vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 05, v 10-13 De l'obéissance écrit le 09 octobre 2013
Verset(s) :

10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,

11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;

12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.

13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »

Commentaire :

« C'est parce qu'un violent désir d'accéder à la vie éternelle les possède qu'ils se pressent dans la voie étroite ... » Un violent désir d'accéder à la vie éternelle!

Benoit parle souvent du désir, dans la Règle. Trois fois, dans ce paragraphe. Quand il parle des désirs, ce pluriel exprime toujours les désirs mauvais: ceux liés à la volonté propre, les désirs de la chair, ceux qui font la loi chez les sarabaïtes. Mais est-ce que tous nos désirs sont à enfermer dans la même réprobation, ou le même soupçon? Nos désirs sont à notre image, c'est-à-dire qu'ils sont mêlés. Ivraie, et bon grain tout à la fois. Le champ de nos désirs est à placer sous le regard de Dieu. Pour que l'Esprit Saint nous aide au discernement.

Car, à côté des désirs pervers, il y aussi le désir inspiré par Dieu. Pour ce bon désir, Benoit emploie toujours le singulier. Par exemple dans ce chapitre sur l'obéissance: Le désir du moine d'avancer vers la vie éternelle. De se soumettre à Dieu par l'obéissance à son Abbé.

Et nous savons que la Règle nous invite, en temps de Carême, à « attendre la Sainte Pâque dans la joie du désir spirituel» 49/7. Ce simple verset semble réhabiliter le désir. Si toute la vie du moine devrait être un grand Carême, nous pouvons en déduire qu'elle peut devenir un long désir. Le moine est un homme de désir. Il est invité à « désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle» 4/46. Comme chrétien voué à la quête de Dieu et à l'attente du Royaume, il se sait « chargé de garder toujours vivante sur terre la flamme du désir ». (Teilhard) Voué à désirer le Christ. Mieux encore, à entrer dans le désir du Christ. Le Christ lui-même est passé parmi nous en « homme de désir ». Ce titre magnifique est attribué à Daniel. Dn 9/23. Mais il convient encore plus à Celui qui a réalisé ce qu'ont annoncé les prophètes. Christ, habité par le désir d'accomplir la volonté de son Père. A l'inverse de ceux dont le désir s'ajuste aux caprices du Menteur. « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de Celui qui m'a envoyé ».

Quel est notre désir? Que l'Esprit Saint purifie notre cœur et mette en nous le désir d'aimer. (2013-10-09)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 05, v 1-9 De l'obéissance écrit le 08 octobre 2013
Verset(s) :

1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.

2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.

3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »

6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »

7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,

8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.

9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.

Commentaire :

Après un programme de la vie du moine, sous forme d'une panoplie d'instruments, voici trois chapitres sur les vertus particulières du cénobite: l'obéissance, le silence du cœur, et l'humilité.

Benoit structure ce chapitre sur l'obéissance en 3 parties: D'abord le spectacle extérieur du moine obéissant, les versets que nous venons d'entendre. Puis une évocation de la voie étroite de l'obéissance, opposée à la vie du sarabaïte. Enfin la face intérieure de l'obéissance.

« N'avoir rien de plus cher que le Christ ». Benoit l'avait dit déjà au chapitre des instruments de l'Art Spirituel. Ille redit ici, et c'est très important: Il s'agit d'aimer, pas d'être soumis. Il s'agit de vivre, pas de démissionner! Nous laisser captiver par le Christ, chaque jour davantage. L'obéissance a pour but et pour effet de nous rapprocher du Christ, de nous unir à lui, de nous rendre participants de sa vie.

Ce paragraphe comprend 3 citations de l'Ecriture. La première est tirée du Ps 17/45 : « Au premier mot, ils m'obéissent ». La seconde le dit ouvertement: « Qui vous écoute m'écoute» Lc 10/16. C'est au Christ en personne que nous obéissons. Ensuite Benoit décrit le moine obéissant en citant l'appel de Jésus aux premiers disciples: « Ils abandonnent aussitôt leurs filets, et ils le suivent» Mt 4/18-22. Et ce modèle est renforcé par l'exemple des moines égyptiens: Cassien a célébré leur obéissance immédiate. Dans la voix du supérieur, ils

reconnaissent l'appel de Dieu.

Concrètement, notre façon d'obéir nous dit où nous en sommes dans notre recherche de la liberté. Notre cœur est-il libre ? Notre vie est-elle donnée? Ou bien, est-ce que nous estimons toujours qu'on nous la prend? Ce combat est quotidien, il n'est jamais gagné définitivement! Pourtant nous n'avons rien à craindre: Notre véritable appui, c'est le Christ. Personne ne peut nous l'ôter. (2013-10-08)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 74-78 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 05 octobre 2013
Verset(s) :

74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.

76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :

77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »

78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.

Commentaire :

Faire de toute notre vie, une œuvre d'art, voilà certainement le but ultime de ce chapitre sur les instruments de l'art spirituel, et finalement le but de notre vie monastique. Et il ne s'agit pas de viser à une esthétique toute extérieure, en quête plus ou moins avouée de reconnaissance et de vaine gloire. L'œuvre est une œuvre d'art, en ce sens où elle vient ciseler, forger et façonner notre être filial vis-à-vis de Dieu et notre être fraternel vis-à-vis de nos frères. Et qui est l'artiste? C'est à la fois, l'Esprit Saint, Maitre d'œuvre de nos vies chrétiennes, à la fois nous-mêmes par notre application et notre désir d'écouter et de progresser, et ce sont aussi nos frères, souvent à leur insu par leur exemple, ou encore lorsqu'ils nous mettent à l'épreuve. Ici, St Benoit a raison de préciser que l'atelier où se fait cette œuvre d'art, c'est « le cloître du monastère et la stabilité dans la communauté ». Le cloître nous garde de la dispersion et nous apprend à centrer notre cœur sur l'essentiel : l'écoute de la Parole de Dieu et le dialogue de charité avec Lui et avec nos frères. La stabilité dans la communauté, comme aussi dans un couple, nous permet de ne pas rester à l'aulne de nos vies et de notre cœur. Il est facile d'aller de relations nouvelles en relations nouvelles. Mais il est plus éprouvant de s'aimer dans la fidélité, à l'épreuve de toutes les saisons, par tous les temps. Par la stabilité, nous acceptons de nous laisser polir par telle attitude de frères qui nous énerve; nous consentons à pardonner encore et encore à ce frère qui ne fait jamais les choses comme il faut ou au moment opportun. La stabilité avec les mêmes frères vient éprouver notre patience, mais aussi notre persévérance dans la charité. Si nous voulons Demeurer vraiment des cénobites, ces moines qui veulent devenir plus vivant ensemble, il n’y a pas d'autres solutions que de nous laisser creuser par toutes ces contrariétés de la vie fraternelle. Nous laisser creuser est le contraire de nous endurcir, de nous barricader ou de fuir. Cela veut dire toujours laisser une porte ouverte, être toujours prêt à tendre la main, à faire un geste.

Avec courage, prenons la route de la vie fraternelle, confiant dans l'Esprit Saint notre force, et notre Maitre d'œuvre. (2013-10-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 64-74 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 03 octobre 2013
Verset(s) :

64. aimer la chasteté,

65. ne haïr personne,

66. ne pas avoir de jalousie,

67. ne pas agir par envie,

68. ne pas aimer la contestation,

69. fuir l'élèvement.

70. Et vénérer les anciens,

71. aimer les jeunes.

72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,

73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.

74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

Commentaire :

Nous parvenons à la fin de ce long catalogue du chapitre 4. Il est significatif que, dans ces derniers instruments, le verbe « aimer» apparaisse 4 fois dans la traduction française. Il y est effectivement question de relations avec les anciens, avec les jeunes, avec les ennemis et avec son contradicteur. Et Benoit parle des attitudes justes à chercher pour bien vivre ces relations: la chasteté, ne pas avoir de haine, ni de jalousie, ni d'envie, ne pas contester, ni s'élever. ..

Cela ne nous surprend pas, de voir ces instruments en fin de ce chapitre de l'art spirituel. S'il y a bien une chose gui nous tienne à cœur et une chose qui reste toujours difficile à vivre, c'est bien celle d'aimer. Combien de fois dans nos journées, ne sommes-nous pas convoqués à poser des actes d'amour, pour demeurer dans l'amour, à l'image de Jésus qui nous le commande. Aimer ce n'est pas adopter un profil indistinct. Aimer nous donne d'engager des facettes multiples de notre capacité de relation, selon des degrés divers qui voudraient être ajustés à chaque personne, à chaque histoire vécue ensemble. Al' égard des anciens, nous suggère Benoit, aimer sera empreint de vénération. A l'égard des plus jeunes, peut-être de respect. À l'égard de tous, on cherchera à demeurer chaste, c'est-à-dire dans cette attitude qui laisse libre. Aimer son ennemi ce sera d'abord prier pour lui, en veillant à se tenir soi-même dans l'Amour du Christ. Aimer son contradicteur, ce sera chercher à faire la paix sans tarder avec lui. On a eu un accrochage avec un frère, ou bien on sent que l'on a froissé un frère, on lui fait un billet ou on lui demande pardon pour ne pas laisser le malentendu

perdurer.

Nous rêvons tous de relations sans problèmes, ni conflits. Nous rêvons tous d'aimer, d'amour ou d'amitié qui coulent de source ... Mais n'est-ce pas faire peu de cas de notre propre difficulté à aimer vraiment. Comme chacun, nous apportons notre lot de contrariétés aux autres et d'obstacles à l'amour. Et il nous faut alors humblement apprendre et réapprendre qu'aimer, c'est savoir faire un geste à qui ne tend pas la main, c'est aller au-devant de qui ne désire pas forcément nous voir, c'est donner du temps à quelqu'un qui ne nous est pas spontanément sympathique ... Aimer dans l'Amour du Christ, voilà notre rude et beau labeur de chrétien et de moine. « Seigneur, nous sommes pauvres d'amour, apprends-nous à aimer ... » (2013-10-03)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 62-63 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 02 octobre 2013
Verset(s) :

62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.

63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,

Commentaire :

Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu. « Chaque jour» « cotidie » en latin. Dans l'interview entendue il y a quelques jours au réfectoire, le Pape François disait ceci : « Chercher Dieu dans le passé ou le futur est une tentation. Dieu est certainement dans le passé, parce qu'il est dans les traces qu'il a laissées. Et il est dans le futur comme promesse. Mais le Dieu « concret », pour ainsi dire. est aujourd'hui ». Le pape François redit une conviction profonde de notre foi que la liturgie met souvent en lumière en insistant sur l'aujourd'hui de la révélation et de la présence de Dieu. Ainsi le « chaque jour» de notre recherche monastique rejoint-il ou cherche-t-il à rejoindre l'aujourd'hui de Dieu. Si la règle insiste plusieurs fois sur ce « chaque jour », c'est bien pour nous rappeler ce rendez- vous quotidien qui nous est fixé. Au prologue, Benoit affirme que la voix divine nous adresse chaque jour ses appels (9) et que le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes à ses saints enseignements (35). Avec Dieu, il n'est pas possible de faire des réserves de bonnes actions, en se disant « aujourd'hui repose-toi, tu en as fait assez hier ». Le Seigneur désire bien mieux pour nous que cette mentalité mercantile qui réduirait notre vie à un piètre marchandage. Il nous engage à entrer dans une relation vivante qui se nourrit de la recherche de sa volonté, et du désir de mieux connaitre ce Dieu qui nous cherche. Et cela, il n'y a que l'aujourd'hui pour nous le donner. Ce que j'ai vécu hier, mes échecs comme mes réussites, va m'éclairer; et ce qui m'attend demain (pour ce que j'en connais) va m'aider à m'orienter. En cherchant à faire sa volonté aujourd'hui, dans la banalité des gestes les plus simples, je laisse la puissance d'amour du Seigneur se déployer et illuminer mon quotidien. «L'évènement d'amour est quotidien» chantions-nous hier dans la belle hymne à Ste Thérèse de Lisieux. Soyons heureux d'habiter avec profondeur notre aujourd'hui. Dieu est là qui nous y rejoint si

nous savons prêter l'oreille. (2013-10-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 59-61 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 01 octobre 2013
Verset(s) :

59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,

60. haïr sa volonté propre,

61. obéir en tout aux commandements de l'abbé, même s'il agit lui-même autrement – ce qu'à Dieu ne plaise – en se souvenant du commandement du Seigneur : « Ce qu'ils disent, faites-le ; quant à ce qu'ils font, ne le faites pas. »

Commentaire :

Ces quelques instruments témoignent d'une belle confiance en la parole humaine. Même si le Père Abbé, à Dieu ne plaise, commande quelque chose qu'il ne fait pas lui-même, mieux vaut obéir à sa parole que de suivre son mauvais exemple ... Benoit a fait l'expérience, pour lui et pour les autres, des bienfaits de la parole qu'on écoute et qu'on met en pratique. Elle est créatrice de vie parce qu'elle décentre de soi et qu'elle renvoie toujours à une autre parole, la Parole de Dieu, de qui tout vient et par qui tout a été fait. En ce sens, une parole qui veut le bien est toujours une parole qui dépasse celui qui la prononce. Le P. Abbé n'est jamais. à la hauteur de la parole qu'il prononce. Il est parfois complètement en deçà de l'exigence qu'il demande. Même s'il essaie de confronter sa vie à cette parole, il reste lui-même un disciple qui a besoin de la Miséricorde de Dieu. Seul Dieu peut nous accorder à sa Parole et aux commandements qu'Il nous donne. Dire ceci, n'est pas autojustification de nos médiocrités humaines, mais émerveillement devant le dessein de Dieu qui choisit des êtres humains fragiles pour s'adresser à d'autres êtres humains fragiles. Cela nous replace aussi avec un sain réalisme devant l'exigence de notre vie qui est toujours devant nous. Tous, nous sommes en quête de mettre toute notre vie sous la Parole de Dieu. Nous cherchons à nous mettre vraiment à son écoute. Mais nous savons qu'en notre chair, il y encore des résistances. Nous mesurons combien notre volonté propre est toujours prête à reprendre le dessus. La vie monastique nous fait pressentir que là n'est pas notre vrai bonheur. Les désirs de la chair sont fugaces, et les velléités de la volonté propre, ou bien illusoires ou bien tyranniques. Seule l'écoute de la Parole, toujours médiatisée par une parole humaine limitée et imparfaite, nous ouvre le chemin de la libération de soi. Elle nous donne d'aller plus libre à la rencontre du Seigneur qui désire encore nous parler pour nous faire vivre. (2013-10-01)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 50-54 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 27 septembre 2013
Verset(s) :

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,

52. ne pas aimer à beaucoup parler ;

53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,

54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.

Commentaire :

Il y a beaucoup de paroles dans nos vies ... Des paroles banales, des paroles' qui tissent les liens entre nous et des paroles qui les défont, des paroles qui libèrent la vie et d'autres qui l'étouffent, des paroles qui font la vérité et d'autres qui la musellent. Un seul a une Parole une et unifiée qui réalise ce qu'elle dit, et qui dit ce qu'Il est vraiment, l'Amour offert, c'est Dieu. Et Dieu a choisi de nous adresser la Parole, d'entrer en conversation avec nous les hommes, ses créatures. Et le Verbe s'est fait chair afin que la chair devienne parole, réponse vraiment ajustée à son Dieu. Nos vies humaines sont prises dans ce magnifique projet de Dieu: devenir parole pleine, libre et créatrice de vie, unie au Verbe, le Fils tourné vers le Père.

Quand St Benoit nous invite à briser contre le Christ les pensées mauvaises qui se .présentent au cœur et à les découvrir à l'ancien spirituel, il nous fait entrer dans ce projet de Dieu. Par cette démarche de vérité dans la confiance, nous faisons l'expérience de la parole qui libère; nous faisons l'expérience du salut qu'est venu apporter le Christ. Les mauvaises pensées sont ce tissu de paroles qui roulent dans nos têtes et qui se basent en bonne partie sur notre imaginaire blessé ou affecté. Ces paroles-là ne' font que semer le trouble, la violence ou la peur. Les découvrir à un autre, c'est leur enlever leur capacité de nous empoisonner le cœur. C'est leur retirer leur pouvoir insidieux de nous tromper. Nous les moines, nous avons là un bel instrument pour grandir dans notre vie avec Dieu. Savons-nous en faire usage? Cet exercice n'est pas réservé seulement pour le noviciat. Il nous demande du courage. Car nous ne sommes pas toujours fiers de notre cinéma intérieur. Le dire, c'est une manière de signifier que nous ne voulons pas nous identifier à lui. C'est redire au Christ notre désir que règnent en notre cœur sa Parole, la Parole vraie, et sa Lumière. Parler vrai, pour marcher libre et droit, que le Christ nous vienne en aide sur ce chemin de joie. (2013-09-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 55-58 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 27 septembre 2013
Verset(s) :

55. Écouter volontiers les saintes lectures,

56. se prosterner fréquemment pour prier,

57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,

58. se corriger de ces fautes à l'avenir.

Commentaire :

De ces instruments, je voudrais retenir les trois adverbes qu'on y trouve: « volontiers» (libenter), « fréquemment» (frequenter) et « chaque jour» qu'on pourrait traduire quotidiennement (cotidie). Chez St Benoit, les adverbes ont souvent une place importante. Ils disent la manière avec laquelle le moine s'engage dans ce qu'il fait. Faire une chose, c'est mieux que de ne pas la faire du tout. Mais le moine sera vraiment tel s'il ne se contente pas de faire les choses à la manière d'un fonctionnaire, mais en cherchant sans cesse à vivre pleinement ce qu'il fait.

Ainsi écouter les saintes Ecritures dans la liturgie ou dans la prière. On peut le faire d'une façon distraite parce que fatigué, ou ennuyée, car ces textes sont tellement déjà connus. St Benoit nous propose de le faire « volontiers », avec plaisir, avec cœur. C'est étrange, mais je crois que plus on est attentif à vivre une certaine discipline dans le temps donné et dans l'attention renouvelée, plus on écoute « volontiers» les Saintes Ecritures. Plus aussi on y reconnait la voix et le projet d'un Dieu qui nous aime. Aussi contrairement à ce qu'on pourrait souvent penser, la discipline, l'exercice de la régularité, loin d'affadir le goût, 1'affine au contraire. N'ayons donc pas crainte de nous scléroser en tenant bon dans nos exercices de lectio ou d'office. Appliquons-nous y pour creuser en nous le goût des choses de Dieu.

Il en va de même dans le prier « fréquemment» ou dans se reconnaitre pécheur « chaque jour». Petits exercices de mise en présence de Dieu qui peuvent égrener notre journée, avant un travail ou une rencontre, au cours d'une promenade. Rien de forcé mais plutôt un élan du cœur qui rejoint son Dieu et qui donne de vivre peu à peu toute chose sous son regard, même les vexations ou les contrariétés. Il n'est pas facile de vivre le « priez sans cesse », mais ces adverbes «fréquemment» ou « quotidiennement» sont là pour nous y entraîner. (2013-09-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 41-49 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 26 septembre 2013
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;

43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

Commentaire :

Ces instruments nous parlent de jugement, de crainte, de mort et de vie éternelle.

L'accent est mis fortement sur le regard porté sur soi-même et sur le regard de Dieu, sans que

l'on précise comment est ce dernier regard ... La tonalité dominante est pour le moins le souci

de la justesse devant Dieu et par rapport à soi-même. Deux instruments nous permettent

cependant d'échapper à la tentation de laisser dominer le sentiment de crainte dans cette

recherche de justesse: « confier à Dieu son espoir et désirer la vie éternelle de toute sa

convoitise spirituelle ». Si la pensée de la mort ou la crainte de la géhenne sont le versant

négatif de cette recherche de justesse, la confiance en Dieu et le désir de la vie éternelle en

représentent le versant positif. Le versant négatif nous rappelle notre petitesse devant le

mystère de Dieu et de l'au-delà devant lequel nous balbutions. Le versant positif est reçu dans

la foi comme une Bonne Nouvelle. La foi nous donne d'oser nous tourner vers Dieu avec

confiance. Elle nous permet même de trouver en notre désir des ressources très profondes et

très neuves.

Le désir de la vie éternelle n'est pas seulement le désir de la continuité assurée dans

l'inaccessible au-delà de la mort. La foi nous ouvre la perspective d'une vie de communion au

Dieu dont on dit « qu'éternel est son Amour ». Le chemin ouvert par l'évangile et par toute

l'Ecriture est un long compagnonnage où Dieu nous dévoile peu à peu son visage en même

temps qu'Il nous révèle le nôtre propre, celui des fils de Dieu. Ce chemin porte en lui dès

maintenant le gout de l'éternité. Plus nous avançons dans la connaissance de Dieu, dans

l'amitié avec le Christ, même si c'est toujours en clair-obscur, plus notre désir se creuse. Sa

convoitise spirituelle appelle de toutes ses forces un « pour toujours ». L'Esprit Saint est en

nous un maitre intérieur pour faire grandir notre désir spirituel de la vie éternelle, ce désir

d'une vie d'amitié avec Dieu dans la Lumière de son Amour. «Viens en nous Père des

pauvres, viens dispensateur des dons, viens lumière de nos cœurs ». (2013-09-26)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 29-33 Les instruments des bonnes oeuvres écrit le 24 septembre 2013
Verset(s) :

29. Ne pas rendre le mal pour le mal,

30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,

31. aimer ses ennemis,

32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,

33. souffrir persécution pour la justice.

Commentaire :

RB 4,29-33

Ces lignes de St Benoit me font penser au film « les Choristes », dans lequel on

pouvait voir à l'œuvre un sévère préfet de discipline. Afin de maintenir sa discipline de fer, il

avait adopté la formule « action-réaction », en guise de ligne de conduite! Stratégie qui a vite

montré son impuissance et sa bêtise ... Plus on mâtait les élèves, plus ils se rebellaient.

Dans la ligne de l'évangile, St Benoit nous engage ici à sortir de l'engrenage si

spontané de « action-réaction ». Un frère m'a fait du mal, ou dit une mauvaise parole, eh bien

il va en entendre, et il va savoir à qui il a affaire ... Logique de la vengeance à chaud ou à

froid, qui n'a rien à voir avec l'évangile du Christ! C'est en de pareilles occasions que nous

pouvons mesurer jusqu'où l'évangile imprègne nos vies.« Ne pas rendre le mal pour le

mal ... supporter patiemment les injustices qui nous sont faites ... Quand on nous maudit, ne pas

répondre en maudissant, bénir au contraire ». Ici, nous mesurons combien nous sommes

pécheurs, c'est-à-dire si vulnérable au mal pour devenir capable de le faire à notre tour. Ces

instruments fondés dans l'expérience du Christ et dans celle de Paul, il nous faut les accueillir

comme une bonne nouvelle. A la suite du Christ, la parole de St Benoit ne sonne pas comme

un couperet ou comme un précepte moral, mais comme une invitation à là sagesse et à la vie.

Là où la mort fait son œuvre, le disciple du Christ est armé pour faire triompher la vie, par le

pardon, la bonne parole, la patience et l'écoute. Ses armes spirituelles, nous les avons déjà à

notre disposition par le Saint Esprit répandu en nous. Il nous est seulement demandé de les

tenir prêtes à servir. Comment les tenir prêtes? Il me semble qu'un bon moyen, est

d'apprendre à se tenir devant le Christ comme des pauvres qui sont incapables par eux-mêmes

de mener de tel combat. A voir les yeux tournés vers Lui pour savoir recevoir de Lui au

moment critique la force de la bonne réponse. Je suis émerveillé d'entendre des frères me

partager des paroles ou des gestes de réconciliation vécus à la suite d'agressions même

infondées ... Le Saint Esprit est à l'œuvre dans nos terres en friche. Qu'Il nous garde docile à

ses inspirations.

(2013-09-24)