurer et apercevoir si telle pensée ou si tel désir est juste ou non. Nos expériences passées peuvent nous aider à voir si telle direction, si telle motion est dangereuse ou non, vraie ou illusion. Car nos actes finalement mettent en lumière les fruits des désirs qui nous ont fait faire telle ou telle chose. Nous mesurons plus ou moins vite les fruits de liberté pour nous-mêmes et pour les autres. C’est la grandeur de notre vie humaine que de pouvoir tirer profit de nos expériences passées, heureuses ou malheureuses. Ainsi nous apprenons à affiner notre discernement pour devenir un peu plus des hommes de désir, moins soumis aux pièges de la convoitise.
5. ne pas voler,
« Ne pas voler ». Un nouvel instrument qui fait écho à l’impératif : « Tu ne voleras pas ». Est-ce une tentation pour un moine ? Sûrement comme pour tout humain. Prendre pour soi un bien qui appartient à autrui. Plus subtilement, cet instrument nous engage à être vigilants dans notre relation aux biens. A nous moines qui nous engageons par la profession à ne rien avoir en propre, la tentation est davantage de nous approprier les choses. Nous ne volons pas puisque tout est commun entre nous. Mais il peut arriver que nous retenions des choses sans les avoir reçues. Nous accaparons des biens qui ne nous ont pas été remis par la communauté. Si c’est le cas, ayons le courage d’en parler, de nous tenir dans la lumière.
Dans le « tu ne voleras pas » que nous radicalisons dans la vie monastique en un « tu ne t’approprieras pas » l’enjeu n’est pas dans la chose elle-même. Il est dans le cœur de chacun et dans la relation qu’il entretient avec ses semblables. Le voleur est une personne qui est aveuglée par l’envie de posséder. Pour cela, elle n’hésite pas à nuire à son semblable, à porter atteinte à sa dignité. Celui qui s’accapare des choses dans une communauté est esclave de lui-même. Il n’est plus libre intérieurement. Et il porte atteinte à la communauté en lui manquant de confiance. Il ne s’appuie par vraiment sur elle. Il se débrouille par lui-même « qui vole un œuf, vole un bœuf » dit le proverbe. On pourrait transposer « qui s’approprie un œuf, s’approprie un bœuf » . Sans devenir scrupuleux à l’extrême, ne soyons pas trop négligent sur ce point, car le risque est là de s’installer à son compte. Un bon critère de discernement est de se demander si, ce que j’ai à mon usage, je l’ai vraiment reçu de la communauté, ou par l’intermédiaire d’un frère qui me l’a confié. Ayons à cœur d’être clair dans ce domaine. Nous éviterons de devenir un agrégat de vieux garçons égoïstes. La mise en commun des biens est un des moyens privilégiés de bâtir une communauté de frères.
4. ne pas commettre d'adultère,
Un nouvel instrument qui peut surprendre après le « ne pas tuer ».
Intégré cependant dans ce catalogue, il nous redit plusieurs choses.
La 1°, c’est que notre engagement dans le célibat n’implique pas automatiquement que la question de la chasteté et de la gestion de notre sexualité soit classée une fois pur toutes. Nous le savons trop bien. Nous restons des vivants qui avons à gérer notre sexualité dans toutes ses dimensions pour grandir dans la chasteté. Avec les étapes de la vie, nous découvrons que la question demeure tant nous sommes fondamentalement marqués par notre sexualité. Il nous faut alors apprendre à l’assumer jour après jour avec ses parts d’ombre et d’inconnue, mais aussi avec ses promesses de vie à travers nos rencontres avec des femmes et des hommes qui nous humanisent. Notre célibat pour Dieu en orientant notre cœur vers lui qui est la source de tout amour, libère peu à peu notre capacité d’aimer en vérité et liberté.
Le 2° point à propos de l’adultère nous redit que tout homme et toute femme mariés ou célibataires reste fragile dans ses fidélités. L’adultère est celui qui trahit une confiance, un amour. Jésus pousse loin le sens de cette trahison en parlant de l’adultère vécu dans le cœur de celui qui désire une femme. Nous touchons ici à la racine du mal : notre désir faussé, mal orienté, notre cœur non donné pleinement à notre 1° amour.
Le 3° point que nous pouvons entendre pour nous moines concerne l’alliance avec Dieu. Dans la Bible, les ruptures d’alliance par le peuple sont souvent comparées à des adultères. Dieu exprime alors, à travers les prophètes, la douleur de son amour incompris non-reconnu par son peuple, associé à l’image de l’épouse infidèle. Paul a renouvelé l’image en parlant de l’union entre le Christ et l’Eglise, comparée à l’union de l’homme et de la femme. Par notre engagement dans le célibat, nous sommes, au cœur de l’Eglise, comme les signes mais aussi les veilleurs de ce choix 1° et total pour le Christ, en réponse à son amour qui nous a sauvés.
« Ne pas commettre l’adultère » peut être dès lors pour chacun de nous comme un stimulant dans notre relation avec le Christ, avec son Père. Le Christ veut nous entrainer dans une relation plus vraie, plus entière avec lui et pour lui. C’est un appel à nous donner tout entier à Lui avec un cœur sans partage.
« Unifie mon cœur pour qu’il craigne ton nom »
3. Ensuite « ne pas tuer,
« Ne pas tuer »
Étrange recommandation dans une règle pour des moines, et même étrange recommandation pour des êtres humains tout court ? Car qui a le désir de tuer ? Quels sont en effet les meurtriers qui, aujourd’hui en prison, peuvent dire froidement qu’ils ne regrettent pas d’avoir commis l’irréparable ? Ils sont sûrement une minorité.
Tuer notre prochain ne nous est pas naturel. Ils sont assez fréquents les témoignages de meurtriers qui vivent longtemps sinon toujours avec le poids du remords d’avoir pris la vie de leur semblable ? Ils ont le plus souvent du mal à se le pardonner. A qui donc s’adresse cette recommandation : « ne pas tuer » ? A tout homme pourtant et donc à tout moine, à cette partie blessée de nous qui peut se laisser gagner par l’ombre et par la cécité au point de vouloir la mort de son frère. L’instrument ne pas tuer est là avant tout pour nous rappeler à l’humilité.
Comme tous les hommes, marqués par le péché, nous sommes fragiles, placés dans certaines circonstances en face de certaines situations, l’ombre peut nous gagner et nous emporter dans des actes qui tuent. Cet instrument nous appelle aussi à la vigilance. S’il y a des actes, il y aussi des paroles qui tuent ou qui blessent durablement. Des paroles adressées à la personne elle-même mais aussi des paroles dites sur quelqu’un à son insu. On peut tuer quelqu’un en salissant son image.
Ici nous ne sommes plus dans une possibilité lointaine. Dans nos conversations nous savons qu’il est facile de déraper. Sachons nous entraider pour ne pas nous laisser entrainer dans des propos oiseux sur les autres, qui en salissant le frère, faussent notre regard sur lui. Cette vigilance n’est pas facile à vivre et à tenir. Il nous faut la désirer et la demander dans la prière. Le Christ, devant la femme adultère que l’on veut tuer, ne se laisse pas gagner parle jugement ombreux de ses interlocuteurs. Il demeure libre et aimant dans son regard, car son regard est miséricordieux. Qu’il nous apprenne à avoir ce même regard sur nos frères.
1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;
2. ensuite « son prochain comme soi-même ».
Dans la vidéo sur Edmond Michelet, j’ai été frappé par le récit et les témoignages sur la vie de cet homme notamment pendant sa captivité à Dachau. Un homme tout donné aux autres, choisissant un travail dangereux (la désinfection) pour lui-même, mais le mettant en contact étroit avec de nombreux autres détenus. « Le Français » comme on l’appelait était ainsi comme l’âme du camp par son grand désir de soutenir les uns et les autres et de tisser des liens entre tous.
« Aimer son prochain comme soi-même » nous redit Benoit ce matin. Aimer l’humanité de l’autre, de tous les autres comme on essaie d’aimer sa propre humanité. Aimer est alors une chose très concrète qui se vit dans la relation. Aimer ne se résume pas dans des choses à faire ou à s’efforcer de faire. Non il s’agit plutôt d’un élan qui nous tourne vers les autres, d’un élan qu’il nous revient de ne pas freiner et encore moins de détourner sur soi-même de façon égoïste. Cet élan qui a touché les camarades d’Ed Michelet. Il était tourné vers les autres et non replié sur lui-même. Les commentateurs ont noté qu’il avait appris cela peu à peu et notamment à travers les Équipes Sociales à Brive. Aimer est une affaire d’entrainement, d’exercices à reprendre pour que cela devienne comme une habitude. Aimer cela se nourrit, Ed Michelet a parlé lui-même du rôle capital de l’Eucharistie reçue en dérobade pendant sa captivité. Pour nous moines, nous voudrions nous aussi vivre de cet élan profond qui nous tourne vers les autres. N’ayons pas peur de commencer aujourd’hui et de recommencer encore. Entrainons-nous dans les gestes les plus quotidiens : répondre oui de bon cœur à une demande, remplacer un frère pour un service ou au nettoyage des tables, aller vers un frère à l’écart, aller rendre visite à un malade. Ne brisons pas l’élan de notre générosité qui est suscité par l’Esprit Saint. Nourrissons cet élan dans la prière à la source d’un autre amour, celui du Christ pour nous.