vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 28 v 1-7 De ceux qui souvent repris ne veulent pas s'amender écrit le 17 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.

2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :

3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,

4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,

5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.

6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;

7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,

Commentaire :

« Il aura recours à un remède supérieur: sa prière et celle de tous les frères ». Quand un frère peine, pense-t-on assez à prier pour lui? Si le frère est dans la maison, il est difficile à l'abbé de le recommander à tous. Mais à de petits signes extérieurs, à des difficultés rencontrées, on peut percevoir assez vite quand un frère ne va pas bien. A chacun de nous, il arrive de traverser des passages difficiles où l'on bute sur des incompréhensions, des conflits, ou bien sur ses propres limites qu'on a du mal à accepter. Passages éprouvants où le ciel est gris et bien bas. Le regard fraternel qui remarque cela, peut devenir cœur fraternel à travers de délicates attentions, discrètes mais bien présentes. Si un geste n'est pas toujours possible ni facile à poser, le cœur fraternel prend le frère dans sa prière pour le présenter à la Miséricorde de Dieu.

Savons-nous mettre en œuvre ce moyen réel de communion fraternelle? Comment nos frères prennent-ils place dans notre prière? Je crois qu'il faut que nous cultivions cette manière d'approfondir notre vie fraternelle. J'entends en écoutant les frères, plusieurs manières de faire: certains égrènent des noms très régulièrement, une fois voire plusieurs fois par jour. D'autres les portent devant Dieu, par l'intercession de Marie, en priant le chapelet. On peut rester en silence en confiant à Dieu le ou les frère(s) ... Peu importe le moyen. L'essentiel est la disposition du cœur qui se tourne vers Dieu ne pensant à un frère, en le confiant à notre Père commun. Dans la foi, nous croyons que le Seigneur agit dans le cœur de chacun, même si rien n'apparait. Et si rien de change apparemment chez le frère, nous pouvons expérimenter que la prière modifie notre regard au fur et à mesure qu'elle s'intensifie. Plus nous nous impliquons dans la prière pour nos frères, pour les autres en général, plus nous sommes les premiers bénéficiaires. Quelque chose bouge en nous ! Et en contre coup, quelque chose a plus de chances de bouger en l'autre. Le même Esprit est ainsi à l'œuvre en nous et en l'autre pour ouvrir des chemins de renouveau, de lumière et de paix. Ayons foi en notre prière, quand elle est persévérante et aimante. Croyons que Dieu notre Père l'entend pour rejoindre celui qui est dans la peine et pour le soutenir de sa force et de sa paix. Par notre prière, nous nous unissons à son désir de voir le frère, et chacun, s'ouvrir vraiment à l'amour. (2015-12-17)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27 v 5-9 Combien l'abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés écrit le 15 décembre 2015
Verset(s) :

5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.

6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.

7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »

8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;

9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.

Commentaire :

Dans la vidéo que nous regardions dimanche soir, le Pape François, ouvrant l'année sainte de la Miséricorde, insistait en laissant son texte pour que les confesseurs, tout particulièrement, soient miséricordieux envers les pécheurs qui viennent vers eux. Et il insistait « Dieu pardonne toujours », « toujours» a-t-il répété. Aussi ne devons-nous pas hésité à lui demander pardon ... car nous recevrons son pardon. Les lignes que nous venons d'entendre sont de la même veine spirituelle et théologique. L'abbé est invité, plus encore sommé par la RB, finalement par Dieu lui-même, de ne pas se lasser d'aller à la recherche de la brebis perdue. Par cette sollicitude, par « son savoir-faire et par son industrie », il va témoigner au moine qui s'isole et se referme que Dieu le recherche, et ne se lasse pas de le faire. L'abbé, à la manière du Christ, doit être surtout témoin de cette sollicitude immense de Dieu qui ne désire perdre aucun de ses enfants. Notre «misère lui fait tellement pitié» qu'il daigne nous prendre sur ses épaules. Cette pitié n'est pas à entendre comme une condescendance qui ne s'abaisserait de sa hauteur vers l'autre que pour nourrir une image flatteuse de soi. Le mot «pitié» est la traduction du verbe « compatior, compassus est» « souffrir avec». Dieu est atteint, il se laisse atteindre par notre misère, et particulièrement par celle dans laquelle on tend à s'isoler et se refermer sur soi. Notre Dieu qui n'est que relation d'amour en lui-même, souffre de ne pouvoir établir cette relation d'amour avec chacun. Il souffre de nous voir comme tronqué lorsque nous nous replions et refusons de nous ouvrir aux autres et à lui-même. Telle Bon Pasteur, il ne cesse de sortir à notre rencontre, de nous faire des avances d'amour (la Bible en est pleine d'exemples). Toute la vie de Jésus nous dit cela. Et l'on peut comprendre mieux l'insistance du pape François de voir notre Eglise sortir pour aller à la rencontre de tous. Plus qu'une attitude physique de mouvement tourné vers l'extérieur, il s'agit d'une profonde ouverture intérieure qui n'exclue personne de notre cœur. Faire en sorte que tous et chacun soit regardé avec un regard bienveillant, non jugé, accueilli ... Nous le savons, c'est un gros travail spirituel et une grâce à demander sans cesse. En ce chapitre, Benoit le demande expressément à l'abbé pour qu'il soit un témoin authentique et efficace de la Miséricorde de Dieu qui ne cesse de chercher chacun. Je vous remercie de prier pour moi. (2015-12-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26 v 1-3 De ceux qui entrent en rapport avec les excommuniés sans permission et combien l'abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés écrit le 12 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

Nous avons lu ces deux chapitres ensemble, car ils abordent la même réalité du lien entre le frère excommunié (ou qui se marginalise) et la communauté. Comment celle-ci se situe-t-elle à l'égard du frère? Par notre baptême, nous sommes unis dans le Corps du Christ. Et par la profession monastique, notre appartenance au Christ se trouve renforcée par ce lien d'alliance noué dans la vie monastique. Aussi quand un frère peine, même si objectivement il y a faute de sa part, la communauté ne peut pas ne pas être concernée fortement. Comme en toute alliance, elle a pu manquer à la charité consciemment ou non, elle a pu contribuer à faire se creuser la distance. Comment porter chacun à sa mesure ce frère en vue de son rétablissement? Benoit indique un écueil: prendre des initiatives qui faussent la relation à la communauté et qui peuvent s'apparenter à de la complicité. Mais il donne surtout les deux appuis sûrs et solides que sont la charité et la prière.« Que la charité s'intensifie à son égard, et que tous prient pour lui ». Il est suggestif ici que charité et prière soient associées. En effet, la charité dont il est question n'est pas d'abord faite d'actions précises. Celles-ci sont rendues difficiles en raison de l'excommunication. Il s'agit bien plutôt de la charité qui habite le cœur pour y chasser tout jugement, tout regard négatif, toute rancœur ou mépris. Autant de sentiments qui font obstacle à un juste regard sur le frère en peine. Seule cette disposition du cœur peut être contagieuse et créatrice d'un nouveau climat et d'une nouvelle attitude vis à- vis du frère. Je disais que cette charité recherchée était liée à la prière. Sans prière, sans l'invocation de l'Esprit, nous sommes incapables de changer notre attitude profonde. La prière nous pose à égalité, comme des pécheurs sous le regard d'un même Père. Prier pour le frère devient alors un acte gratuit d'amour que notre Père ne peut pas ne pas entendre. Prier avec constance et persévérance. Cette prière de tous soutiendra aussi les initiatives du P. Abbé, comme l'envoi de sempects dans le but de consoler ou de soutenir le frère. Nos relations fraternelles sont belles et fortes dans la lumière de la foi. Si le Seigneur nous a réunis ici, chacun avec nos forces et nos faiblesses, c'est pour faire tout concourir au bien de tous et de chacun. Chacun peut apporter quelque chose d'unique aux autres, et en retour être soutenu par la communauté, particulièrement aux moments difficiles. En de telles occasions, gardons courage. Gardons confiance en notre vie fraternelle nourrie par la prière et par la charité. (2015-12-12)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25 v 1-6 Des fautes graves écrit le 11 décembre 2015
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

Le péché isole. Certaines fautes nous coupent de la communauté. Certains entêtements aussi. Regarder cela en face nous est difficile. L'excommunication voudrait permettre cette prise de conscience, afin d'entrainer dans le repentir qui libère le cœur.

Paradoxalement, aujourd'hui, nous mesurons qu'il faut davantage tendre la main au pécheur. Son péché conduit déjà trop à l'isoler. Dans une société où le lien communautaire est fragilisé, c'est le lien personnel vivant, renouvelé et toujours recherché qui peut ouvrir de nouveaux chemins. A l'école du pape François, il nous faut développer une attitude miséricordieuse de sortie vers l'autre. Le thème du jubilé est « Miséricordieux comme le Père ». La finalité de cette année vise à rendre l'Eglise davantage signe de la Miséricorde du Père, dont elle est la première bénéficiaire pour la porter aux autres en son nom. Je le cite: « Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l'agir du Père (bulle indiction 3) ... Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu! Qu'à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous (ibid 5).

Dans nos vies communautaires, avec le pape François, il faut donc davantage vivre cette sortie vers le frère qui a tendance à se mettre à l'écart. Ne pas nous enfermer dans le jugement, pour ne pas le murer dans la culpabilité ou le découragement. Nous ne pourrons apprendre ceci qu'en laissant la Miséricorde du Seigneur venir d'abord nous guérir de nos aveuglements et de nos suffisances. Comme dans beaucoup d'autres domaines, nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu nous-mêmes. Laissons-nous donc saisir par la Miséricorde que le Père veut nous manifester. Il vient nous chercher, il nous attend pour nous entourer de son amour. Sa Miséricorde, loin de nous accuser, nous donne de reconnaître notre péché au moment même où nous éprouvons l'amour dont nous sommes l'objet. L'Amour du Père nous révèle notre péché sans nous le reprocher. Il le prend sur lui, et en nous aide à porter les blessures qu'il a pu générer. Son Amour vient nous recréer de l'intérieur. (2015-12-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24 v 1-7 Quelle doit être la gravité de l'excommunication? écrit le 10 décembre 2015
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

«Jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon» (RB 24,7). En demandant que le frère prenne son repas après les autres, ou qu'il ne rende pas de services dans la liturgie, la règle souhaite que le frère puisse faire satisfaction ou demander pardon .

Même si nous ne vivons plus de cette pédagogie de l'excommunication, il me semble que tous nous pouvons nous poser cette question: quand nous avons fait quelque chose qui porte préjudice à la vie commune ou à des frères, sommes-nous prompts à demander pardon? Ou bien allons-nous entrer dans le cercle vicieux de l'autojustification ? Sommes-nous prêts à regarder en face ce qui se passe? C'est là notre dignité de pouvoir reconnaître nos manquements et d'en demander pardon. Apparaît alors la beauté de notre responsabilité. Chacun, nous pouvons rendre compte de nos actes et de nos choix, parce que nous sommes des êtres libres doués de raison. Même si parfois, on se sent dépassé par ce qu'on a fait, même si on l'impression de n'être pas vraiment nous-mêmes en posant tel acte, reconnaître qu'on a failli sera un premier pas pour essayer d'avancer et de progresser. Rien de plus contraire à notre dignité que de rejeter sur les autres la responsabilité, ou bien de fuir toujours devant l'évidence, ou encore de faire l'autruche pour surtout ne pas regarder en face nos difficultés. Notre dignité n'est pas d'être parfait, ni de vouloir l'être. Elle consiste dans la capacité à reconnaître notre faiblesse, et la reconnaissant à nous engager pour prendre les moyens de progresser.

Dans notre vie commune, à la P q V, nous avons un moyen réel, bien que simple et modeste pour de ne pas nous habituer à nos manquements, ni faire comme s'il n'y avait pas de problème? C'est le chapitre des coulpes du vendredi matin et les célébrations pénitentielles de l'A vent et du Carême. Là une occasion nous est offerte de pouvoir dire nos difficultés et de nommer ce qui peut blesser la vie commune. Cette reconnaissance de nos faiblesses dit en creux le désir qu'on a de demeurer fidèle et de ne pas abandonner le bon combat. Ce désir ainsi exprimé est d'un grand réconfort pour la communauté qui écoute et qui l'accueille. J'invite chacun à ne pas laisser passer ces occasions de reconnaître ses manquements, le vendredi matin ou lors des célébrations pénitentielles. La communauté sort grandie de ces moments. Ne restons pas enfermé dans l'autojustification. Posons ce geste fraternel dé confiance et de réconciliation avec la communauté. – (2015-12-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 23 v 1-5 De l'excommunication pour fautes écrit le 09 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,

2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.

3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.

4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.

5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.

Commentaire :

En ce début d'année jubilaire sur la Miséricorde, il ne nous est pas forcément aisé d'entendre ces chapitres du code pénitentiel que nous commençons ce matin. Mais de même que le prisonnier est invité par le pape François à découvrir et à accueillir la Miséricorde quand il passe la porte de sa cellule, de même ces peines d'excommunication ne veulent-elles pas ouvrir les yeux d'un moine endurci, sur son obstination qui le met en marge de la communauté. La miséricorde vient à la rencontre des pécheurs que nous sommes, et elle les guérira d'autant plus facilement qu'ils découvriront le péché et le mal dont ils sont porteurs et complices. Peut-on en conclure que l'excommunication est au service de la miséricorde? Elle serait alors un moyen offert pour briser la carapace de défense sur laquelle la charité et la miséricorde n'ont plus de prise. Le frère s'isole dans son bon droit ou dans ses prétentions à avoir raison. St Benoit utilise des mots forts:« récalcitrant, désobéissant, orgueilleux, murmurateur », méprisant. Le frère est replié en une forteresse inatteignable au bon sens ou aux gestes fraternels. Quelque chose de dur et peut-être d'orgueilleux doit changer: la coupure nette avec la communauté voudrait le réveiller ou le sortir de ses illusions.

En cette année de la Miséricorde, chacun de nous pourrait se demander: y-a-t-il en moi des parts dures à l'égard d'un ou de plusieurs frères, des parties dures en moi qui sont fermées à la miséricorde? Y-a-t-il des choses que je garde sous forme de rancune ou sous forme de prévenance que j'hérisse en forteresse pour me défendre, à chaque fois que je rencontre ce ou ces frères? Ces parties dures, je les reconnais aux jugements qui me viennent assez spontanément, ou bien aux récriminations souvent injustes, aux critiques que je suis prompt à formuler. Si nous voulons avancer dans la vie fraternelle, il nous faut apprendre à regarder en face ces parts dures, afin de chercher à les guérir. Les laisser occuper le terrain, nous fait courir le risque d'une contagion: nous laissons les jugements ou les critiques prendre de plus en plus de place dans notre cœur qui va se durcir. Cette année jubilaire voudrait nous conduire aux sources de la Miséricorde du Père. Il nous accueille chacun avec notre péché, comme des fils bien-aimés, pour faire de nous ensuite des porteurs de sa miséricorde. Et les premiers destinataires de nos œuvres de miséricorde, ce sont nos frères proches, ceux à qui nous pardonnons, ceux dont nous portons dans la patience les infirmités et les petits côtés. « Rends Seigneur, notre cœur semblable au tien ».(2015-12-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 22 v 1-8 Comment les moines dormiront? écrit le 08 décembre 2015
Verset(s) :

1. Ils auront chacun un lit pour dormir.

2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.

3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.

4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.

5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,

6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.

7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.

8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.

Commentaire :

«Pour que les moines soient toujours prêts ... » En ce jour de l'Immaculée Conception, à l'instar de Marie, la toute disponible, que voudrait-on pour soi-même de meilleur sinon: « être prêts» ... Prêts à nous lever, ici, pour aller à la rencontre de Dieu, prêts à répondre quand on nous demande quelque chose, 'prêt à servir ... prêts à nous donner. Etre toujours prêts ... pour qu'un jour avec notre lampe allumée nous nous présentions debout lors du dernier appel ... de la rencontre attendue ... Il est intéressant de voir combien, cette veille du cœur, cette attente de la rencontre par laquelle nous voudrions être toujours prêts, s'incarne dans notre vie la plus concrète, dans la manière de dormir, de manger ou de travailler, de vivre entre frères, et avec les autres personnes. La question qui nous est posée en filigrane pourrait être: dans tout ce que je vis, dans toutes mes activités, quelles sont mes priorités afin de demeurer prêts? Toujours prêts à répondre ... à la cloche, à la requête d'un frère ... à la vie que Dieu m'offre. Pour le sommeil, Benoît prescrit un moyen concret: demeurer vêtu, la ceinture à la taille. Nous préférons certainement une autre tenue vestimentaire mais il demeure vrai que chacun doit se donner des repères pour pouvoir se lever rapidement. .. notamment en ne veillant pas trop tard le soir .... Quelles priorités on se donne? Cette question n'est pas seulement une question d'organisation et gestion de notre temps. Elle est une question avant tout spirituelle. Qu'est-ce qui habite mon cœur, jour après jour? Quelles préoccupations l'animent en son intime? Est-ce seulement le souci des affaires quotidiennes à gérer avec leur ronde incessante? Ou bien est-ce, à travers elles, l'ouverture à une rencontre toujours possible, parce que toujours espérée attendue, avec notre Dieu ... avec nos frères? C'est là à l'intime du cœur que se joue en fait notre manière de demeurer ouvert, toujours prêts dans tout ce que nous faisons ... « Mon cœur est prêt mon Dieu, mon cœur est prêt, je veux chanter jouer des hymnes! » Chante le psalmiste (Ps 56) Que l'Esprit Saint nous vienne en aide. (2015-12-08)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21 v 1-7 Des doyens du monastère écrit le 05 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Qu'est-ce que le Conseil ?

Ce Conseil est celui de l'abbé. Il vise à l'aider dans le discernement des questions de vie communautaire. Sur certains sujets, une délibération ou une consultation du Conseil se fait sous forme de vote, après échange, que ce soit en vue où non d'un chapitre conventuel. Sur d'autres sujets, il s'agit d'aider l'abbé à prendre une décision. A l'avance, on peut me soumettre des questions à aborder en Conseil. Pour un bon nombre de sujets, le conseil est la .première étape avant le chapitre conventuel qui va permettre de bien poser la question ou d'aborder le problème.

Notre manière de chercher ensemble à travers le dialogue:

Souvent, j'invite à un tour de table: ayant eu l'ordre du jour, chacun peut déjà s'être fait une idée, à moins que l'exposition du problème ne se fasse qu'au Conseil lui-même. L'important ici est de donner son point de vue personnel, sa manière de sentir les choses. Ensuite, nous avons un échange à bâtons rompus, où l'on cherche ensemble le meilleur. L'expérience montre qu'il ne faut pas avoir peur de prendre du temps, voire de patauger quand une question résiste. Si chacun essaie de chercher vraiment, en étant vrai et en ne se cramponnant pas nécessairement à son premier point de vue, en général on avance.

Comment conclure une discussion ?

Parfois, le vote est demandé par notre droit (finances, biens, admission ... ), un vote soit consultatif (en vue ou non d'un chapitre conventuel), soit délibératif.

Pour les autres questions, il me semble nécessaire de tendre à un consensus, et à la fin, je peux dire: « nous irons dans telle direction ».

Parfois, soit parce que la discussion n'est pas mûre, soit parce que je ne vois pas bien clair, j'ajourne la décision. Je la prendrais alors en particulier, ou je remettrais plus tard le sujet à l'ordre du jour.

Une règle d'or: la discrétion

Elle vaut pour les conseils de façon très impérative. Pour deux raisons principales: 1. nous parlons parfois des personnes, et là il nous faut être absolument respectueux les uns des autres 2. nous abordons des sujets qui restent parfois en suspens, et dont il est tout à fait inopportun de parler, car rien n'est tranché.

En conclusion, je dirai que chacun n'a pas à parler de ce qui se dit au Conseil. Aujourd'hui, sous l'impulsion d'Ezalen, je fais un rapide compte rendu à la communauté, au chapitre du matin en général, sur les sujets abordés. Cela permet à la communauté de suivre les questions. (2015-12-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 20 v 1-5 De la révérence dans l'oraison écrit le 03 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,

2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !

3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.

4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.

5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.

Commentaire :

Dans quelle disposition intérieure venons-nous lorsque nous prions? Avec quelle conscience de notre être devant Dieu sommes-nous dans la prière? Telles sont les questions auxquelles Benoit essaie de répondre dans ce chapitre.. Il part de la comparaison avec la façon de se situer devant les grands de ce monde. Si devant les grands de ce monde nous nous tenons « avec humilité et révérence », combien plus devons-nous nous tenir devant le Seigneur Dieu de l'univers « avec humilité et très pure dévotion ». Ici il est intéressant de relever que Benoit utilise pour les deux attitudes le mot « humilité », mais qu'il ne répète pas le mot « révérence», pourtant utilisé dans le titre, pour lui préférer l'expression « très pure dévotion» quand il s'agit de se tenir devant Dieu. Je crois que ce petit déplacement est heureux. Car il suggère qu'avec Dieu nous entrons dans une intimité d'un autre ordre. Là où la révérence pourrait n'être que formalisme extérieur, la « très pure dévotion» suggère un engagement entier et cordial de toute la personne. Dans le mot « dévotion », il y a le mot vœu, se vouer. Benoit précise sa pensée en parlant de « pureté du cœur et des larmes de componction ». S'appuyant sur Cassien, qui associe pureté du cœur et charité, Benoit nous invite à se tenir devant Dieu dans cet élan fondamental d'un amour toujours plus entier. Le contraire de la pureté, c'est l'impureté, le fait qu'il y ait du mélange dans notre amour. D'autres amours occupent la place et veulent dominer notre cœur pour le détourner de son désir le plus profond: aimer Dieu et aimer tout homme en Dieu. Je crois que chacun à l'heure de la prière, nous pouvons prendre conscience de ce qui habite notre cœur. Est-il saisi par la conscience aimante de la Présence de Dieu, Lui de qui nous recevons tout, le souffle, le mouvement et l'être? Ou bien est-il enlacé dans d'autres attachements qui occupent le terrain soit temporairement soit durablement? La prise de conscience de cet écart possible entre le cœur pur et le cœur encombré provoquait chez les anciens moines les larmes de la

componction. La douleur ressentie face à la distance que le péché maintient entre nous et Dieu venait mouiller leurs yeux. C'était le signe de leur cœur blessé et désireux de revenir à Dieu. Comme le dit un sage orthodoxe, je crois: « les larmes mouillent notre terre pour la rendre plus malléable entre les mains du potier». Venir à la prière en vérité avec nos pauvretés, nos limites, mais aussi dans la confiance et dans le désir d'aimer davantage. Ainsi la prière nous rend plus malléable dans la main du potier. Elle creuse en nous ce désir d'aimer davantage. (2015-12-03)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 19 v 1-6 De la tenue quand on psalmodie écrit le 02 décembre 2015
Verset(s) :

1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »

2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.

3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;

4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;

5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »

6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,

Commentaire :

« Que notre esprit concorde avec notre voix ». Peut-être aurons-nous jamais fini de comprendre pour mieux en vivre ce que signifie cette recommandation de Benoit ... Elle laisse entendre que tout notre être est requis pour la prière: l'esprit, le corps à travers la voix, mais :.' aussi le cœur comme le suggère le verbe « concorde» qu'on pourrait aussi traduire « faire cœur ». Cette formule de Benoit, qui donne là' première place à la voix, nous donne à saisir que la grâce première de notre office monastique est une grâce corporelle. Il nous est donné de proclamer et de .chanter les psaumes d'abord corporellement, par notre voix, mais aussi par notre manière d'être debout ou assis, par nos inclinations. Le corps communautaire réquisitionne nos corps personnels pour qu'il fasse une seule voix. La première chose qui est requise, est donc de consentir à donner notre voix et à nous prêter aux mouvements et aux gestes de la communauté. Il nous est demandé d'être là corporellement dans le corps communautaire.

St Benoit attire ensuite notre attention sur l'esprit. Si notre esprit est ailleurs, si nous nous laissons entrainer par les distractions, il y aura comme une dichotomie en nous ... La voix chantera, mais la pensée sera ailleurs. Nous sortirons d'un psaume voire d'un office en ayant l'impression de ne plus savoir ce qu’on a dit. Et cela arrive. Etre là en esprit, dans ce que nous chantons, sans tension ni dureté, nous donnera au contraire, un sentiment de paix, voire de plénitude. Nous goûterons une joie car une unité se vivra dans l'instant présent. C'est ici que nous pouvons nous attarder sur le 30 élément de notre être: le cœur ... L'esprit vraiment uni à la voix, permet au cœur d'être vraiment au rendez-vous de la prière. La voix seule n'est que cymbale qui résonne. L'esprit seul peut se détacher facilement du réel. L'esprit, qui s'unit à la voix, fait vivre le cœur. Dans ces mots qui se chantent et se proclament avec présence et attention, le cœur vit et fait sienne la prière du psalmiste. Le cœur se tourne vers Dieu en épousant les sentiments du psalmiste. Grâce au psalmiste, notre cœur s'élargit. Uni à la prière du Christ, il porte aussi la prière du persécuté ou du bafoué de notre monde. Il rejoint tout homme en souffrance ou en louange. Notre esprit uni à notre voix nous apprend à entrer dans une prière plus cordiale qui nous élargit à la vie de notre humanité en quête de Dieu. (2015-12-02)