vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 47-49 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 février 2018
Verset(s) :

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

Commentaire :

Voilà des instruments qui ne nous sont pas d'emblée sympathiques, tant ils

apparaissent rudes. En quoi peuvent-ils nous être utiles? Dans leur rudesse, ils nous rendent

assurément le service de nous ancrer dans la réalité. Réalité de la mort, Réalité de notre vie

qui peut se perdre si on n'y prend garde et réalité de Dieu sous le regard duquel nos vies sont

en pleine lumière ... Dans son désir de vivre, l'existence humaine peut avoir tendance à se

griser dans les activités, le travail ou les plaisirs pour oublier la réalité. Assoiffée de vivre, elle

tend à faire reculer les limites et à fuir sa réalité finie qui obscurcit toujours l'horizon. Animé

du même désir de vivre, le croyant se sent appelé à le transformer, en don aux autres et en

abandon dans les mains de Dieu. Sans fuir la réalité finie, il l' assume pour mieux se donner

sans délai. Et le moine? Par sa vie stable en un lieu, sous une règle et un abbé, il adopte une

discipline de vie qui ne laisse pas beaucoup d'échappatoires. Il affronte de face les grandes

questions humaines qui résonnent plus finement dans le silence du cloitre. Sans se dérober, le

moine cherche à tout vivre sous le regard de Dieu, jusqu'à l'ennui parfois, l'angoisse et la

peur. Loin de nous décourager, les instruments entendus veulent nous aider à tenir bon aux

jours plus difficiles. Dans cette vigilance affrontée sans dérobade se trouve une force dont les

pères du désert ont témoigné. Je cite deux apophtegmes: « On demanda à un vieillard:

'pourquoi n'es-tu jamais découragé?'. Et il répondit: 'Parce que chaque jour, je m'attends à

mourir' » (Coll. Syst. XXI, 7 SC 498). Et cet autre: « Un vieillard dit: 'L 'homme qui a la

mort devant les yeux à toute heure vainc la pusillanimité'» (ibid 40). N'est-ce pas un des

fruits secrets de notre vigilance patiente et sans complaisance que de nourrir en nous la force,

et finalement l'espérance? A l'heure d'intenet et des distractions plus faciles, où l'on peut se laisser entraîner a surfer pour fuir la réalité, restons vigilants. Sachons demeurer sous le

regard de Dieu en tout ce que nous vivons. Ne perdons pas le sens de la réalité dans des

distractions illusoires. Dans la réalité humaine assumée, se trouvent une vraie joie et une vraie

force qui viennent de Dieu. Marchant sous son regard, Il nous accompagne fidèlement « pour

traverser mort et douleur» comme nous le chantons et revivons en ce Carême. - 27.02.2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 44-46 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 24 février 2018
Verset(s) :

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

Commentaire :

« Craindre le jour du Jugement. Redouter la Géhenne. Désirer la vie

éternelle. » Ces 3 instruments doivent être lus ensemble, pour être plus

faciles à comprendre. Si on parle de la crainte, il faut aussi parler du désir.

Crainte et désir sont 2 dynamismes importants de notre vie spirituelle, deux

mots importants dans la Bible. Ils s'appellent et s'éclairent l'un l'autre. Car ici

les 2 mots doivent être compris dans leur sens positif. Craindre le jour du

Jugement, c'est comme craindre Dieu. Désirer la vie éternelle, c'est comme

désirer Dieu. Crainte et désir sont 2 mouvements de l'âme qui peuvent être

ambivalents, et qui ont sans cesse à être purifiés.

On pourrait dire: Pourquoi parler encore de crainte, alors que nous savons

que l'amour chasse la crainte? Mais qui peut prétendre aimer totalement, et

en vérité? Qui peut être si miséricordieux, pour dire avec St jacques que « la

miséricorde se moque du juqernent » ? Qui peut prétendre ne plus être habité

par la peur? La peur des autres, la peur d'être jugé, la peur de Dieu: ce sont

plutôt des mouvements assez spontanés, car ils sont souvent enracinés dans

nos peurs les plus viscérales. Reconnaitre nos peurs, les transformer en

crainte du Seigneur, en cette humble remise de soi à Dieu: c'est une part de

notre travail spirituel. Là où la peur de Dieu et de son Jugement nous

enferme et nous replie sur nous-mêmes, la Crainte de Dieu nous apprend ce

respect, cet accueil confiant de Celui dont le Mystère nous dépassera

toujours, et devant lequel nous sommes si petits.

A propos du désir, on peut dire qu'il y a aussi un labeur spirituel à exercer, une

attention à avoir, sous la conduite de l'Esprit. Le désir de la Vie Eternelle ne

nous est pas si spontané! « La vie éternelle, oui, mais pas trop vite! }) disons-

nous parfois. Notre désir de vivre, d'aimer, doit sans cesse apprendre à se

libérer de ses inclinations trop faciles, trop égoïstes. Nous devons passer de la

volonté infantile de posséder tout, tout de suite, à la maturité adulte qui

patiente et qui sait que tout n'est pas profitable. Le désir de Dieu, animé par

l'Esprit, se creuse en nous, à la mesure de notre liberté par rapport aux autres

convoitises. Dieu, son Amour, le Christ et son Esprit prennent alors plus

d'importance dans notre cœur. Ils prennent leur vraie place.

Pour reprendre l'image de St Paul, si la crainte de Dieu et de son Jugement

peut être notre arme défensive contre les peurs plus profonde enfouies en

nous, le Désir de Dieu, et de la Vie avec Lui, est notre arme offensive, qui

nous oriente vers l'unique but, et à la lumière duquel les autres biens perdent

peu à peu leur éclat, leur attrait -

24/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 41-43 Quels sont les instruments des bonnes œuvre? écrit le 23 février 2018
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;

43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.

Commentaire :

« Mettre en Dieu son espérance ». Dans la Bible, le langage de l'espérance se

trouve essentiellement dans les Psaumes. Cette prière de ceux qui n'ont plus

rien à attendre des hommes. « Le Seigneur est mon abri, en Lui mon

espérance. » Ps 61/8. Notre rocher, notre bouclier, notre refuge ... Tous ces

noms que les Psaumes donnent au Seigneur.

Pour les Pères, l'espérance est un désir. Elle nait de la conscience de sa

misère, ou de l'expérience du malheur. On a commis une grosse faute: on est

mûr pour l'espérance, car on sent que Dieu seul peut nous sortir de ce

mauvais pas. Le dernier des Instruments de ce chapitre sur l'Art Spirituel

sera: « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. » Car mettre en Dieu

son espérance, c'est l'attitude de la pauvreté spirituelle. C'est croire que

l'avenir appartient à Dieu, même s'il ne correspond pas à mes attentes

humaines. Il n'est pas lié par mes désirs. Mais l'Alliance de Dieu est un

dessein d'amour, et nous avons l'assurance que cet amour ne nous fait jamais

défaut. Même à l'heure de la Croix. « Non pas ce que je veux, mais ce que tu

veux. )

« Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même. »

On pense d'abord au Ps 113 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous,

mais à ton Nom donne la Gloire! » Un verset que Jésus développe tout au

long de sa prière ultime, en Jean 17 : « Père, glorifie ton Nom. » Jésus lui-

même refuse d'être qualifié de BON, dans la mesure où ce serait lui attribuer

une BONTE autre que celle de Dieu, une bonté propre, qui ferait nombre avec

celle du Père. « Un seul est Bon » Mt 19/17. Mais parce que tout ce qui est

au Père est au Fils, l'œuvre du Fils est toute signée de Bonté. « Celui qui

sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme ». Mt 13/37.

Cet instrument nous invite à rendre à Dieu ce qui lui est dû, tout ce qui est bon

dans nos vies. Nous avons le droit, nous avons même le devoir de voir le bien

qui est en nous. Ne pas le voir, ce serait être ingrat! Nous devons voir ce

bien, mais à condition d'y voir la part de Dieu, de le mettre au compte de Dieu.

Car Dieu nous a créés à son image.

« Se reconnaitre toujours comme l'auteur du mal qu'on a fait, et se

l'imputer. » C'est la réponse à l'instrument précédent. La Bible est formelle: le

mal ne peut pas venir de Dieu. « Tes yeux sont trop purs pour voir le Mal », dit

le Prophète Habacuc. « Tu n'es pas un Dieu ami du Mal. Le méchant n'a pas

de place chez toi. L'insolent ne tient pas devant ton regard », chantons-nous

dans les Psaumes.

Et nous, nous savons, comme St Paul, qu'il y a deux lois en nous: « Le bien

que je voudrais faire, le mal que je voudrais éviter. » Rm 7/19. Le mal, en

nous, a déjà été vaincu. Se l'imputer, ce n'est pas d'identifier avec lui. Le

confesser, c'est croire que le Père nous attend toujours, comme le père du fils

prodigue. « Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. » Ps 50/6. Père, je ne suis

pas digne d'être appelé ton enfant. Mais le Père nous attend toujours, et nous

pardonne. - 23/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 37-39 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 21 février 2018
Verset(s) :

37. ni ami du sommeil,

38. ni paresseux,

39. ni murmurateur,

Commentaire :

« Ni grand dormeur. » Les Pères du Désert ont fait des performances contre le

sommeil. Benoit est plus réaliste. L'idéal de l'orant, c'est la vigilance du cœur. Le

sommeil qu'il faut combattre, c'est cette torpeur intérieure, cette tiédeur de la Foi,

cette recherche de soi. Cette insouciance de l'autre. Et de Dieu. Que le maître, à son

retour nous trouve vigilants. C'est l'une des recommandations du Christ dans

l'Evangile. Il y insiste à plusieurs reprises.

* « Ni paresseux ». On passe facilement de la somnolence à la paresse. « Jusques

à quand, paresseux, resteras-tu couché! » dit le Livre des Proverbes 6/9sq. Ce livre

est sévère contre la paresse. Dans l'Evangile, c'est le reproche fait au serviteur qui a

enfoui son talent, au lieu de le faire fructifier. Benoit, dans sa Règle, traite de la

paresse sous deux formes: D'abord, la négligence. Il en parle 15 fois! Traiter avec

négligence, malpropreté, les outils, les biens du monastère. Ne pas ranger, ne pas

achever son travail. La négligence dans la prière. Etre négligent, c'est choisir ce qui

me plait, et non ce qui est important. La paresse peut aussi s'accommoder d'une

forme de suractivité, de fébrilité: je suis si occupé que je ne peux jamais faire ce qui

m'est demandé, ni rendre un service La deuxième forme est l'acédie : cette espèce

de léthargie qui affecte notre vie spirituelle, qui en casse l'élan. Evagre dit que la

garde de la cellule est un bon remède contre l'acédie : rester, demeurer avec le

Maître. Ne pas chercher ailleurs ce qui me distrait de l'Essentiel.

« Ne pas murmurer. » Benoit combat énergiquement ce ver sournois, qui ronge

l'obéissance, et l'harmonie communautaire. A propos de l'obéissance, il dit: « Elle

sera agréable à Dieu et aux hommes, si l'ordre est exécuté sans murmure, sans

parole de résistance. Si, au contraire, le disciple obéit, mais de mauvais cœur, s'il

murmure, non seulement de bouche, mais dans son cœur, même s'il est exécuté,

son acte ne sera pas agréé par Dieu. » RB 5. Et à propos de l'heure des repas: « Il

appartient à l'Abbé de modérer toutes choses, de telle sorte que les frères

accomplissent leur tâche sans motif légitime de murmurer. » RB 49. Benoit sait quels

dégâts le murmure peut cause dans la vie spirituelle du moine. Il paralyse toutes nos

énergies. Il aveugle notre regard intérieur. Il entraîne une lourdeur, une tristesse. On

peut comparer cette révolte à la pointe d'aiguille qui suffit pour crever un ballon. Le

murmure atteint notre âme et la dégonfle du Souffle de l'Esprit. L'envers du

murmure, ce sera de rebondir dans la louange de Dieu, quoiqu'il arrive. Il faut

distinguer le murmure spontané, qui n'est qu'un gémissement de contrariété, comme

le fils de la parabole, qui grogne et dit non, avant de faire ce qu'on lui demande. Mais

il y a le murmure pernicieux, qui persiste, au sein même de l'obéissance, qui envahit

le silence. On critique. On va de proche en proche, semer l'acidité de nos mauvaises

pensées.

La Bible est là, pour fixer dans nos mémoires ces murmures qui ont paralysé le

peuple dans son Exode. Les murmures au désert: Nous manquons d'eau. Nous

n'avons pas de pain. Toujours la même manne. Où est passé ce Moïse! Et les

murmures autour de Jésus: Qu'est-ce que ce Pain Vivant dont il parle! Et cette chair

à manger! Murmures des ouvriers de la 1ère heure ... Murmures, le plus souvent, pour

des questions de manger et de boire.

C'est vrai aussi pour nous. Et Benoit le condamne sévèrement. Mais il faut noter

aussi le soin qu'il met pour éviter les situations où naissent contestations et

murmures. Souvenons-nous: Dieu aime celui qui donne avec joie. Donnons-lui notre

vie sans murmure, avec joie. - 21/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 34-36 Quels sont les instruments des bonnes œuvres écrit le 20 février 2018
Verset(s) :

34. Ne pas être orgueilleux,

35. ni adonné au vin,

36. ni grand mangeur,

Commentaire :

Nous voici presque à la moitié de ce chapitre des instruments de l'Art Spirituel. Au

milieu de cette panoplie, Benoit insère 7 recommandations qu'il emprunte en partie

aux conseils donnés par Paul à l'épiscope, dans la Lettre à Tite, 1/7 : « Qu'il ne soit

ni arrogant, ni coléreux, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain malhonnête ».

« Qu'il ne soit pas arrogant. » Dans l'échelle des vices, l'orgueil est le plus grave.

Dans la Règle, Benoit revient souvent à l'attaque contre toute forme de superbe,

d'arrogance. Il est attentif à éviter tout ce qui pourrait porter le frère à s'enorgueillir,

notamment dans l'exercice de la charge qui lui est confiée. Pour lui, on devrait

pouvoir reconnaître le moine dans le Psaume 130 : un homme qui n'a pas le cœur

fier, ni le regard ambitieux.

L'Ecriture est sévère à l'extrême contre l'orgueil: c'est le grand péché. Ben Sirac

dit: « Le commencement de l'orgueil de l'homme, c'est de s'écarter du Seigneur, de

révolter son cœur contre celui qui l'a créé ». il dit encore: « L'orgueil n'est pas fait

pour l'homme. » Si 1 0/12, 18.

Un ancien moine du désert d'Egypte disait: « Je préfère un échec supporté

humblement, à une victoire obtenue avec orgueil. » Et on rapporte ce propos de Ste

Synclétique, une mère du désert: « Il est aussi impossible de se sauver sans

humilité que de construire un navire sans cheville. »

L'humilité est le propre de celui qui aime le Christ par-dessus tout. Si nous voulons

apprendre à aimer, nous devons prier, lutter, pour devenir humbles de cœur. Nous

ne pouvons pas aimer, si nous ne sommes pas décidés à tout faire pour avancer

dans l'humilité.

« Ni adonné au vin, ni gros mangeur ». Le vin et les moines! La Bible dit pourtant

que le bon vin réjouit le cœur de l'homme. Mais au début du monachisme les pères

prônaient une abstinence complète, et Abba Poemen enseignait: « Le vin ne

convient pas du tout aux moines. » Benoit adopte une attitude doublement

évangélique: Aller au pas de chacun, ne pas lier des chaînes trop lourdes. Garder

une grande liberté intérieure, à l'exemple de Jésus, qui a même été traité de buveur,

parce qu'il n'imitait pas Jean le Baptiste et son ascèse rigoureuse.

« Pas gros mangeur» : c'est encore une question de mesure. Un t'" commentaire,

rassurant, se trouve dans la Vie de St Dosithée. Lorsqu'il s'est présenté au

monastère de Gaza, il mangeait 2 kg de pain par jour. Saint Dorothée, son Père

Maître, l'a aidé à domestiquer ses appétits: il est descendu, peu à peu à 200g. Ce

conseil de Benoit n'est pas dans la liste des qualités de l'épiscope, dans la Lettre de

Tite. Mais il vient dans la logique: après le boire, le manger. Ne pas trop manger,

c'est choisir de rester avide d'autre chose. Quel est mon désir? Mon désir le plus

profond. Ce Temps de Carême nous aide à plus de liberté par rapport à la nourriture. - 20/2/18

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, 40 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 18 février 2018
Verset(s) :

40. ni médisant.

Commentaire :

La médisance: cet interdit de Benoit s'enchaîne avec le murmure. Les écrits

du N.T. sont unanimes à rejeter la médisance comme ruineuse pour la

communauté: « Ne médisez pas les uns des autres, frères. » dit l'épître de

Jacques. Jc 4/11. Et Benoit est aussi exigeant que St Paul, St Jacques, ou St

Pierre. Mais qui ne médit pas? Un ancien moine d'Egypte disait: « Lorsqu'un

frère veut visiter un autre frère, le démon de la médisance le précède, ou

l'accompagne chez ce frère. » Qu'est-ce que la médisance? Les

Apophtegmes la définissent comme: « toute parole qu'on ne peut pas dire en

présence du frère qu'elle concerne. » Elle est le contraire de la correction

fraternelle, telle que Jésus la conçoit dans l'Evangile: Dire d'abord au frère

concerné, en tête à tête, ce que nous avons à lui reprocher. Nous ne pouvons

passer aux stades suivants: devant des témoins, puis devant l'assemblée,

que si le frère n'a pas su nous écouter. Abba Sisoès disait à son disciple

Abraham: « Si tu reçois des visiteurs, si tu les aperçois de loin, mets-toi en

prière et dis: Seigneur Jésus Christ, délivre-nous de la médisance et de

l'insulte, et reconduis-les en paix. » Et voici ce qu'enseignait St Bernard: « La

médisance répand la mort sur son passage. Le médisant est mort, ainsi que

celui qui l'écoute, car la charité les quitte tous les deux. Et souvent, la victime

est mise au courant de cette médisance, de façon exagérée. Blessée, elle

s'irrite, et la charité la quitte aussi. C'est une vraie langue de vipère: d'un

coup, elle tue trois personnes! »

Concrètement, la question se pose souvent à nous: Où s'arrête le mot

d'esprit, où commence la médisance? Il est assez rare d'entendre dans un

monastère des propos franchement médisants, qui osent se dévoiler ainsi, en

pleine lumière. Mais il est plus fréquent d'entendre des paroles qui font rire sur

le dos d'un frère, avec les apparences de l'humour, en faisant une belle

caricature en guise de portrait. Est-ce de la médisance? Qu'en penserait

l'intéressé? Méfions-nous des mots d'esprit qui rient facilement sur le dos des

autres, mais traduisent souvent une incapacité à rire de soi-même.

De la même manière, certaines paroles se présentent comme des paroles de

discernement, en prétendant dire qui est l'autre, ses problèmes ...

Médisance? Le risque est grand. En nous posant comme celui qui sait sur

l'autre, en nous permettant de juger ses problèmes, qui sommes-nous? La

limite n'est pas difficile à franchir pour entrer dans le marécage de la

médisance, où l'on rabaisse facilement l'autre, en prétendant le dominer.

Méfions-nous de ces paroles de jugement sur nos frères: elles sont souvent

des prétextes pour éviter de nous regarder nous-mêmes.

Une bonne façon de progresser dans ce domaine de la médisance, où nous

pouvons si facilement tomber, c'est de nous garder de vouloir trop parler des

autres, de nos frères, des hôtes. Eviter de parler, comme si on était tout censé

savoir. Notre frère, notre voisin, comme toute personne, comme nous-mêmes

reste un mystère. Un beau mystère à respecter et à aimer. Avec tout ce que je

ne connais pas, tout ce qui peut me surprendre et me déranger. Est-ce que je

ne désire pas que les autres m'accueillent et m'aiment de cette façon-là?

- 22/2/18

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 29-33 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 16 février 2018
Verset(s) :

29. Ne pas rendre le mal pour le mal,

30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,

31. aimer ses ennemis,

32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,

33. souffrir persécution pour la justice.

Commentaire :

Les instruments qui sont offerts ce matin sont difficiles à tenir en main tant ils sont

brûlants. Pour les tenir en main, c'est-à-dire pour les garder et les mettre en œuvre, il nous

faut la grâce gui nous fait ressembler au Christ.Aucun homme avant Lui seul n'a ouvert ce

chemin du pardon, de la souffrance patiente et de l'amour des ennemis. « Si tu n'étais pardon

toujours offert, et si ton Christ n'avait pour l 'homme autant souffert... si tu n'étais l'amour au

cœur blessé tel que ton Fils sur une croix nous l'a montré. '. » : chantons-nous durant le

carême ... Oui, face à l'excès du mal, Jésus a répondu par l'excès de l'amour, à travers

l'humble soumission aux injustices qui lui était faites ... Et d'une manière incroyable, il nous

invite à faire comme lui. Maints passages de l'évangile se font l'écho de cet appel. Hier, nous

entendions: « Celui qui marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa

croix chaque jour et qu'il me suive ». La croix de Jésus a atteint son paroxysme dans la

souffrance et l'humiliation subie. Notre croix prise chaque jour va consister entre autre à

supporter les épines d'incompréhension voire d'humiliation avec amour, sans rancœur, ni

désir de vengeance. Et nous savons que cette attitude ne nous est pas spontanée. St Paul

avertissait déjà les Corinthiens à ce sujet: « C'est déjà un échec pour vous d'avoir des litiges

entre vous. Pourquoi ne pas supporter plutôt l'injustice? Pourquoi ne pas plutôt vous laisser

dépouiller? Au contraire, c'est vous qui commettez l'injustice et qui dépouillez les autres et

cela vous le faites à des frères! » (1 Co 6, 7-8) Comment grandir dans cette disposition

profondément chrétienne où l'on bénit lorsqu'on nous maudit et l'on aime ses ennemis? Il

n'y a certainement pas de recette, mais une grâce à demander.Demander la grâce de liberté

intérieure par rapport à l'image que l'on a de soi, image malmenée lorsqu'un conflit éclate.

Demander la grâce de l'humilité pour reconnaitre que je suis moi aussi capable des injustices

qui me sont faites, faible et pécheur que je suis. Notre désir de suivre le Christ ne va-t-il pas

jusque-là: dans cette vigilance du cœur qui se tourne vers le Christ pour apprendre et recevoir

de lui, la grâce d'irradier l'amour, sous les coups du non-amour. Isaac le Syrien, entendu aux

vigiles, disait: « A cause de son amour pour nous et par obéissance à son Père, le Christ a

accepté joyeusement les insultes et la détresse ... De la même façon, lorsque les saints

deviennent parfaits, ils atteignent cette même perfection et ainsi, en déversant abondamment

leur amour et leur compassion sur tous les hommes, ils ressemblent à Dieu». - 16.02.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 22-27 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 15 février 2018
Verset(s) :

22. Ne pas accomplir l'acte qu'inspire la colère,

23. ne pas réserver un temps pour le courroux.

24. Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur,

25. ne pas donner une paix mensongère,

26. ne pas se départir de la charité.

27. Ne pas jurer, de peur de se parjurer,

Commentaire :

Les instruments que nous venons d'entendre regardent tous plus ou moins ce que les

Pères appelleraient la gestion de l'irascible. L'irascible, le mot vient de ira-colère, est cette

dimension bonne de l'âme qui en nous est faite pour lutter, lutter pour la vie, lutter contre le

péché, lutter contre le mal. C'est la part combative de notre personne ... Part bien nécessaire

pour faire face à la réalité et ne pas se laisser abattre par les adversités de toutes sortes. Notre

part irascible est sans cesse en recherche de son équilibre. Soit elle est dans l'excès

désordonné: cela conduit à la colère, ou encore à la vengeance ou au courroux qu'on réserve

pour un temps dont parle l'instrument ... Soit notre irascible est trop faible, et cela conduit au

découragement, à une forme de dépression, voire à la lâcheté et à toutes ces expressions

comme le fait de donner une paix mensongère, ou d'entretenir la tromperie dans son cœur, ou

encore de jurer et de se parjurer ...

Une question que nous pouvons nous poser: comment bien lutter? Tous les jours, il

nous faut lutter, ne serait-ce que pour nous lever, ou pour nous coucher selon les

tempéraments; lutter aussi pour ne pas nous laisser aller à ne rien faire, ou encore ne pas nous

laisser aller à médire sur les autres, lutter pour être patient vis-à-vis d'un frère plus lent ou un

autre dont les tics m'énervent ... Comment bien lutter? Parmi les instruments cités, il y en a un

qui est très utile: « ne pas se départir de la charité» ... Si nous luttons, ce n'est pas pour

assouvir un désir de domination sur les autres, ou sur soi-même. Si nous luttons, « in fine »,

c'est afin de mieux aimer. Garder la charité comme but, comme point de mire de notre désir,

nous aidera à bien lutter. Face à un frère qui exacerbe ma patience, garder la charité à son

égard, m'aidera à transformer l'énergie négative que je serai tenté de déverser sur lui, en

énergie positive de compréhension, de douceur et de patience. Ces énergies positives, loin

d'être un aveu de faiblesse, manifestent au contraire une force qui a bien plus de chance

d'influer sur le frère qu'une violence mal contenue. Sur ce sujet, St Jean XXIII a cette belle

confidence dans son Journal: « Je n'ai pas besoin de la manière forte pour maintenir le bon

ordre. La bonté vigilante, patiente et indulgente arrive à ce but bien mieux et plus rapidement

que la rigueur et la cravache. Je ne souffre ni illusions ni doute à ce sujet» (Journal de l'âme,

Cerf 1964, p 447). Oui, nourrissons la force de notre irascible par la douceur et la

détermination, par la vigilance sur soi contre tout laisser aller. La charité en sortira plus forte,

plus constante. - 15.02.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 20-21 Quels sont les instruments des bonnes œuvres écrit le 10 février 2018
Verset(s) :

1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.

Commentaire :

« Se rendre étranger aux actions du monde» ... et « ne rien préférer à l'amour du

Christ », ces deux instruments ne sont pas sans rappeler, comme le note le P. Adalbert, un

couple déjà rencontré, « se renoncer soi-même pour suivre le Christ ». Dans les deux cas,

il y a un aspect négatif de renoncement et un aspect positif de préférence du Christ.S'il y a

dans notre vie une part de renoncement vis-à-vis de nos désirs, comme vis-à-vis de certaines

manières de vivre du monde, c'est à cause d'un amour préférentiel pour le Christ.Sans ce

dernier, nous ne serions que des êtres masochistes ou des êtres en quête d'une pureté qui

voudraient se tenir à distance d'un monde dévoyé. Pour éclairer les instruments, «se rendre

étrangers aux actions du monde, et ne rien préférer à l'amour du Christ », P. Adalbert

suggère une source scripturaire qui apparait en lien avec ce thème dans d'autres textes

monastiques. Il s'agit de 2 Tm 2,4 : «Prends ta part de souffrance en bon soldat du Christ

Jésus. Dans le métier des armes, personne ne s'encombre des affaires de la vie civite, s'il veut

donner satisfaction à qui l'a engagé ». Cette citation montre que le service du Christ, la lutte à

ses côtés pour son règne, demande des choix pour concentrer son effort et donner pleine

satisfaction à Celui que l'on sert. La profonde et vraie raison de notre prise de distance par

rapport à certaines manières de vivre dans le monde, qu'elles soient bonnes ou mauvaises

d'ailleurs, c'est notre désir d'être plus au Christ, plus disponible pour le servir. Nous le

mesurons concrètement dans notre service de l'office liturgique. La prière régulière sept fois

par jour nous oblige à des choix, à ne pas vouloir tout faire comme on le ferait dans le monde.

Notre préférence pour l'office est une expression très concrète de notre préférence pour le

Christ.C'est auprès de Lui que nous nous sentons appelés à être. Avec Lui, par notre prière,

nous sommes unis à son œuvre de salut en train de se réaliser en ce monde. Membre de cette

humanité, nous nous présentons avec elle et pour elle, afin de louer Dieu et d'appeler sur nous

et sur tout homme le don de l'Esprit. Oui, notre distance par rapport à certaines manières du

monde par préférence pour le Christ, en servant le Christ, veut être au service de notre

humanité. - 10.02.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, 10-19 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 01 février 2018
Verset(s) :

10. Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.

11. Châtier le corps,

12. ne pas rechercher les plaisirs,

13. aimer le jeûne.

14. Restaurer les pauvres,

15. vêtir les gens sans habits,

16. visiter les malades,

17. ensevelir les morts,

18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,

19. consoler les affligés.

Commentaire :

Comment aimer Dieu et comment aimer son prochain, comment honorer les deux

commandements posés en tête de ce chapitre 4 ? Le premier instrument entendu nous offre un

programme concret:« se renoncer soi-même pour suivre le Christ ». En effet, s'il y a bien

quelqu'un qui a parfaitement accompli la loi d'amour, c'est le Christ.Le suivre, faire ce qu'il

a fait et vivre comme il a vécu, voilà un chemin assuré pour apprendre à aimer. Comme

l'évangile l'affirme à plusieurs reprises, ce chemin nous engage sur la voie du renoncement à

nous-mêmes, à la suite de notre maitre lui-même ... Plus on regarde le Christ, moins on se

regarde soi-même. Plus on lui fait confiance, moins on cherche l'appui en soi-même, en ses

forces ou qualités. Cette attitude spirituelle ne nous est pas spontanée. Elle demande d'entrée

dans une autre intelligence de notre existence vécue dans le sillage et la proximité de Jésus.

Comme moine, comment concrètement mettre nos pas dans ceux de Jésus, comment vivre le

renoncement à soi pour mieux être à Lui? Je lis les instruments énumérés comme autant de

moyens pour nous mettre en route très concrètement la suite de Jésus. Je les distinguerai en

deux séries, l'une qui intéresse davantage la manière de renoncer à soi-même « châtier le

corps, ne pas rechercher les plaisirs, aimer le jeûne ... », et l'autre qui manifeste un

engagement concret vis-à-vis du Christ reconnu dans les personnes dans le besoin « restaurer

les pauvres, vêtir les gens sans habits, visiter les malades, ensevelir les morts, secourir ceux

qui sont dans l'épreuve, consoler les affligés ». Avec la première série, nous nous sentons

plus ou moins en affinité ... châtier le corps ou aimer le jeûne peut faire peur. .. Que retenir dès

lors? Je crois que ces instruments nous disent qu'il nous faut savoir garder une bonne

distance par rapport aux besoins de notre corps. Si nous nous identifions tellement aux plaisirs

sensoriels du corps, que nous ne pouvons plus nous en passer, nous risquons de nous enfermer

dans une image illusoire de nous-mêmes. L'idée de «jeûne» peut alors s'entendre non pas

comme un refus, mais comme une juste prise de distance, à l'égard de tous les plaisirs

sensoriels. Dans cette prise de distance se joue quelque chose du renoncement à nous-mêmes.

De même dans l'attention aux pauvres, aux affligés, aux malades, à ceux qui sont dans

l'épreuve, non seulement nous renonçons à notre tranquillité, à notre temps, mais nous

entrons dans une intimité avec Jésus qui s'est identifié à chacun de ses petits, comme à ses

frères. Ici, la vie quotidienne nous offre sans que nous ayons à trop chercher, une manière très

concrète de suivre et servir Jésus. Chaque appel à l'aide devient une occasion de suivre Jésus

et de le servir. Accueillons-les dans ce regard de foi. - 01.02.2018