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14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
« Dieu aime celui qui donne avec joie ». Obéissance agréable à Dieu et douce aux hommes que celle qui est vécue avec joie. Cette note de Benoit vient à propos. Car il connait le risque que nous connaissons bien aussi, d’obéir de mauvaise grâce. Vivre et nous tenir sous la parole d’un autre coûte à la part encore orageuse de nous-mêmes. Celle qui n’est pas vraiment libre. Mais Benoit fait confiance à la meilleure part dont nous sommes capables : celle d’obéir avec joie. C’est la joie du disciple du Christ animé par l’Esprit Saint. Cette joie là, nous ne la puisons pas à la source de nos seules forces humaines. Elle est en nous comme un cadeau reçu de Dieu qui, depuis notre baptême, nous fait participer à sa vie. Dans le martyrologe lu hier, nous en avons entendu un bel exemple : la joie des Carmélites de Compiègne montant à l’échafaud en chantant les louanges de Dieu. Joie étonnante, fruit de la foi et du don total de soi à Dieu. Cette joie chrétienne transparait dans de nombreux récit de martyrs à travers toute l’histoire de l’Eglise. Joie qui signe la vraie liberté trouvée en Christ. N’est-ce pas cette joie là dont parle Benoit. Les moines ont été souvent considérés dans leur origine comme des chrétiens voulant vivre la radicalité évangélique, à la manière des martyrs. Cette joie étonnante nous la portons tous en nous comme une source qui ne demande qu’à jaillir. Elle a accompagné les premiers pas nous conduisant au monastère. Elle est là vive et ravivée à chaque fois que nous nous donnons avec générosité. Plus nous nous donnons, plus la joie s’ouvre un chemin dans notre cœur. Elle y est chez elle. Au contraire, si nous nous replions sur notre confort ou sur nos soucis, nous obstruons et nous ensablons la source. Ce ne sont pas les épreuves ou les obstacles qui font taire la joie, mais nos repliements sur nous-mêmes. Ici l’obéissance s’offre comme une chance. En nous tenant disponible et à l’écoute de la parole d’un autre, prêt à nous laisser déranger, nous nous ouvrons. La joie peut s’engouffrer dans la brèche.
10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,
11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;
12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.
13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »
En écoutant ces lignes, il apparait que l’être humain obéit toujours à quelque chose, sinon à quelqu’un. A l’obéissance au jugement d’un supérieur, Benoit oppose en effet l’obéissance à ses désirs ou à ses plaisirs. Tout se passe donc comme si nous étions toujours en train d’obéir. Reste à savoir à qui ou à quoi ? Et la question rebondit : où suis-je le plus libre dans les choix que je fais ? Est-ce en vivant à ma guise ou bien est-ce en vivant selon le jugement d’un autre en demeurant dans les coenobia, en communauté ? Étonnamment, nous connaissons bien la réponse à cette question. Et cependant, nous n’en finissons pas de nous battre avec l’illusion d’une liberté qui ne serait que dans l’accomplissement de nos désirs et plaisirs de toute sorte. Illusion tenace qui nous fait accepter avec peine qu’un autre puisse intervenir dans nos vies par une parole, une remarque ou par une demande. Benoit nous invite ce matin à lui faire confiance : l’obéissance à un autre si elle est une voie étroite, elle est une voie sûre qui conduit à la vie. Et cette vie est éternelle, car par l’obéissance nous sommes introduits dans une vraie relation avec les autres et avec Dieu. Obéir, c’est entrer dans une relation durable basée sur la confiance. Je fais confiance à Dieu. Je m’abandonne à Lui dont je suis sûr qu’il ne peut me laisser tomber, car il veut me donner sa vie à travers ces hommes auxquels j’obéis. A l’inverse, obéir à ses désirs ou à la recherche des plaisirs immédiats ne fait que nous enfermer sur nous-mêmes, sur un bonheur qui nous échappe toujours, car trop insatisfaisant. Liberté illusoire qui nous enchaine un peu plus à nos esclavages de toutes sortes. De nouveau, Benoit nous invite à regarder Jésus. Il a obéi à son Père pour demeurer uni totalement à Lui dans une relation vivante et confiante jusqu’à l’extrême souffle. Dans le désert, par les tentations, le diable voulait le couper de cette relation filiale et vitale. Il lui faisait miroiter les illusions d’une liberté toute puissante car toute autonome. Jésus s’est engagé sur le chemin de la liberté, fruit d’une relation vivante . A sa suite, il nous appelle à devenir libre en entrant dans une relation vivante et obéissante, c’est à dire tout à l’écoute de nos frères et de notre Père.
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »
6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »
7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,
8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.
9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.
En lisant ce chapitre, je suis frappé par la vision de foi qui le sous-tend. « Aussitôt qu’un supérieur commande quelque chose ». C’est « comme si c’était commandé par Dieu ». Le style concis de la formule donne une force étonnante à cette réalité de foi qui habite la RB, et plus précisément des anciens moines. Je crois que, si nous, nous pensons la même chose, nous ne le dirions pas d’emblée ainsi, et que nous sommes plus soucieux de marquer la spécificité de la parole humaine ainsi que le distance qui existe entre la parole d’un homme et la parole de Dieu. Cette distance est importante car elle est l’espace qui va permettre la foi, le travail de la foi. Cet espace existait aussi bien sûr pour les anciens. Mais il me semble qu’il était beaucoup plus perméable que le nôtre à la conjonction possible entre parole humaine et parole de Dieu. Aujourd’hui nous sommes plus sensibles à l’autonomie des réalités humaines et divines. Il nous importe qu’une parole humaine soit vraiment humaine, responsable, vraie, raisonnable en elle-même. Nous y reconnaitrons dans la foi une parole de Dieu pour nous, à ce prix là. Car nous croyons que notre Dieu, qui veut se dire à travers notre langage humain, à travers nos règles et nos réalités humaines, les respecte pleinement pour ce qu’elles sont. Une telle manière de voir ne rend pas le travail de la foi plus aisé, peut-être même devient-il plus crucial. En effet, la parole humaine qui apparait dans toute sa réalité simple et fragile, temporaire et limité peut-elle être l’expression d’une parole de Dieu pour moi ? Comment puis-je reconnaitre dans une demande qui me déplace, dans une réponse inattendue à une question, une manifestation de la volonté de Dieu qui oriente mes pas de telle façon et pas de telle autre. Nous touchons là le travail de la foi, qui sous tend notre obéissance. Dans ce travail de la foi, nous avons une lumière : le Christ.
S’il est le premier dans notre vie, il a la première place dans notre cœur, notre obéissance est vraiment fondée nous assure Benoit. En nous attachant à lui, en serrant le plus possible ses pas, nous apprenons de lui l’obéissance dans la foi, dans le clair obscure de la confiance en la Parole d’un Autre.
1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.
2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.
3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
Par deux fois revient le mot « délai » en ce début de chapitre sur l’obéissance. « Le premier degré de l’humilité est l’obéissance sans délai ». « Ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l’accomplissement de ce qui est demandé ». Entre l’obéissance tout court et l’obéissance sans délai, on mesure bien qu’il y une graduation. Entre les deux, il y a un espace, une marche dans lequel vient se glisser parfois des réflexions que l’on connait bien : « Ah, mais cela peut bien attendre… pourquoi es-tu si pressé… et puis, il n’y a pas le feu… il fera encore jour demain ». Voilà autant de feins ou de parasitages que nous sommes capables d’introduire et qui grippent en quelque sorte notre manière d’obéir. Nous avons tous un jour ou l’autre ce genre de réflexe. Il vaut la peine de s’y arrêter pour essayer de comprendre ce qu’il y a derrière, surtout si cela a tendance à se répéter. Est-ce que je temporise parce que j’ai peur de m’engager ou que je ne suis pas sûr de moi ? Mais l’appel de l’autre peut être un gage de confiance. Est-ce que j’introduis un délai parce que je n’aime pas être bousculé dans mon rythme et que je veux que les choses aillent selon mon temps ? Mais ce temps est-il en accord avec celui de la communauté ou tout simplement avec la réalité ? Ou encore est-ce que je laisse passer du temps parce que je n’aime pas qu’on me demande quelque chose et que je signifie à l’autre que j’existe et que je ne suis pas son larbin. Mais obéir m’asservit-il à celui qui nous demande quelque chose ?
L’obéissance sans délai est une grâce à demander et à accueillir car elle nous déplace et nous met dans le temps d’un autre. C’est exigeant et c’est une chance d’entrer dans un temps plus réel que mon seul temps. C’est le temps de la relation avec Dieu. Dieu me parle, je lui réponds sans délai, je ne le fais pas attendre !!
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
Il n’y a pas longtemps nous entendions Jésus dire dans l’Evangile à un scribe désireux de le suivre : « Les Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ». Les renards ont des terriers, les oiseaux des nids, mais le disciple qui voudrait suivre le maitre doit se préparer à ne pas avoir d’endroit où reposer la tête. La conclusion du chapitre 4 que nous venons d’entendre ce matin insiste, elle fortement sur la stabilité et la clôture du monastère. Étonnante dissymétrie entre les deux perspectives de vie qui veulent être toutes deux des manières de suivre le Christ ! Entre la vie de disciple proposée par un maitre itinérant en Palestine du 1° siècle et la vie de disciple du Christ proposé par Benoit ; cinq siècles se sont écoulés. L’annonce de l’Evangile du Christ n’a pas cessé de produire des nouvelles manières d’être disciples, sous la motion de l’Esprit. Après les apôtres, les missionnaires et les prophètes, il y a eu les diacres, puis les veuves, puis les ascètes seuls ou en communauté avec des phénomènes remarquables comme par exemple, Simon le Stylite vivant sur une colonne d’où il évangélisait. Et jusqu’à nos jours, la liste s’est considérablement enrichie, comme pour mieux signifier que tout genre de vie humaine peut donner lieu à un engagement radical à la suite du Christ.
La stabilité et la clôture caractérisent donc fortement notre manière de suivre le Christ. L’espace réduit dans lequel nous choisissons de vivre nous entraine par lui-même à privilégier le travail intérieur. Le cloitre, lieu de vie, lieu d’écoute et de discernement, devient par excellence notre atelier. Là avec les 74 instruments mis à notre disposition nous pouvons travailler toutes les dimensions de notre vie. La relation à Dieu, la relation aux autres et à soi-même sous la conduite de l’Esprit Saint.
C’est une œuvre d’art que nous sommes appelés aussi bien à accomplir qu’à devenir ensemble. L’œuvre d’art, c’est chacun et c’est la communauté. Inséparablement les uns avec les autres, les uns par les autres, nous sommes ouvragés comme des pierres de construction. C’est rude à certains jours quand les pierres se frottent les unes aux autres, ou quand il faut enlever un morceau ou retrancher quelque chose. Mais c’est ainsi que peut s’édifier la maison de Dieu, lieu d’intime rencontre avec Dieu et de lieu de charité entre frères dans la vérité. Ayons confiance dans la fécondité de notre stabilité vécue avec générosité. Elle porte du fruit dans le temps, un fruit d’humanité vraie et libérée. (2012-07-07)
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,
3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.
4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,
Un frère me disait un jour que ce n’est pas forcément dans les grandes choses ou les grandes orientations de la vie que l’obéissance est difficile à vivre, mais souvent au contraire dans les petites : un service demandé, un remplacement à faire sur-le-champ, un frère à aller chercher ici ou là. Dans ces petites choses, il semble parfois surgir comme un mur, une impossibilité. Et alors, pour le frère, la chose est “impossible”. La barre de “l’impossible” ne se situe pas forcément à une grande hauteur !
Comme le suggère ce chapitre, il est toujours prudent de vérifier de quelle impuissance il s’agit. Est-ce qui est une forme de résistance, comme pour mieux s’affirmer devant le frère qui demande quelque chose ?. S’agit-il d’une impuissance qui masque un désir d’être reconnu ? Il peut être bon de faire le point sur soi-même, surtout si de telles situations se reproduisent et que les refus s’accumulent. Il peut être bon d’en parler avec un père spirituel, pour ne pas être dupe de soi-même. Cette prétendue impuissance ne serait-elle pas un verrou qui m’empêche d’être libre ?
Mais ce petit chapitre nous dit peut-être, encore plus fondamentalement, que notre impuissance à nos propres yeux n’est pas forcément un obstacle à notre vie humaine ou spirituelle. L’impuissance peut-être le lieu le plus vrai à partir duquel nous pouvons obéir. L’obéissance à une parole est toujours un appel à sortir de soi, à s’aventurer sur un chemin inconnu. L’appel reçu invite au dépassement de soi, de ses idées sur soi-même ou sur les autres, pour oser aller vers d’autres horizons. N’ayons pas peur, d’emblée, de notre impuissance ! Que le Seigneur nous aide à la regarder comme le lieu où son secours nous est offert.
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
Evagre a cette parole : « Le moine fou néglige les instruments de son métier, mais le sage en prendra soin » (aux moines 79). Les instruments de l’art spirituel sont les instruments en résumé de notre métier de moine. Instruments du cœur, instrument de l’âme que nous exerçons jour et nuit pour accorder toute notre vie, nos pensées, nos sentiments et nos actes à l’Amour du Christ et à l’amour de nos frères. Nous n’avons pas d’autres ambitions que celle-là; unifier tout ce que nous sommes pour aimer avec plus de vérité et de liberté. Nous unifier, quel programme de vie !! Avant le souci de notre travail ou de nos études ou de nos activités nous voulons porter toute notre attention sur notre manière de vivre et d’entrer en relation avec Dieu et avec nos frères. C’est là que nous exerçons notre art spirituel. C’est ici qu’est requis de notre part un vrai engagement. A ce propos, j’ai apprécié ce que nous disait la soeur Claire du Canada, dimanche soir. Le travail proposé à l’IFHIM a une certaine consonance avec notre art spirituel. Il a en commun avec lui d’apprendre la juste vigilance dans toutes les actions de la vie quotidienne pour grandir en liberté et en capacité d’aimer. Sr Claire insistait sur l’enjeu de nos décisions petites ou grandes, la formation à l’IFHIM vise à aider les personnes à mieux connaitre et assumer leur manière de décider pour vivre et aimer plus en conformité avec leur projet de vie. De manière analogique, nos instruments de l’art spirituel veulent nous rendre plus vigilants sur nous-mêmes dans notre manière d’écouter l’Evangile et de le mettre en pratique. Avec la grâce de Dieu, avec son aide, cet art spirituel exercé jour après jour nous sortira des ornières ou des attaches qui nous empêchent de vivre et d’aimer pleinement à la suite et à la manière du Christ. (2012-06-27)
74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
Ultime instrument proposé au moine qui veut s’exercer à une écoute toujours plus fine de la Parole et de l’Esprit dans le monastère. 73 instruments ont précédé. Nous les avons entendus, réentendus. Chacun nous remet devant une exigence de notre vie monastique, une exigence qui représente en elle-même tout un labeur. Chaque exigence nous redit la radicalité évangélique que nous avons fait profession de chercher à vivre. Avec chaque instrument, nous sommes en quelques sorte comme un artisan qui mesure en regardant son établi, la précision et le soin que nécessite l’usage de tous ses outils, que d’attention spirituelle et de présence à ce que nous vivons nous est demandé là ! Le risque peut être alors, soit de ne pas prendre au sérieux le labeur spirituel qui est requis, soit au contraire de s’en effrayer. Dans les deux cas, ce risque de fuite ou de terreur est enraciné dans une fausse vision de notre vie monastique ; une vie qui dépendrait totalement de nos propres forces. C’est alors que ce dernier instrument apporte une lumière inestimable : « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu », nos vies humaines, nos vies chrétiennes et monastiques nous entrainent dans un sens toujours plus aigu de notre responsabilité. Et en même temps nous ne devons jamais oublier que nous ne sommes pas tout puissants. Sans la miséricorde de Dieu, sans sa grâce, sans son Esprit Saint, nous ne pouvons ni grandir, ni progresser. Nous sommes dans la main de Dieu qui nous reçoit et nous conduit avec nos faiblesses, notre péché et nos fragilités. « Il sait de quoi nous sommes pétris ». Aussi nous demande-t-il de ne jamais oublier l’Amour dont il nous a aimé, si loin que nous pouvons aller à distance de lui. Il nous faut apprendre à laisser de côté le souci de notre propre perfection, pour nous abandonner toujours plus dans la miséricorde de notre Père. Ni démission, ni soumission, mais abandon dans la confiance et dans l’amour. «Dieu notre Père est plus grand que notre cœur » !! (2012-06-26)
73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.
« Faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil. »
Après la prière pour les ennemis, il est question ici de désaccord : « Discordans ». On n’est pas ennemi, mais il y a blocage, ou une séparation. Quand nos cœurs vont en sens opposés, ou se fuient. C’est moins fort et moins absolu que la haine. Mais c’est aussi plus pervers : c’est plus grave que la querelle d’idées ou d’opinions. Cela touche au foyer même de l’amour. C’est pourquoi il ne faut pas laisser ce venin s’installer. Sinon beaucoup de temps et de patience seront nécessaire pour que la relation retrouve sa lumière.
Cet instrument fait penser à l’Ecriture, mais ce n’est pas le même vocabulaire qui est employé. La Lettre aux Ephésiens dit : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » Eph 4/26. Et le texte ajoute aussitôt, pour souligner la gravité : « Ne donnez pas prise au diable. »
Il s’agit bien ici des querelles intérieures à la communauté. Du coup cette exigence nous touche de plein fouet dans nos relations avec chaque frère. L’urgence est de restaurer la paix, au moins le soir venu, sinon sur le moment même. Toutes les autres observances cèdent devant cette prescription de la charité.
La formule du début de Complies, et la bénédiction reçue à la fin de cet Office prennent ce sens. Le moyen de la Paix, à l’heure privilégiée de la nuit peut être très simple : un geste, un sourire, un billet. La nuit et le silence se chargent ensuite de multiplier les harmoniques. De même qu’ils pourraient entretenir et développer les parasites !
L’évêque Epiphane convoque un jour Abba Hilarion, pour un entretien spirituel, car il sent la mort qui approche. Au moment du repas on présente de la volaille. Abba Hilarion proteste : Depuis que j’ai revêtu l’habit monastique, je n’ai jamais mangé de viande ! L’évêque Epiphane lui répond : Moi, depuis j’ai revêtu cet habit, je n’ai jamais laissé quelqu’un se coucher avec quelque chose contre moi. Et je ne me suis jamais endormi avec un ressentiment contre quelqu’un. Alors Abba Hilarion reconnait : Pardonne-moi, ta pratique est meilleure que la mienne.
Nos discordes, si nous veillons à les soigner dès la racine, ne deviendront pas ces distances, ces non-relations, qui détruisent la vie fraternelle. (2012-06-23)
72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,
« Dans l’amour du Christ, prier pour ses ennemis. »
L’amour du Christ nous renvoie à cet autre instrument : «Ne rien préférer à l’amour du Christ », qui peut parler de notre amour pour le Christ, mais plus encore de l’amour du Christ pour nous. Ici aussi, un réalisme évangélique nous invite à chercher dans l’Amour qu’a vécu le Christ lui-même la force, la grâce, l’élan de notre prière. Cette prière pour les ennemis ne peut nous être donnée que par l’Esprit Saint, qui est l’Amour même du Fils. C’est cet Esprit qui a poussé Jésus à prier pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur ! » Lorsque St Etienne fait sienne la prière de Jésus pour ceux qui le lapident, il voit les cieux ouverts. Un peu comme s’il entrait déjà dans le milieu divin qui lui inspire la forme d’amour la plus gratuite qui soit. C’est bien : « Dans l’amour du Christ » que nous pouvons formuler cette prière.
« Les ennemis ». Ce mot ne se trouve que 2 fois dans le Règle. Il y a cet autre instrument : « Aimer les ennemis. » 4/31. Le mot latin exprime une négation, une absence : in-amicis. La norme prise en référence est l’amitié. C’est bien cela notre vocation commune, celle de tout homme, vivre en amitié. C’est dire aussi que l’ennemi peut redevenir un ami.
Benoit nous demande de prier pour les ennemis, pas seulement pour nos ennemis. Prier pour tous ceux qui sont ennemis, qui ont ce poison dans le cœur.
« Prier pour les ennemis ». Cette prière est à situer dans la ligne de l’espérance, qui nous fait croire que nous pouvons devenir meilleurs. Cette prière est requise par l’Evangile, alors que les Psaumes nous laissent parfois un doute ! « Aimez vos ennemis… priez pour ceux qui vous calomnient » dit St Lc 6/28, « pour ceux qui vous persécutent » dit St Mc 5/44. Vatican II a rappelé cette exigence dans Gaudium et Spes (28). Il existe même, depuis le Concile, un formulaire de Messe Votive « pour ceux qui nous font souffrir ». On y exprime le désir de vivre en paix avec tous. De trouver dans le Sacrifice du Christ la force de cette paix. Car Lui nous a réconciliés avec le Père, alors que nous étions ses ennemis. Et on souhaite que cette réconciliation s’étende à tous ceux qui nous font du tort. (2012-06-22)