vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 10-13 De l'humilité écrit le 13 octobre 2016
Verset(s) :

10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,

11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.

12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,

13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.

Commentaire :

R.B.

On a parlé parfois « des athées du cloître» pour désigner des religieux ou des moines qui vivent sans avoir la foi ... Non pas les moines qui, connaissant l'épreuve de la nuit de la foi, demeurent ardent dans leur quête intérieure, mais ceux qui ont perdu leur ferveur. Ils vivent une pratique religieuse, mais sans y croire vraiment. Est-ce pour éviter cet écueil que St Benoit recommande de « fuir tout à fait l'oubli» et de « se garder à toute heure des péchés et des vices» ? Un danger pour notre vie monastique serait de parler tellement de Dieu et de la foi, que les mots perdent leur signification et leur goût. Celui dont on parle qui est d'ordinaire tellement discret, risque ne plus être vraiment Quelqu'un pour nous, une Personne avec laquelle se noue une relation. Comment fuir l'oubli de Dieu? « En plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu », répond Benoit. Face à une installation dans la routine, il propose de se disposer dans une foi active. « La crainte de Dieu» est dans le langage biblique la manière de se tenir avec foi devant Celui que l'on reconnait comme notre Créateur et notre Sauveur, comme Celui qui nous guide par sa Parole. A la différence de la peur, la « crainte de Dieu» ne paralyse pas, mais au contraire elle fait marcher avec confiance dans la voie des commandements de Dieu. « N'aie pas peur, mon enfant, dit Tobie à son fils, si nous sommes devenus pauvres. Tu as une grande richesse, si tu crains Dieu, si tu évites toute espèce de péché, et si tu fais ce qui plait au Seigneur ton Dieu» (Tb 4,21).

Premier degré, premier signe d'humilité donc: revenir sans cesse avec foi devant notre Dieu. A une personne croyante qui avait une difficulté et qui se décourageait, je demandais si elle priait. Elle répondit que non ... en ajoutant « les angoisses que j'ai, sont les angoisses d'une personne non croyante ... ce n'est pas normal »... Peut-être cette personne n'était-elle pas loin du 1er degré: revenir à l'attitude de foi active qui se tourne avec confiance vers Celui qui conduit nos vies de croyant et qui ne peut nous abandonner si nous le cherchons. Nous pouvons facilement oublier notre Dieu, en perdant le sens et le goût de la relation vive qu'il désire nouer avec nous. La liturgie, la lectio et l'oraison sont des moments privilégiés de rencontre qu'il nous faut particulièrement soigner dans leur déroulement. Ce soin manifeste notre désir et notre soif ... Le Seigneur fera le reste. (13.10.2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 5-9 De l'humilité écrit le 12 octobre 2016
Verset(s) :

5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,

6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.

7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

R.B.

« Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autres significations, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l 'humilité monter » ... Nous pourrions moderniser l'image de l'échelle, en prenant comme Ste Thérèse, l'image de l'ascenseur. Nos ascenseurs modernes ont tous, outre la cabine où les passagers entrent, un balancier qui fait contrepoids. Dans certains ascenseurs parisiens qui sont insérés au centre d'une ancienne cage d'escalier, on peut observer aisément ce jeu de la montée et de la descente simultanée. Tandis que la cabine monte, le balancier descend faisant contrepoids. Pas de montée sans descente du contrepoids. Parfaite illustration de l'humilité où l'on monte en descendant. On peut se demander alors: quel est le contrepoids à mettre en oeuvre? Ne serait-ce pas de consentir à nous abandonner en toute notre humanité dans les mains de Dieu? Laisser notre humanité peser de tout son poids, sans faux-semblants, sans retenue pour que Dieu nous élève par sa grâce. Etre là avec toute notre personnalité, en abandonnant nos velléités de paraitre ou de maitriser quelque chose ... comme un enfant dans les bras de Dieu. Déjà dans les versets lus hier, Benoit offrait l'image de l'enfant abandonné dans les bras de sa mère, même si en vertu de la traduction latine, il ne lit pas exactement le psaume 130 comme nous. Mais ici peu importe, demeure le lien étroit entre humilité et voie d'abandon, ou « voie d'enfance» pour reprendre les termes de Thérèse. Envisager ainsi l'échelle de l'humilité, éclairée par celle de l'ascenseur, évite de considérer la montée de l'humilité comme une course athlétique qui serait le fruit de nos efforts. Au contraire, comme le conclura Benoit, elle sera l'effet de la grâce en nous. Les 12 degrés seront là, non pas comme des performances à atteindre, mais comme des repères qui montrent jusqu'où 1'humilité nous fait aller dans l'abandon entre les mains de Dieu, jusqu'où s'opère le lâcher prise jusque dans les injures ou les humiliations à supporter dans la patience. Cette voie cependant n'aurait aucun sens si elle n'était notre manière à nous moines, de suivre Jésus et de nous unir à sa passion. Jusqu'à la croix, le Verbe fait chair a pesé de tout son poids d'humanité dans un lâcher prise total, pour se remettre entièrement dans les mains de son Père, dans la confiance qu'Ille relèverait ... En Jésus, notre humanité a pesé de tout son poids, jusqu'au sentiment si humain de se sentir abandonné, par Celui dont Il était si intime ... Il ne s'agit pas tant, pour nous, de vouloir reproduire le chemin du Christ, que de consentir, appuyé sur sa grâce, à être toujours plus en notre pâte humaine, pleinement abandonné entre les mains de Dieu. « Reçois-moi Sgr selon ta parole et je vivrai ». (12.10.2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 1-4 De l'humilité écrit le 11 octobre 2016
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

R.B.

« La divine Ecriture, frères, nous proclame »... Se mettant sous l'autorité des Ecritures, Benoit nous propose une sorte de lectio continue qui va courir tout le long de ce chapitre. Les citations vont s' enchainer sur un mode qui ne nous est pas forcément familier ni toujours très évident. En mettant en exergue la citation: « quiconque s'élève sera humilié, qui s 'humilie sera élevé », St Benoit annonce l'image de l'échelle. Et sans le dire, il propose aussi des modèles et des contre-modèles, tels qu'ils apparaissent dans les péricopes de Luc d'où est tirée la citation (Le 14,11 ; 18,14). Pour éclairer des situations qu'il a sous les yeux, Jésus raconte deux paraboles ... Dans un repas, il voit des gens qui choisissent les meilleures places. Alors il rapporte la parabole de l'invité qui s'est placé en bonne position et à qui le maitre de maison demande d'aller à une place plus en retrait ... Jésus laisse entendre que s'il y a une place à choisir, c'est la plus modeste, car fondamentalement c'est le maitre de maison qui donne et donnera la juste place. De même à l'égard de ceux qui se flattent d'être des justes et qui méprisent les autres, il met sous les yeux de ses auditeurs le modèle du publicain et le contre-modèle du pharisien. Le premier s'humilie devant Dieu n'osant pas lever les yeux vers le ciel, le second se pâme dans le miroir de l'illusoire assurance d'accomplir tous ses devoirs religieux et il juge de haut le publicain. Mais aux yeux de Dieu, le publicain qui s'est humilié sort grandi comme un juste, alors que le pharisien qui se croit juste ne l'est pas. De manière imagée, Luc aborde le thème paulinien de la justification. L'homme ne peut devenir juste par ses oeuvres, mais par une remise totale de lui-même dans la foi en Dieu qui seul sauve.

Entre la première citation biblique de ce chapitre, « qui s'abaisse sera élevé », et l'avant dernière au 12° de l'échelle « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux au ciel », St Benoit engage les moines à prendre résolument pour modèle le publicain. Là où leur genre de vie pourrait incliner les moines à s'enorgueillir et à penser devenir des justes par leurs propres efforts, il offre la voie sûre de la justification: l'humilité. Si l'observance de la loi de la règle, est pour le moine un levier de progrès spirituel, celle-ci ne portera vraiment son fruit qu'au prix d'une vigilance intérieure dans l'humilité. Car au final, ce ne sont pas nos observances régulières qui nous rendront justes, mais l'humilité de notre coeur qui nous permet de tenir notre assurance de Dieu seul. (11.10.2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 06, 6-9 De la taciturnité écrit le 08 octobre 2016
Verset(s) :

6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.

7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.

8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.

Commentaire :

« Nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos »... St Benoit vise ici les bouffonneries ou les paroles oiseuses. Mais est-ce de tels propos qui sont les plus contraires au silence? Certes il y a une façon de quêter le rire des autres qui peut être lourde. Mais St Benoit ignore ici d'autres types de paroles qui sèment de mauvaises graines de jugement ou de méfiance: toutes ces paroles où l'on déprécie l'autre, parfois sous couvert d'analyse de son problème, analyse qui se voudrait la plus objective ... Je crois qu'il nous faut fuir ce genre de paroles qui étiquette, qui insinue ou qui cherche à déprécier le frère ... Oui pour telle parole, gardons le silence. Chez qui les dit et chez celui qui les entend, elles créent une attitude illusoire de supériorité. Elles évitent de regarder d'abord dans son assiette ses propres problèmes. La poutre et la paille restent un lieu de discernement toujours très actuel.

Et notre labeur sera de passer du silence extérieur au silence intérieur, pour cultiver la pureté du regard et du coeur à l'égard des frères. Deux apophtegmes nous disent cela simplement, l'un de Poemen et l'autre de Paphnuce. Abba Poemen dit encore: « Il y a un homme qui semble se taire, et son coeur condamne les autres: un tel homme parle sans cesse. Et il Y en a un autre qui parle du matin au soir, mais garde le silence: c'est-à-dire qu'il ne dit rien sans utilité» (Poemen 27). D'un côté le coeur qui condamne dans un silence apparent, et de l'autre celui qui parle toujours, mais avec utilité. Abba Paphnuce dit: « Unefois que je marchais sur le chemin, le brouillard mefit perdre ma route, je me trouvai près d'un village où je vis des gens qui tenaient de mauvaises conversations; etje me détournai précipitamment en m'accusant moi-même en face de Dieu. Et voici que vint un ange avec une épée qui me dit : Paphnuce, tous ceux qui jugent leurs frères périront par cette épée; mais toi, tu as bien agi puisque, au lieu de condamner, tu t'es humilié toi-même en présence de Dieu, comme si tu avais commis la faute. Aussi ton nom est-il inscrit dans le livre de vie» (Paphnuce 1). Comment entrer dans l'attitude de Paphnuce ? Par exemple en reconnaissant que l'on serait tout aussi capable de commettre tel péché que l'on voit faire ou dont on entend parler. Si nous ne tombons pas, c'est parce qu'une telle situation nous a été épargnée, ou bien parce que nous avons été gratifiés de dons et de grâces qui nous empêchent de tomber. Se reconnaitre soi-même fragile devant notre Père des cieux est une aide pour faire silence face à la faiblesse de nos frères, pour prier avec eux et pour eux. (08.10.2016)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 4, 59-60 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 07 octobre 2016
Verset(s) :

59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,

60. haïr sa volonté propre,

Commentaire :

« Ne pas céder aux désirs de la chair ». Une consigne souvent répétée par Paul, et par les épîtres catholiques. « Marchez sous l'impulsion de l'Esprit, et vous n'accomplirez plus ce que la chair désire. Car la chair et ses désirs s'oppose à l'Esprit, et l'Esprit à la chair.» Gal 5/16-17. Paul, qui nous engage à ce combat, ne se vante pas d'y réussir: « Malheureux homme que je suis... » dit-il en Romain 7. Sans compter cet aiguillon dans sa chair, qui est comme le fil conducteur de la grâce: « Ma grâce te suffit.

St Pierre, dans sa première épître, nous dit de même: « Je vous exhorte comme des gens de passage, des étrangers, à vous abstenir des convoitises charnelles, qui font la guerre à l'âme. » (lP2/11) Des termes vigoureux et sans équivoques, pour mieux situer le chemin de liberté où veut nous conduire l'Evangile. Et nous rappeler notre fragilité. Nous avons vite fait de perdre la clé de notre âme.

Nous pouvons retenir aussi une autre expression de St Paul « Revêtez le Seigneur Jésus, et ne vous abandonnez pas aux préoccupations de la chair ». Mais revêtir le Christ, ce n'est pas se dévêtir de la chair. Pour revêtir une autre nature que la nôtre, qui serait pure, désincarnée. Notre chance est d'être, et d'avoir à rester les témoins de l'Incarnation de Dieu. C'est vrai, il faut contempler celle-ci dans la Gloire du Ressuscité de Pâques, où elle s'accomplit. Mais Jésus a pris notre chemin d'humanité. Tous ses désirs, même ceux les plus liés à sa Personne divine, ont eu à se couler dans un mode charnel. Péguy l'a dit et redit: « Nous savons bien, nous, que tout ce qui est spirituel est aussi charnel. Et vice versa.»

Pour être plus concret, reconnaissons que nous pensons aussitôt aux désirs sexuels. Quand ce désir est là, nous pouvons le soumettre à une autre Présence. « Tout mon désir est devant Toi », dit le PS37. La tentation peut être là, liée à notre état: elle n'est pas un péché. Le péché, c'est la tentation accueillie. C'est s'y complaire. Ce peut être plus grave que l'acte lui-même. Apprendre à évangéliser nos désirs, c'est les vivre autrement. (21/9/16)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 4, 44-45 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 06 octobre 2016
Verset(s) :

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

Commentaire :

« Craindre le jour du Jugement ». La Règle emploi ce verbe craindre 22 fois, dont 14 au sujet de la crainte de Dieu. Ici, il s'agit de la crainte du Jugement. Nous n'aimons pas trop ce rappel. Mais Jésus lui-même semble avoir manié cette arme dissuasive: menace du Jugement, les pleurs et les grincements de dents. Nous devons reconnaitre que notre volonté est blessée par le péché. Nous ne choisissons pas librement. La crainte du Jugement est là pour rééduquer notre volonté, jusqu'à ce qu'elle redevienne cet élan d'amour de Dieu, qui bannit la crainte. St Benoit est prudent, et réaliste: cet amour sans crainte servile, il le situe au 12° degré d'humilité. Déjà, St Jean, dans sa 1ère épitre, disait: « En ceci l'amour parmi nous est accompli, lorsque nous avons pleine assurance pour le Jour du Jugement. De crainte, il n'yen a pas dans l'amour, mais l'amour parfait chasse la crainte. Car la crainte implique un châtiment. Nous, nous aimons, parce que lui, le premier, nous a aimés. » lJn4/17-19. Il y a la crainte du Jugement, mais il ya aussi la crainte filiale, celle qui redoute d'être séparé de l'être aimé, de lui déplaire. Cette crainte-là subsiste dans l'amour. Paul Beauchamp la définit comme « le frémissement qui accompagne tout véritable amour. Une attirance, consciente du danger de l'aventure divine ». Les Psalmistes l'ont chantée, eux qui se reconnaissent comme des « craignants Dieu ». Ce que Chouraqui traduisait: « les frémissants d'Adonaï ». Il nous faudrait éprouver d'avance ce frémissement de tout notre être, à l'idée du Jour où Dieu nous proposera sa Miséricorde.

« Redouter la Géhenne ». La Géhenne, ce lieu maudit, au sud de Jérusalem, on l'on brûlait les cadavres et les détritus. Le feu est d'abord celui très concret des ordures, avec son odeur âcre. Dans l'Evangile, c'est toujours Jésus lui-même qui emploie ce terme. 9 fois. Par exemple: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps. Craignez plutôt celui qui peut faire périr âme et corps, dans la Géhenne» Mt 10/28. Nous restons dans la même tonalité de crainte. La peur de l'enfer a toujours paru un argument fort, quand nous sommes empêtrés dans nos faiblesses. Benoit parle de la Géhenne 5 fois. Au chapitre sur l'humilité, il nous aide à parcourir tout le chemin spirituel qu'il nous propose: C'est au I'" degré qu'il faut garder constamment devant nos yeux combien la Géhenne brûle. Mais au lime degré, quand nous aurons appris à nous déposséder, totalement, alors nous n'agirons plus sous la menace de l'enfer, mais par amour du Christ. (15/9/16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 06, 1-5 De la taciturnité écrit le 06 octobre 2016
Verset(s) :

1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »

2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.

3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,

4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;

5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »

Commentaire :

En quelques décennies, notre manière de considérer l'équilibre entre parole et silence a beaucoup évolué au monastère. Nous sommes passés d'un silence qui se voulait absolu à un silence qui laisse à la parole une place plus naturelle. Nous ne pouvons nous tenir à l'écart de notre société où l'omniprésence des moyens de communication a tellement bouleversé la façon de se rapporter les uns aux autres. En effet, nos contemporains sont sollicités par mille paroles qui ne cessent de les rejoindre sous forme de multiples informations à travers, le téléphone portable, facebook, les sms etc .... En positif, comme le soulignait le pape François, cela dénote la soif très grande d'être reliés les uns ou autres et de faire partie d'un cercle de proches. En négatif, on entend la difficulté pour beaucoup à se retrouver eux-mêmes. Le silence fait peur et devient insupportable pour certains.

Notre position de retrait nous permet de mieux mesurer la valeur et le poids de la parole vraie, ainsi que ceux du silence vrai. Parole vraie dans l'ouverture du cœur, lors des échanges dans les groupes, ou dans la recherche d'un consensus dans nos lieux de discernement (commission, conseil, chapitre). Nous savons le prix de ces espaces de vérité pour la construction de la communauté et de nos relations fraternelles. Nos moments et nos espaces de silence ménagent une respiration qui peut nous permettre de revenir assez vite à l'essentiel : la rencontre du Seigneur cherché avant tout. Le silence vrai est recueillement tout autant qu'il est présence aux frères. Nos repas ou le travail vécu en silence peuvent en témoigner. A l'avenir, plus nous irons dans le temps, plus notre manière de parler et de vivre le silence, pourra faire sens pour nombre de nos contemporains en recherche d'essentiel. Notre distance par rapport au téléphone portable, à la télévision et à toutes les informations immédiates, par rapport à un usage personnel de facebook, cette distance est une chance. Elle nous préserve de la surenchère d'informations pour demeurer attentifs à cultiver le silence intérieur et la capacité d'habiter avec soi-même, sous le regard de notre Dieu qui nous aime. Une autre écoute du monde peut se développer, davantage orientée vers l'essentiel des évènements et de leurs significations, sans prétendre vouloir tout savoir. Ecoute et regard sur le monde qui voudraient toujours mieux se nourrir, à travers la lectio, de l'écoute et du regard de Jésus pour ses et nos contemporains.( 06.10.2016

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05 14-19 De l'obéissance écrit le 01 octobre 2016
Verset(s) :

14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,

15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »

16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »

17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,

18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.

19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.

Commentaire :

Hier nous entendions dans la conférence de B. Bonowitz : «Rien ne peut mieux contribuer à la construction et au dynamisme de la communion dans un monastère que l'aptitude des frères à entreprendre des tâches, prévues ou imprévues, à court ou à long terme. Rien ne peut mieux démolir une communion qu'une attitude d'auto-défense de la part des frères quand ils sentent qu'un service pourrait leur être demandé. » Ces convictions résonnent en écho à ce chapitre sur l'obéissance. Celle-ci ne doit pas seulement être sans délai, mais aussi joyeuse. L'obéissance joyeuse construit la communion fraternelle, le refus d'obéissance ou même celle accomplie avec murmure peut démolir la communion entre nous. Nous mesurons ici combien notre communion est quelque chose de précieux et donc de délicat. Elle se construit grâce à notre vie commune et à son organisation. Mais cela ne suffit pas. Si on la réduisait à une simple organisation, elle ne serait qu'un squelette de vie collective. Notre vie commune tend à la communion, c'est-à-dire à cette manière d'être ensemble où nous nous portons les uns les autres, dans le respect et l'amour mutuel. Nous pourrions très bien observer les règles de vie commune, tout en restant chacun dans son quant à soi, dans son monde. La communion bâtie sur l'attention, la disponibilité et la simplicité des relations nourrit chacun au niveau du cœur . On pourrait dire que la communion entre nous est à la vie commune, ce que l'obéissance joyeuse est à la simple obéissance formelle.

Dire cela, c'est dire que la vie de communion entre nous, ainsi que l'obéissance joyeuse sont toujours à rechercher et à bâtir humblement. Pas d'acquis dans ce domaine. Pas d'automatisme, mais au contraire une humble ouverture à l'autre et à l'inconnu. J'accepte d'être toujours un peu dérangé ou dérouté dans mes habitudes ou mes façons de voir les choses. Et je découvre une joie plus grande à me laisser faire qu'à résister pour mener les choses comme je l'entends. «Dieu aime celui qui donne avec joie» car n'est-ce pas ce qui constitue la vie même de Dieu? Peut-il donner, Lui le donateur de tout bien, autrement qu'avec joie? Entrons dans la joie de notre Dieu, en nous donnant avec joie ...( 01.10.2016).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, 10-13 De l'obéissance écrit le 30 septembre 2016
Verset(s) :

10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,

11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;

12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.

13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »

Commentaire :

« Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle »... Nous retrouvons ce thème de la hâte vers la vie éternelle, thème que nous avons déjà rencontré dans le prologue et qui traverse toute la règle. Cette presse, cette hâte n'est-elle pas un des traits caractéristiques de notre vie monastique? Nous choisissons d'aller au plus court, au plus vite, et de ne pas nous arrêter trop en chemin. A la lumière de cette hâte, peuvent se comprendre notre célibat, mais aussi notre désir de ne pas nous encombrer de choses, ou encore notre désir d'obéir « sans délai» à un supérieur et à des frères, selon l'insistance entendue hier. Ces moyens radicaux, que beaucoup de nos contemporains ne comprennent pas, disent l'urgence de notre engagement pour le Royaume. Ils manifestent une option pour la vie éternelle qui n'est pas opposition à la vie de ce monde, mais qui peut révéler plutôt à notre monde la vraie vie pour laquelle il est fait. En choisissant le célibat, la désappropriation et l'obéissance, nous manifestons les valeurs du monde à venir: ce monde où on ne se marie pas, où les choses matérielles n'auront plus leur raison d'être et où la relation de confiance dans l'écoute et le don pour le Seigneur et pour les autres sera première. En faisant ces choix, le signe du monde à venir est en quelque sorte donné, même s'il reste toujours imparfait et bien en deçà de la réalité ...

Si l'obéissance du moine s'éclaire à la lumière de l'obéissance du Christ, elle trouve peut-être toute sa signification à la lumière du monde gui vient. Le moine veut obéir comme le Christ, pour apprendre avec lui et en lui comment être plus tourné vers le Père. La vie éternelle sera-t-elle autre chose? Une vie de communion dans le Christ avec le Père. Prendre au sérieux nos relations d'obéissance à l'abbé, aux frères, mais aussi à la vie selon la règle, c'est tisser patiemment mais sûrement la relation gui demeurera en vie éternelle: une vie de fils de Dieu, uni à Jésus le Fils de Dieu, tournée vers le Père dans le souffle de l'Esprit Saint. Benoit dit que c'est « une voie étroite », dans la mesure où cette obéissance nous coûte, et nous trouve parfois résistant. Autrement dit, c'est nous gui sommes à l'étroit dans nos désirs trop terrestres. L'obéissance veut déployer notre désir afin de nous permettre d'entrer plus généreusement dans cette relation qui nous unit au Christ et nous tourne vers le Père. (30.09.2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, 1-9 De l'obéissance écrit le 29 septembre 2016
Verset(s) :

1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.

2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.

3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »

6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »

7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,

8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.

9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.

Commentaire :

« Sans délai », l'expression revient deux fois ... et elle est appuyée par d'autres expressions « sur le champs », « immédiatement », « comme au même instant », « à vive allure »... L'insistance de Benoit est étonnante. Comment la comprendre? Que veut-il nous dire sur l'obéissance? Veut-il qu'on devienne comme des robots?

Une expression peut nous mettre sur la piste de ce qu'il vise: « l'obéissance sans délai convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ» ... Obéir sans délai vient comme naturellement -elle convient, vient avec- chez ceux qui ont mis le Christ à la première place dans leur vie. Ils l'ont tellement mis au centre de leurs préoccupations qu'il le reconnaisse en chaque demande qui leur est faite. En quelque sorte, en chaque appel (service remarque, cloche) qui leur est adressé, ils reconnaissent la voix du Christ. .. Ils vivent leur quotidien dans le monastère comme les disciples de l'évangile qui suivent et écoutent le maitre. Celui-ci qui est vivant au milieu de nous, est reconnu présent à travers tous les frères.

Je me souviens d'un commentaire de Sr Lazare de St Thierry à propos de ce chapitre, disant qu'il s'agissait là d'un idéal. .. non d'une règle de discipline à appliquer à la façon d'un règlement. Autrement dit, il s'agit d'entrer, non dans une obéissance à un règlement, mais d'entrer dans l'obéissance à une personne, le Christ, reconnu dans les appels de la vie quotidienne. Obéir sans délai au Christ au fil des jours, c'est accepter d'entrer dans son projet sur notre vie, et personnelle et communautaire. C'est consentir à ne pas tout savoir, à ne pas tout maitriser afin de le laisser nous conduire à travers les évènements, les rencontres ou simplement à travers la cloche ... L'insistance de Benoit sur le « sans délai» pointe en fait un lieu de résistance assez spontané en chacun de nous : lorsque nous faisons quelque chose nous pouvons si bien nous y investir que cela devient « notre» affaire ... Tout ce qui vient interrompre, modifier ou questionner nos activités, nous le percevons comme pénible à accepter, voire injuste. Sans nous en rendre compte, nous voulons vivre comme si nous étions les seuls maitres à bord. Obéir: oui, mais selon ma vision de la vie monastique! A l'inverse, exerçons-nous à obéir sans délai ni discuter, en nous tournant vers le Christ. Et mesurons ce qui se passe en nous entre cette obéissance-là et les fois où nous résistons. Nous éprouverons la même différence qu'il y a entre la joie sereine, et la tristesse obscure ou tendue. (29.09.2016)