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1. En la saison d'hiver définie ci-dessus, on dira d'abord trois fois le verset : « Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
2. On y joindra le psaume trois et le gloria.
3. Après cela, le psaume quatre-vingt-quatorze avec antienne, ou du moins chanté d'un trait.
4. Alors suivra l'ambrosien ; ensuite six psaumes avec antiennes.
5. Quand on les aura dits, et qu’on aura dit le verset, l'abbé bénira, tous s'assiéront sur les bancs et des frères liront tour à tour dans un livre posé sur le pupitre trois leçons, entre lesquelles on chantera trois répons.
6. Deux répons seront dits sans gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le gloria.
7. Quand le chantre commencera de le dire, aussitôt tous se lèveront de leurs sièges en signe d'honneur et de révérence pour la Sainte Trinité.
8. On lira aux vigiles les livres d'autorité divine de l'Ancien Testament aussi bien que du Nouveau, ainsi que les commentaires qu'en ont faits les Pères catholiques réputés et orthodoxes.
9. Après ces trois leçons avec leurs répons, suivront les six psaumes restants, qu'on chantera avec alleluia.
10. Après ceux-ci suivra la leçon de l'Apôtre, qu'on récitera par cœur, le verset et la supplication de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison ,
11. et ainsi s'achèveront les vigiles nocturnes.
« En signe d’honneur et de révérence pour la Sainte Trinité ». L’œuvre de l’Esprit, c’est de créer en tous lieux des adorateurs du Père, en esprit et vérité. Devenir des hommes de prière. C’est le but de notre vie, de nos observances, de nos gestes liturgiques. L’office Divin modèle notre prière sur celle du Christ. Il nous met en harmonie avec toute l’Eglise.
« Par honneur et révérence envers la Sainte Trinité ». C’est le sens de notre Office des Vigiles. Ce temps pris sur notre nuit. C’est aussi la raison pour laquelle nous nous levons et nous prosternons à chaque doxologie. Adorer Dieu. Habiter nos gestes liturgiques. Nous y engager. Notre corps peut nous aider à prier. Le danger est l’automatisme, l’oubli du respect dû à Dieu. Avec le risque d’être complètement ailleurs.
. Habiter notre corps peut nous aider à être là, présent. A trouver le silence du cœur. Nous ne sommes pas bouddhistes. Nous ne cherchons pas le vide intérieur. Nous cherchons à être en relation avec Dieu notre Père. Cette relation est d’abord écoute, attention. Pour écouter, il faut se taire, faire silence. Quand un frère me parle, si je continue d’être dans mes pensées, j’ai l’air d’être là, mais je suis ailleurs. Cela nous arrive dans la liturgie. Et notre corps peut être un chemin pour être présent. Pour accueillir Dieu qui, Lui, est toujours là, qui nous attend.
Habiter son corps, c’est très simple, mais c’est aussi très difficile. C’est accepter d’aller en profondeur. De ne pas rester à la surface. Prendre ce chemin de la profondeur, de l’intériorité, c’est courir la chance de nous laisser recréer dans ce que nous sommes vraiment. Réconciliation avec moi-même. Me recevoir de Dieu. Il est mon Père. Il me donne la vie. En cet instant.
Notre corps nous est confié par Dieu. Avec notre corps, nous pouvons le glorifier. (2012-09-12)
1. En saison d'hiver, c'est-à-dire depuis les Calendes de novembre jusqu'à Pâques, il faut, suivant la norme raisonnable, se lever à la huitième heure de la nuit,
2. afin de se reposer un peu plus de la moitié de la nuit et d'être dispos au lever.
3. Quant à ce qui reste après les vigiles, les frères qui ont besoin d'apprendre quelque chose du psautier ou des leçons, l'emploieront à cette étude.
4. De Pâques aux susdites Calendes de novembre, on réglera l'heure de telle sorte que l'office des vigiles, après un tout petit intervalle où les frères pourront sortir pour les besoins de la nature, soit immédiatement suivi des matines, qui doivent être dites au point du jour.
Nous commençons une nouvelle section de la Règle. Après avoir décrit les vertus individuelles, Benoit parle des pratiques communautaires. Ce qu’il fera jusqu’à la fin de la Règle. Ces Ch. 8 à 20, consacrés à la prière liturgique, P. Adalbert nous dit que c’est, de toute la Règle, la section où Benoit se montre le plus original par rapport au Maître.
Ces chapitres sur l’Office Divin peuvent sembler décevants, à première lecture. On se serait attendu à des considérations plus élevées. Un enseignement sur la prière. Mais si Benoit parle à peine de l’attitude intérieure pendant l’Office c’est qu’il en a parlé avant. L’obéissance, le silence, l’humilité définissent l’état de grâce monastique. A présent Benoit peut parler de la prière : de l’Adoration de la communauté des frères. Il va régler l’Office Divin, de façon précise et méthodique.
« Ne rien préférer à l’œuvre de Dieu », dira la Règle plus loin, à propos des frères en retard à l’Office. Le but de notre vie de moine, c’est de vivre en relation avec Dieu, par la purification du cœur. Un cœur libre des choses terrestres, et occupé de Dieu. Habité par la louange de Dieu. L’Office Divin est le lieu et le moment où nous nourrissons notre esprit des choses de Dieu. Pour nous aider à parvenir à la prière continuelle. Pour que notre mémoire et notre cœur s’imprègnent de la Parole de Dieu. Pas seulement du Psautier, mais de toute la Bible. Pour faire de l’Office Divin, de la Parole de Dieu, la respiration de notre cœur.
(2012-09-11)
67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.
68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,
69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.
70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !
« Lorsque le moine aura gravi tous ces degrés… ». On peut reconnaître dans cette expression, l’image d’une lente ascension. Plus qu’une simple échelle, on imagine la lente ascension d’une montagne. Ascension laborieuse, lente et patiente. On ne gravit pas l’échelle de l’humilité par quelques enjambées rapides. Comme pour l’ascension d’une montagne, il arrive que l’on ait soudain une perception nette du sommet, on penserait alors être arrivé. Mais non, il y a encore plusieurs niveaux. Parfois, il faudra redescendre pour remonter encore. Le sommet n’est pas si facile à atteindre car il est élevé et beau. Arriver à cet amour de Dieu qui chasse la crainte, observer les choses par amour du Christ, comme naturellement, par habitude et par plaisir. Il est heureux que Benoit nous donne un aperçu de ce sommet, comme pour réveiller notre désir. Étonnant sommet qui pour être atteint, nous demande de plonger dans les abimes de notre petitesse – se reconnaitre pécheur et indigne. Mais qui, alors, nous révèle que nous sommes tout proche de Dieu et du Christ, lui le très bas. Sommet sublime à la portée de celui qui se sait tout petit. Seule la grâce, le st Esprit peut nous faire comprendre et entrer dans ce dynamisme , se perdre pour gagner, être rien pour être en Dieu.
En ce jour où nous célébrons la nativité de Marie, nous pouvons tourner nos regards vers elle. Sa vie d’humble servante à l’écoute du Seigneur nous donne d’entrevoir la beauté du sommet. Pleine de grâce en qui Dieu a fait des merveilles, elle a fait de grandes choses - être Mère de Dieu – au cœur de la vie la plus ordinaire et cachée qui soit. Sur notre chemin de moine qui peut être obscure et rude à certains jours, regardons Marie, demandons lui d’être comme elle docile à l’œuvre de l’Esprit Saint qui veut nous conduire au sommet, sommet de l’humilité qui est équivalemment sommet de l’amour
62. Le douzième degré d'humilité est que, non content de l'avoir dans son cœur, le moine manifeste sans cesse son humilité jusque dans son corps à ceux qui le voient,
63. autrement dit, qu'à l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, partout, qu'il soit assis, en marche ou debout, il ait sans cesse la tête inclinée, le regard fixé au sol,
64. et se croyant à tout instant coupable de ses péchés, il croie déjà comparaître au terrible jugement,
65. en se disant sans cesse dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les yeux fixés au sol : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel. »
66. Et aussi avec le prophète : « Je suis courbé et humilié au dernier point. »
Ce qui est frappant dans ce 12°, le sommet, c’est que l’humilité accomplie se conjugue avec le « priez sans cesse ». Le moine humble en effet redit sans cesse dans son cœur la prière du publicain : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel ». Tout se passe comme si le fruit de l’humilité était l’union à Dieu dans la prière. Cette union profonde est le résultat d’une unification de tout l’être, âme, cœur, et corps, unification réalisée peu à peu, degré après degré.
Oui, l’humilité n’a pas d’autre but que de nous unifier en Dieu. Autrement dit, elle n’a rien à voir avec un quelconque masochisme ou repliement sur soi. Au contraire, elle nous redonne tout entier pour une relation vraie avec notre Dieu. Elle nous ordonne, c'est-à-dire qu’elle contribue à mettre de l’ordre en notre cœur, en nos pensées, et en notre volonté (comme nous l’avons vu) pour que nous vivions vraiment pour Dieu, uni à Lui. C’est dire que l’union à Dieu n’est pas réductible à une technique de prière. C’est en vain que l’on chercherait à l’atteindre, si nous nous engageons profondément dans une démarche d’humilité. Grandir dans l’amitié et l’intimité de notre Dieu, nous demande à chacun de savoir ôter nos sandales pour nous tenir humblement en sa présence. Ôter les sandales de notre suffisance pour reconnaître que nous recevons tout de lui, et la vie, et l’amour, et le pardon. Nous reconnaître pécheur devant lui, c’est nous reconnaître aveugle sur nous-mêmes et souvent très ingrat au regard des immenses bontés de notre Père des Cieux… « Seigneur aie pitié du pécheur que je suis » peut devenir dans notre cœur l’expression confiante et abandonnée de notre désir dans les mains de notre Père qui ne cesse de nous recréer par son pardon.
59. Le dixième degré d'humilité est que l'on ne soit pas facile et prompt à rire, car il est écrit : « Le sot élève la voix pour rire. »
60. Le onzième degré d'humilité est que, quand le moine parle, il le fasse doucement et sans rire, humblement, avec sérieux, en ne tenant que des propos brefs et raisonnables, et qu'il se garde de tout éclat de voix,
61. ainsi qu'il est écrit : « Le sage se reconnaît à la brièveté de son langage. »
A lire ces degrés d’humilité, on peut se demander : le moine est-il condamné à ne pas rire s’il veut être humble ? Benoit aime volontiers les mots « gravité ou raisonnable » que l’on retrouve ici, mais aussi ailleurs dans la RB. C’est dire qu’il n’aime pas du tout ce qui est léger dans le sens superficiel ou insensé. Mais le rire est-il toujours superficiel ou insensé ? Nous savons bien que c’est plus subtil que cela. Le frère qui sait rire de lui-même peut révéler une belle profondeur d’existence. De même celui qui sait rire des situations de la vie qui sont à son désavantage, ainsi que des contrariétés qui arrivent. Ces rires là témoignent d’une belle liberté et certainement d’une vraie humilité. Mais de même, les bons rires partagés entre frères sur une situation cocasse ne sont-ils pas l’expression d’une santé et d’un équilibre humaine et spirituel ?
Alors quel est ce rire qui nous éloigne de l’humilité ? N’est-ce pas ce rire qui nous éloigne de notre propre réalité. Ce rire qui nous fait oublier nos limites et nos faiblesses en nous amusant sur celles des autres. Ce rire teinté de mépris qui nous pose en illusoire supériorité sur les autres. Comme le dit Benoit, ce rire là est effectivement une sottise car, en nous séparant des autres, il nous coupe aussi de notre propre réalité. Qu’un coup dur ou une épreuve survienne et il ne restera plus grand-chose pour faire face, car le rire nous aura tirés hors de nous-mêmes. A l’inverse l’humilité contribue à l’unification de notre être en communion avec les autres. Ni jugement, ni mépris des autres, mais rire de soi-même et des contrariétés rencontrées. Comme le dit la boutade : « Heureux qui sait rire de lui-même, il n’a pas fini s’amuser ». Que le Seigneur nous apprenne cela !!
56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.
57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,
58. et que « l'homme bavard ne marche pas droit sur la terre ».
Humilité et silence. Humilité et garde de la parole. Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’un quelconque mutisme ou enfermement sur soi. Car il ya des silences lourds d’une volonté d’imposer aux autres son diktat… sous le mode du mutisme, de la bouderie ou des fins de non-recevoir. A l’inverse, il y a des paroles qui sont très humbles, la parole du frère qui demande pardon à son frère, les paroles dites dans l’ouverture du cœur ou la confession quand on accepte de se dire tel que l’on est, sans fard, dans le souci de grandir en vérité.
Quel est donc ce silence qui peut être engagement authentique vers l’humilité ? Plus que du silence matériel, il s’agit d’une attitude globale du cœur qui désire s’effacer ? Dans notre désir d’exister à nos propres yeux et aux yeux des autres nous pouvons être tentés de vouloir occuper le terrain par nos paroles. S’engager dans une attitude silencieuse ce sera être attentif à ce que les autres puissent s’exprimer d’abord. Dans les groupes, suis-je préoccupé de placer avant tout ma parole, mon bon mot, ou bien est-ce que je suis heureux d’écouter les autres et de parler quand vient mon tour ou qu’on me donne la parole ? L’humilité est à chercher et à trouver de ce côté-là ; dans la liberté par rapport à mon besoin d’exister par la parole. Car ce besoin est plein d’illusion. Pouvoir exister dans le silence sans en être attristé est un signe que l’humilité gagne en nous. Peu à peu, nous découvrons que c’est sous le regard du Seigneur que nous sommes vraiment en vérité et que c’est Lui qui nous donne d’exister avec nos fragilités et nos faiblesses, car il nous aime tel que nous sommes.
55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.
Pourrait-on paraphraser ce 8° de la manière suivante : Sois humble, non en cherchant à faire des choses extraordinaires, mais en accomplissant les choses les plus ordinaires de la vie et de la règle commune , la vie commune avec ses détails comme école d’humilié. A certains égards, les degrés précédents pouvaient nous paraitre relever d’une certaine héroïcité, tant la patience demandée dans les épreuves ou les contradictions était grande. Ici rien de tel, l’humilité est à portée de la vie ordinaire, la vie la plus simple telle que nous la vivons. Au cœur de la vie quotidienne, en nous laissant humblement façonnés par les usages et les coutumes, c’est l’unification profonde de notre être qui se poursuit. Il n’y a pas d’un côté une petite chose qu’il faut faire et de l’autre des grands projets qui nous passionnent. Il n’y a pas d’un côté tel usage peu important à accomplir, même s’attendre durant les repas, ou prier avant les repas, ou faire un billet d’absence etc.. et de l’autre les choses qui seraient vraiment importantes comme la participation à l’office ou au travail. Tout dans notre vie n’est pas au même niveau, mais tout a son importance. Notre vie commune avec ses usages et ses coutumes nous entraine à ne plus vivre à notre compte, mais à tout vivre pour le Seigneur et pour les frères. Ce faisant, c’est notre être tout entier qui apprend à être à l’écoute et attentif à ce qu’il fait et à ce qu’il dit. En vivant humblement comme tout le monde, sans chercher à se démarquer, nous nous unifions sous le regard du Seigneur. Nous essayons de vivre pleinement tout ce que nous faisons avec générosité et paix. Ici il y a certainement un point de conversion pour nous tous : éviter de faire les choses banales de la vie commune à la va-vite, comme pour nous en débarrasser. L’humilité va jusque là ; faire bien, avec cœur, tout ce qu’il y a à faire.
51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,
52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.
53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »
54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »
Globalement nous avons du mal à comprendre ce 7° comme la plupart des degrés de cette échelle. Dans notre contexte de société qui valorise la personne et qui favorise tout ce qui peut la faire grandir, comment comprendre qu’être humble signifie penser au plus intime de soi, d’être le dernier de tous ? Ce 7° degré semble ne vouloir laisser place à aucun retour sur soi pour reconnaître quelque bien en soi. Le seul retour sur soi envisagé consiste à reconnaitre bien d’avoir été humilité.
De nouveau ici, nous sommes sur une corde raide. Tout se passe comme s’il fallait passer par le refus de toute complaisance avec soi-même. Dans quel but ? Est-ce pour permettre au vrai « Jésus-Christ » d’advenir ? Faire mourir le soi préoccupé de soi pour qu’advienne le « je » tourné vers un « tu ». La citation du Ps 118 71.73, va dans ce sens « il m’est bon que tu m’aies humilié, pour que j’apprenne tes commandements ». Le « moi » encombré et encombrant serait appelé à laisser place au « je »heureux de se mettre à l’écoute ; heureux d’apprendre les commandements du Seigneur. Rude combat, de manière emblématique, nous aurons une illustration de ce combat dans l’Evangile de ce jour, en la personne d’Hérode. Hérode est prisonnier de son « moi » qui le tient en place par son désir d’Hérodiade. Parfois on voit bien poindre le « je » de l’homme embarrassé à l’écoute de Jean et qui aime bien l’entendre. Comme si la meilleure part de lui essaye de renverser le mouvement en se mettant un peu plus à l’écoute. Mais en vain, Hérode est resté prisonnier de son désir faussé. Et la suite du récit le montrera prisonnier de son personnage vantard. Ayant promis des choses exorbitantes, il ne peut refuser la tête de Jean-Baptiste. Des deux Jean et Hérode, c’est Hérode qui est le moins libre.
Lié par son « moi » insensé, il finit par tuer. Il devient homicide car le meilleur de lui-même, son « je » n’a pas réussi à se mettre vraiment à l’écoute. Tout proportion gardée, c’est à un tel combat que nous sommes engagés ; que meure notre moi encombré de lui-même pour qu’advienne le je » qui écoute et entre en relation humblement. Avec le psalmiste, on peut dire : « Tire moi de la prison où je suis que je rende grâce à ton nom » !
49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,
50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »
Se contenter de tout… Du verbe latin « contineo », on peut entendre ce verbe « se contenter » dans le sens de « maintenir uni ou de retenir, ou de contenir ». Celui qui se contente de tout, est celui qui tient en lui toutes choses, même les plus abjectes, dit Benoit. Il n’est pas divisé en lui-même entre des désirs de grandeurs et une volonté de repousser tout ce qui serait abject. Il tient tout en lui-même. Le moine content de ce 6° degré d’humilité, loin d’être un moine « béni oui-oui » qui « avalerait tout », est un moine qui vit d’une recherche d’unification de son être. Il n’écarte pas les choses difficiles voire abjectes. Il sait tirer parti même des choses difficiles, parce qu’il est sans prétention par lui-même. « Il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne » ajoute Benoit. Comment tenir dans une telle disposition intérieure qui soit juste ? Comment éviter ici l’écueil de la dévalorisation maladive de soi-même qui a si peu à voir avec l’humilité ? En gardant les yeux tournés vers le Seigneur, en priant avec le psalmiste : « J’ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi ». « Je suis toujours avec toi ». Etre avec le Christ qui est avec nous, avoir les yeux le plus possible tournés vers lui, est le moyen le plus sûr de ne pas les avoir trop fixés sur nos pieds.
Regarder le Christ, se tenir avec lui peut permettre d’être content de tout, d’accueillir tout sans s’indigner ou se révolter. Car le centre de notre vie n’est plus nous-mêmes, mais le Christ lui-même. Nous mesurons aisément de nouveau le caractère extrême de ce 6°, car il nous configure ni plus ni moins au Christ en sa Passion. Mais pour ne pas risquer de se décourager ou bien pour ne pas se sentir concerné par cela, soyons attentifs dans notre quotidien à notre manière de vivre les contrariétés. Allons-nous savoir être content de tout, par ex. quand un frère nous fait attendre, quand l’ordinateur tombe en panne, quand un contretemps bouscule notre programme ? Allons-nous dans de telles situations savoir regarder vers le Christ et apprendre de lui la patience et la paix intérieure ? Qu’il nous vienne en aide !!
44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.
45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »
46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »
47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.
48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »
Sur le chemin de l’humilité, notre unification passe aussi par la parole. Parler des choses qui sont à notre avantage nous est facile et spontané. Parler de choses sombres en nous, des choses difficiles à avouer, c’est une autre affaire. Et pourtant quand nous y parvenons quelle libération !! Humilité dans la parole vraie par laquelle nous acceptons de paraitre tel que nous sommes au-dedans. Ici humilité se confond avec liberté. Et d’elles deux nait la joie, joie de pouvoir exister plus unifié avec tout ce que nous sommes. Dans ce 5° degré, Benoit semble associer en une même réalité, ce qu’aujourd’hui nous distinguerions volontiers entre sacrement de la réconciliation et ouverture du cœur. Benoit les unit car ils procèdent d’un même mouvement : parler en vérité de soi dans un acte de confiance au Seigneur. Nous les distinguons pour ménager à chacun un espace plus grand de liberté et manifester davantage la gratuité de la miséricorde du Seigneur. Un frère peut avoir du mal à vivre l’ouverture du cœur. Le sacrement de la réconciliation lui est toujours offert dans le cadre qu’il souhaite. Nous pouvons nous réjouir d’avoir de tels moyens offerts à notre liberté. Ils sont de précieux instruments pour nous aider à devenir des hommes davantage debout, davantage conscients et responsables de leur vie. Mais ils sont toujours d’un usage délicat. Ils nous en coutent globalement. Aussi on peut se demander aujourd’hui chacun : où en suis-je dans ma fréquentation du sacrement de la réconciliation ? Il y a des célébrations communautaires. Mais si nous voulons grandir en finesse dans notre vie spirituelle, prenons le temps de nous confesser dans le courant de l’année. De même où en suis-je dans ma manière de vivre l’ouverture du cœur avec l’abbé, avec le père spirituel ? Comment j’utilise cet espace de parole pour apprendre à mieux me connaitre et à mieux reconnaitre l’œuvre de l’esprit dans ma vie ? Oui, il nous en coûte de parler vraiment, ce chemin d’humilité est assurément un chemin d’humanité.