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14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
« Pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours
dans son cœur: 'je ne serai sans tâche devant lui que si je me tiens en garde contre mon
iniquité' » ... Dans ce premier degré qui exhorte à vivre la crainte de Dieu, St Benoit entrai ne
le moine à être vigilant sur ses pensées, et sur sa volonté. Veiller sur ses pensées, faire en
sorte d'accomplir la volonté de Dieu et non la sienne propre, est une manière d'entrer dans la
crainte de Dieu. Se faisant, j'accepte de ne pas me prendre pour la référence de toute chose. Je
prends Dieu pour référence. Je mets une distance entre les pensées spontanées qui me
viennent à l'esprit et la réalité que je regarde dans la lumière de l'évangile. En ce sens, vivre
la crainte de Dieu n'a pas à voir avec la peur, mais plutôt avec ce mouvement de retenue par
lequel je retiens mon souffle pour mieux examiner ce que je dois faire.
Ici craindre Dieu est proche d'apprendre à se connaitre soi-même. Combien de fois, ne
nous prenons-nous pas en flagrant délit de méconnaissance ou d'illusion sur nous-mêmes!
Nous sommes happés par un désir d'avoir ou de faire quelque chose, désir qui, une fois
assouvi, se révèle bien décevant. .. il n'était pas mon vrai désir.Ou bien nous sommes en train
d'imaginer des choses sur les intentions d'un frère qui a eu une parole maladroite, choses qui
s'évanouissent quand on réalise que le frère était complètement ailleurs. Plus nous veillons
sur nous-mêmes, plus nous évitons les pièges de notre imaginaire trompeur et souvent
réducteur. Craindre Dieu nous permet de poser une limite claire à nos débordements
imaginaires: la limite de l'amour du Christ et de l'amour inconditionnel du prochain. Si c'est
Di eu que je désire servir, j'accepte et je garde en mémoire ses exigences et ses
commandements. Comme le disait un père du désert que je cite de mémoire: soyons à l'égard
de nos pensées ou de nos désirs, comme le garde d'une maison qui vérifie qui se présente.
Demandons à nos pensées: qui es-tu, d'où viens-tu? Certaines pensées qui surviennent à
l'improviste de manière intempestive, comme les pensées sexuelles, ou de manière plus
sournoise comme la tristesse ou le découragement, pourront s'évanouir devant l'exigence de
clarté qu'on leur impose. Pour St Benoit, craindre Dieu et chasser l'oubli de Dieu revient à
accroitre la vigilance sur soi et la connaissance de soi. Un chemin d'humilité s'ouvre sur
lequel nous mesurons vite combien nous sommes très instables dans nos pensées, et très
inconsistants parfois. Il nous reste à nous tourner vers le Seigneur pour implorer son aide, sa
lumière quand le tourbillon des pensées vient nous ébranler et nous déraciner. - 15.05.2018 -
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
Avec ce premier degré de l'échelle de l'humilité, St Benoit se fait vraiment
pédagogue. Depuis la crainte, il faudra en effet 12 0 pour arriver à « cet amour qui chasse la
crainte », sommet très désirable qu'il nous laisse entrevoir. Avec réalisme, il nous invite à
craindre Dieu, c'est-à-dire à nous placer sans feinte ni faux semblant sous son regard. Oublier
Dieu serait la pire des choses: elle nous laisse dans l'illusion d'être notre propre fin, notre
propre maitre qui n'a de compte à ne rendre à personne. Illusion de la courte vue qui ne voit
pas que notre vie présente est déjà promesse de vie éternelle. Tout ce que nous vivons bâtit ou
ne bâtit pasla vie qui n'a pas de fin. Pour reprendre l'image de Paul, soit nous bâtissons dès
maintenant avec de la paille qui ne résistera pas au feu, soit nous bâtissons avec de l'or qui
sera purifié au feu du creuset. Comme le poil à gratter, ce premier degré veut nous empêcher
de nous endormir et d'oublier Dieu dans l'assouvissement de nos désirs immédiats ou de nos
petites volontés égoïstes à courte vue. Notre cœur profond désire quelque chose de plus
essentiel. S'il se perd dans les méandres des désirs futiles et trompeurs, il en gardera comme
une blessure. Il n'aura pas laissé la vie éternelle l'élargir et le faire grandir dès maintenant.
En reliant ce premier degré au jugement et à la vie éternelle, St Benoit s'inscrit dans la
conviction de l'évangéliste Jean. Pour ce dernier, la vie éternelle commence dès maintenant
par notre foi vivante en Jésus. Cela apparait bien lorsque Jésus distingue la vie éternelle de la
résurrection: « Telle est la volonté de mon Père: que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la
vie éternelle; et moi je le ressusciterai au dernier jour» (Jn 6, 40). Croire en Jésus, prendre
appui sur lui, c'est accueillir les paroles de la vie éternelle, comme le confesse Pierre un peu
plus loin (Jn 6, 68). Dès maintenant, la vie prend son poids d'éternité par la connaissance de
Jésus et du Père qui nous sont offertes: « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent toi le
seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ» (Jn 17, 3). Entre oubli de Dieu qui
nous laisse prisonniers de nos désirs futiles et connaissance de Dieu qui est déjà vie éternelle,
St Benoit propose une première étape: la crainte de Dieu. Non pas d'abord de grands élans
mystiques, ou de grandes lumières, mais l'attitude modeste de celui qui sait n'être rien sans
Dieu, lui qui embrasse toute notre réalité humaine d'un seul regard. Dieu est là comme une
promesse de vie, comme la promesse de ma vie. 12.05.2018
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
8t Benoit utilise l'image biblique de l'échelle de Jacob pour décrire
ce qu'est l'humilité. Cette échelle, c'est notre vie. Elle a deux
montants, notre corps et notre âme. Cette petite notation de départ
va avoir une importance fondamentale tout au long des douze
degrés de l'humilité. Car à chaque degré, l'âme et le corps seront
concernés. Pour 8t Benoit, il n'existe pas d'humilité du cœur qui ne
se traduise également dans le corps, l'attitude, le geste. Dans toute
notre vie.
Le péché fait de nous des êtres divisés. La chair convoite contre
l'esprit, et l'esprit contre la chair. « Malheureux homme que je
suis », s'écriait 8t Paul. Rom 7/24. Oui, nous sommes des êtres
divisés, coupés en deux par un mur de séparation qui fait de nous
des êtres doubles, des lèvres trompeuses. Le but de 8t Benoit,
c'est de nous ramener à l'unité, de faire de nous des êtres
réunifiés. Des moines, au sens étymologique du terme.
Comment faire cela? Quel chemin proposer? 8t Benoit répond à
cette question: « Dans ces montants, l'appel divin a inséré
différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour nous les
faire gravir ». Donc, si le but de la vie monastique, c'est de nous
ramener à l'unité, le moyen privilégié pour cela, ce sont les degrés
de l'humilité. Ceux-ci vont, peu à peu, nous ramener à cette
cohérence perdue, entre notre parole et notre action.
Comme le soulignait Mgr Claverie, c'est en faisant confiance que
l'on grandit dans la confiance. Et 8t Jean nous dit que c'est en
aimant, que l'on progresse dans l'amour. L'humilité, elle aussi, ne
se gargarise pas de mots, ni de grandes phrases. Elle se vit, au
jour le jour, dans les situations concrètes de notre vie. Elle n'attend
pas les conditions idéales, qui ne seront jamais réunies. Elle
n'attend pas la communauté idéale, qui n'existe pas. Mais elle
s'appuie toujours sur les deux montants de notre vie humaine,
notre corps et notre âme. - 9 mai 2018
1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
«Tout homme qui s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera
élevé ». St Benoit commence ce chapitre par une citation de
l'Evangile. Mais tout le reste de ce paragraphe est emprunté au
Psaume 130. Un Psaume de David pour nous parler de l'humilité!
La vie de David est une vie de guerrier: nous pouvons nous
étonner que St Benoit choisisse ce texte, attribué à cet homme de
guerre, pour nous introduire au mystère de l'humilité.
Pourtant, si David est roi, c'est surtout un homme au cœur simple
et droit. Il y a ce très beau passage du t'" livre de Samuel, où
David laisse échapper Saül qui était tombé entre ses mains, dans
la grotte d'Engadi. (1 S 24/1-23). Ou encore quand David épargne
Saül endormi au milieu de son armée. (1 S 26). Deux versets nous
livrent la clé de son cœur: « Que le Seigneur me garde d'agir ainsi
à l'égard de mon seigneur, de porter la main sur lui, car il est
consacré par le Seigneur }). Et plus loin: « Après qui le roi d'Israël
s'est-il mis en campagne? Après qui cours-tu? Après un chien
crevé, après une puce! »
Ces deux versets traduisent parfaitement, je crois, les fondements
de l'humilité évangélique. D'abord un respect infini pour le mystère
de l'autre. Il est aimé de Dieu, sauvé par Lui, habité par son Esprit.
Puis un regard réaliste et plein d'humour sur soi-même, sur ses
limites. Un humble amour qui mène à la connaissance de soi.
C'est ce chemin, qui nous conduit à cet humble amour de nous-
même, et ce respect infini du mystère de l'autre, que St Benoit va
baliser dans ce chapitre sur l'humilité. Il y a 12 étapes, comme 12
bornes pour reconnaitre notre chemin. Pour ne pas nous tromper
de route.
Le chemin de l'humilité est l'unique vraie porte pour nous connaitre
nous-mêmes. Mais cette connaissance de soi nous conduit
toujours à la connaissance de Celui qui nous donne la vie. La
connaissance de Celui qui demeure en nous. - 8 mai 2018
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.
Au début de ce chapitre, St Benoit propose une doctrine du silence
qui pourrait être résumée ainsi: D'abord, faire silence, c'est taire,
retenir une parole. Ensuite, le silence évite le péché, la parole
blessante. Il est écoute. Du silence nait l'humble demande,
l'obéissance. Il existe donc un lien entre parole et silence, entre
silence et péché, entre silence et écoute, entre silence et
obéissance.
Dans la relation entre parole et silence, St Benoit ne condamne
pas la parole. Mais il pense que seule la parole née du silence, née
dans le silence, peut donner la vie. C'est pourquoi la parole née de
notre exaspération, de nos rancœurs, de nos pulsions, doit être
retenue.
En effet, la parole née du trop-plein de soi est souvent une parole
de mort. Une parole qui blesse et qui détruit. Parce qu'elle procède
du débordement des passions qui secouent notre cœur. Ce n'est
pas dans l'orage ou la tempête que le Prophète Elie a discerné la
Présence de Dieu. C'est dans le murmure d'une brise légère.
La parole née du silence, née dans le silence de notre cœur, est
une parole née de l'écoute, une parole d'obéissance, au sens
étymologique du mot. Notre grand problème, c'est d'apprendre à
écouter. Ecouter Dieu, écouter nos frères, bien sûr, mais aussi
écouter notre être profond. Nous sommes si souvent sourds à
nous-mêmes et aux autres. Comment pourrions-nous alors écouter
Dieu?
Pour St Benoit, l'ennemi du moine n'est pas la parole, mais la
parole oiseuse, la parole sans poids, la parole qui ne sort pas du
cœur. Apprenons à retenir ces paroles inutiles ou mauvaises.
Ce chapitre est l'occasion de nous redire que nous devons veiller à
l'atmosphère de silence du monastère. C'est un trésor que nous
ont légué nos anciens. Nous en sommes tous les gardiens. Le
silence en salle des coules: il n'y a aucune raison valable d'y
parler. La salle des casiers est à deux pas. Silence dans le cloitre,
dans les escaliers, les couloirs. Le but n'est pas qu'il n'y ait aucun
bruit. Mais que ce monastère reste une maison de prière, où des
hommes cherchent Dieu et vivent avec Lui. -5 mai 18 -
14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
« Dieu aime celui qui donne avec joie ». C'est par cette citation de
St Paul (2Co 9/7) que St Benoit conclut cette liste des signes
d'une obéissance authentique, agréable à Dieu. Les autres signes
étaient: l'absence d'agitation, c'est-à-dire la paix. L'exécution sans
lenteur ni mollesse, qui suppose la maîtrise de soi. L'absence de
murmure, ce qui exprime la bienveillance. Tous ces signes sont
ceux que St Paul énumère quand il parle des fruits de l'Esprit
Saint: « Joie, Paix, bienveillance, maitrise de soi» (Gal 5/22-23).
St Benoit souligne le lien entre notre obéissance et notre relation à
l'Esprit de Dieu. Dans l'obéissance, bien plus que notre relation à
l'Abbé, au supérieur, c'est notre relation à Dieu lui-même qui est en
jeu. Et St Benoit nous dit: « L'obéissance prêtée aux supérieurs,
c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'II a dit Lui-même: Qui vous
écoute m'écoute. »
Ainsi, St Benoit se situe résolument dans cette logique de
l'Incarnation qui marque toute la spiritualité de la Règle: pas de
grandes phrases, ni de beaux sentiments, mais des faits. Notre
obéissance, dans le concret de notre vie monastique, manifeste si
nous suivons vraiment Jésus, en perdant notre vie pour la recevoir
de Lui, ou s'il ne s'agit que de belles phrases creuses.
La conclusion de ce chapitre peut nous surprendre: la menace de
châtiment pour celui qui obéit en murmurant. Le projet de St Benoit
est de ramener tout notre être à l'unité brisée par le péché. Que
nos paroles correspondent à nos actes. Que le mensonge cède la
place à la vérité. En ce sens, l'obéissance est vraiment une école
de liberté. Elle nous fait accéder à notre vérité.
St Benoit a mis le Christ au centre du mystère de l'obéissance.
L'obéissance devient configuration au Christ, transformation de
tout notre être pour entrer dans cette filiation. Un chemin difficile,
mais un chemin de liberté. - 3/5/18
1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.
2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.
3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »
6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »
7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,
8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.
9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.
10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,
11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;
12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.
13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »
Pour St Benoit, il existe un lien très profond, essentiel même, entre
humilité et obéissance. L'obéissance est le passage obligé pour
devenir humble. Est-ce que la vie monastique, pour Benoit,
consiste à renoncer à toute idée personnelle, pour se couler dans
la pensée d'autrui? La vie monastique pourrait paraître alors
comme le degré suprême de la dépersonnalisation !
Pour comprendre ce que veut nous dire la Règle, il faut se
souvenir du lien que pose l'Ecriture entre humilité et vérité.
L'humilité c'est accepter la vérité de ce que je suis. Loin de se
fonder sur un faux semblant, le chemin de l'humilité part d'une
conception essentielle: la vérité de l'homme dépasse infiniment ce
qui nous apparait. Cette intuition de notre indépassable grandeur
est la racine de ce chemin vers l'humilité.
Notre vérité, la vérité de ce que nous sommes, nous ne pouvons y
mettre la main, nous ne pouvons que la recevoir. Et seul le chemin
de l'obéissance peut nous y conduire. Si nous nous agrippons à ce
que nous croyons être notre personnalité, si nous pensons savoir
qui nous sommes, et ce qui est bon pour nous, sans nous en
rendre compte, nous passons à côté de la merveilleuse aventure à
laquelle Dieu nous invite sur ce chemin de la vie monastique.
La grâce de l'obéissance, en nous dépouillant de nous-mêmes,
nous permet de percevoir que notre vérité, c'est que nous sommes
aimés tels que nous sommes. Comme le dit le Psaume 84,
« amour et vérité se rencontre ». Le plus difficile n'est pas d'aimer:
notre cœur est fait pour cela. Non, le plus difficile est d'être aimé.
De s'apercevoir que l'on est aimé pour ce que l'on est. Alors que
nous ne parvenons pas, souvent, à nous accepter et à nous aimer
nous-mêmes. Sans cette expérience d'être aimé, la vie n'est
qu'une profonde déchirure.
L'obéissance est cette vie d'abandon, qui peut nous conduire à
notre vérité. L'humble amour de nous-mêmes, dégagé de tout faux
semblant: ces constructions illusoires qui nous donnent
l'impression d'être quelque chose, alors que nous sommes
infiniment plus grands. - 2/5/18 -
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
Après avoir énuméré les outils de l'Art Spirituel, St Benoit nous
parle de l'atelier où nous devons les utiliser. Car ces instruments
ne nous seront utiles que si nous nous en servons avec
application, c'est-à-dire avec la hâte de l'amour.
Cet atelier est double: c'est à la fois la clôture, et la stabilité dans
la communauté.
La clôture, c'est un endroit fermé, et ici elle est à usage interne.
Son but est d'enclore le moine et le monastère. Et d'empêcher
ceux qui ne sont pas de la communauté d'y entrer. Il ne s'agit pas
d'y voir un tombeau, puisque c'est le lieu de la vie, où nous devons
travailler à la recherche de Dieu. A son service. L'image biblique
du « jardin scellé» serait plus appropriée. Ou encore celle du
« sanctuaire du Temple ». Ce lieu où les prêtres et les lévites
exerçaient leur service. Ils étaient cette part du peuple de Dieu
vouée à le servir jour et nuit dans sa Maison, au nom de tous.
La stabilité de ces ministres du Temple de Dieu peut aussi nous
dire quelque chose de celle que St Benoit demande à ses moines.
L'atelier de l'Art Spirituel n'est pas un lieu verrouillé sur lui-même et
sans âme. C'est un espace de vie commune. Et nous nous
engageons à y vivre dans la durée. Sans stabilité, le monastère
n'est qu'une passoire, et la communauté un groupe de touristes.
Dans le monde de la gyrovagie, il n'y a plus d'atelier, pas de
bonnes œuvres. Les gyrovagues passent leur vie à courir de
monastère en monastère, y séjournant 3 ou 4 jours. Toujours en
route, jamais stables, esclaves de leurs désirs ...
Le monastère est l'atelier où nous apprenons à veiller. La stabilité
est vivante. Elle est référence à un ensemble vivant, la
communauté. Elle n'est pas immobilisme. Elle est cet attachement
du cœur qui nous établit, avec nos frères, dans la communion des
saints. - 1/5/18 -
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
Nous voici à la fin de cette énumération des instruments de l'Art
Spirituel. Peut-on dire qu'elle est exhaustive? Certainement pas:
Dieu a l'esprit inventif, quand il s'agit de bien agir. Mais nous
pouvons croire que tout ce qui va nous advenir, sous la conduite
de l'Esprit, est inclus entre l'Amour, au-delà de nos forces, et
l'Espérance en la miséricorde de notre Père, malgré toutes nos
défaillances.
Le titre du chapitre disait: « Instruments des bonnes œuvres ». La
conclusion parle des « instruments de l'Art Spirituel ». Ces
instruments, ce sont les bonnes œuvres elles-mêmes, qui nous
façonnent jour après jour. L'œuvre d'art à produire, c'est nous, et
l'artiste qui l'inspire, c'est Dieu lui-même: nous voulons nous
approcher de la ressemblance du modèle.
« Jour et nuit », Dieu reste Créateur, aux côtés des enfants des
hommes. Au Jour du Jugement nous remettrons notre tablier. Il
devra être rempli d'une bonne mesure, tassée, débordante. Notre
vie à la suite du Christ.
« Le Seigneur nous donnera la récompense ». La récompense, la
Règle parle souvent ce langage-là. Nous y sommes moins
habitués. Moins sensibles, peut-être. A la suite du Pape François,
nous préférons nous abandonner à la Miséricorde de notre Père.
Nous savons bien que nous n'avons aucun droit à une quelconque
récompense.
« Ce que l'œil na pas vu ... » Ici Benoit reprend 1 Co 2/9, où
l'expression désigne la Sagesse de Dieu, mystérieuse, et
demeurée cachée. Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas
entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qu'II aime.
Ces instruments de l'Art Spirituel nous conduisent donc à aimer
Dieu davantage, en même temps qu'ils expriment l'amour déjà
monté en notre cœur, par pur don gratuit. - 28/4/18 -
74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
Nous voici arrivés au terme de cette panoplie d'instruments de l'Art
Spirituel. Le premier instrument était: « Avant tout, aimer le
Seigneur Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa
force. » C'était commencer le travail par son couronnement. Ce
dernier instrument est plus réaliste, car la seule raison que nous
ayons de ne pas désespérer de nous-même, des autres et du
monde, c'est la certitude qui nous est donnée que Dieu est
miséricorde. L'objet de notre espérance, c'est le Royaume. Mais la
clé, le moyen qui nous ouvre le Royaume, c'est la miséricorde de
Dieu. Dans l'Ecriture, espérance et miséricorde vont de pair.
Notamment dans les livres de Sagesse. « Vous qui craignez le
Seigneur, espérez la joie éternelle et la miséricorde» Si 2/9.
Saint Thomas disait que la miséricorde est l'expression ajustée à
notre état de pécheur de l'amour qui est en Dieu. Il se révèle
Amour en étant Miséricorde. En ce sens, ne pas désespérer de la
miséricorde, c'est mettre tout notre espoir en notre Dieu qui est
Amour.
Ce chapitre 4, qui commençait par notre amour pour Dieu,
s'achève sur l'Amour de Dieu pour nous, qui est premier et dernier.
Nous rejoignons ainsi l'expérience spirituelle: Nous commençons
dans la Foi, avec l'audace de celui qui croit atteindre le but
facilement, et se jette à l'eau. Et puis le temps passe, il faut nager,
l'autre rive est loin, c'est la nuit. Nous entrons dans la patience.
C'est le long temps de l'espérance. A ceux qui ont le courage de
ne pas désespérer, il est donné de voir ce spectacle étonnant, au
soir d'une vie, cet âge marqué par la compassion pour tout le
genre humain: voici que, du rivage, quelqu'un s'est détaché et
vient à notre rencontre: le Seigneur Miséricordieux, qui nous tend
la main pour recevoir notre vie. Et nous avons tant lutté et peiné
que son Nom nous est connu aussitôt: Miséricorde. -27/4/18 -