vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 3-9 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres écrit le 09 septembre 2015
Verset(s) :

3. Ensuite « ne pas tuer,

4. ne pas commettre d'adultère,

5. ne pas voler,

6. ne pas convoiter,

7. ne pas porter faux témoignage. »

8. Honorer tous les hommes,

9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».

Commentaire :

Comment entendre aujourd'hui ces instruments tirés du décalogue ? En écho à l'encyclique du pape François, je voudrais qu'on les entende comme un appel à entrer dans le nouveau style de vie qu'il nous propose. Ne plus les entendre seulement personnellement, mais collectivement unis à tous nos contemporains, habitant « la même maison commune». Le pape François nous sensibilise au fait que désormais, nous ne pouvons faire abstraction de notre implication dans de nombreux problèmes de la planète, par le seul fait que nous avons un compte dans telle banque, parce que nous mangeons des fruits provenant de tel pays, que nous achetons des produits fabriqués en Chine ou au Bangladesh dans des conditions, pas forcément très humaines etc ... Le « ne pas tuer, ne pas voler, ne pas convoiter, honorer tous les hommes, ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse» prend un autre relief très concret à l'heure de la mondialisation. Il nous faut entrer dans cette nouvelle conscience de notre appartenance à un monde où tout est relié et connecté entre les pays, les économies et les cultures. Il ne s'agit pas de se culpabiliser, mais d'entrer dans une nouvelle manière d'être, de faire des choix, qui intègre cette réalité de notre interdépendance de plus en plus étroite. Ce n'est pas facile à concevoir, mais le pape François nous laisse quelques portes d'entrée très simples qui sont autant de manière de changer notre regard et notre facon de vivre.

«J'ose proposer de nouveau ce beau défi: "Comme jamais auparavant dans l'histoire, notre destin commun nous invite à chercher un nouveau commencement [ . .] Faisons en sorte que notre époque soit reconnue dans l 'histoire comme celle de l'éveil d'une nouvelle forme d'hommage à la vie, d'une ferme résolution d'atteindre la durabilité, de l'accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l 'heureuse célébration de la vie".[148]

Et le pape ajoute (211) ... Accomplir le devoir de sauvegarder la création par de petites actions quotidiennes est très noble, et il est merveilleux que l'éducation soit capable de les susciter jusqu'à en faire un style de vie. L'éducation à la responsabilité environnementale peut encourager divers comportements qui ont une incidence directe et importante sur la préservation de l'environnement tels que: éviter l'usage de matière plastique et de papier, réduire la consommation d'eau, trier les déchets, cuisiner seulement ce que l'on pourra raisonnablement manger, traiter avec attention les autres êtres vivants, utiliser les transports publics ou partager le même véhicule entre plusieurs personnes, planter des arbres, éteindre les lumières inutiles. Tout cela fait partie d'une créativité généreuse et digne,qui révèle le meilleur de l'être humain. Le fait de réutiliser quelque chose au lieu de le jeter rapidement, parce qu'on est animé par de profondes motivations, peut être un acte d'amour exprimant notre dignité. Style de vie nouveau, créativité généreuse, acte d'amour: « Le développement de ces comportements nous redonne le sentiment de notre propre dignité, il nous porte à une plus grande profondeur de vie» (212).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 26-30 De l'humilité écrit le 09 septembre 2015
Verset(s) :

26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,

27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,

28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,

29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,

30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »

Commentaire :

En conclusion de ce long 1er degré de l'humilité, on pourrait se poser la question: comment entendre l'invitation à vivre sous le regard du Seigneur, en pleine vérité et en pleine lumière sans être timoré ou angoissé? En effet, la façon de Benoit de dire que le Seigneur nous voit et nous connaît en toutes les fibres de notre être peut susciter une mauvaise crainte. Ou encore dans notre contexte moderne, cette manière peut susciter un oubli indifférent qui refoule toutes les questions importantes. Comment recevoir comme une chance le fait d'être invité à une lucidité toujours plus grande dans ce que nous pensons et faisons? Je crois qu'il y a une réelle chance offerte en ce premier degré, d'apprendre à ne pas être de dupe de nous- mêmes. Le Seigneur, qui nous connaît en tout ce que nous vivons, désire que nous nous connaissions toujours mieux nous-mêmes. Comme je le disais, nous ne serons jamais transparents à nous-mêmes dans nos désirs, nos pensées et nos volontés. Mais allons-nous pour autant vivre en nous bouchant les yeux pour ne pas regarder nos difficultés en face? « Il nous faut prendre garde à tout instant» nous rappelle Benoit. Se tenir sur ses gardes, non vis- à-vis des autres, mais vis-à-vis des parts sombres que nous portons ... Ici, nous pouvons mettre à profit les petits incidents de la vie quotidienne. Quand un frère me dit quelque chose et que je réagis mal: il faut toujours se demander pourquoi je réagis mal? Parce que le frère a été vraiment méchant ou seulement maladroit? Ou bien parce que ma susceptibilité est blessée, ou encore parce que je ne veux pas me bouger? Quand un service m'est demandé, pourquoi je fais parfois la sourde oreille ou pourquoi je me défile? Y -a-t-il en moi un orgueil qui n'accepte pas d'obéir, ou bien des peurs de ne pas être à la hauteur qui me font perdre mes moyens? Se tenir sur ses gardes, c'est conserver cette lucidité sur soi pour accepter de regarder en face ce qui se passe. Désirer voir clair en soi, sans excessive dureté, ni complaisance molle, c'est nous mettre en route sur le chemin de l'humilité. Cette attention à notre propre manière de vivre, nous la vivons toujours sous le regard de notre Père qui est miséricordieux. Un regard dans lequel « amour et vérité se rencontrent ». (2015-09-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 23-25 De l'humilité écrit le 05 septembre 2015
Verset(s) :

23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »

24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »

25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »

Commentaire :

Benoit poursuit la revue des parts de nous-mêmes sur lesquelles il nous faut veiller, afin de demeurer effectivement dans la crainte de Dieu. Après les pensées, la volonté, maintenant les désirs. Comme pour les pensées et la volonté, nos désirs peuvent être partagés, ou encore ambivalents. Le désir est un mot important et une notion fondamentale de l'anthropologie moderne. Penser l'homme comme un être de désir nous emmène plus loin et plus profond que la seule considération de nos désirs concrets. Ceux-ci sont l'expression plus ou moins fidèle de notre désir profond. Paradoxalement, s'ils disent quelque chose de notre désir qui cherche, ils ne le manifestent pas toujours en vérité. Nous avons tous fait l'expérience d'éprouver le désir de posséder quelque chose, de faire quelque chose, ou de devenir quelqu'un, et de mesurer peu après qu'en fait ce n'est pas là qu'est notre désir profond. Nos désirs spontanés ne sont pas toujours d'emblée accordés à notre désir profond. Si nos désirs sont une réponse à quelque chose d'attirant ou de séduisant, notre désir profond ne se satisfait pas de choses superficielles. Il est en quête de paix et de plénitude, pas de sucreries ou de plaisirs faciles QU illusoires. Il ne craint pas la rugosité voire l'adversité lorsqu'il a découvert un chemin de vie véritable. Pour nous moines, notre désir profond nous a été révélé un jour lorsque le Christ nous a fait signe pour le suivre. Cet appel a éveillé un grand désir que nous n'avons pas fini de connaitre, tant l'appel de Jésus veut déployer en nous des énergies toujours nouvelles de dons et de sacrifices à sa suite. Il nous entraine ni plus ni moins à l'imiter jusque dans le don total de nous-mêmes. Si aujourd'hui nous ne savons pas nécessairement la forme que prendra le don de demain, notre désir a été éveillé de telle façon que nous savons qu'il ne peut se contenter de demi-mesures. Notre désir éveillé par la Parole et nourri par l'Esprit Saint nous entraine sur un chemin de liberté. Certes ce chemin n'est pas toujours rectiligne ni exempt d'embuches. Nous sommes toujours sujets aux mirages et aux illusions car nous sommes encore en recherche d'être vraiment accordé à notre désir profond. Mais la lumière de la foi et la force de notre engagement sont de solides repères pour nourrir et faire grandir ce désir éveillé un jour de servir le Christ. Dans ce désir-là, peu à peu s'accorderont tous nos désirs. (2015-09-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 19-22 De l'humilité écrit le 03 septembre 2015
Verset(s) :

19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »

20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.

21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,

22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »

Commentaire :

Comment accorder notre volonté à la volonté de Dieu? Comment entrer avec toute notre liberté dans le projet de Dieu sur le monde? Ces lignes de St Benoit à propos du premier degré d'humilité, peuvent nous aider à prendre de la hauteur. En effet, parler de la volonté de Dieu nous entraine à considérer son dessein de salut sur le monde. Dieu notre Père n'a qu'un projet pour le monde et pour chacun de nous: dans notre humanité, nous faire partager sa vie et sa joie divine. Il n'a qu'un désir: nous donner d'être uni à lui, en son mystère trinitaire, dans l'amour. C'est là notre foi et notre espérance. Quand il nous appelle, c'est pour nous entrainer dans ce projet pour nous-même et pour le monde. Chaque chrétien est ainsi convié à mobiliser toutes ses énergies et toute sa volonté pour le Royaume. Notre vocation monastique ne fait pas exception: elle veut nous faire entrer dans cette synergie divine où tout ce que nous faisons devient œuvre pour le Royaume.

Mais c'est un premier pas dans l'humilité de mesurer que nous résistons à entrer dans cette synergie divine. Notre volonté est fragile. Elle peine à faire sien le dessein d'un autre. Vouloir accomplir nos désirs et réaliser nos projets: pas de problème. Vouloir vraiment ce que Dieu veut, cela devient plus difficile. Et la difficulté augmente lorsque ce vouloir divin s'exprime à travers d'autres vouloirs humains que le mien. Les lignes entendues de St Benoit ce matin, nous conduisent à être lucide sur notre volonté souvent partagée. La part que nous nous réservons est appelée « volonté propre ». C'est la part de notre volonté qui se considère comme « seul maitre à bord». Elle ne veut rien entendre de Dieu ni des autres. Chacun de nous peut se demander: où se cache ma volonté propre? A quelle occasion dans ma vie se manifeste cette part qui en moi ne veut rien entendre? Quand est-ce que je ne veux pas dialoguer, ni me laisser questionner ou remettre en cause? Mieux connaitre cette part et apprendre à la mettre sous la lumière de Dieu, c'est entrer dans l'humilité. Nous pourrons alors demander à Dieu plus en vérité que sa « Volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Une plus grande lucidité sur nous-même, se confiant à la grâce de Dieu, nous fera entrer davantage dans cette synergie divine à laquelle notre Père des Cieux nous convie. C'est la danse dont parlait M. Delbrêl. (2015-09-03)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 14-18 De l'humilité écrit le 02 septembre 2015
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :

Les versets entendus ce matin nous laissent en filigrane cette question: Dieu est présent à notre vie, et nous sommes-nous présents à nous-mêmes? En effet, l'insistance porte sur le fait que, de même que Dieu est présent à nos pensées, « le frère vertueux» doit « être attentif à veiller sur ses pensées perverses ». En quelques mots est esquissé ce qui sera un des grands enjeux de la vie spirituelle du moine: la garde et le discernement des pensées.

Discerner les pensées. Notre esprit est une formidable machine qui roule et qui roule sans cesse des pensées, des meilleures jusqu'au pire. Le silence qu'offre notre cadre monastique, devient alors comme une caisse de résonnance de ces pensées. Il aura tendance à les amplifier. Nous ne pouvons donc pas les laisser ainsi rouler en nous sans contrôle. C'est une part de notre travail monastique d'apprendre à gérer cet incessant travail des pensées. Comment? Nous pouvons tout à tour être le « gendarme », ou bien le « détective », ou bien « l'entraineur» de nos pensées. Nous pouvons être le gendarme qui fait la circulation, qui laisse passer certaines pensées et qui interdit le passage à d'autres. Me vient une pensée de jugement sur un frère, l'idée de lui dire une parole méchante: vais-je donner ou non un droit de passage à cette pensée? Le gendarme, en nous, opère un discernement à la lumière de l'Evangile, car toutes les pensées ne sont pas porteuses de vie. Nous pouvons être aussi le détective de nos pensées. Quand nous reviennent certaines pensées troubles, plus ou moins obsédantes, il peut être bon de se demander d'où elles viennent? Parfois cela peut être relativement simple: si je me suis attardé sur des images érotiques, il n'est pas surprenant que plus tard des pensées érotiques viennent activer mon imaginaire. Parfois trouver l'origine de telle pensée persistante sera plus difficile, voire impossible à trouver. Nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes et il en est bien ainsi. Pouvoir parler avec l'ancien spirituel pourra aider à voir plus clair. Parfois le recours à un psychologue sera nécessaire. Le détective en nous restera modeste en acceptant de ne pas tout savoir, ni de tout comprendre. Mais il permettra de prendre distance par rapport à telle pensée prégnante, pesante ou troublante. Enfin, nous pouvons être l'entraineur, celui qui facilite en nous l'émergence des pensées bonnes et heureuses. Repérer et laisser vivre et grandir les pensées positives nous donnera de l'énergie, des ailes et des jambes ... La pensée de la présence du Seigneur à nos côtés et la pensée de la confiance qu'Il nous porte seront toujours de puissants leviers à cultiver. (2015-09-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 14-18 De l'humilité écrit le 02 septembre 2015
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :

Les versets entendus ce matin nous laissent en filigrane cette question: Dieu est présent à notre vie, et nous sommes-nous présents à nous-mêmes? En effet, l'insistance porte sur le fait que, de même que Dieu est présent à nos pensées, « le frère vertueux» doit « être attentif à veiller sur ses pensées perverses ». En quelques mots est esquissé ce qui sera un des grands enjeux de la vie spirituelle du moine: la garde et le discernement des pensées.

Discerner les pensées. Notre esprit est une formidable machine qui roule et qui roule sans cesse des pensées, des meilleures jusqu'au pire. Le silence qu'offre notre cadre monastique, devient alors comme une caisse de résonnance de ces pensées. Il aura tendance à les amplifier. Nous ne pouvons donc pas les laisser ainsi rouler en nous sans contrôle. C'est une part de notre travail monastique d'apprendre à gérer cet incessant travail des pensées. Comment? Nous pouvons tout à tour être le « gendarme », ou bien le « détective », ou bien « l'entraineur» de nos pensées. Nous pouvons être le gendarme qui fait la circulation, qui laisse passer certaines pensées et qui interdit le passage à d'autres. Me vient une pensée de jugement sur un frère, l'idée de lui dire une parole méchante: vais-je donner ou non un droit de passage à cette pensée? Le gendarme, en nous, opère un discernement à la lumière de l'Evangile, car toutes les pensées ne sont pas porteuses de vie. Nous pouvons être aussi le détective de nos pensées. Quand nous reviennent certaines pensées troubles, plus ou moins obsédantes, il peut être bon de se demander d'où elles viennent? Parfois cela peut être relativement simple: si je me suis attardé sur des images érotiques, il n'est pas surprenant que plus tard des pensées érotiques viennent activer mon imaginaire. Parfois trouver l'origine de telle pensée persistante sera plus difficile, voire impossible à trouver. Nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes et il en est bien ainsi. Pouvoir parler avec l'ancien spirituel pourra aider à voir plus clair. Parfois le recours à un psychologue sera nécessaire. Le détective en nous restera modeste en acceptant de ne pas tout savoir, ni de tout comprendre. Mais il permettra de prendre distance par rapport à telle pensée prégnante, pesante ou troublante. Enfin, nous pouvons être l'entraineur, celui qui facilite en nous l'émergence des pensées bonnes et heureuses. Repérer et laisser vivre et grandir les pensées positives nous donnera de l'énergie, des ailes et des jambes ... La pensée de la présence du Seigneur à nos côtés et la pensée de la confiance qu'Il nous porte seront toujours de puissants leviers à cultiver. (2015-09-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 10-13 De l'humilité écrit le 01 septembre 2015
Verset(s) :
Commentaire :

« Plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu» ... l " degré d'humilité nous enseigne à nous tenir sous le regard de Dieu notre Père, dans la crainte de Dieu. Cette expression « crainte de Dieu» si importante dans la bible et pour les anciens moines, peut nous rebuter au premier abord. Avec le mot « crainte », nous entendons assez spontanément le mot « peur». Effectivement le mot « crainte» en français est ambivalent, comme en hébreu. Il peut renvoyer aussi bien à des sentiments de frayeur qu'à des sentiments de respect jusqu'à tendre à la confiance. Devant le mystère de Dieu, nous pouvons osciller effectivement entre la frayeur et le respect confiant. Frayeur ou peur face à l'inconnu de Celui qui est la source de nos vies et respect confiant qui conduit à nous tenir sous son regard avec un amour abandonné. Entre peur et respect confiant tendu vers l'amour, ne traçons-nous pas jour après jour le chemin de notre recherche de Dieu? Chercher Dieu nous fait passer par bien des sentiments et des attitudes à son égard, si nous y sommes attentifs. Nous pouvons être dans l'oubli qui est peut-être une forme subtile de la peur: nous refoulons le souvenir de Dieu. Parfois nous sommes dans la peur qui tétanise. Nous désirons être dans l'écoute qui guette la parole. Nous voudrions plus encore grandir dans la confiance qui aime et s'abandonne. Entre tous ces mouvements intérieurs, bien concrets, c'est tout notre être qui est convoqué. St Benoit parle des pensées, des désirs et de la volonté. En ce premier degré d'humilité, Benoit nous invite donc à venir avec notre « humus» le plus intime à la rencontre de Dieu. Dans quelle mesure cet « humus» fait de désirs, de pensées et de volonté, va-t-il se tenir confiant et tout abandonné sous le regard de Dieu notre Père?

Pour finir, je voudrais citer la manière joyeuse et lumineuse qu'a le Siracide de parler de la crainte de Dieu: « La crainte du Seigneur est gloire et fierté, joie et couronne d'allégresse. La crainte du Seigneur réjouira le cœur; elle procure plaisir, joie et longue vie. Celui qui craint le Seigneur connaitra une fin heureuse, au jour de sa mort, il sera béni» (Si 1,11-13). (2015-09-01)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 5-9 De l'humilité écrit le 29 août 2015
Verset(s) :

5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,

6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.

7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

Quant à l'échelle, c'est notre vie dressée ici-bas ... Spontanément, on aurait tendance à dire un peu vite que l'humilité est l'échelle. On parle d'ailleurs de « l'échelle de l'humilité ». En fait, st Benoit est plus concret. L'échelle qui relie la terre au ciel, c'est notre vie elle-même qui se laisse dresser et élever par l'humilité. Benoit pousse l'image en précisant que les montants de l'échelle sont le corps d'un côté et l'âme de l'autre. L'humilité n'est que le dynamisme intérieur qui va permettre à nos vies de se dresser vers le ciel. Tout se passe comme si l'humilité était ce qui allait donner à notre vie de trouver sa vraie stature, sa charpente véritable. Comme une échelle, notre vie se déploie petit à petit sous la garde des anges qui montent et descendent, qui veillent sur nous, comme sur Jacob et sur Jésus le Fils de l'Homme.

Mystérieux déploiement de nos vies par l'humilité, par l'abaissement de notre orgueil et de notre suffisance. Il s'agit bien d'un dynamisme et d'une croissance, mais que notre esprit humain laissé à sa seule lumière peine à comprendre et à accepter. Nous en avions une preuve caricaturale, hier lors de la lecture au réfectoire, avec le refus du christianisme, et notamment de l'humilité par le National Socialisme. Je cite en partie: « l'exercice de l 'humilité et de la pénitence doit être refusé ou modifié dans la mesure où (il) détourne l 'homme de l'esprit héroïque» (Hubert Wolf, le Pape et le diable, p 269) ... L'humilité détourne de l'esprit héroïque. Héroïsme du plus fort et de l'instinct racial, ou héroïsme de l'humilité? La vision chrétienne et monastique en particulier vient ouvrir un autre chemin d'humanité: celui d'une croissance par l'intérieur et par l'unification du cœur. Sur ce chemin de croissance, chacun a sa place: le petit comme le grand, le doué comme le moins doué, le faible comme le fort, le grand pécheur publique comme l'homme vertueux. Chacun est convoqué à un vrai travail et à une rencontre de grâce qui le fera naitre vraiment à sa condition de fils de Dieu. L'humilité en nous aidant à assumer pleinement notre humus, nous élève à une dignité unique dans le Christ. Tous les saints en témoignent de manière insigne. St Jean Baptiste aujourd'hui. Et chacun de nous, avec notre P. Denis en ce jour, nous pouvons demander cette grâce de mieux comprendre afin de mieux consentir à ce dynamisme vivifiant de l'humilité. (2015-08-29)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 1-4 De l'humilité écrit le 25 août 2015
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

Nous retrouvons ce grand chapitre de l'humilité qui, avec les chapitres sur l'obéissance et le silence, constitue l'un des piliers de notre quête monastique, à la suite du Christ obéissant, doux et humble de cœur. Ces chapitres veulent nous tenir éveillés dans notre désir de grandir dans une vraie connaissance du Christ. Cette connaissance ne se fera pas seulement par la recherche théologique et la prière, mais aussi par l'imitation de son chemin d'humanité, fait d'abaissement et de don de lui-même.

Le Christ est venu vers notre humanité. Il a pris notre terre, notre humus. Toute sa démarche est humilité. Jésus se lie tout entier à la condition humaine. Il ne triche pas en en supportant les modestes réalités dans le silence de Nazareth ... Lui peut dire en vérité, les paroles du psalmiste: « Seigneur, je n'ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux. Je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent ». Oui, regardons-le dans sa vie cachée, mais aussi dans sa prédication publique, sous le faisceau de l'humilité. Il n'a pas d'autres ambitions que de servir le dessein de son Père et de venir à la rencontre des hommes, pour leur révéler le vrai visage de Dieu. Face à ce projet, l'incompréhension des disciples et plus encore celle des foules se fait peu à peu plus grande et déclarée. Comme si l'humilité foncière de Jésus ne faisait que mettre en lumière la propension de l'homme à s'élever, et à s'assurer par lui-même. Le « qui s'élève sera humilié et qui s'abaisse sera élevé» vient signer une nouvelle charte de vie, que Jésus lui-même ratifiera le premier par sa mort et sa résurrection. Jésus vient remettre les choses dans le bon sens. Là où notre humanité blessée par l'orgueil originel a tendance à s'élever, à se justifier et à se mettre en avant, Jésus fait advenir en son Corps qu'est l'Eglise un homme nouveau: celui qui accepte de s'abaisser et de se tenir à sa juste place de fils et de frère pour se recevoir tout entier du Père.

Tout ce chapitre sur l'humilité veut nous aider à entrer dans ce dynamisme profond de notre vie chrétienne et humaine. On lit dans un apophtegme: « Un frère demanda à un vieillard: Qu'est-ce que le progrès de l 'homme selon Dieu? » Le vieillard dit: « Le progrès de l'homme, c'est l 'humilité. Plus en effet l'homme s 'humilie, plus il progresse» (Coll.Syst. xv, 97) (2015-08-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 06, v 3-8 De la taciturnité écrit le 20 août 2015
Verset(s) :

3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,

4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;

5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »

6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.

7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.

8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.

Commentaire :

Hier je soulignais deux voies pour faire silence: celle de croire en la vertu du silence et celle de savoir retenir sa parole, dans le travail par exemple. Mais nous le savons, faire silence va bien plus loin. Abba Poemen disait: « Il y a un homme qui semble se taire, mais son cœur condamne les autres; un tel homme bavarde sans cesse. Mais il y en a un autre qui parle du matin au soir, et pourtant il garde le silence: c'est-à-dire qu'il ne dit rien sans utilité» (Poemen 27). Cet apophtegme ne fait que mettre en lumière ce que nous expérimentons tous un jour ou l'autre. Le bruit le plus redoutable est le brouhaha intérieur qui nous sérine et nous abreuve de pensées. Ce brouhaha nous occupe, nous fatigue souvent et nous trouble parfois. C'est le cinéma intérieur.. Dans quel film nous emmène-t-il ? Dans quelle discussion sans fin, sommes-nous entrainés ? On discute avec un frère dont on rumine un geste ou une parole qui nous a blessés ou simplement froissés notre susceptibilité? Ces pensées et paroles parasites peuvent venir occuper tout notre esprit et notre cœur à l'office, à l'oraison, dans la vie quotidienne ...

Comment sortir du filet de ces pensées redoutables et lancinantes? Comment couper le cinéma intérieur et entrer dans un silence plus réel? Abba Paphnuce nous donne une piste: « Alors que je marchais sur la route, il m'arriva de perdre mon chemin et de me trouver près d'un village. Et je vis quelques personnes qui tenaient de mauvaises conversations. Je me tins debout, priant pour mes péchés. Et voici un ange vint, tenant un glaive, qui me dit : 'Paphnuce, tous ceux qui jugent leurs frères périssent par cette épée; mais toi, parce que tu n'as pas jugé, mais que tu t'es humilié en face de Dieu, en disant que tu as péché, à cause de cela ton nom est inscrit dans le livre des vivants' ». Plutôt que de juger les autres, reconnaître ses propres péchés et faiblesses. Autrement dit: changer de film. Non plus regarder les autres pour les accabler, mais nous tenir devant Dieu, déposer devant Lui nos pauvretés, dans la conscience qui lui seul guérit et pardonne. La prière est un rempart sûr car elle nous décentre de nous-mêmes et de nos illusions intérieures. Elle permet d'être connu tel que nous sommes, dans la confiance d'être cherché, brebis perdue, par notre Père. (2015-08-20)