vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 58 1-6 De la façon de recevoir les frères. écrit le 25 mai 2016
Verset(s) :

1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,

2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»

3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,

4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.

5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.

6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.

Commentaire :

Les difficultés opposées aux futurs moines sont aussi anciennes que le monachisme. Aussi bien chez les ermites que chez les cénobites. Il s'agit « d'éprouver les esprits pour voir s'ils sont de Dieu», dit la première lettre de Jean. Afin de ne pas admettre au service de Dieu des hommes qui sont mus par un autre esprit que le sien. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde plus confortable qu'au temps de Benoit: l'homme qui demande à venir partager notre vie renonce à beaucoup de facilités. Renoncer à toutes les commodités du monde, c'est une autre façon, bien réelle, de vivre cette mise à l'épreuve. Persévérer, frapper: c'est l'attitude du priant obstiné, dont Dieu exauce la prière (Lc11/8). Dans la maison de Dieu, on ne pénètre pas autrement que dans son cœur de Père. Dieu aime cette demande persévérante.

Après les quelques jours passés à l'hôtellerie, le postulant gagne le Noviciat. Ce « logement des novices» est une innovation de Benoit. Ainsi que l'ancien chargé de veiller sur eux. Dans les monastères d'Egypte, les novices restaient à l'entrée du monastère, sous la garde du portier, selon ce que nous dit Cassien. Ce rôle de maître des novices, la R.M. l'attribuait à l'Abbé en personne. Pour Benoit c'est un ancien qui a cette charge, « apte à gagner les âmes ». Cette expression nous fait penser à ce que dit le Christ: « S'il t'écoute, tu as gagné ton frère» (Mat 18/15). Et aussi à ce que dit St Paul: « Bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs, païen avec les païens ... J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en gagner de toute manière quelques-uns. » (1 Co 9). Comme Paul, cet ancien doit s'adapter à chacun pour l'aider à avancer sur le chemin où le Christ veut le conduire. Nous pouvons prier pour ceux et celles qui exercent cette charge. (2016-05-25)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 57 4-9 Des artisans du monastère. écrit le 24 mai 2016
Verset(s) :

4. S'il faut vendre quelque objet fabriqué par les artisans, ceux par les mains desquels se fera la transaction prendront garde de ne commettre aucune fraude.

5. Ils se souviendront toujours d'Ananie et de Saphire, de peur que la mort infligée à ceux-ci en leur corps

6. ne les atteigne en leur âme, eux et tous ceux qui feraient quelque fraude sur les biens du monastère.

7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,

8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,

9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».

Commentaire :

Notre relation à l'argent. Saint Jérôme se moquait des mauvais moines, qui profitaient de leur statut religieux pour vendre plus cher que les séculiers. La Règle du Maître disait de vendre moins cher. Benoit dit « un peu moins cher ». Ce qui est important pour lui, c'est que la dureté dans les affaires, l'âpreté au gain ne dominent pas notre façon de gérer les échanges commerciaux. Ce que Benoit appelle le « mal de l'avarice ». Au contraire, nous devons agir de telle sorte que tous ceux qui traitent avec nous puissent « glorifier Dieu ». Cette attitude nous ouvre des perspectives de douceur, de tact, d'esprit de conciliation. Quelle merveille ce serait si l'esprit des Béatitudes nous pénétrait tant que nos affaires elles-mêmes servent le Royaume du Père.

A propos des artisans du monastère, Benoit a souligné le danger de l'orgueil, celui de l'avarice. Mais il est un péril qu'il n'indique pas, et qui est réel: Tellement nous investir dans notre emploi que nous en venons à oublier l'essentiel. Nous avons toujours à veiller à ne pas faire fausse route. Ne pas faire passer au second plan la recherche de Dieu, en nous laissant prendre par notre travail. Ne pas oublier la communauté, ces frères avec qui Dieu nous a appelés à le chercher et à le servir. Nous sommes moines. Nous devons faire attention à l'activité qui pourrait nous détourner de ce pourquoi nous sommes entrés au monastère. Aucune activité, aucun travail n'est en soi un obstacle. Mais ils peuvent le devenir dans notre cœur. Veillons à donner la place la plus importante à Dieu, aux choses de Dieu, au bien de la communauté, à la relation avec les frères. Pour « qu'en toute chose, Dieu soit glorifié! » (2016-05-24)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 57, 1-3 Des artisans du monastère écrit le 21 mai 2016
Verset(s) :

1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.

2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,

3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.

Commentaire :

Il est intéressant de noter qu'uniquement dans ce chapitre de la règle apparaît le mot « sciencia », science, traduit par « connaissance ». Spontanément, on aurait attendu ce mot être utilisé à propos des frères intellectuels. Nous pouvons entendre dès lors que tout art, tout métier a sa science, son ensemble de connaissance. Dans le métier manuel, cette science se dira parfois avec des mots, mais le plus souvent à travers un savoir-faire acquis à force de travail et d'expérience. Les doigts et les mains savent et connaissent ce que la langue ne sait pas toujours exprimer. L'objet réalisé, le produit fabriqué ou cultivé, seront en eux-mêmes la manifestation de cette science de l'artisan ou de l'artiste. Et il Y a souvent de quoi être fier de ce qui sort de nos mains: un outil bien réparé, une poterie, un beau parterre de fleur, un réfectoire propre et accueillant, une porcelaine décorée, un endroit bien nettoyé et rangé avec astuce, des comptes bien classés, un plat bien préparé, un vêtement bien lavé et recousu ... La science de nos mains est belle et bienfaisante dans la vie commune. Elle embellit l'espace, elle fédère les énergies sur un même projet, elle tisse des liens par l'échange d'objets et de dons.

Y-a-t-il de quoi s'enorgueillir de ce qui sort de nos mains? En être heureux et fier, oui certainement. Alors pourquoi St Benoit met-il en garde contre l'orgueil? L'orgueil n'est-il pas ce qui change la légitime fierté en une sorte de prétention à se mettre au centre des réalisations diverses sortis de nos mains, ou de nos cerveaux pour les travaux intellectuels? En ce sens, n'est-il pas tout simplement une forme d’imbécillité aveugle? Pourquoi s'enorgueillir en effet de ce que l'on a reçu de Dieu comme un don. Pourquoi s'enfler de ce qui nous vient en bonne partie de notre éducation ou de notre milieu culturel ? L'orgueil peut s'immiscer de façon subtile en nous enfermant dans le contentement de soi jusqu'à en oublier de rendre de grâce à Dieu qui a donné d'abord. Dans une sorte d'auto admiration, on devient incapable de reconnaître les dons des autres qui sont aussi nécessaire à la communauté. L'orgueil est un poison car il aveugle de façon insensible. Il finit par faire oublier que le monde qui nous entoure est encore bien plus riche de dons à explorer et à reconnaître.

Que ce petit chapitre nous aide à nous tenir sur nos gardes. Qu'il nous stimule à rendre grâce pour les dons que nous avons reçus, et pour ceux de nos frères. La joie de reconnaître nos dons mutuels loin de rétrécir notre joie l'élargit au contraire. (2016-05-21)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 56 1-3 De la table de l'abbé. écrit le 20 mai 2016
Verset(s) :

1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.

2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.

3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.

Commentaire :



« Pour le bon ordre », ainsi conclue Benoit en invoquant la nécessité de la présence d'anciens à la table des frères. Le « bon ordre» : c'est l'ordre communautaire de la charité opposé à l'ordre personnel de nos égoïsmes. Le bon ordre communautaire laisse place à de légitimes besoins comme pour nos frères anciens, et en même temps il conserve l'unité de tous par l'observance de certains usages simples. Ici je voudrais mettre en garde contre le « vieux-garçonnisme ».... Ne devenons pas des vieux garçons, jaloux de leurs petites habitudes, et sourcilleux de ne pas être dérangés.

Je relève plusieurs points: nos places à table, manger ensemble sans se déplacer pendant le repas, et la manière de manger lors des libres services. Nos places à table: Ne nous attachons pas à une place. Soyons libre d'aller ici ou là. Certains frères malentendants m'ont dit leur difficulté d'entendre moins bien à certaines places. Je comprends cela. Mais en général, ne prenons pas des habitudes en se fixant des places, pire en choisissant les frères auprès desquels on veut être assis. Soyons davantage fraternels, heureux d'aller où il y a de la place, en couvrant ... Nous découvrirons un vrai bonheur d'être tout à tous, plus libre.

Manger ensemble sans se déplacer. Le temps du repas commun n'est un moment où l'on va et vient à sa guise. On ne sort pas pour prendre ceci ou cela. Non, manger ensemble est un cadeau que nous nous faisons, un instant précieux de communion. Restons assis à notre place et goûtons cette joie de faire un dans le repas. Demandons, si nous avons besoin.

La manière de manger lors des libres services. A l'inverse du repas commun, le libre- service comme son nom l'indique nous offre plus de liberté. Mais nous autorise-t-il pour autant à reprendre des habitudes de vieux garçons? Je mets en garde contre le fait de venir picorer çà et là dans les plats, au lieu de se servir puis d'aller manger à sa place, ou encore contre le fait de tâter, toucher le fromage, le pain, les fruits pour chercher lequel est le meilleur. Soyons nets et virils: prenons ce qui vient sous la main sans faire la fine bouche. Si le fruit est un peu gâté, ne le remettons pas, mais prenons le. De même une manière de vieux garçon est de mettre un bon dessert de côté à l'avance, pour être sûr d'en avoir. Mangeons librement sans faire des réserves. S'il reste un bon dessert, je le prendrai avec action de grâce. S'il n'en reste plus, je me réjouirai que d'autres aient pu en avoir, à charge pour ces derniers de penser à en laisser aux autres. Mes frères, pour ne pas devenir des vieux garçons, pensons d'abord aux autres avant de penser à soi. (20/05/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, 15-22 De la garde-robe et de la chaussure des frères. écrit le 19 mai 2016
Verset(s) :

15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.

16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.

17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.

18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,

19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.

20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»

21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.

22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.

Commentaire :

« Donner recevoir» : c'est la loi de l'échange de toute vie humaine que notre foi chrétienne éclaire d'une manière nouvelle en en inversant les termes: « Recevoir donner». Oui fondamentalement, nous recevons avant de donner. Nous recevons tout de Dieu et nous apprenons à tout donner. L'évangile nous assure que là se trouve le vrai bonheur: nous recevoir et nous donner. Un bonheur qui peut coûter à certains jours, mais un bonheur solide et durable lorsqu'on s'y livre vraiment. Quand St Benoit insiste pour que le moine reçoive tout de l'abbé, et qu'en aucun cas ne s'insinue dans la vie des frères, le vice de la propriété, il ne désire rien d'autre que de nous faire goûter ce bonheur de l'évangile. Car à travers les objets reçus se jouent profondément notre capacité à nous recevoir et des autres et de Dieu. Si nous n'aimons pas recevoir, si nous n'aimons pas demander ce dont on a besoin, il y a de grande chance qu'il en soit ainsi avec Dieu. Il y a de grande chance que nous ayons du mal à nous abandonner à Lui pour tout recevoir de Lui. Autrement dit, nous risquons de vivre comme si nous n'avons pas besoin de lui, sans vraie écoute de son Esprit et de l'Evangile.

Vivons donc toutes les occasions qui nous sont offertes de demander et de recevoir notre nécessaire pour la vie quotidienne, comme un exercice spirituel pour apprendre à demander et nous recevoir de Dieu. Ainsi pour les vêtements, mais aussi aux objets, nous apprenons à demander au frère responsable. Il peut nous en coûter de dépendre ainsi de quelqu'un plutôt que de nous servir nous-mêmes. Faire selon la vie commune plutôt qu'à ma guise. Concernant les vêtements, je voudrais rappeler un point de notre pratique: il concerne le lavage du linge. Certains frères donnent beaucoup de linge à laver, d'autres peut-être pas assez. Veillons à faire laver nos effets régulièrement, mais il n'est pas nécessaire de changer toute sa tenue vestimentaire tous les jours ... Changer une fois, voire deux fois durant la semaine, le linge de corps et la chemise est une bonne mesure. Blouson, pull et pantalon se changeront selon une fréquence plus longue. Si l'on ne sait trop comment faire pour trouver la bonne mesure, on peut en parler avec le f. linger. Là encore, dans les conseils et dans une manière de faire qui s'harmonise avec le travail de la lingerie, nous nous recevons de la communauté. Notre souplesse peut être une forme de reconnaissance vis-à-vis de travail de nos frères de la lingerie et du lavoir dont le travail régulier, caché est précieux pour tous. (19/05/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, 9-14 De la garde-robe et de la chaussure des frères. écrit le 14 mai 2016
Verset(s) :

9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.

10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.

11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.

12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.

13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.

14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.

Commentaire :

« Ce qui serait en plus, il faut le retrancher» ... Nous n'aimons pas ce mot « retrancher» amputare en latin. Car nous pressentons bien que retrancher, couper cela peut faire mal. Se séparer d'un objet, ici de vêtements superflus, est parfois difficile, car on s'identifie tellement à l'objet, qu'on imagine perdre une part de soi-même. Mais d'où vient le problème? Il vient de notre imaginaire, car l'objet retiré n'altère en rien notre intégrité ... Ne faisons-nous pas l'expérience parfois que si, au départ, nous dessaisir de quelque chose peut paraitre difficile, cela se révèle en fait indolore et libérant. Notre vie chrétienne, et plus particulièrement notre vie monastique ne consiste-t-elle pas en bonne part dans la conversion de notre imaginaire? Celui considère souvent la réalité d'une manière très réduite et partielle. Il peut même nous aveugler en nous attachant à des personnes, à des choses et à des idées comme si elles nous étaient indispensables. Au risque de nous y enchainer et de nous faire perdre notre liberté.

Il est intéressant de voir que sur les 5 emplois que Benoit fait du mot « retrancher» (amputare), 4 le sont dans un sens spirituel. Il s'agit alors de retrancher les vices, ces mauvaises habitudes qui nous rendent esclaves de nous-mêmes. Cette manière d'utiliser le verbe « amputare » montre que ce ne sont pas les objets qui sont enjeu, mais bien une disposition intérieure, un attachement erroné qui peut devenir habitude. Il nous faut apprendre à nous détacher afin que notre désir, notre cœur soit davantage tourné vers Dieu, et non vers des objets ou des personnes qu'ils représentent. « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Et notre cœur est compliqué, habile à se donner de bonnes raisons pour éviter les exigences libératrices. Soyons heureux d'être stimulé par l'évangile et par la règle de St Benoit pour sans cesse rechercher la vraie liberté. Derrière des choses apparemment banales et sans importance, nous jouons et rejouons notre attachement au Seigneur. Lui seul mérite notre amour. Qu'il nous apprenne à déjouer les pièges dans lequel notre imaginaire est si enclin à nous faire tomber ...(14/05/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, 1-8 De la garde-robe et de la chaussure des frères. écrit le 03 mai 2016
Verset(s) :

1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,

2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.

3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.

4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –

5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –

6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.

7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.

8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.

Commentaire :

On se tromperait en lisant ces chapitres très pratiques de la règle comme un règlement qui fixe les choses de façon intemporelle. A leur écoute, il nous faut toujours entendre la sève évangélique qui irrigue la vie quotidienne de ces hommes du VJDs, et qui peut encore irriguer la nôtre. De même, nous pouvons retenir les repères de sagesse que Benoit tire de la tradition déjà longue de la vie monastique, pour arbitrer ou résoudre ces questions.

La sève évangélique: la légèreté et la pauvreté des vêtements. En décrivant la tenue portée par les moines, une tunique et une coule, un scapulaire pour le travail, des chaussons, et des souliers, Benoit est assez proche des paroles de Jésus aux disciples qu'il envoie en mission: « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour la route .. s ni besace ... ni deux tuniques, ni chaussures, ni bâton ... » (Mt 1 0, 9-10). Benoit ne calque pas le modèle évangélique puisqu'il prévoit un peu plus loin qu'on aura deux tuniques de rechanges pour pouvoir laver ses effets. Mais certainement est-il soucieux que les moines restent sobres dans leurs effets vestimentaires. Le « il suffit» sonne comme un instrument de discernement évangélique. Veiller à garder le minimum est un réflexe évangélique toujours facilement actualisable. A côté de la quantité, la qualité est aussi prise en compte, pour être aussitôt relativisée. Pour la couleur, ou l'épaisseur des vêtements, on prendra ce qu'on trouve. Le critère évangélique est de se contenter de ce qu'on trouve dans la région, ou de ce qui est le meilleur marché ... Se contenter de ce qui est donné, n'est-ce pas une manière de s'en remettre à la Providence comme Jésus le recommande: «Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter? Observez les lis des champs, comme ils poussent. Ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même dans toute sa gloire n'a pas été vêtu comme l'un d'eux ... » (Mt 6,28-29)

Benoit laisse quelques repères de sagesse dont l'application est confiée au discernement de l'abbé. Revient à l'abbé de veiller à l'homogénéité de l'habit pour toute la communauté, et donc de décider s'il faut plus ou moins, selon les régions et les saisons. De même, il lui revient de veiller à la décence de l 'habit, sans négligence, mais adapté à chacun. Cette place donnée à l'abbé dans l'appréciation de la tenue monastique rappelle à chacun que l'habit monastique est un habit reçu qui témoigne de notre volonté d'appartenir à une communauté. Sa manière d'être entretenu et porté manifeste notre désir de renoncement à notre indépendance et notre désir de simplicité au milieu de nos contemporains. (03/05/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 54 1-4 Si un moine doit recevoir des lettres ou quelque chose écrit le 29 avril 2016
Verset(s) :

1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.

2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.

3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,

4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »

Commentaire :

Jusqu'où veut-on devenir libre pour le Christ? Telle est la question qui est sousjacente à ce petit chapitre qui aborde apparemment des points secondaires. Jusque dans les petites choses de la vie, dans le donner-recevoir, st Benoit nous propose une pédagogie: mettre sous la lumière, mettre sous le regard d'un autre ce que nous donnons et recevons. Pédagogie de la clarté pour une plus grande liberté intérieure à l'égard des biens, ainsi qu'une plus grande justice dans la mise en commun de notre avoir.

Pédagogie de la clarté pour une plus grande liberté. Un apophtegme d'Antoine rapporte: « Un frère qui avait renoncé au monde et distribué ses biens aux pauvres, mais en en gardant un peu pour lui-même, se rendit chez Abba Antoine. Informé de cela, le vieillard lui dit : « Si tu veux devenir moine, va dans tel village, achète de la viande et mets-la sur ton corps nu, puis viens ici. »Le frère faisant ainsi, les chiens et les oiseaux lui déchirèrent le corps. De retour chez le vieillard, celui-ci s'informa s'il avait suivi son conseil. Comme le frère lui montrait son corps lacéré, Abba Antoine lui dit : « Ceux qui renoncent au monde tout en voulant garder des richesses sont déchirés de cette façon par les démons qui leur font la guerre. » (Antoine 20) Cet apophtegme fait bien comprendre combien notre don pour le Christ est total. Garder des choses, ne pas mettre sous la lumière des choses qu'on reçoit entache notre don. Et plus profondément, nous expose aux tentations qui peuvent parfois être sévères. La liberté du cœur n'a pas de prix.

Pédagogie de la clarté encore parce qu'il y va d'une justice à l'égard de la communauté. Nous nous donnons à elle et nous nous recevons d'elle. Sachons remettre à la communauté ce que nous recevons: friandises, livres, disques, vêtements, appareils divers ... Sachons en parler s'il y a une question ou quelque chose qui mérite discernement. Vivre cela peut nous coûter parfois. Car nous ne sommes pas de bois, et nous restons sensibles aux gestes d'attention dont témoignent les cadeaux. Mais nous avons choisi de mettre tout en commun pour apprendre à aimer vraiment.Ces occasions sont des opportunités pour progresser encore davantage dans le don de nous-même à la communauté. Saisissons-les. (29/04/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53, 16-24 De la réception des hôtes. écrit le 28 avril 2016
Verset(s) :

16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.

17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.

18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.

19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :

20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.

21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.

22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.

23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,

24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.

Commentaire :

Les notations plus concrètes qui émaillent cette fin de chapitre permettent de situer l'accueil dans le cadre plus général de la vie monastique. L'accueil n'est qu'une part de l'activité du monastère, et pas sa fin première. Un monastère n'est pas un centre où tout convergerait vers l'accueil. Maison de Dieu pour l'hôte qui est accueilli et maison de Dieu pour le moine venu le chercher en ce lieu, cette maison voudrait aider chacun dans son pèlerinage vers Dieu, les hôtes comme les moines.

L'organisation proposée veut préserver ce climat de recherche de Dieu qui est premier: les repas sont servis, et même préparés à part sous la responsabilité de deux frères; un logement distinct est attribué sous la vigilance d'un sage; dans les rencontres, on garde une juste distance sans chercher à parler avec les hôtes. Ces notations mettent des limites dans l'espace et le temps, mais aussi dans les responsabilités. Quelques frères œuvrent au nom de tous. Nous vivons aujourd'hui encore de cette orientation fondamentale donnée par Benoit qui instaure des limites dans la façon de gérer l'accueil. La responsabilité de l'accueil est portée par les frères hôteliers désignés pour cela, que je remercie ici pour cet engagement qui est prenant. Eux-mêmes font signe à d'autres pour un service ponctuel de rencontre d'une personne et d'un groupe. Cette manière de procéder veut rappeler à chacun qu'accueillir est l'affaire de la communauté, et non une affaire personnelle. L'accueil est un service rendu à la communauté. Il ne peut devenir une manière détournée de chercher à créer un réseau de relations pour soi-même. On est appelé et on est envoyé pour accueillir. Ce point essentiel est un bon critère de discernement pour vivre l'accueil de celui qui passe dans la liberté et la justesse devant Dieu et les frères. On peut toujours se demander avec le temps qui passe: qu'en est-il des relations qui peu à peu se tissent et qui durent dans le temps? Elles ont été initiées suite à une demande faite par l'hôtelier, mais sont-elles porteuses de fruit pour la personne et pour moi ? Quelle est ma liberté par rapport à ses relations? Le Seigneur garde -t- il la première place dans mon cœur et dans l'organisation de mon temps? Se poser ces questions et pouvoir les parler si on veut vraiment discerner, permet d'éviter ou de limiter certaines relations qui risquent d'être trop mondaines, nous détachant de notre recherche de Dieu et de notre attachement premier à la communauté. – (2016-04-28)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53, 6-15 De la réception des hôtes. écrit le 27 avril 2016
Verset(s) :

6. En saluant, on donnera toutes les marques d'humilité à tous les hôtes qui arrivent ou qui partent.

7. La tête inclinée, le corps prosterné par terre, on adorera en eux le Christ que l'on reçoit.

8. Une fois reçus, on conduira les hôtes à l'oraison, et après cela le supérieur s'assiéra avec eux, lui ou celui qu'il aura désigné.

9. On lira devant l'hôte la loi divine, pour l'édifier. Après quoi, on lui donnera toutes les marques d'hospitalité.

10. Le supérieur rompra le jeûne à cause de l'hôte, sauf si c'est un jour de jeûne majeur que l'on ne puisse violer,

11. tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés.

12. L'abbé versera l'eau sur les mains des hôtes.

13. L'abbé, ainsi que toute la communauté, lavera les pieds de tous les hôtes.

14. Après le lavement des pieds, on dira ce verset : « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »

15. On accordera le maximum de soin et de sollicitude à la réception des pauvres et des étrangers, puisque l'on reçoit le Christ davantage en leur personne, la crainte des riches obligeant par elle-même à les honorer.

Commentaire :

Comment signifier à l'hôte et à soi-même qu'on reconnait le Christ en lui? Benoit propose un rituel plein de révérence et plein d'humanité (humanitas). Révérence dans la prosternation qui adore, et humanité dans le lavement des pieds et dans le jeûne qui est rompu. Il s'inspire de la pratique des pères du désert telle qu'elle s'exprime dans cet apophtegme. « Abba Apollos disait de l'accueil hospitalier des frères: Il faut se prosterner devant les frères qui viennent, car ce n'est pas devant eux, c'est devant Dieu que nous nous prosternons. Il est dit en effet: 'Tu as vu ton frère, tu as vu le Seigneur ton Dieu '. Telle est, disait-il la tradition reçue d'Abraham. Et ceux qu'on reçoit, on doit les obliger à se restaurer; cela nous l'avons appris de Lot, qui a ainsi obligé les anges» (Apollos 3). Concernant la rupture du jeûne, st Benoit puise aussi dans la tradition reçue de Cassien qui raconte: «Nous avions quitté la Syrie pour la Province d'Egypte, désireux d'y apprendre les axiomes des anciens, et nous nous étonnions de la grande cordialité avec laquelle nous y étions reçus: contrairement à ce qu'on nous avait enseigné en Palestine, on n'observait pas la règle d'attendre l 'heure fixée pour le repas, mais, excepté le mercredi et le vendredi, où que nous allions, on rompait le jeûne. L'un des anciens à qui nous demandions pourquoi, chez eux on omettait si facilement les jeûnes quotidiens, nous répondit: le jeûne est toujours avec moi, mais vous, que je vais bientôt congédier, je ne pourrais pas vous garder sans cesse avec moi. Et le jeûne quoiqu'utile et nécessaire, est pourtant l'offrande d'un présent volontaire, tandis que l'accomplissement de l 'œuvre de charité est l'exigence absolue du précepte. » (lnst. 5,24) Prosternation, lavement des pieds, rupture du jeûne pour honorer le Christ reconnu dans l'hôte ... Le rituel d'accueil peut alors se conclure par ce cri de foi: «Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »(Ps 47,10) Magnifique leçon de foi, qui non seulement reconnait Dieu dans l'hôte, mais qui l'accueille comme une manifestation de la miséricorde divine. C'est une preuve de la miséricorde de Dieu de venir à nous sous la figure de l'hôte, de l'étranger et du pauvre, afin que nous puissions exercer la miséricorde. En d'autres termes, Dieu nous fait miséricorde quand il nous permet de faire preuve de miséricorde et de charité à tout homme qui passe. Il nous faut laisser ce regard de foi de la règle nous guider et nous illuminer. Au lieu de subir l'arrivée ou la demande importune d'un hôte ou d'un frère, il nous aidera à déployer des énergies nouvelles de charité. En cette année de la miséricorde, cultivons ce regard de foi qui vient décupler en nous la charité, don de la miséricorde de Dieu. – (2016-04-27)