vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 12-16 De la façon de recevoir les frères écrit le 11 février 2015
Verset(s) :

12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.

13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.

14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,

15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,

16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.

Commentaire :

Le passage précédent de ce même chapitre soulignait la mise à l’épreuve du nouveau venu, afin de voir s’il cherche vraiment Dieu. Le passage entendu ce matin considère davantage la délibération que le frère doit faire, étape après étape... L’expression « délibérer avec soi-même » n’est pas habituelle en français. Spontanément, on dirait simplement « délibérer ». L’expression veut rendre en fait le latin « habitare secum deliberatione ». Magnifique expression que l’on pourrait traduire « habiter avec soi-même par la délibération ou dans la délibération »…Le jeune qui arrive et qui choisit de rester pour vivre la vie monastique, est appelé à bien réfléchir, à bien peser les choses, c’est le sens étymologique du mot latin « delibero - délibérer », « faire une pesée dans sa pensée », (in Dict. Gaffiot in « delibero »).

Benoit invite donc le nouvel arrivant à aller vérifier dans la profondeur de son être la réponse à l’appel entendu. Dieu lui a fait signe, il n’y est pour rien. Il lui revient par contre d’engager un sérieux discernement. Est-il prêt à répondre avec tout ce qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses ? Est-il prêt à vivre selon la règle monastique en toute liberté ? Par ce travail de délibération, en partie inconfortable car instable, il descend peu à peu en lui-même. Il rejoint son cœur, son désir profond, celui que Dieu a éveillé ou révélé par son appel. L’appel de Dieu vient manifester un aspect de sa personnalité ou une possibilité de se donner qu’il n’avait pas imaginé. Il lui faut apprendre à habiter avec soi-même dans cette nouvelle vision de sa vie, vécue à la suite du Christ. Si l’appel est reconnu et accueilli, comme révélation d’une promesse de vie offerte par Dieu, la paix viendra comme le fruit naturel de ce processus. Le frère habitera vraiment avec lui-même dans l’accueil de cette nouvelle part de lui-même que l’appel de Dieu a révélé. Dans nos vies monastiques, ce processus d’habitation avec soi-même n’est pas fini au moment de la profession. S’il est initié au cours de la formation, il ne cesse de se poursuivre et de s’approfondir. Dieu nous a appelés et nous appelle à devenir ce que nous ne connaissons pas bien encore, mais que nous accueillons avec confiance. Car nous avons reconnu combien le Seigneur est bon et digne de confiance dans ses desseins. Les chemins par lesquels il nous conduit sont bons. (2015-02-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 12-16 De la façon de recevoir les frères écrit le 11 février 2015
Verset(s) :

12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.

13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.

14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,

15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,

16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.

Commentaire :

Le passage précédent de ce même chapitre soulignait la mise à l’épreuve du nouveau venu, afin de voir s’il cherche vraiment Dieu. Le passage entendu ce matin considère davantage la délibération que le frère doit faire, étape après étape... L’expression « délibérer avec soi-même » n’est pas habituelle en français. Spontanément, on dirait simplement « délibérer ». L’expression veut rendre en fait le latin « habitare secum deliberatione ». Magnifique expression que l’on pourrait traduire « habiter avec soi-même par la délibération ou dans la délibération »…Le jeune qui arrive et qui choisit de rester pour vivre la vie monastique, est appelé à bien réfléchir, à bien peser les choses, c’est le sens étymologique du mot latin « delibero - délibérer », « faire une pesée dans sa pensée », (in Dict. Gaffiot in « delibero »).

Benoit invite donc le nouvel arrivant à aller vérifier dans la profondeur de son être la réponse à l’appel entendu. Dieu lui a fait signe, il n’y est pour rien. Il lui revient par contre d’engager un sérieux discernement. Est-il prêt à répondre avec tout ce qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses ? Est-il prêt à vivre selon la règle monastique en toute liberté ? Par ce travail de délibération, en partie inconfortable car instable, il descend peu à peu en lui-même. Il rejoint son cœur, son désir profond, celui que Dieu a éveillé ou révélé par son appel. L’appel de Dieu vient manifester un aspect de sa personnalité ou une possibilité de se donner qu’il n’avait pas imaginé. Il lui faut apprendre à habiter avec soi-même dans cette nouvelle vision de sa vie, vécue à la suite du Christ. Si l’appel est reconnu et accueilli, comme révélation d’une promesse de vie offerte par Dieu, la paix viendra comme le fruit naturel de ce processus. Le frère habitera vraiment avec lui-même dans l’accueil de cette nouvelle part de lui-même que l’appel de Dieu a révélé. Dans nos vies monastiques, ce processus d’habitation avec soi-même n’est pas fini au moment de la profession. S’il est initié au cours de la formation, il ne cesse de se poursuivre et de s’approfondir. Dieu nous a appelés et nous appelle à devenir ce que nous ne connaissons pas bien encore, mais que nous accueillons avec confiance. Car nous avons reconnu combien le Seigneur est bon et digne de confiance dans ses desseins. Les chemins par lesquels il nous conduit sont bons. (2015-02-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 7-11 De la façon de recevoir les frères écrit le 10 février 2015
Verset(s) :

7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.

8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.

9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,

10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »

11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.

Commentaire :

« On observera s’il cherche vraiment Dieu ». Aux Vigiles il y a quelques jours, nous entendions dans le prophète Amos, cette parole : « Ainsi parle le Seigneur à la maison d’Israël : cherchez moi et vous vivrez » (Am 5,4). Dans la bouche du prophète, cela veut dire ici « chercher le bien et fuir le mal ». Une note de la BJ en Am 5, 4 explicite les sens de ce verbe « chercher ». Elle souligne que « dans d’autres textes de l’AT on cherche Dieu, on le consulte (verbe darash) en l’interrogeant par un homme de Dieu, en cherchant sa parole soit dans un livre, soit par l’intermédiaire d’un prophète ». La note poursuit : « une autre expression (verbe biqqesh) indique plutôt que l’on cherche la face, c’est-à-dire la présence du Seigneur. Mais les deux expressions sont voisines : si l’on cherche la face du Seigneur, c’est pour connaitre sa volonté, et sa présence se manifeste souvent dans ses oracles ». Pour résumer, on pourrait dire que « chercher Dieu » qui est « une démarche religieuse essentielle dans l’AT » implique autant un engagement concret, chercher le bien et fuir le mal, que le désir de connaitre sa volonté par un homme de Dieu et de rechercher sa présence…

Notre vie monastique nous offre un itinéraire à parcourir pour vivre à notre tour cette recherche de Dieu. Elle n’est pas sans rejoindre les trois aspects de la recherche de Dieu repérés dans l’AT. Avant tout, il faut redire, dans la lignée des chercheurs de Dieu en Israël, que si le Seigneur nous lance cet appel à le chercher, c’est pour que nous vivions et que nous vivions vraiment. Tout d’abord, le chercher, ce sera toujours rechercher le bien et fuir le mal jusque « dans les choses dures et pénibles » qui ne manqueront pas. Dans de telles occasions, l’humilité sera notre force et notre lumière. Car comme le Christ, nous sommes appelés à aimer jusqu’au bout, jusque dans l’adversité. Ensuite chercher Dieu vraiment, ce sera accepter de connaitre et de faire sa volonté par la voie privilégiée de l’obéissance. Obéissance à des hommes pour apprendre l’obéissance à Dieu. Enfin chercher Dieu, ce sera rechercher sans cesse sa face en « s’appliquant avec soin à l’œuvre de Dieu ». Jour après jour, office après office, nous nous tenons devant le Seigneur, dans le désir de Lui être présent, Lui qui est là toujours présent et fidèle. Nous tenir en sa Présence pour l’écouter, pour nous laisser aimer par lui et pour l’aimer…pour le chercher dans le désir de lui être plus uni… ». C’est ta Face que je cherche, ne me cache pas ta Face » (Ps 26, 9). (2015-02-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 1-6 De la façon de recevoir les frères écrit le 07 février 2015
Verset(s) :

1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,

2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»

3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,

4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.

5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.

6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.

Commentaire :

Que retenir de ce début de chapitre, un peu abrupt, au sujet de l’accueil de nouveaux candidats ? Je voudrais retenir le verbe « persévérer ». Tout l’objet de la pédagogie de la Règle, un peu déroutante pour nous, pourrait se résumer dans cette question : le candidat peut-il persévérer dans le genre de vie qu’il veut embrasser ? Dès le début, Benoit est attentif à ne pas laisser dans l’illusion celui qui se présente. S’il veut tenir, il va devoir savoir où chercher sa force. Elle ne sera pas dans une gentillesse trop facile des frères. Non, sa force sera dans la capacité à puiser dans ses ressources intérieures. Elle sera dans sa capacité à supporter, à être patient au nom du Christ que l’on veut écouter et suivre en ce chemin. Je crois que cet enseignement reste d’une profonde vérité. Que l’on arrive au monastère ou que l’on soit là depuis 5,10 ou 50 ans, notre persévérance dans la vie monastique n’est pas fondamentalement liée à l’environnement extérieur favorable ou non. Non, elle est liée d’abord à notre capacité à descendre en nous-mêmes pour y puiser la source qui va nous faire vivre vraiment : la grâce du Christ, sa présence et son visage sans cesse recherché qui nourrissent notre patience.

Ceci apparait clairement dans le prologue où l’on retrouve les deux mots associés : « persévérer et patience ». « Persévérant au monastère dans son enseignement jusqu’à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience » (Prol. 50). A la suite du Christ, la vie monastique nous identifie peu à peu à lui. Si nous ne sommes pas appelés à le suivre jusqu’à la croix, nous sommes appelés à lui être fidèles jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Le don de nous-mêmes ne s’exprimera pas alors par le sang versé, mais par la patience… « Simplement par la patience », pourrait-on dire. Mais comme disait le Curé d’Ars : « 3 minutes de patience valent mieux que 3 jours de jeûne ». Ce matin, nous pouvons réentendre ces mots de persévérer et de patience, comme un encouragement dans notre engagement à suivre le Christ. Si nous sommes tentés de penser que cela devrait être facile, ces mots nous rappellent à un sain réalisme. Ils nous redisent qu’il nous faut savoir regarder en face les résistances, celles extérieures, mais plus encore celles intérieures que nous pouvons opposer. Regarder en face, sans crainte, ni découragement, dans la certitude d’être appelés à mener le bon combat de l’humilité et de la charité pour la Gloire de Dieu. (2015-02-07)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 1-6 De la façon de recevoir les frères écrit le 07 février 2015
Verset(s) :

1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,

2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»

3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,

4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.

5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.

6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.

Commentaire :

Que retenir de ce début de chapitre, un peu abrupt, au sujet de l’accueil de nouveaux candidats ? Je voudrais retenir le verbe « persévérer ». Tout l’objet de la pédagogie de la Règle, un peu déroutante pour nous, pourrait se résumer dans cette question : le candidat peut-il persévérer dans le genre de vie qu’il veut embrasser ? Dès le début, Benoit est attentif à ne pas laisser dans l’illusion celui qui se présente. S’il veut tenir, il va devoir savoir où chercher sa force. Elle ne sera pas dans une gentillesse trop facile des frères. Non, sa force sera dans la capacité à puiser dans ses ressources intérieures. Elle sera dans sa capacité à supporter, à être patient au nom du Christ que l’on veut écouter et suivre en ce chemin. Je crois que cet enseignement reste d’une profonde vérité. Que l’on arrive au monastère ou que l’on soit là depuis 5,10 ou 50 ans, notre persévérance dans la vie monastique n’est pas fondamentalement liée à l’environnement extérieur favorable ou non. Non, elle est liée d’abord à notre capacité à descendre en nous-mêmes pour y puiser la source qui va nous faire vivre vraiment : la grâce du Christ, sa présence et son visage sans cesse recherché qui nourrissent notre patience.

Ceci apparait clairement dans le prologue où l’on retrouve les deux mots associés : « persévérer et patience ». « Persévérant au monastère dans son enseignement jusqu’à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience » (Prol. 50). A la suite du Christ, la vie monastique nous identifie peu à peu à lui. Si nous ne sommes pas appelés à le suivre jusqu’à la croix, nous sommes appelés à lui être fidèles jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Le don de nous-mêmes ne s’exprimera pas alors par le sang versé, mais par la patience… « Simplement par la patience », pourrait-on dire. Mais comme disait le Curé d’Ars : « 3 minutes de patience valent mieux que 3 jours de jeûne ». Ce matin, nous pouvons réentendre ces mots de persévérer et de patience, comme un encouragement dans notre engagement à suivre le Christ. Si nous sommes tentés de penser que cela devrait être facile, ces mots nous rappellent à un sain réalisme. Ils nous redisent qu’il nous faut savoir regarder en face les résistances, celles extérieures, mais plus encore celles intérieures que nous pouvons opposer. Regarder en face, sans crainte, ni découragement, dans la certitude d’être appelés à mener le bon combat de l’humilité et de la charité pour la Gloire de Dieu. (2015-02-07)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 57 - v 1-3 Des artisans du monastère écrit le 04 février 2015
Verset(s) :

1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.

2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,

3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.

Commentaire :

On ne peut pas servir Dieu et l’argent, nous dit Jésus dans l’évangile. Comment concrètement vivre cela quand on doit travailler et échanger avec d’autres, par le moyen de l’argent ? Benoit nous laisse des recommandations précises qui permettent d’éviter plusieurs écueils afin « qu’en tout », même dans les échanges pécuniaires, « Dieu soit glorifié ».

Tout d’abord, concernant le travail lui-même, et la manière de le vivre, comme pour bien d’autres aspects de notre vie monastique, Benoit recommande l’humilité. Humilité pour veiller à ne pas s’attacher à son art ni à se glorifier d’être quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent pour la communauté. Vouloir être quelqu’un par son travail et par la richesse que l’on rapporte n’est qu’illusion. Car devant Dieu, qu’est-ce que cette gloire-là ! Elle n’est que recherche de soi devant le regard des autres, et non devant Dieu. Benoit nous met en garde ici devant le piège d’une forme d’idolâtrie du travail et de l’argent. C’est une idole puisque le but n’est plus la recherche de la gloire de Dieu, mais celle de la sienne propre.

Autre écueil possible dans les échanges : la fraude, une forme de vol qui ne dit pas son nom. Sous les apparences du bien, il y a de la magouille ou des pratiques occultes. Ici Benoit redoute que par ce genre de pratiques s’insinue une forme de mort dans l’âme. On s’habitue à des façons de faire qui ne sont pas claires, et on l’on perd le sens du bien, de la justice et de la netteté. C’est heureux de réentendre cela pour nous aussi aujourd’hui. Pour nous-mêmes d’abord, et pour le témoignage à donner aux autres, il nous faut toujours veiller à cette clarté dans toutes nos transactions ou opérations diverses.

Dernier écueil ou forme d’idolâtrie : l’avarice. La parade proposée par Benoit est difficilement applicable dans la société marchande contemporaine. Le calcul des prix de revient impose ses barèmes. Mais dans nos divers lieux de commerce et de transactions, reste toujours valable la question à se poser : qu’est ce qui m’anime ? Est-ce de faire du gain à tout prix ? Ou bien est-ce de vivre un échange juste avec l’autre et un échange qui me laisse profondément libre intérieurement ? (2015-02-04)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 56 v 1-3 De la table de l’Abbé écrit le 03 février 2015
Verset(s) :

1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.

2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.

3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.

Commentaire :

« Pour le bon ordre »…Pour le bon ordre, St Benoit prévoie qu’il y ait un ou deux anciens aux tables avec les frères. Le mot latin utilisé et traduit par « ordre » est « disciplina »…qui a donné discipline…Un mot qui ne sonne pas très sympathiquement à nos oreilles. Il risque de rappeler des mauvais souvenirs de collège ou de lycée avec leurs préfets de discipline…St Benoit nous introduit-il dans un système scolaire ? Par certains aspects, la Règle qui veut régir « l’école du service du Seigneur » pourrait prêter le flanc à cette critique, notamment quand Benoit en appelle aux sanctions prévues par la Règle à l’encontre des frères qui commettent des fautes (32,5 ; 55,17 ; 70,16).

Mais la « discipline », ou le « bon ordre » comme en ce chapitre, se réduit-elle à un système de coercition ou d’obligations extérieures qu’il faudrait subir, de plus ou moins bon gré ? La Règle, qui nous parle encore aujourd’hui, veut par la discipline, façonner en nous le « disciple » du Seigneur. Le moine disciple, que nous sommes, désire se laisser modeler par une Parole et par une pratique, afin de ressembler un peu plus à son Maitre, le Christ.

Par ex, « pour le bon ordre » de la table, c’est-à-dire pour un ordre où la charité ait la première place, le P. Abbé rappelle de temps en temps quelques points concernant nos repas : Veiller à ne pas choisir sa place pour aller à n’importe quelle table, ou encore veiller à ne pas manger trop vite, pour s’attendre les uns les autres. Dans les deux cas, c’est de liberté et de charité dont il s’agit. J’apprends à être libre et aimer tous mes frères sans choisir ceux avec qui ou en face de qui je serai…Je remarque que plusieurs frères ne vont jamais à certaines tables…Pourquoi cela ? Restons souples intérieurement, ayons à cœur d’aller vers tous, la charité fraternelle grandira et notre cœur s’élargira… De même lorsque j’attends que les frères autour de moi aient fini d’un plat avant de passer au suivant, j’apprends à être libre et à aimer. Libre par rapport à mes appétits et mon besoin de dévorer. J’apprends à aimer mes frères en les prenant en considération. Je mange avec des frères, je ne suis pas tout seul dans ma stabulation… Soyons attentifs à ce bon ordre-là de la liberté et de la charité, ne devenons pas des vieux garçons. (2015-02-03)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 55, v 1-14 Des vêtements et des chaussures des frères. écrit le 15 novembre 2014
Verset(s) :

1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,

2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.

3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.

4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –

5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –

6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.

7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.

8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.

9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.

10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.

11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.

12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.

13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.

14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.

Commentaire :

Trois verbes caractérisent les relations du moine avec le vêtement : donner, recevoir, rendre. « On donnera aux frères des vêtements adaptés. » « Ceux qui recevront des vêtements neufs rendront toujours immédiatement les vieux ».

Mais Benoit précise davantage : en effet, l’Abbé doit juger de ce qui convient, veiller à ce que les vêtements soient adaptés à la taille des frères. Quand au moine, il doit apprendre à se contenter de ce qui lui est donné, ne pas se mettre en peine de la couleur, ni de la qualité du tissus. Et Benoit fait encore un pas de plus, en précisant que ce qui est acheté l’est au meilleur prix. Et que les vêtements usagés doivent être rendus, et non accumulés. Ils serviront aux pauvres. Le superflu doit être retranché.

En traitant de cet aspect très concret de notre vie, Benoit nous parle encore de notre vie spirituelle, de ce chemin de guérison intérieur où nous sommes engagés, par rapport aux choses, à nous-même, aux autres.

D’abord la guérison par rapport aux choses. Elles sont données et reçues. Nous sommes invités à nous libérer du désir de prendre, d’accaparer, d’accumuler. Comme si ces choses nous faisaient exister. Guérison par rapport à nous-même : Renoncer à soigner notre propre image. Guérison enfin, vis-à-vis des autres : nous pouvons devenir capables de voir le besoin de l’autre, de voir le pauvre, de lui rendre ce que nous gardions jalousement pour nous.

Nous le sentons bien, ce chemin proposé par Benoit, à propos des humbles choses de la vie, est le chemin de la vraie liberté.

Ce chapitre peut être une bonne occasion pour faire de l’ordre dans notre cellule. Ranger, mais aussi rendre ce que nous n’utilisons plus ; ce qui est usagé, ou plus à notre taille. Ne garder que ce que nous utilisons. Ne pas hésiter à demander aussi. Est-ce que je reçois mes vêtements de la communauté ? (15/11/14)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 54, v 1-5 Le moine peut-il recevoir lettres ou cadeaux ? écrit le 14 novembre 2014
Verset(s) :

1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.

2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.

3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,

4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »

5. Celui qui se permettrait de faire autrement, sera soumis à la sanction de règle.

Commentaire :

St Benoit termine ces chapitres qui traitent des relations avec les personnes de l’extérieur par cette question des cadeaux reçus ou donnés.

Un objet peut être considéré de divers points de vue : il a une valeur objective, son utilité, ou la matière qui le compose. Et il a une valeur subjective, liée à ce qu’il évoque pour nous. Pour l’utilité, Benoit nous dit que chacun de nous doit recevoir de l’Abbé ce dont il a besoin. Mais qu’il doit se contenter de choses simples. La valeur subjective vient de ce que cet objet évoque pour nous, une personne, une période de notre vie, un lieu qui nous a marqué. L’objet prend alors une valeur symbolique. Un cadeau a donc cette triple dimension : son utilité, sa matière, sa charge symbolique.

Dans ce chapitre, Benoit ne considère ni l’utilité, ni la valeur de l’objet, mais le poids affectif que nous lui donnons. Recevoir et donner des cadeaux, même infimes, c’est une manière d’exister aux yeux d’autrui. Comme dans les chapitres précédents, Benoit met le doigt sur un point essentiel de la construction de l’être humain, son affectivité.

On nous dit que « l’avoir n’est qu’une pathologie de l’être », le signe d’une carence. Mais nous devons reconnaitre que nous souffrons tous plus ou moins de ce déséquilibre, lié à notre histoire. Il est bon d’en prendre conscience, d’oser le reconnaitre. C’est une condition essentielle pour pouvoir grandir. Se justifier, ou se fermer le coeur et l’esprit, en lisant ces chapitres de la Règle, c’est se condamner à rester emprisonné en soi-même.

Le but de St Benoit n’est pas de nous coincer, ni de nous culpabiliser. Il veut nous aider à grandir. A voir plus clair sur nous-mêmes. La Règle nous offre une bonne grille de lecture, pour discerner nos points faibles. Sans les maquiller avec de belles justifications. Si nous arrivons à reconnaitre nos petitesses, alors nous pourrons grandir. Nous pourrons advenir à l’être que nous sommes. Celui que Dieu nous appelle à devenir. (14/11/14)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 53 v 16-24 De la réception des hôtes écrit le 13 novembre 2014
Verset(s) :

16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.

17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.

18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.

19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :

20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.

21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.

22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.

23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,

24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.

Commentaire :

Pour reprendre ce que dit Benoit sur l’accueil des hôtes, je retiens trois points : Le Monastère est la maison de Dieu. La pratique de la liberté dans l’accueil. Le monastère est la maison des moines.

Le monastère, maison de Dieu. L’expression est de St Benoit. Elle nous dépossède de notre maison. Nous sommes tous les hôtes de Dieu. Nous sommes tous reçus par Lui. Le moine qui accueille n’est pas un propriétaire qui ouvre la porte de sa maison. Il est lui-même l’hôte de Dieu. Il lui demande la grâce de demeurer dans sa maison. C’est un lieu où doit se manifester la gloire de Dieu, sa présence. Christ est vraiment là. Le Christ est présent dans la personne des frères qui accueillent. Et c’est le Christ qui frappe à notre porte, en la personne de l’hôte.

La pratique de la liberté dans l’accueil. Nous retrouvons là les difficultés provoquées par le tempérament de chacun. Pour accueillir, il faut d’abord être disponible : le moine surchargé, ou préoccupé de lui-même, ne peut accueillir. Ni le bavard, ni le dominateur. Ni le moine qui fuit le silence. Ni celui qui est constamment soupçonneux. Tous ces défauts nouent l’intelligence et le coeur. Ils rendent difficile l’accueil de qui que ce soit.

Le monastère, maison des moines. La vraie liberté humaine et chrétienne exige un effort constant. Le monastère est bien la maison d’hommes en quête de cette liberté du coeur. Elle seule permet d’entendre Dieu, et d’accueillir l’autre. Non seulement parce qu’il nous plaît, ou parce qu’il nous flatte. Mais parce qu’il est toujours, même mal croyant, même filou, envoyé par Dieu. C'est-à-dire que le nouveau venu a pour effet de ramener le moine à sa propre liberté et à sa conscience. L’hôte joue donc un rôle actif dans la conversion du moine. Lequel, parmi nous, n’a pas reçu des hôtes de fortes leçons de vie chrétienne ? C’était le Christ que nous avions reçu. Comme toujours, sa Parole n’est pas demeurée sans porter du fruit.

Un frère me disait hier : « Avant de rencontrer un hôte, je prends toujours un temps de prière ». C’est ce que nous devrions faire, toujours. Car il y a ce lien entre accueillir, et se recueillir. Pas d’accueil de l’autre, s’il n’y a pas en nous ce silence du coeur qui nous permet d’être attentif à celui qui est devant nous, à qui il est pour Dieu. (13/11/14)