vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 55-56 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 13 mars 2018
Verset(s) :
Commentaire :

« Ecouter, se prosterner, prier. .. volontiers, fréquemment»

Comment ne pas se fatiguer de lire les Ecritures, comment ne pas se lasser de prier?

Comment demeurer volontiers à l'écoute? Ce n'est pas facile tous les jours. Il y a des jours

avec et des jours sans. La répétition peut user.Elle peut aussi entrainer à ne pas s'arrêter trop

vite. Pour la plupart d'entre nous quand nous étions enfants, si nos parents nous avaient

écoutés quand nous disions notre ras le bol de l'école, nous serions les premiers à le regretter

aujourd'hui ... Dans la vie monastique, la régularité vient nourrir et creuser en nous le désir de

l'écoute de la Parole ainsi que le goût de la prière. Lorsqu'on arrive au noviciat, la ferveur

semble rendre tout plus aisé. Mais l'âge venant, il nous faut prendre appui sur la régularité. Ne

la lâchons pas. Car plus on se tient à elle, plus on a des chances de progresser dans la relation

avec Celui qui nous cherche le premier. La régularité, mais aussi l'intelligence pour varier les

manières de prier ou de lire les Ecritures seront des aides précieuses pour avancer. En effet,

dans la familiarité avec les Ecritures, comme dans la prière, nous sommes destinés à grandir.

Grandir dans une certaine connaissance. Mais plus encore grandir dans la disponibilité à

l'œuvre de Dieu dans nos vies. Mystérieusement lire les Ecritures avec assiduité tous les

jours, les écouter dans la liturgie, prier requiert de notre part un vrai travail. Mais en fait, c'est

Dieu qui vient nous travailler de l'intérieur. Oui, par notre régularité qui ne relâche rien, par

notre fidélité à la prière, nous nous offrons à l'oeuvre de notre Père des Cieux.

Reconnaissons-le, il y a souvent en nous une carapace qui nous rend dur d'oreille et de cœur.

Pour nous en rendre compte, il suffit d'être un peu lucide sur nos manières de regarder nos

frères, ou sur nos difficultés à les accueillir. .. S'il en est ainsi avec nos frères, peut-il en être

autrement avec Dieu ... C'est avec le même cœur que nous cherchons à aimer, et les frères et

Dieu. Oui, utilisons les difficultés fraternelles de la vie quotidienne pour ouvrir les yeux sur la

distance qui nous sépare de notre Dieu. Et à l'inverse, tenons avec fermeté notre engagement

dans la prière et la lectio divina. Là, Dieu qui travaille notre cœur pour le rendre plus souple

au son de sa voix, le rendra plus aimant vis-à-vis de nos frères. Il n'y qu'un atelier pour

apprendre à aimer: c'est l'atelier de notre cœur.Dieu y œuvre d'autant plus facilement que

nous le lui ouvrons en lui donnant notre temps et notre bonne volonté. - 13.03.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 51-54 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 10 mars 2018
Verset(s) :

51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,

52. ne pas aimer à beaucoup parler ;

53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,

54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.

Commentaire :

Nous aimons dire volontiers, que notre religion chrétienne est la religion du Verbe, de

la Parole, du Verbe fait chair. Le Verbe de Dieu, le Fils du Père, a consenti à apprendre de

Marie sa mère, nos mots humains, comme s'en émerveillait si bien notre P. Angelico. Pour

accomplir l'AT, Jésus est venu nous parler de la part du Père. Il a voulu nous faire entendre

combien nous sommes aimés de Lui, et combien notre Père des Cieux désire nouer une

relation toujours plus profonde avec son peuple, avec chacun d'entre nous. N'est-ce pas

seulement à la lumière de ce grand projet divin que nous pouvons entendre les instruments

proposés à notre écoute aujourd'hui: « garder sa bouche des paroles mauvaises, ne pas aimer

à beaucoup parler, ou dire des paroles vaines ou qui portent à rire ... ? Moines, disciples du

Verbe fait chair, nous avons choisi d'être davantage à l'écoute de la Parole. Nous taire,

savoir-faire silence est une voie essentielle pour entrer dans cette écoute. Mais nous sommes

aussi porteurs de cette Parole ... Comme le disait déjà le Deutéronome: « La parole est tout

près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique» (Dt

30,14). Désormais, l'écoute de la Parole passe aussi à travers ce qui sort de notre bouche,

comme de celle de tous disciples nos frères. Disciple du Verbe fait chair, de notre bouche

peut-il sortir le mauvais et le bon? Peut-il sortir le mépris et l'amour? La dérision et le

respect? Malheureusement oui parfois. Les instruments de ce jour veulent nous aider à lutter.

« Mets une garde à mes lèvres Seigneur.veille au seuil de ma bouche. Ne laisse pas mon

cœur pencher vers le mal» demanderons-nous ce soir avec le Ps 140. Veiller à nos paroles,

c'est inséparablement veiller sur notre cœur et tout ce qu'il peut ruminer. Les moines que

nous sommes voudraient grandir dans la qualité de ce silence intérieur, pour mieux être

capable d'une parole vraie, d'une parole bienfaisante jusque dans les situations difficiles. Pour

nous entrainer à cette vigilance, prenons soin de notre cadre de silence. Sachons préserver les

temps et les espaces de silence, les couloirs, le cloitre, le secteur de la plonge en

particulier. .. Durant le travail, sachons aussi préserver le silence. Un silence à plusieurs, qui

n'a rien à voir avec le mutisme est un soutien précieux pour grandir dans le silence intérieur.

Fuyons le bavardage qui disperse et qui peut vite devenir médisance ou racontars stériles.

Ensemble nous pouvons nous entraider dans la qualité de ce recueillement, c'est aussi une des

grâces de notre vie commune. - 10.03.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 50 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 28 février 2018
Verset(s) :

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

Commentaire :

« Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le

Christ et les découvrir à l'ancien spirituel » ... Quel mystérieux être que nous sommes ?! En

effet, nous sommes traversés par un flot incessant de pensées. A l'image du Trinquelin qui

passe sous nos pieds et qui charrie tantôt des eaux tranquilles, tantôt des eaux tumultueuses,

nous sommes habités tantôt par des pensées paisibles, tantôt par des pensées qui grondent en

ne nous laissant aucun repos. Plus nous nous connaissons nous-mêmes, plus nous pouvons

repérer combien les pensées qui nous traversent ne sont pas toujours neutres. Elles nous disent

quelque chose sur nous-mêmes dans la situation présente que nous vivons sous le regard de

Dieu. Evagre distingue trois types de pensées: les pensées neutres, les pensées bonnes et les

pensées mauvaises. Les pensées neutres sont le fruit de l'activité de notre esprit qui ne cesse

de penser pour s'adapter à la réalité. Les pensées bonnes, inspirées par l'Esprit Saint nous

suggèrent telle action ou telle parole en vue de notre bien qui est de servir Dieu et notre

prochain. Les mauvaises pensées viennent de l'Adversaire qui tend à nous opposer à Dieu et

aux autres. Comment discerner entre toutes ces pensées? Comment repérer d'où elles

viennent et où elles nous mènent? Apprendre ce discernement est le véritable but de

l'ouverture du cœur que nous recommande aujourd'hui st Benoit. .. Dans un premier temps,

nous savons qu'il y a un réel bienfait à dire les pensées troubles, celles qui nous encombrent

et nous tirent vers le bas. Nommer ces pensées, essayer de comprendre pourquoi elles

reviennent souvent, ou au contraire très épisodiquement. Mesurer qu'elles trouvent peut-être

dans tel trait de ma personnalité ou de mon histoire un terreau favorable pour se développer. Il

y a en moi telle faiblesse qui prête le flanc à leur incursion ... Repérer mes lieux de fragilités

peut m'aider à être plus vigilant afin de ne pas les laisser m'entrainer là oùje ne voudrais pas

aller. Certaines situations sont plus périlleuses pour moi. « Il ne faut pas tenter le diable» dit

la sagesse populaire. Mais l'ouverture du cœur veut nous entrainer plus loin, dans le

discernement de l'œuvre de l'Esprit Saint en nos vies. Comment Celui-ci me conduit dans la

foi en Dieu, présent à mes côtés dans le combat de chaque jour? Comment l'Esprit Saint

m'enseigne et me guide à travers la Parole largement semée dans la liturgie et la lectio?

Quelles forces nouvelles me donnent-ils, quels points d'appui? Quels appels à mieux faire la

volonté de Dieu, je perçois à travers ces mouvements? Oui, frères, faisons ce travail intérieur

lorsque nous ouvrons notre cœur. Il est source de lumière et force sur le chemin, de stabilité

aussi pour être moins ballottés à tout vent de pensées. - 28.02.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 47-49 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 février 2018
Verset(s) :

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

Commentaire :

Voilà des instruments qui ne nous sont pas d'emblée sympathiques, tant ils

apparaissent rudes. En quoi peuvent-ils nous être utiles? Dans leur rudesse, ils nous rendent

assurément le service de nous ancrer dans la réalité. Réalité de la mort, Réalité de notre vie

qui peut se perdre si on n'y prend garde et réalité de Dieu sous le regard duquel nos vies sont

en pleine lumière ... Dans son désir de vivre, l'existence humaine peut avoir tendance à se

griser dans les activités, le travail ou les plaisirs pour oublier la réalité. Assoiffée de vivre, elle

tend à faire reculer les limites et à fuir sa réalité finie qui obscurcit toujours l'horizon. Animé

du même désir de vivre, le croyant se sent appelé à le transformer, en don aux autres et en

abandon dans les mains de Dieu. Sans fuir la réalité finie, il l' assume pour mieux se donner

sans délai. Et le moine? Par sa vie stable en un lieu, sous une règle et un abbé, il adopte une

discipline de vie qui ne laisse pas beaucoup d'échappatoires. Il affronte de face les grandes

questions humaines qui résonnent plus finement dans le silence du cloitre. Sans se dérober, le

moine cherche à tout vivre sous le regard de Dieu, jusqu'à l'ennui parfois, l'angoisse et la

peur. Loin de nous décourager, les instruments entendus veulent nous aider à tenir bon aux

jours plus difficiles. Dans cette vigilance affrontée sans dérobade se trouve une force dont les

pères du désert ont témoigné. Je cite deux apophtegmes: « On demanda à un vieillard:

'pourquoi n'es-tu jamais découragé?'. Et il répondit: 'Parce que chaque jour, je m'attends à

mourir' » (Coll. Syst. XXI, 7 SC 498). Et cet autre: « Un vieillard dit: 'L 'homme qui a la

mort devant les yeux à toute heure vainc la pusillanimité'» (ibid 40). N'est-ce pas un des

fruits secrets de notre vigilance patiente et sans complaisance que de nourrir en nous la force,

et finalement l'espérance? A l'heure d'intenet et des distractions plus faciles, où l'on peut se laisser entraîner a surfer pour fuir la réalité, restons vigilants. Sachons demeurer sous le

regard de Dieu en tout ce que nous vivons. Ne perdons pas le sens de la réalité dans des

distractions illusoires. Dans la réalité humaine assumée, se trouvent une vraie joie et une vraie

force qui viennent de Dieu. Marchant sous son regard, Il nous accompagne fidèlement « pour

traverser mort et douleur» comme nous le chantons et revivons en ce Carême. - 27.02.2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 44-46 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 24 février 2018
Verset(s) :

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

Commentaire :

« Craindre le jour du Jugement. Redouter la Géhenne. Désirer la vie

éternelle. » Ces 3 instruments doivent être lus ensemble, pour être plus

faciles à comprendre. Si on parle de la crainte, il faut aussi parler du désir.

Crainte et désir sont 2 dynamismes importants de notre vie spirituelle, deux

mots importants dans la Bible. Ils s'appellent et s'éclairent l'un l'autre. Car ici

les 2 mots doivent être compris dans leur sens positif. Craindre le jour du

Jugement, c'est comme craindre Dieu. Désirer la vie éternelle, c'est comme

désirer Dieu. Crainte et désir sont 2 mouvements de l'âme qui peuvent être

ambivalents, et qui ont sans cesse à être purifiés.

On pourrait dire: Pourquoi parler encore de crainte, alors que nous savons

que l'amour chasse la crainte? Mais qui peut prétendre aimer totalement, et

en vérité? Qui peut être si miséricordieux, pour dire avec St jacques que « la

miséricorde se moque du juqernent » ? Qui peut prétendre ne plus être habité

par la peur? La peur des autres, la peur d'être jugé, la peur de Dieu: ce sont

plutôt des mouvements assez spontanés, car ils sont souvent enracinés dans

nos peurs les plus viscérales. Reconnaitre nos peurs, les transformer en

crainte du Seigneur, en cette humble remise de soi à Dieu: c'est une part de

notre travail spirituel. Là où la peur de Dieu et de son Jugement nous

enferme et nous replie sur nous-mêmes, la Crainte de Dieu nous apprend ce

respect, cet accueil confiant de Celui dont le Mystère nous dépassera

toujours, et devant lequel nous sommes si petits.

A propos du désir, on peut dire qu'il y a aussi un labeur spirituel à exercer, une

attention à avoir, sous la conduite de l'Esprit. Le désir de la Vie Eternelle ne

nous est pas si spontané! « La vie éternelle, oui, mais pas trop vite! }) disons-

nous parfois. Notre désir de vivre, d'aimer, doit sans cesse apprendre à se

libérer de ses inclinations trop faciles, trop égoïstes. Nous devons passer de la

volonté infantile de posséder tout, tout de suite, à la maturité adulte qui

patiente et qui sait que tout n'est pas profitable. Le désir de Dieu, animé par

l'Esprit, se creuse en nous, à la mesure de notre liberté par rapport aux autres

convoitises. Dieu, son Amour, le Christ et son Esprit prennent alors plus

d'importance dans notre cœur. Ils prennent leur vraie place.

Pour reprendre l'image de St Paul, si la crainte de Dieu et de son Jugement

peut être notre arme défensive contre les peurs plus profonde enfouies en

nous, le Désir de Dieu, et de la Vie avec Lui, est notre arme offensive, qui

nous oriente vers l'unique but, et à la lumière duquel les autres biens perdent

peu à peu leur éclat, leur attrait -

24/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 41-43 Quels sont les instruments des bonnes œuvre? écrit le 23 février 2018
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;

43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.

Commentaire :

« Mettre en Dieu son espérance ». Dans la Bible, le langage de l'espérance se

trouve essentiellement dans les Psaumes. Cette prière de ceux qui n'ont plus

rien à attendre des hommes. « Le Seigneur est mon abri, en Lui mon

espérance. » Ps 61/8. Notre rocher, notre bouclier, notre refuge ... Tous ces

noms que les Psaumes donnent au Seigneur.

Pour les Pères, l'espérance est un désir. Elle nait de la conscience de sa

misère, ou de l'expérience du malheur. On a commis une grosse faute: on est

mûr pour l'espérance, car on sent que Dieu seul peut nous sortir de ce

mauvais pas. Le dernier des Instruments de ce chapitre sur l'Art Spirituel

sera: « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. » Car mettre en Dieu

son espérance, c'est l'attitude de la pauvreté spirituelle. C'est croire que

l'avenir appartient à Dieu, même s'il ne correspond pas à mes attentes

humaines. Il n'est pas lié par mes désirs. Mais l'Alliance de Dieu est un

dessein d'amour, et nous avons l'assurance que cet amour ne nous fait jamais

défaut. Même à l'heure de la Croix. « Non pas ce que je veux, mais ce que tu

veux. )

« Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même. »

On pense d'abord au Ps 113 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous,

mais à ton Nom donne la Gloire! » Un verset que Jésus développe tout au

long de sa prière ultime, en Jean 17 : « Père, glorifie ton Nom. » Jésus lui-

même refuse d'être qualifié de BON, dans la mesure où ce serait lui attribuer

une BONTE autre que celle de Dieu, une bonté propre, qui ferait nombre avec

celle du Père. « Un seul est Bon » Mt 19/17. Mais parce que tout ce qui est

au Père est au Fils, l'œuvre du Fils est toute signée de Bonté. « Celui qui

sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme ». Mt 13/37.

Cet instrument nous invite à rendre à Dieu ce qui lui est dû, tout ce qui est bon

dans nos vies. Nous avons le droit, nous avons même le devoir de voir le bien

qui est en nous. Ne pas le voir, ce serait être ingrat! Nous devons voir ce

bien, mais à condition d'y voir la part de Dieu, de le mettre au compte de Dieu.

Car Dieu nous a créés à son image.

« Se reconnaitre toujours comme l'auteur du mal qu'on a fait, et se

l'imputer. » C'est la réponse à l'instrument précédent. La Bible est formelle: le

mal ne peut pas venir de Dieu. « Tes yeux sont trop purs pour voir le Mal », dit

le Prophète Habacuc. « Tu n'es pas un Dieu ami du Mal. Le méchant n'a pas

de place chez toi. L'insolent ne tient pas devant ton regard », chantons-nous

dans les Psaumes.

Et nous, nous savons, comme St Paul, qu'il y a deux lois en nous: « Le bien

que je voudrais faire, le mal que je voudrais éviter. » Rm 7/19. Le mal, en

nous, a déjà été vaincu. Se l'imputer, ce n'est pas d'identifier avec lui. Le

confesser, c'est croire que le Père nous attend toujours, comme le père du fils

prodigue. « Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. » Ps 50/6. Père, je ne suis

pas digne d'être appelé ton enfant. Mais le Père nous attend toujours, et nous

pardonne. - 23/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 37-39 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 21 février 2018
Verset(s) :

37. ni ami du sommeil,

38. ni paresseux,

39. ni murmurateur,

Commentaire :

« Ni grand dormeur. » Les Pères du Désert ont fait des performances contre le

sommeil. Benoit est plus réaliste. L'idéal de l'orant, c'est la vigilance du cœur. Le

sommeil qu'il faut combattre, c'est cette torpeur intérieure, cette tiédeur de la Foi,

cette recherche de soi. Cette insouciance de l'autre. Et de Dieu. Que le maître, à son

retour nous trouve vigilants. C'est l'une des recommandations du Christ dans

l'Evangile. Il y insiste à plusieurs reprises.

* « Ni paresseux ». On passe facilement de la somnolence à la paresse. « Jusques

à quand, paresseux, resteras-tu couché! » dit le Livre des Proverbes 6/9sq. Ce livre

est sévère contre la paresse. Dans l'Evangile, c'est le reproche fait au serviteur qui a

enfoui son talent, au lieu de le faire fructifier. Benoit, dans sa Règle, traite de la

paresse sous deux formes: D'abord, la négligence. Il en parle 15 fois! Traiter avec

négligence, malpropreté, les outils, les biens du monastère. Ne pas ranger, ne pas

achever son travail. La négligence dans la prière. Etre négligent, c'est choisir ce qui

me plait, et non ce qui est important. La paresse peut aussi s'accommoder d'une

forme de suractivité, de fébrilité: je suis si occupé que je ne peux jamais faire ce qui

m'est demandé, ni rendre un service La deuxième forme est l'acédie : cette espèce

de léthargie qui affecte notre vie spirituelle, qui en casse l'élan. Evagre dit que la

garde de la cellule est un bon remède contre l'acédie : rester, demeurer avec le

Maître. Ne pas chercher ailleurs ce qui me distrait de l'Essentiel.

« Ne pas murmurer. » Benoit combat énergiquement ce ver sournois, qui ronge

l'obéissance, et l'harmonie communautaire. A propos de l'obéissance, il dit: « Elle

sera agréable à Dieu et aux hommes, si l'ordre est exécuté sans murmure, sans

parole de résistance. Si, au contraire, le disciple obéit, mais de mauvais cœur, s'il

murmure, non seulement de bouche, mais dans son cœur, même s'il est exécuté,

son acte ne sera pas agréé par Dieu. » RB 5. Et à propos de l'heure des repas: « Il

appartient à l'Abbé de modérer toutes choses, de telle sorte que les frères

accomplissent leur tâche sans motif légitime de murmurer. » RB 49. Benoit sait quels

dégâts le murmure peut cause dans la vie spirituelle du moine. Il paralyse toutes nos

énergies. Il aveugle notre regard intérieur. Il entraîne une lourdeur, une tristesse. On

peut comparer cette révolte à la pointe d'aiguille qui suffit pour crever un ballon. Le

murmure atteint notre âme et la dégonfle du Souffle de l'Esprit. L'envers du

murmure, ce sera de rebondir dans la louange de Dieu, quoiqu'il arrive. Il faut

distinguer le murmure spontané, qui n'est qu'un gémissement de contrariété, comme

le fils de la parabole, qui grogne et dit non, avant de faire ce qu'on lui demande. Mais

il y a le murmure pernicieux, qui persiste, au sein même de l'obéissance, qui envahit

le silence. On critique. On va de proche en proche, semer l'acidité de nos mauvaises

pensées.

La Bible est là, pour fixer dans nos mémoires ces murmures qui ont paralysé le

peuple dans son Exode. Les murmures au désert: Nous manquons d'eau. Nous

n'avons pas de pain. Toujours la même manne. Où est passé ce Moïse! Et les

murmures autour de Jésus: Qu'est-ce que ce Pain Vivant dont il parle! Et cette chair

à manger! Murmures des ouvriers de la 1ère heure ... Murmures, le plus souvent, pour

des questions de manger et de boire.

C'est vrai aussi pour nous. Et Benoit le condamne sévèrement. Mais il faut noter

aussi le soin qu'il met pour éviter les situations où naissent contestations et

murmures. Souvenons-nous: Dieu aime celui qui donne avec joie. Donnons-lui notre

vie sans murmure, avec joie. - 21/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 34-36 Quels sont les instruments des bonnes œuvres écrit le 20 février 2018
Verset(s) :

34. Ne pas être orgueilleux,

35. ni adonné au vin,

36. ni grand mangeur,

Commentaire :

Nous voici presque à la moitié de ce chapitre des instruments de l'Art Spirituel. Au

milieu de cette panoplie, Benoit insère 7 recommandations qu'il emprunte en partie

aux conseils donnés par Paul à l'épiscope, dans la Lettre à Tite, 1/7 : « Qu'il ne soit

ni arrogant, ni coléreux, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain malhonnête ».

« Qu'il ne soit pas arrogant. » Dans l'échelle des vices, l'orgueil est le plus grave.

Dans la Règle, Benoit revient souvent à l'attaque contre toute forme de superbe,

d'arrogance. Il est attentif à éviter tout ce qui pourrait porter le frère à s'enorgueillir,

notamment dans l'exercice de la charge qui lui est confiée. Pour lui, on devrait

pouvoir reconnaître le moine dans le Psaume 130 : un homme qui n'a pas le cœur

fier, ni le regard ambitieux.

L'Ecriture est sévère à l'extrême contre l'orgueil: c'est le grand péché. Ben Sirac

dit: « Le commencement de l'orgueil de l'homme, c'est de s'écarter du Seigneur, de

révolter son cœur contre celui qui l'a créé ». il dit encore: « L'orgueil n'est pas fait

pour l'homme. » Si 1 0/12, 18.

Un ancien moine du désert d'Egypte disait: « Je préfère un échec supporté

humblement, à une victoire obtenue avec orgueil. » Et on rapporte ce propos de Ste

Synclétique, une mère du désert: « Il est aussi impossible de se sauver sans

humilité que de construire un navire sans cheville. »

L'humilité est le propre de celui qui aime le Christ par-dessus tout. Si nous voulons

apprendre à aimer, nous devons prier, lutter, pour devenir humbles de cœur. Nous

ne pouvons pas aimer, si nous ne sommes pas décidés à tout faire pour avancer

dans l'humilité.

« Ni adonné au vin, ni gros mangeur ». Le vin et les moines! La Bible dit pourtant

que le bon vin réjouit le cœur de l'homme. Mais au début du monachisme les pères

prônaient une abstinence complète, et Abba Poemen enseignait: « Le vin ne

convient pas du tout aux moines. » Benoit adopte une attitude doublement

évangélique: Aller au pas de chacun, ne pas lier des chaînes trop lourdes. Garder

une grande liberté intérieure, à l'exemple de Jésus, qui a même été traité de buveur,

parce qu'il n'imitait pas Jean le Baptiste et son ascèse rigoureuse.

« Pas gros mangeur» : c'est encore une question de mesure. Un t'" commentaire,

rassurant, se trouve dans la Vie de St Dosithée. Lorsqu'il s'est présenté au

monastère de Gaza, il mangeait 2 kg de pain par jour. Saint Dorothée, son Père

Maître, l'a aidé à domestiquer ses appétits: il est descendu, peu à peu à 200g. Ce

conseil de Benoit n'est pas dans la liste des qualités de l'épiscope, dans la Lettre de

Tite. Mais il vient dans la logique: après le boire, le manger. Ne pas trop manger,

c'est choisir de rester avide d'autre chose. Quel est mon désir? Mon désir le plus

profond. Ce Temps de Carême nous aide à plus de liberté par rapport à la nourriture. - 20/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 40 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 18 février 2018
Verset(s) :

40. ni médisant.

Commentaire :

La médisance: cet interdit de Benoit s'enchaîne avec le murmure. Les écrits

du N.T. sont unanimes à rejeter la médisance comme ruineuse pour la

communauté: « Ne médisez pas les uns des autres, frères. » dit l'épître de

Jacques. Jc 4/11. Et Benoit est aussi exigeant que St Paul, St Jacques, ou St

Pierre. Mais qui ne médit pas? Un ancien moine d'Egypte disait: « Lorsqu'un

frère veut visiter un autre frère, le démon de la médisance le précède, ou

l'accompagne chez ce frère. » Qu'est-ce que la médisance? Les

Apophtegmes la définissent comme: « toute parole qu'on ne peut pas dire en

présence du frère qu'elle concerne. » Elle est le contraire de la correction

fraternelle, telle que Jésus la conçoit dans l'Evangile: Dire d'abord au frère

concerné, en tête à tête, ce que nous avons à lui reprocher. Nous ne pouvons

passer aux stades suivants: devant des témoins, puis devant l'assemblée,

que si le frère n'a pas su nous écouter. Abba Sisoès disait à son disciple

Abraham: « Si tu reçois des visiteurs, si tu les aperçois de loin, mets-toi en

prière et dis: Seigneur Jésus Christ, délivre-nous de la médisance et de

l'insulte, et reconduis-les en paix. » Et voici ce qu'enseignait St Bernard: « La

médisance répand la mort sur son passage. Le médisant est mort, ainsi que

celui qui l'écoute, car la charité les quitte tous les deux. Et souvent, la victime

est mise au courant de cette médisance, de façon exagérée. Blessée, elle

s'irrite, et la charité la quitte aussi. C'est une vraie langue de vipère: d'un

coup, elle tue trois personnes! »

Concrètement, la question se pose souvent à nous: Où s'arrête le mot

d'esprit, où commence la médisance? Il est assez rare d'entendre dans un

monastère des propos franchement médisants, qui osent se dévoiler ainsi, en

pleine lumière. Mais il est plus fréquent d'entendre des paroles qui font rire sur

le dos d'un frère, avec les apparences de l'humour, en faisant une belle

caricature en guise de portrait. Est-ce de la médisance? Qu'en penserait

l'intéressé? Méfions-nous des mots d'esprit qui rient facilement sur le dos des

autres, mais traduisent souvent une incapacité à rire de soi-même.

De la même manière, certaines paroles se présentent comme des paroles de

discernement, en prétendant dire qui est l'autre, ses problèmes ...

Médisance? Le risque est grand. En nous posant comme celui qui sait sur

l'autre, en nous permettant de juger ses problèmes, qui sommes-nous? La

limite n'est pas difficile à franchir pour entrer dans le marécage de la

médisance, où l'on rabaisse facilement l'autre, en prétendant le dominer.

Méfions-nous de ces paroles de jugement sur nos frères: elles sont souvent

des prétextes pour éviter de nous regarder nous-mêmes.

Une bonne façon de progresser dans ce domaine de la médisance, où nous

pouvons si facilement tomber, c'est de nous garder de vouloir trop parler des

autres, de nos frères, des hôtes. Eviter de parler, comme si on était tout censé

savoir. Notre frère, notre voisin, comme toute personne, comme nous-mêmes

reste un mystère. Un beau mystère à respecter et à aimer. Avec tout ce que je

ne connais pas, tout ce qui peut me surprendre et me déranger. Est-ce que je

ne désire pas que les autres m'accueillent et m'aiment de cette façon-là?

- 22/2/18

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 29-33 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 16 février 2018
Verset(s) :

29. Ne pas rendre le mal pour le mal,

30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,

31. aimer ses ennemis,

32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,

33. souffrir persécution pour la justice.

Commentaire :

Les instruments qui sont offerts ce matin sont difficiles à tenir en main tant ils sont

brûlants. Pour les tenir en main, c'est-à-dire pour les garder et les mettre en œuvre, il nous

faut la grâce gui nous fait ressembler au Christ.Aucun homme avant Lui seul n'a ouvert ce

chemin du pardon, de la souffrance patiente et de l'amour des ennemis. « Si tu n'étais pardon

toujours offert, et si ton Christ n'avait pour l 'homme autant souffert... si tu n'étais l'amour au

cœur blessé tel que ton Fils sur une croix nous l'a montré. '. » : chantons-nous durant le

carême ... Oui, face à l'excès du mal, Jésus a répondu par l'excès de l'amour, à travers

l'humble soumission aux injustices qui lui était faites ... Et d'une manière incroyable, il nous

invite à faire comme lui. Maints passages de l'évangile se font l'écho de cet appel. Hier, nous

entendions: « Celui qui marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa

croix chaque jour et qu'il me suive ». La croix de Jésus a atteint son paroxysme dans la

souffrance et l'humiliation subie. Notre croix prise chaque jour va consister entre autre à

supporter les épines d'incompréhension voire d'humiliation avec amour, sans rancœur, ni

désir de vengeance. Et nous savons que cette attitude ne nous est pas spontanée. St Paul

avertissait déjà les Corinthiens à ce sujet: « C'est déjà un échec pour vous d'avoir des litiges

entre vous. Pourquoi ne pas supporter plutôt l'injustice? Pourquoi ne pas plutôt vous laisser

dépouiller? Au contraire, c'est vous qui commettez l'injustice et qui dépouillez les autres et

cela vous le faites à des frères! » (1 Co 6, 7-8) Comment grandir dans cette disposition

profondément chrétienne où l'on bénit lorsqu'on nous maudit et l'on aime ses ennemis? Il

n'y a certainement pas de recette, mais une grâce à demander.Demander la grâce de liberté

intérieure par rapport à l'image que l'on a de soi, image malmenée lorsqu'un conflit éclate.

Demander la grâce de l'humilité pour reconnaitre que je suis moi aussi capable des injustices

qui me sont faites, faible et pécheur que je suis. Notre désir de suivre le Christ ne va-t-il pas

jusque-là: dans cette vigilance du cœur qui se tourne vers le Christ pour apprendre et recevoir

de lui, la grâce d'irradier l'amour, sous les coups du non-amour. Isaac le Syrien, entendu aux

vigiles, disait: « A cause de son amour pour nous et par obéissance à son Père, le Christ a

accepté joyeusement les insultes et la détresse ... De la même façon, lorsque les saints

deviennent parfaits, ils atteignent cette même perfection et ainsi, en déversant abondamment

leur amour et leur compassion sur tous les hommes, ils ressemblent à Dieu». - 16.02.2018