vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 67, v 1-7 Des frères envoyés en voyage écrit le 30 mai 2013
Verset(s) :

1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,

2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.

3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire

4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.

5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.

6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.

7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

Commentaire :

Ici commence ce qu'on peut appeler l'appendice de la Règle. Une demi-

douzaine de chapitres ajoutés à celui du portier, qui était primitivement

le dernier. La demande de relire régulièrement la Règle, en était la

conclusion. La première des questions traitées est celle des voyages:

Après la porte du monastère, le franchissement de cette porte, au

départ et au retour.

Saint Benoit n'a pas écrit sa Règle pour des moines pèlerins. Il se méfie

des gyrovagues. Le vœu de stabilité est au cœur de la conversion

monastique.

Pourtant, être moine, c'est entrer dans une dynamique du voyage, du

déracinement permanent, de l'exil, de l'exode pour suivre le Christ. Le

dynamisme de la conversion. Mais être moine c'est aussi apprendre

qu'il ne sert à rien de courir le monde: C'est le cœur qui doit se mettre

en route. L'important n'est pas de bouger, mais d'être vivant, d'avoir le

cœur vivant.

Il n'est pas utile de s'agiter, comme les gyrovagues pour qui le seul

point stable est leur volonté propre. Ils fuient toute occasion de se

convertir. Ce voyage auquel nous sommes invités ne nous mènera pas

au bout du monde. Notre pèlerinage est intérieur. Le désert que nous

avons à traverser est au-dedans de nous. Essayer de se rendre

disponible, chercher la liberté du cœur, être à l'écoute de Dieu, de sa

volonté sur nous aujourd'hui.

Si nous confondons l'invitation au voyage que le Seigneur nous adresse

avec nos démangeaisons de changement, nous passons à côté de

l'essentiel. Nous risquons avoir couru en vain. C'est pour cela que

Benoit n'aime pas trop les voyages. Il ne veut pas que nous prenions

l'ombre pour la réalité.

Frère Ambroise a édité une phrase d'Angelus Silesius qui résume cela:

« Il y en a qui vont dans de lointains pèlerinages; ils processionnent

autour du temple sans entrer dans le sanctuaire. Mais moi, je vais en

pèlerinage vers l'ami qui demeure en moi. » (2013-05-30)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 66, v 6-8 Des portiers du monastère. écrit le 29 mai 2013
Verset(s) :

6. Quant au monastère, il doit être, si possible, construit de telle façon que tout le nécessaire, c'est-à-dire l'eau, le moulin, le jardin et les divers métiers, s'exerce à l'intérieur du monastère,

7. de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au-dehors de tous les côtés, car ce n'est pas bon du tout pour leurs âmes.

8. Nous voulons que cette règle soit lue souvent en communauté, pour qu'aucun frère ne s'excuse sur son ignorance.

Commentaire :

La deuxième partie de ce chapitre sur le portier parle de l'intérieur du

monastère. Après le monde du dehors, le monde du dedans. Pour

Benoit, le monde du dehors n'est pas un monde mauvais, contre lequel

il faudrait se défendre. Accueillir celui qui frappe à la porte, c'est

accueillir le Christ en personne. Nous l'avons entendu hier.

Le texte de ce matin parle du monde du dedans. Benoit veille à ce que

le monastère soit organisé de telle sorte que le moine ne soit pas obligé

de sortir sans cesse. L'eau, le moulin, le jardin, les métiers, tout doit

être à l'intérieur du monastère. Pourquoi? Puisque le monde du dehors

n'est pas mauvais? La réponse se trouve dans ce verset: « Que les

moines ne soient pas forcés de se répandre à l'extérieur, ce qui ne

convient nullement à leur âme. » Pour Benoit, ce qui est mauvais, ce

n'est pas le monde, mais cette tendance que nous avons à nous

répandre, à nous disperser à l'extérieur. En cela il est fidèle à l'Evangile:

« Ce qui rend l'homme impur, c'est ce qui sort de son cœur. » Ce désir

qui se répand au-dehors et nous entraîne à courir de tous côtés.

La clôture monastique, c'est d'abord cela: cette conscience de notre

pauvreté, de nos limites, de notre faiblesse, qui nous détournent de

trouver le chemin de notre propre cœur. Nous sommes sans cesse

tentés de chercher au dehors ce que nous ne pouvons trouver qu'au-

dedans. Retrouver ce chemin de la paix du cœur, du silence intérieur.

Cette Présence qui nous habite.

Le combat pour le moine, aujourd'hui, est peut-être plus difficile, avec

tous les moyens de communication qui peuvent devenir des occasions

de se fuir, d'éviter le vrai combat, et aussi la vraie relation. Journaux,

téléphone, internet, comment les utiliser sans s'y perdre? Que la

recherche de Dieu, et les relations avec les frères qui nous entourent

soient premiers dans notre vie. (2013-05-29)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 66, v 1-5 Des portiers du monastère. écrit le 28 mai 2013
Verset(s) :

1. A la porte du monastère on placera un vieillard sage, qui sache recevoir et donner une réponse, et dont la maturité ne le laisse pas courir de tous côtés.

2. Ce portier doit avoir son logement près de la porte, afin que les visiteurs le trouvent toujours présent pour leur répondre.

3. Et aussitôt que quelqu'un frappe ou qu'un pauvre appelle, il répondra Deo gratias ou Benedic ,

4. et avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre avec la ferveur de la charité.

5. Si ce portier a besoin d'aide, il recevra un frère plus jeune.

Commentaire :

Sagesse, compétence, maturité, disponibilité. Benoit nous dit

l'importance du frère qui est le portier du monastère. Il est le L"

contact avec cette maison de Dieu, pour la personne qui arrive. Parfois

le seul contact.

« Savoir donner une réponse. » Quatre fois, Benoit utilise cette

expression dans ce petit paragraphe. Une fonction à la fois très

humaine, et spirituelle. Répondre à toute personne qui se présente. Ce

qui veut dire: l'écouter, être attentif à ce qu'elle est, ce qu'elle

demande, ce qu'elle attend. C'est Dieu qui nous l'envoie. Qu'attend-il

de nous?

« Sans faire attendre. » Cette promptitude à répondre est décrite avec

insistance. Respecter tous les hommes, aimer particulièrement les plus

pauvres. Ce n'est pas une voie facile, mais Benoit nous entraîne à vivre

l'Evangile. Cette disponibilité à l'autre.

« Dea gratias. Benedic. » La première parole du portier est une action

de grâce, ou une demande de bénédiction. Même si ces formules ne

sont plus utilisées, elles donnent le ton de l'accueil. C'est au nom de

Dieu que le portier reçoit. Celui qui est accueilli doit le sentir. Ni

agitation, ni superficialité. Aux personnes trop souvent dévorées par

l'actualité, le monastère doit offrir la seule actualité qui puisse remplir

le cœur de l'homme: Dieu présent. Ce qui n'empêche pas d'être

attentifs aux besoins corporels et spirituels. « J'étais un étranger, et

vous m'avez accueilli. »

Le monastère est moins isolé, moins séparé du monde que ce que

décrit la Règle. Nous sommes reconnaissants aux frères portiers pour le

service qu'ils rendent. Mais la porterie n'est pas le seul lieu de contact

avec l'extérieur. La librairie, beaucoup d'emplois, chacun de nous est

appelé à cet accueil et à cette discrétion.

Accueillir, écouter, être disponible, se laisser déranger. (2013-05-28)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 65, v 11-15 Du prévôt du monastère écrit le 25 mai 2013
Verset(s) :

11. Aussi nous semble-t-il opportun, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé règle à son gré l'organisation de son monastère.

12. Si faire se peut, c'est par des doyens que l'on organisera, comme nous l'avons établi antérieurement, tous les services du monastère, selon que l'abbé l'établira.

13. Ainsi, plusieurs en étant chargés, un seul ne s'enorgueillira pas.

14. Si le lieu l'exige ou si la communauté le demande raisonnablement avec humilité et que l'abbé le juge opportun,

15. l'abbé choisira qui il voudra avec le conseil des frères qui craignent Dieu, et il se l'ordonnera lui-même comme prévôt.

Commentaire :

Avec précaution, Benoît expose les conditions de la nomination d’un prieur. Elles manifestent le bel équilibre dans les paramètres pris en compte : le lieu, la communauté et le conseil des frères qui craignent Dieu. Il peut arriver que le lieu fasse qu’un prieur soit nécessaire : peut-être pense-t-on ici à une situation éloignée du monastère qui rende longs les déplacements et du coup aussi les absences de l’abbé. La communauté peut souhaiter avoir un prieur. La communauté peut avoir des requêtes qui, présentées avec humilité, doivent être écoutées par l’abbé. Enfin l’abbé prend conseil des frères qui craignent Dieu dans le choix du prieur. On voit bien ici à l’œuvre l’articulation entre réalité extérieure (lieu, ce pourrait être aussi le temps, ou autres conditions) entre la communauté qui porte des désirs et aussi le conseil de quelques uns pour aider l’abbé dans son discernement. Tout est appelé idéalement à se faire dans la paix et la charité. Ce qui requiert humilité de la part de la communauté et écoute de la part de l’abbé. Nous retrouvons ici les caractéristiques de ce climat qui est celui d’un monastère bénédictin. Seul ce climat fait d‘humilité et d’écoute va permettre d’agir avec justice dans les décisions.

Le prieur nommé est appelé à demeurer dans ce climat. S’il vient à s’enorgueillir, il se met « de facto » hors cadre et hors jeu. De nouveau ici on peut admirer le souci de prudence et d’équilibre de Benoît. Ce n’est qu’au bout du 7° avertissement qu’est envisagé le renvoi. Entre temps, des mesures progressives seront prises pour tenter de ramener à une attitude juste ce moine « convaincu de mépris de la Sainte Règle » et « désobéissant ». Ici je veux remercier F.Yvan qui tient avec tact et engagement cette place importante et délicate du prieur. Une place qui demande attention aux frères et service de la communauté, ce qui implique toujours oubli de soi. Merci encore au F.Yvan

(2013-05-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 65, v 1-10 Du prévôt du monastère écrit le 22 mai 2013
Verset(s) :

1. Trop souvent il est arrivé que l'ordination d'un prévôt engendre de graves conflits dans les monastères.

2. Il en est en effet qui s'enflent d'un méchant esprit d'orgueil et qui, estimant être de seconds abbés, usurpent le pouvoir, entretiennent des conflits et mettent la dissension dans les communautés,

3. surtout dans les lieux où le prévôt reçoit l'ordination du même évêque et des mêmes abbés qui ordonnent l'abbé.

4. Combien cela est absurde, il est facile de s'en rendre compte : dès le début, dès son ordination, on lui donne matière à s'enorgueillir,

5. ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait à l'autorité de son abbé,

6. puisque « toi aussi, tu as été ordonné par les mêmes qui ont ordonné l'abbé. ;»

7. Il en résulte envies, disputes, médisances, rivalités, dissensions, destitutions,

8. et ainsi, abbé et prévôt étant de sentiments opposés, il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions,

9. et leurs subordonnés courent à leur perte, du fait qu'ils flattent leurs partisans.

10. La responsabilité de ce dangereux fléau pèse au premier chef sur ceux qui se sont faits les auteurs d'un tel désordre.

Commentaire :

Dans les lignes entendues, un mot revient souvent, c’est celui d’ « ordination » auquel fait écho le verbe « ordonner ». Le sens de ces mots n’a pas la valeur sacramentelle que nous lui connaissons aujourd’hui. Ici on n’élève pas au sacerdoce ou au diaconat, mais on met plutôt de l’ordre dans la communauté. En désignant un prévôt ou un prieur, ce que Benoît semble faire un peu à reculons, il s’agit de contribuer à ce que la vie de la communauté se déroule en ordre dans la paix. Comme corps constitué, la communauté est régie par une manière de vivre les relations et le rapport à l’autorité. Elle vit selon un certain ordre où l’abbé a une place centrale. En recommandant à l’abbé de désigner le prieur, Benoît veut rendre plus lisible l’ordre selon lequel la communauté s’organise sous l’autorité de l’abbé. Rendre l’ordre plus lisible va contribuer à la paix de la communauté. Les relations d’autorité sont précisées, et avec elles, les droits et les devoirs de chacun. Nous touchons ici du doigt combien le droit est essentiel à notre vie en société. Il nous rappelle que nous sommes situés les uns par rapport aux autres, non de manière indifférenciée. A nous qui avons choisi une manière précise de vivre, sous une règle et des Constitutions de « modes relationnels » qui nous façonnent. Ce n’est pas pour rien qu’au moment de la profession, nous nous engageons à vivre nos vœux selon la Règle et aussi selon nos Constitutions. Ce droit veut favoriser un ordre, une qualité de vie qui permettra à chacun et à la communauté de chercher et de servir Dieu dans la paix. Discret et modeste le droit, fruit des expériences passées, est un vrai facteur de communion dans nos communautés. Il nous faut donc savoir le reconnaître et l’apprécier à sa juste valeur. (2013-05-22)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 64, v 16-22 De l’ordination de l’abbé écrit le 21 mai 2013
Verset(s) :

16. Il ne sera pas agité et inquiet, il ne sera pas excessif et obstiné, il ne sera pas jaloux et soupçonneux à l'excès, car il ne serait jamais en repos.

17. Dans les ordres qu'il donne, il sera prévoyant et réfléchi, et que l'œuvre qu'il commande soit selon Dieu ou selon le siècle, il usera de discrétion et de mesure,

18. en songeant à la discrétion de saint Jacob, qui disait : « Si je fais peiner davantage mes troupeaux à marcher, ils mourront tous en un jour. »

19. Prenant garde à ce texte et aux autres sur la discrétion, mère des vertus, il mettra de la mesure en tout, en sorte que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite.

20. Et surtout, qu'il garde en tous ses points la présente règle,

21. afin qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribua en son temps le froment à ses compagnons de service :

22. « En vérité, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens. »

Commentaire :

« En songeant à la discrétion de saint Jacob ». Effectivement Jacob rencontre Ésaü, lors de son retour en Canaan, s’exprime ainsi : « Monseigneur sait que les enfants sont délicats et que je dois penser aux brebis et aux vaches qui allaitent : si on les surmène un seul jour, tout le bétail va mourir ; pour moi je cheminerai doucement au pas du troupeau que j’ai devant moi et au pas des enfants ». Très belle image pastorale. Jacob pasteur, figure de l’abbé pasteur qui marche au pas de la communauté, et des plus petits particulièrement.

A l’abbé, Benoît recommande la discrétion et la mesure comme manière concrète de cheminer au pas de la communauté. Il lui revient de veiller à ce que chacun soit heureux dans sa marche et trouve la bonne mesure de son pas. Ni trop peu pour ceux qui peuvent plus, ni trop pour ceux qui peuvent moins. Benoît pointe ici le lieu du désir comme le lieu où chacun peut s’éprouver. Il s’agit de demeurer vivant dans son désir de marcher. Ne pas s’endormir et ne pas s’effrayer. Dieu seul connait la mesure de notre désir de nous donnes à lui, et à quelle profondeur il s’enracine en nous. La vie quotidienne nous aide à mesurer nos lieux de résistance et nous révèle nos illusions. Nous pensions avoir un grand désir de nous donner et nous butons sur des détails. Heureux sommes-nous si les difficultés rencontrées, loin de nous abattre ravive notre désir d’avancer, et de nous donner. Nous pouvons demander au Seigneur avec le psalmiste qu’il « allonge notre foulée, notre pas, sans que faiblisse nos chevilles » (Ps 17.37). (2013-05-21)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 64, v 7-15 De l’ordination de l’abbé. écrit le 18 mai 2013
Verset(s) :

7. Quant à l'abbé qui a été ordonné, il songera toujours à la charge qu'il a reçue et à celui auquel il devra « ;rendre compte de sa gestion ;».

8. Il saura qu'il doit plutôt « servir que régir ».

9. Il doit donc être « savant » dans la loi divine, pour savoir et avoir d'où « tirer le neuf et l'ancien », chaste, sobre, miséricordieux.

10. Et que « la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement », afin qu'il obtienne pour lui le même traitement.

11. « Qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères. »

12. Dans ses réprimandes même, qu'il agisse prudemment et « ;sans rien de trop », de peur qu'en voulant trop gratter la rouille, il ne brise le vase.

13. Il ne perdra jamais de vue sa propre fragilité, et se souviendra « ;qu'il ne faut pas écraser le roseau cassé. »

14. Nous ne voulons pas dire par là qu'il permettra aux vices de se développer, mais qu'il les retranchera prudemment et avec charité, suivant qu'il lui semblera opportun pour chaque individu, comme nous l'avons déjà dit.

15. Et il s'efforcera « d'être plus aimé que redouté ».

Commentaire :

Après avoir parlé de l'élection de l'Abbé, Benoit dresse une liste de

conseils à celui qui a été élu par ses frères. Ce nouveau portrait de

l'Abbé est différent de celui du ch 2. Le premier venait en grande partie

de la Règle du maître. Celui-ci s'inspire d'Augustin et de l'Ecriture. Avec

une forte insistance sur la miséricorde.

L'idéal tracé est placé très haut. Qui pourrait penser y répondre?

Moïse et Elie, ces deux grands témoins que le Christ a pris comme

compagnons de sa Transfiguration, tous les deux ont tremblé devant la

responsabilité que Dieu voulait leur confier. Après avoir épuisé les

objections, Moïse finit par dire: « De grâce, Seigneur, envoie quelqu'un

d'autre ». Ex 4/13. Envoie qui tu voudras, mais pas moi! Elie, découragé

par l'hostilité du Roi et du peuple d'Israël, se couche, épuisé, dans le

désert. " souhaite mourir et ne plus se relever. 1R 19/4.

Cette faiblesse si humaine des deux plus grands élus de Dieu peut nous

aider à comprendre le poids de cette responsabilité spirituelle. Nous

aider aussi à percevoir quelque chose de l'expérience intérieure de

l'Abbé d'un monastère. Les tentations d'angoisse et de découragement

ne lui sont peut-être pas plus épargnées qu'aux chefs et aux prophètes

du Peuple de Dieu.

A partir de là se dessine pour nous un devoir de prière et de soutient

discret et confiant.

L'exigence de ce chapitre nous le redit: nous n'avons qu'un seul

Pasteur, le Christ. C'est à sa suite que l'Abbé a mission d'entraîner le

troupeau. Aux moines, ce qui demandé, c'est la Foi. Alors l'Abbé, cet

homme, avec ses limites et ses charismes, devient transmetteur de

grâces. Le Bon pasteur agit à travers lui.

Ce chapitre est pour nous l'occasion de remercier Dieu pour le Père

Abbé qu'il nous a donné. Le rechoisir aujourd'hui, le recevoir de Dieu. Et

prier pour lui.

Ce jour avant la Pentecôte, c'est aussi le moment pour demander la

venue de l'Esprit Saint sur tous ceux qui ont charge de pasteur dans

l'Eglise, sur le Pape François. (2013-05-18)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 64, v 1-6 De l’ordination de l’abbé - écrit le 17 mai 2013
Verset(s) :

1. Dans l'ordination de l'abbé, on prendra toujours pour règle d'instituer celui que se sera choisi toute la communauté unanime dans la crainte de Dieu, ou même une partie de la communauté, si petite soit-elle, en vertu d'un jugement plus sain.

2. C'est pour le mérite de sa vie et la sagesse de son enseignement que l'on choisira celui qui doit être ordonné, même s'il est le dernier par le rang dans la communauté.

3. Si même toute la communauté choisissait d'un commun accord une personne complice de ses vices, – ;à Dieu ne plaise ;! ;–

4. et que ces vices viennent tant soit peu à la connaissance de l'évêque au diocèse duquel appartient ce lieu et des abbés ou des chrétiens du voisinage,

5. ils empêcheront la conspiration des méchants de l'emporter, et ils institueront dans la maison de Dieu un administrateur qui en soit digne,

6. sachant qu'ils en recevront une bonne récompense, s'ils le font avec une intention pure et par zèle pour Dieu, de même qu'ils commettraient au contraire un péché, s'ils négligeaient de le faire.

Commentaire :

Au début de ce chapitre sur l'Abbé, Benoit nous donne des critères qui

peuvent nous aider dans tout processus de discernement. Il énonce

deux catégories de critères : Trois critères positifs, et un critère négatif.

Les critères positifs : La crainte de Dieu, le mérite de la vie, la sagesse

de l'enseignement.

La communauté unanime dans la crainte de Dieu . Devant une

question de communauté, que cherchons-nous ? Est-ce la Volonté de

Dieu ? Ou surtout imposer notre point de vue, notre volonté propre ?

Cherchons-nous ce qui est le mieux ? Sommes-nous assez libres pour

être ouvert à ce que Dieu veut ?

Ensuite, pour le choix de l'Abbé, Benoit parle du mérite de sa vie. On

peut entendre là la cohérence dans la façon de vivre. Une certaine

harmonie entre la vie et la charge qui est confiée, le service qui est

demandé.

Enfin la sagesse de son enseignement. C'est. peut-être la manière dont

sont utilisés la parole et le silence. La sagesse suppose de savoir

écouter. De savoir dire une parole. Mais aussi souvent de savoir se

taire.

Quand au critère négatif, Benoit l'appelle la complaisance au vice. Cette

complicité peut consister simplement à prendre son parti des habitudes

mauvaises. Que faire lorsqu'une telle habitude est profondément

enracinée ?

Ce chapitre nous met en garde centre ce type d'unité qui

s'appuie sur les vices et non sur le bien. Le mot vice est fort, mais il y a

cette tendance au laisser aller, au plus facile, au moins fatiguant. C'est

étrange, mais il est plus simple d'être complice de la médiocrité que de

s'unir pour le bien. Et la tentation peut être grande de ne plus se

reprendre, de laisser faire. Pour avoir un semblant d'unité. C'est ceci

que Benoit dénonce dans ce passage.

Devant l'unanimité apparente de la médiocrité, il faut du courage pour

oser s'opposer, pour corriger.

Benoit croit que la véritable communauté évangélique est bâtie sur le

meilleur de nous-mêmes. Sur ce désir de Dieu qui nous habite au plus

intime de notre cœur.

(2013-05-17)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 63, v 15-19 De l'ordre de la communauté - écrit le 16 mai 2013
Verset(s) :

15. Chaque fois que les frères se rencontrent, le plus jeune demandera la bénédiction de l'ancien.

16. Au passage d'un supérieur, l'inférieur se lèvera et lui offrira le siège où il était assis. Et le plus jeune ne se permettra pas de se rasseoir avant que son ancien ne le lui commande,

17. pour faire ce qui est écrit : « Prévenez-vous d'honneurs mutuels. ;»

18. Les petits enfants et les adolescents, à l'oratoire et aux tables, garderont leur rang en bon ordre.

19. Mais au dehors et partout, ils seront surveillés et maintenus dans l'ordre, jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'âge où l'on comprend.

Commentaire :

A propos de l'ordre dans la communauté, c'est une charte des relations

fraternelles que Benoit nous donne. La Règle du Maître ne disait rien de

semblable : Elle établissait une structure hiérarchique. Ce qui importait

seulement, c'était la relation du moine à Dieu. Ici Benoit, comme dans

les derniers chapitres de la Règle, veille à ce que les moines soient en

relation les uns avec les autres. Il veut que nous soyons une

communauté de frères.

Respect de la part des plus jeunes, amour de la part des anciens :

Pour Benoit, ni l'honneur ni l'amour ne sont unilatéraux. Ils sont

réciproques. Les anciens donnent aux plus jeunes le nom de frère. Pas

celui de fils, qui correspondrait à leur propre nom de père. Et quand il

demande aux plus jeunes d'appeler les anciens: père, l'affection se

mêle au respect. Il veut cette réciprocité: Se prévenir d'honneurs

mutuels .

C'est vrai, la Règle met quand même l'accent sur le respect des plus

jeunes pour les anciens. Aujourd'hui elle nous indique deux de ces

marques d'égard: Demander la bénédiction, céder sa place.

Demander la bénédiction. Vieille comme la Bible, cette attitude

suppose que l'on voit en tout homme un être béni, un porteur de la

grâce divine. Les hôtes aussi peuvent donner cette bénédiction aux

frères. Benoit le rappelait au ch 53.

Se lever de son siège et céder sa place. C'est toujours une joie quand

nous sommes témoins de cette marque de respect pour un inconnu

dans un transport public.

Se prévenir d'honneur mutuel : C'est plus qu'un code de politesse et de

convenances mondaines. Cette affection délicate et respectueuse

manifeste une présence. Présence de Dieu. Présence du Christ honoré

et aimé dans chacun de nos frères. Benoit concrétise cela dans des

rapports respectueux et fraternels. Respecter et honorer le Christ en

chacun de nos frères, en tout homme, surtout le plus pauvre.

(2013-05-16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 63, v 10-14 De l’ordre de la communauté - écrit le 11 mai 2013
Verset(s) :

10. Les jeunes honoreront leurs anciens, les anciens aimeront leurs inférieurs.

11. En ce qui concerne les noms dont on s'appellera, il ne sera permis à personne d'en appeler un autre par son nom tout court,

12. mais les anciens appelleront les jeunes du nom de frères, tandis que les jeunes donneront à leurs anciens le titre de nonni, qui signifie « ;Révérend Père ;».

13. Quant à l'abbé, puisqu'il apparaît comme le représentant du Christ, on lui donnera les titres de seigneur et d'abbé, non qu'il se les arroge de lui-même, mais pour l'honneur et l'amour du Christ.

14. Mais de son côté, il devra y songer et se conduire de façon à être digne d'un tel honneur.

Commentaire :

Je retiens la dernière phrase entendue. Elle concerne l’abbé que Benoît invite à songer au titre qu’on lui donne par honneur du Christ abbé et à veiller à se conduire de façon à être digne d’un tel honneur. Plusieurs fois, dans la règle, l’abbé est ainsi invité à songer à ce qu’il fait et à la portée de ses actes, notamment au regard du jugement de Dieu. Songer traduit le verbe latin cogitare . On pourrait traduire simplement penser . L’abbé est donc inviter à penser, à réfléchir sur la portée de ses actes et de ses paroles, dans la mesure où cela aura toujours une incidence sur la vie de la communauté ou des frères. Comme la question des rangs, de la juste répartition des vêtements, ou des objets selon le besoin des frères (RB 55,22), le fait de savoir discerner en fonction des frères (RB 64.18).

Il ne s’agit pas d’une pensée qui se complait en elle-même, au risque d’être submergée devant la difficulté. L’abbé est invité à penser devant Dieu à la charge qui lui est confiée.

C’est la seule manière de ne pas errer : se mettre sous la lumière de la Parole de Dieu à l’écoute de l’Esprit et des frères, pour réfléchir et chercher à demeurer au plus juste. Seule cette lumière divine reçue dans la prière et par la médiation des frères va permettre d’avancer avec prudence.

Benoît invoque souvent le jugement de Dieu à qui l’abbé devra rendre des comptes. Manière d’apprendre à l’abbé à suspendre tous ses jugements au jugement de Dieu.

Dieu seul sait et connait ce qui se passe dans le cœur de chacun. Apprends-moi à bien saisir, à bien juger, je me fie à tes volontés .

Je me confie à votre prière.

(2013-05-11)