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1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
Est-ce un hasard si ce chapitre de l’humilité occupe une si grande place dans la RB ? Est-ce encore un hasard, si ce mot « humilité » se trouve encore 16 fois dans le reste de la RB, le verbe « humiliare » 4 fois dans le reste de la RB, et l’adjectif « humilis » 2 fois en dehors du chapitre 7 sur l’humilité. Par comparaison, on trouve 16 fois le mot « caritas » dans toute la RB, 8 fois le mot « amor », 8 fois le verbe « amare » et 9 fois le verbe « diligere » qu’on peut traduire chacun par le verbe « aimer ».
Humilité et charité, deux mots qui ont du poids dans le langage de Benoit qui parle à ses moines. Non ce n’est pas un hasard si ces mots ont une telle importance. Dans notre vie cénobitique, chacun de nous est renvoyé continuellement sous le regard de Dieu à la relation aux autres et à soi-même. Continuellement, les paroles et les gestes de la vie quotidienne nous font toucher la réalité de l’humilité et celle de la charité. Il n’y a pas un jour où nous ne sommes pas appelés à poser un geste de charité un peu couteux ou à avoir une attitude d’humilité qui nous décentre de nous-mêmes. Passer à côté ou bien y être attentif ? C’est ce qui fait la différence et la qualité de nos vies humaines et spirituelles ? Benoit nous engage à prendre à bras le corps notre vie pour quelle devienne plus humble et plus aimante à la suite du Christ. Ici nous touchons le cœur où l’on peut tricher, ni avec nous-mêmes, ni avec les autres. C’est dans les méandres de notre cœur que va nous conduire ce chapitre sur l’humilité. Notre cœur porte en lui le désir renouvelé depuis notre baptême d’être comme un enfant docile sous la conduite de l’Esprit. Laissé à lui-même, notre cœur risque d’être toujours trop vieux, car trop plein de lui-même et de ses illusions. Dans la lumière du Christ humble, tous les événement de notre vie peuvent devenir des occasions de nous laisser conduire, vers plus de vérité, de simplicité, et de charité pour avoir un cœur toujours plus jeune et libre.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.
A Bosé, on trouve la représentation d’une chouette ou d’un hibou, symbole de la sagesse. Cette phrase y est inscrite : « Dans un vieux chêne, logeait un hibou. Plus il se taisait, plus il savait. Et plus il savait, plus il se taisait ». Merveilleux petit aphorisme de sagesse qui ouvre une belle voie pour apprendre le silence. Plus il se taisait, plus il savait. Plus il savait, plus il se taisait. Comme cela nous y invite, je vais me taire et en rester là pour ce matin.
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
Le chapitre a pour titre « de la taciturnité », mot à mot « de l’action de se taire, de ne pas parler ». Effectivement, la recommandation est mise sur «la retenue des paroles ». «J’ai placé une garde devant ma bouche ». Peut-on dire que ce chapitre traite du silence ? Il me semble qu’il y a tout un chemin entre la taciturnité et le silence. Se taire est une chose, faire silence en est une autre.
La proposition faite ici de se taire et de veiller à ses paroles veut rejoindre le disciple désireux avant tout d’écoute, que nous sommes tous. Écouter en priorité puis parler. Dans les rencontres entre nous, dans les groupes par exemple, dans l’accueil des hôtes, sommes-nous dans cette attitude d’écoute ou bien sommes-nous préoccupés de nous raconter, de placer notre réflexion ou notre bonne histoire ? Plus qu’à une discipline extérieure, ce chapitre finalement nous renvoie à une attitude intérieure qui peut se résumer par cette question : qu’elle est notre capacité d’écoute ? Avec quelle qualité d’attention, écoutons-nous ? Cette question n’est pas secondaire, car el le touche à notre être de disciple en construction, au service de Dieu et des autres. Il est toujours un peu triste de voir des personnes qui sont habitées par une sorte de besoin irrésistible de parler d’elle-même ou d’occuper le terrain, sans se dire vraiment. Pour nous moines, nous cherchons autre chose, nous cherchons à entrer en relation dans l’accueil mutuel les uns des autres ; accueil qui passe par l’écoute et la maitrise de la parole. Je crois que nos groupes sont ici une belle école de vie. Les animateurs ont un rôle discret mais réel afin d’aider ceux qui sont empressés de parler à se canaliser, et d’aider ceux plus discrets à oser leur propre parole. Car il n’y a rien de plus dommageable dans un groupe que la monopolisation de la parole par quelques uns. Cela tue la vie. Ensemble, apprenons les uns par les autres à mieux nous connaître dans nos mouvements spontanés afin d’être des hommes d’écoute.
14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
« Dieu aime celui qui donne avec joie ». Obéissance agréable à Dieu et douce aux hommes que celle qui est vécue avec joie. Cette note de Benoit vient à propos. Car il connait le risque que nous connaissons bien aussi, d’obéir de mauvaise grâce. Vivre et nous tenir sous la parole d’un autre coûte à la part encore orageuse de nous-mêmes. Celle qui n’est pas vraiment libre. Mais Benoit fait confiance à la meilleure part dont nous sommes capables : celle d’obéir avec joie. C’est la joie du disciple du Christ animé par l’Esprit Saint. Cette joie là, nous ne la puisons pas à la source de nos seules forces humaines. Elle est en nous comme un cadeau reçu de Dieu qui, depuis notre baptême, nous fait participer à sa vie. Dans le martyrologe lu hier, nous en avons entendu un bel exemple : la joie des Carmélites de Compiègne montant à l’échafaud en chantant les louanges de Dieu. Joie étonnante, fruit de la foi et du don total de soi à Dieu. Cette joie chrétienne transparait dans de nombreux récit de martyrs à travers toute l’histoire de l’Eglise. Joie qui signe la vraie liberté trouvée en Christ. N’est-ce pas cette joie là dont parle Benoit. Les moines ont été souvent considérés dans leur origine comme des chrétiens voulant vivre la radicalité évangélique, à la manière des martyrs. Cette joie étonnante nous la portons tous en nous comme une source qui ne demande qu’à jaillir. Elle a accompagné les premiers pas nous conduisant au monastère. Elle est là vive et ravivée à chaque fois que nous nous donnons avec générosité. Plus nous nous donnons, plus la joie s’ouvre un chemin dans notre cœur. Elle y est chez elle. Au contraire, si nous nous replions sur notre confort ou sur nos soucis, nous obstruons et nous ensablons la source. Ce ne sont pas les épreuves ou les obstacles qui font taire la joie, mais nos repliements sur nous-mêmes. Ici l’obéissance s’offre comme une chance. En nous tenant disponible et à l’écoute de la parole d’un autre, prêt à nous laisser déranger, nous nous ouvrons. La joie peut s’engouffrer dans la brèche.
10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,
11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;
12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.
13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »
En écoutant ces lignes, il apparait que l’être humain obéit toujours à quelque chose, sinon à quelqu’un. A l’obéissance au jugement d’un supérieur, Benoit oppose en effet l’obéissance à ses désirs ou à ses plaisirs. Tout se passe donc comme si nous étions toujours en train d’obéir. Reste à savoir à qui ou à quoi ? Et la question rebondit : où suis-je le plus libre dans les choix que je fais ? Est-ce en vivant à ma guise ou bien est-ce en vivant selon le jugement d’un autre en demeurant dans les coenobia, en communauté ? Étonnamment, nous connaissons bien la réponse à cette question. Et cependant, nous n’en finissons pas de nous battre avec l’illusion d’une liberté qui ne serait que dans l’accomplissement de nos désirs et plaisirs de toute sorte. Illusion tenace qui nous fait accepter avec peine qu’un autre puisse intervenir dans nos vies par une parole, une remarque ou par une demande. Benoit nous invite ce matin à lui faire confiance : l’obéissance à un autre si elle est une voie étroite, elle est une voie sûre qui conduit à la vie. Et cette vie est éternelle, car par l’obéissance nous sommes introduits dans une vraie relation avec les autres et avec Dieu. Obéir, c’est entrer dans une relation durable basée sur la confiance. Je fais confiance à Dieu. Je m’abandonne à Lui dont je suis sûr qu’il ne peut me laisser tomber, car il veut me donner sa vie à travers ces hommes auxquels j’obéis. A l’inverse, obéir à ses désirs ou à la recherche des plaisirs immédiats ne fait que nous enfermer sur nous-mêmes, sur un bonheur qui nous échappe toujours, car trop insatisfaisant. Liberté illusoire qui nous enchaine un peu plus à nos esclavages de toutes sortes. De nouveau, Benoit nous invite à regarder Jésus. Il a obéi à son Père pour demeurer uni totalement à Lui dans une relation vivante et confiante jusqu’à l’extrême souffle. Dans le désert, par les tentations, le diable voulait le couper de cette relation filiale et vitale. Il lui faisait miroiter les illusions d’une liberté toute puissante car toute autonome. Jésus s’est engagé sur le chemin de la liberté, fruit d’une relation vivante . A sa suite, il nous appelle à devenir libre en entrant dans une relation vivante et obéissante, c’est à dire tout à l’écoute de nos frères et de notre Père.
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »
6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »
7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,
8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.
9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.
En lisant ce chapitre, je suis frappé par la vision de foi qui le sous-tend. « Aussitôt qu’un supérieur commande quelque chose ». C’est « comme si c’était commandé par Dieu ». Le style concis de la formule donne une force étonnante à cette réalité de foi qui habite la RB, et plus précisément des anciens moines. Je crois que, si nous, nous pensons la même chose, nous ne le dirions pas d’emblée ainsi, et que nous sommes plus soucieux de marquer la spécificité de la parole humaine ainsi que le distance qui existe entre la parole d’un homme et la parole de Dieu. Cette distance est importante car elle est l’espace qui va permettre la foi, le travail de la foi. Cet espace existait aussi bien sûr pour les anciens. Mais il me semble qu’il était beaucoup plus perméable que le nôtre à la conjonction possible entre parole humaine et parole de Dieu. Aujourd’hui nous sommes plus sensibles à l’autonomie des réalités humaines et divines. Il nous importe qu’une parole humaine soit vraiment humaine, responsable, vraie, raisonnable en elle-même. Nous y reconnaitrons dans la foi une parole de Dieu pour nous, à ce prix là. Car nous croyons que notre Dieu, qui veut se dire à travers notre langage humain, à travers nos règles et nos réalités humaines, les respecte pleinement pour ce qu’elles sont. Une telle manière de voir ne rend pas le travail de la foi plus aisé, peut-être même devient-il plus crucial. En effet, la parole humaine qui apparait dans toute sa réalité simple et fragile, temporaire et limité peut-elle être l’expression d’une parole de Dieu pour moi ? Comment puis-je reconnaitre dans une demande qui me déplace, dans une réponse inattendue à une question, une manifestation de la volonté de Dieu qui oriente mes pas de telle façon et pas de telle autre. Nous touchons là le travail de la foi, qui sous tend notre obéissance. Dans ce travail de la foi, nous avons une lumière : le Christ.
S’il est le premier dans notre vie, il a la première place dans notre cœur, notre obéissance est vraiment fondée nous assure Benoit. En nous attachant à lui, en serrant le plus possible ses pas, nous apprenons de lui l’obéissance dans la foi, dans le clair obscure de la confiance en la Parole d’un Autre.
1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.
2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.
3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
Par deux fois revient le mot « délai » en ce début de chapitre sur l’obéissance. « Le premier degré de l’humilité est l’obéissance sans délai ». « Ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l’accomplissement de ce qui est demandé ». Entre l’obéissance tout court et l’obéissance sans délai, on mesure bien qu’il y une graduation. Entre les deux, il y a un espace, une marche dans lequel vient se glisser parfois des réflexions que l’on connait bien : « Ah, mais cela peut bien attendre… pourquoi es-tu si pressé… et puis, il n’y a pas le feu… il fera encore jour demain ». Voilà autant de feins ou de parasitages que nous sommes capables d’introduire et qui grippent en quelque sorte notre manière d’obéir. Nous avons tous un jour ou l’autre ce genre de réflexe. Il vaut la peine de s’y arrêter pour essayer de comprendre ce qu’il y a derrière, surtout si cela a tendance à se répéter. Est-ce que je temporise parce que j’ai peur de m’engager ou que je ne suis pas sûr de moi ? Mais l’appel de l’autre peut être un gage de confiance. Est-ce que j’introduis un délai parce que je n’aime pas être bousculé dans mon rythme et que je veux que les choses aillent selon mon temps ? Mais ce temps est-il en accord avec celui de la communauté ou tout simplement avec la réalité ? Ou encore est-ce que je laisse passer du temps parce que je n’aime pas qu’on me demande quelque chose et que je signifie à l’autre que j’existe et que je ne suis pas son larbin. Mais obéir m’asservit-il à celui qui nous demande quelque chose ?
L’obéissance sans délai est une grâce à demander et à accueillir car elle nous déplace et nous met dans le temps d’un autre. C’est exigeant et c’est une chance d’entrer dans un temps plus réel que mon seul temps. C’est le temps de la relation avec Dieu. Dieu me parle, je lui réponds sans délai, je ne le fais pas attendre !!
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
Il n’y a pas longtemps nous entendions Jésus dire dans l’Evangile à un scribe désireux de le suivre : « Les Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ». Les renards ont des terriers, les oiseaux des nids, mais le disciple qui voudrait suivre le maitre doit se préparer à ne pas avoir d’endroit où reposer la tête. La conclusion du chapitre 4 que nous venons d’entendre ce matin insiste, elle fortement sur la stabilité et la clôture du monastère. Étonnante dissymétrie entre les deux perspectives de vie qui veulent être toutes deux des manières de suivre le Christ ! Entre la vie de disciple proposée par un maitre itinérant en Palestine du 1° siècle et la vie de disciple du Christ proposé par Benoit ; cinq siècles se sont écoulés. L’annonce de l’Evangile du Christ n’a pas cessé de produire des nouvelles manières d’être disciples, sous la motion de l’Esprit. Après les apôtres, les missionnaires et les prophètes, il y a eu les diacres, puis les veuves, puis les ascètes seuls ou en communauté avec des phénomènes remarquables comme par exemple, Simon le Stylite vivant sur une colonne d’où il évangélisait. Et jusqu’à nos jours, la liste s’est considérablement enrichie, comme pour mieux signifier que tout genre de vie humaine peut donner lieu à un engagement radical à la suite du Christ.
La stabilité et la clôture caractérisent donc fortement notre manière de suivre le Christ. L’espace réduit dans lequel nous choisissons de vivre nous entraine par lui-même à privilégier le travail intérieur. Le cloitre, lieu de vie, lieu d’écoute et de discernement, devient par excellence notre atelier. Là avec les 74 instruments mis à notre disposition nous pouvons travailler toutes les dimensions de notre vie. La relation à Dieu, la relation aux autres et à soi-même sous la conduite de l’Esprit Saint.
C’est une œuvre d’art que nous sommes appelés aussi bien à accomplir qu’à devenir ensemble. L’œuvre d’art, c’est chacun et c’est la communauté. Inséparablement les uns avec les autres, les uns par les autres, nous sommes ouvragés comme des pierres de construction. C’est rude à certains jours quand les pierres se frottent les unes aux autres, ou quand il faut enlever un morceau ou retrancher quelque chose. Mais c’est ainsi que peut s’édifier la maison de Dieu, lieu d’intime rencontre avec Dieu et de lieu de charité entre frères dans la vérité. Ayons confiance dans la fécondité de notre stabilité vécue avec générosité. Elle porte du fruit dans le temps, un fruit d’humanité vraie et libérée. (2012-07-07)
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,
3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.
4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,
Un frère me disait un jour que ce n’est pas forcément dans les grandes choses ou les grandes orientations de la vie que l’obéissance est difficile à vivre, mais souvent au contraire dans les petites : un service demandé, un remplacement à faire sur-le-champ, un frère à aller chercher ici ou là. Dans ces petites choses, il semble parfois surgir comme un mur, une impossibilité. Et alors, pour le frère, la chose est “impossible”. La barre de “l’impossible” ne se situe pas forcément à une grande hauteur !
Comme le suggère ce chapitre, il est toujours prudent de vérifier de quelle impuissance il s’agit. Est-ce qui est une forme de résistance, comme pour mieux s’affirmer devant le frère qui demande quelque chose ?. S’agit-il d’une impuissance qui masque un désir d’être reconnu ? Il peut être bon de faire le point sur soi-même, surtout si de telles situations se reproduisent et que les refus s’accumulent. Il peut être bon d’en parler avec un père spirituel, pour ne pas être dupe de soi-même. Cette prétendue impuissance ne serait-elle pas un verrou qui m’empêche d’être libre ?
Mais ce petit chapitre nous dit peut-être, encore plus fondamentalement, que notre impuissance à nos propres yeux n’est pas forcément un obstacle à notre vie humaine ou spirituelle. L’impuissance peut-être le lieu le plus vrai à partir duquel nous pouvons obéir. L’obéissance à une parole est toujours un appel à sortir de soi, à s’aventurer sur un chemin inconnu. L’appel reçu invite au dépassement de soi, de ses idées sur soi-même ou sur les autres, pour oser aller vers d’autres horizons. N’ayons pas peur, d’emblée, de notre impuissance ! Que le Seigneur nous aide à la regarder comme le lieu où son secours nous est offert.
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
Evagre a cette parole : « Le moine fou néglige les instruments de son métier, mais le sage en prendra soin » (aux moines 79). Les instruments de l’art spirituel sont les instruments en résumé de notre métier de moine. Instruments du cœur, instrument de l’âme que nous exerçons jour et nuit pour accorder toute notre vie, nos pensées, nos sentiments et nos actes à l’Amour du Christ et à l’amour de nos frères. Nous n’avons pas d’autres ambitions que celle-là; unifier tout ce que nous sommes pour aimer avec plus de vérité et de liberté. Nous unifier, quel programme de vie !! Avant le souci de notre travail ou de nos études ou de nos activités nous voulons porter toute notre attention sur notre manière de vivre et d’entrer en relation avec Dieu et avec nos frères. C’est là que nous exerçons notre art spirituel. C’est ici qu’est requis de notre part un vrai engagement. A ce propos, j’ai apprécié ce que nous disait la soeur Claire du Canada, dimanche soir. Le travail proposé à l’IFHIM a une certaine consonance avec notre art spirituel. Il a en commun avec lui d’apprendre la juste vigilance dans toutes les actions de la vie quotidienne pour grandir en liberté et en capacité d’aimer. Sr Claire insistait sur l’enjeu de nos décisions petites ou grandes, la formation à l’IFHIM vise à aider les personnes à mieux connaitre et assumer leur manière de décider pour vivre et aimer plus en conformité avec leur projet de vie. De manière analogique, nos instruments de l’art spirituel veulent nous rendre plus vigilants sur nous-mêmes dans notre manière d’écouter l’Evangile et de le mettre en pratique. Avec la grâce de Dieu, avec son aide, cet art spirituel exercé jour après jour nous sortira des ornières ou des attaches qui nous empêchent de vivre et d’aimer pleinement à la suite et à la manière du Christ. (2012-06-27)