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47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.
48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,
49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.
Voilà des instruments qui ne nous sont pas d'emblée sympathiques, tant ils
apparaissent rudes. En quoi peuvent-ils nous être utiles? Dans leur rudesse, ils nous rendent
assurément le service de nous ancrer dans la réalité. Réalité de la mort, Réalité de notre vie
qui peut se perdre si on n'y prend garde et réalité de Dieu sous le regard duquel nos vies sont
en pleine lumière ... Dans son désir de vivre, l'existence humaine peut avoir tendance à se
griser dans les activités, le travail ou les plaisirs pour oublier la réalité. Assoiffée de vivre, elle
tend à faire reculer les limites et à fuir sa réalité finie qui obscurcit toujours l'horizon. Animé
du même désir de vivre, le croyant se sent appelé à le transformer, en don aux autres et en
abandon dans les mains de Dieu. Sans fuir la réalité finie, il l' assume pour mieux se donner
sans délai. Et le moine? Par sa vie stable en un lieu, sous une règle et un abbé, il adopte une
discipline de vie qui ne laisse pas beaucoup d'échappatoires. Il affronte de face les grandes
questions humaines qui résonnent plus finement dans le silence du cloitre. Sans se dérober, le
moine cherche à tout vivre sous le regard de Dieu, jusqu'à l'ennui parfois, l'angoisse et la
peur. Loin de nous décourager, les instruments entendus veulent nous aider à tenir bon aux
jours plus difficiles. Dans cette vigilance affrontée sans dérobade se trouve une force dont les
pères du désert ont témoigné. Je cite deux apophtegmes: « On demanda à un vieillard:
'pourquoi n'es-tu jamais découragé?'. Et il répondit: 'Parce que chaque jour, je m'attends à
mourir' » (Coll. Syst. XXI, 7 SC 498). Et cet autre: « Un vieillard dit: 'L 'homme qui a la
mort devant les yeux à toute heure vainc la pusillanimité'» (ibid 40). N'est-ce pas un des
fruits secrets de notre vigilance patiente et sans complaisance que de nourrir en nous la force,
et finalement l'espérance? A l'heure d'intenet et des distractions plus faciles, où l'on peut se laisser entraîner a surfer pour fuir la réalité, restons vigilants. Sachons demeurer sous le
regard de Dieu en tout ce que nous vivons. Ne perdons pas le sens de la réalité dans des
distractions illusoires. Dans la réalité humaine assumée, se trouvent une vraie joie et une vraie
force qui viennent de Dieu. Marchant sous son regard, Il nous accompagne fidèlement « pour
traverser mort et douleur» comme nous le chantons et revivons en ce Carême. - 27.02.2018
44. Craindre le jour du jugement,
45. redouter la géhenne,
46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,
« Craindre le jour du Jugement. Redouter la Géhenne. Désirer la vie
éternelle. » Ces 3 instruments doivent être lus ensemble, pour être plus
faciles à comprendre. Si on parle de la crainte, il faut aussi parler du désir.
Crainte et désir sont 2 dynamismes importants de notre vie spirituelle, deux
mots importants dans la Bible. Ils s'appellent et s'éclairent l'un l'autre. Car ici
les 2 mots doivent être compris dans leur sens positif. Craindre le jour du
Jugement, c'est comme craindre Dieu. Désirer la vie éternelle, c'est comme
désirer Dieu. Crainte et désir sont 2 mouvements de l'âme qui peuvent être
ambivalents, et qui ont sans cesse à être purifiés.
On pourrait dire: Pourquoi parler encore de crainte, alors que nous savons
que l'amour chasse la crainte? Mais qui peut prétendre aimer totalement, et
en vérité? Qui peut être si miséricordieux, pour dire avec St jacques que « la
miséricorde se moque du juqernent » ? Qui peut prétendre ne plus être habité
par la peur? La peur des autres, la peur d'être jugé, la peur de Dieu: ce sont
plutôt des mouvements assez spontanés, car ils sont souvent enracinés dans
nos peurs les plus viscérales. Reconnaitre nos peurs, les transformer en
crainte du Seigneur, en cette humble remise de soi à Dieu: c'est une part de
notre travail spirituel. Là où la peur de Dieu et de son Jugement nous
enferme et nous replie sur nous-mêmes, la Crainte de Dieu nous apprend ce
respect, cet accueil confiant de Celui dont le Mystère nous dépassera
toujours, et devant lequel nous sommes si petits.
A propos du désir, on peut dire qu'il y a aussi un labeur spirituel à exercer, une
attention à avoir, sous la conduite de l'Esprit. Le désir de la Vie Eternelle ne
nous est pas si spontané! « La vie éternelle, oui, mais pas trop vite! }) disons-
nous parfois. Notre désir de vivre, d'aimer, doit sans cesse apprendre à se
libérer de ses inclinations trop faciles, trop égoïstes. Nous devons passer de la
volonté infantile de posséder tout, tout de suite, à la maturité adulte qui
patiente et qui sait que tout n'est pas profitable. Le désir de Dieu, animé par
l'Esprit, se creuse en nous, à la mesure de notre liberté par rapport aux autres
convoitises. Dieu, son Amour, le Christ et son Esprit prennent alors plus
d'importance dans notre cœur. Ils prennent leur vraie place.
Pour reprendre l'image de St Paul, si la crainte de Dieu et de son Jugement
peut être notre arme défensive contre les peurs plus profonde enfouies en
nous, le Désir de Dieu, et de la Vie avec Lui, est notre arme offensive, qui
nous oriente vers l'unique but, et à la lumière duquel les autres biens perdent
peu à peu leur éclat, leur attrait -
24/2/18
41. Confier son espoir à Dieu.
42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;
43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.
« Mettre en Dieu son espérance ». Dans la Bible, le langage de l'espérance se
trouve essentiellement dans les Psaumes. Cette prière de ceux qui n'ont plus
rien à attendre des hommes. « Le Seigneur est mon abri, en Lui mon
espérance. » Ps 61/8. Notre rocher, notre bouclier, notre refuge ... Tous ces
noms que les Psaumes donnent au Seigneur.
Pour les Pères, l'espérance est un désir. Elle nait de la conscience de sa
misère, ou de l'expérience du malheur. On a commis une grosse faute: on est
mûr pour l'espérance, car on sent que Dieu seul peut nous sortir de ce
mauvais pas. Le dernier des Instruments de ce chapitre sur l'Art Spirituel
sera: « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. » Car mettre en Dieu
son espérance, c'est l'attitude de la pauvreté spirituelle. C'est croire que
l'avenir appartient à Dieu, même s'il ne correspond pas à mes attentes
humaines. Il n'est pas lié par mes désirs. Mais l'Alliance de Dieu est un
dessein d'amour, et nous avons l'assurance que cet amour ne nous fait jamais
défaut. Même à l'heure de la Croix. « Non pas ce que je veux, mais ce que tu
veux. )
« Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même. »
On pense d'abord au Ps 113 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous,
mais à ton Nom donne la Gloire! » Un verset que Jésus développe tout au
long de sa prière ultime, en Jean 17 : « Père, glorifie ton Nom. » Jésus lui-
même refuse d'être qualifié de BON, dans la mesure où ce serait lui attribuer
une BONTE autre que celle de Dieu, une bonté propre, qui ferait nombre avec
celle du Père. « Un seul est Bon » Mt 19/17. Mais parce que tout ce qui est
au Père est au Fils, l'œuvre du Fils est toute signée de Bonté. « Celui qui
sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme ». Mt 13/37.
Cet instrument nous invite à rendre à Dieu ce qui lui est dû, tout ce qui est bon
dans nos vies. Nous avons le droit, nous avons même le devoir de voir le bien
qui est en nous. Ne pas le voir, ce serait être ingrat! Nous devons voir ce
bien, mais à condition d'y voir la part de Dieu, de le mettre au compte de Dieu.
Car Dieu nous a créés à son image.
« Se reconnaitre toujours comme l'auteur du mal qu'on a fait, et se
l'imputer. » C'est la réponse à l'instrument précédent. La Bible est formelle: le
mal ne peut pas venir de Dieu. « Tes yeux sont trop purs pour voir le Mal », dit
le Prophète Habacuc. « Tu n'es pas un Dieu ami du Mal. Le méchant n'a pas
de place chez toi. L'insolent ne tient pas devant ton regard », chantons-nous
dans les Psaumes.
Et nous, nous savons, comme St Paul, qu'il y a deux lois en nous: « Le bien
que je voudrais faire, le mal que je voudrais éviter. » Rm 7/19. Le mal, en
nous, a déjà été vaincu. Se l'imputer, ce n'est pas d'identifier avec lui. Le
confesser, c'est croire que le Père nous attend toujours, comme le père du fils
prodigue. « Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. » Ps 50/6. Père, je ne suis
pas digne d'être appelé ton enfant. Mais le Père nous attend toujours, et nous
pardonne. - 23/2/18
37. ni ami du sommeil,
38. ni paresseux,
39. ni murmurateur,
« Ni grand dormeur. » Les Pères du Désert ont fait des performances contre le
sommeil. Benoit est plus réaliste. L'idéal de l'orant, c'est la vigilance du cœur. Le
sommeil qu'il faut combattre, c'est cette torpeur intérieure, cette tiédeur de la Foi,
cette recherche de soi. Cette insouciance de l'autre. Et de Dieu. Que le maître, à son
retour nous trouve vigilants. C'est l'une des recommandations du Christ dans
l'Evangile. Il y insiste à plusieurs reprises.
* « Ni paresseux ». On passe facilement de la somnolence à la paresse. « Jusques
à quand, paresseux, resteras-tu couché! » dit le Livre des Proverbes 6/9sq. Ce livre
est sévère contre la paresse. Dans l'Evangile, c'est le reproche fait au serviteur qui a
enfoui son talent, au lieu de le faire fructifier. Benoit, dans sa Règle, traite de la
paresse sous deux formes: D'abord, la négligence. Il en parle 15 fois! Traiter avec
négligence, malpropreté, les outils, les biens du monastère. Ne pas ranger, ne pas
achever son travail. La négligence dans la prière. Etre négligent, c'est choisir ce qui
me plait, et non ce qui est important. La paresse peut aussi s'accommoder d'une
forme de suractivité, de fébrilité: je suis si occupé que je ne peux jamais faire ce qui
m'est demandé, ni rendre un service La deuxième forme est l'acédie : cette espèce
de léthargie qui affecte notre vie spirituelle, qui en casse l'élan. Evagre dit que la
garde de la cellule est un bon remède contre l'acédie : rester, demeurer avec le
Maître. Ne pas chercher ailleurs ce qui me distrait de l'Essentiel.
« Ne pas murmurer. » Benoit combat énergiquement ce ver sournois, qui ronge
l'obéissance, et l'harmonie communautaire. A propos de l'obéissance, il dit: « Elle
sera agréable à Dieu et aux hommes, si l'ordre est exécuté sans murmure, sans
parole de résistance. Si, au contraire, le disciple obéit, mais de mauvais cœur, s'il
murmure, non seulement de bouche, mais dans son cœur, même s'il est exécuté,
son acte ne sera pas agréé par Dieu. » RB 5. Et à propos de l'heure des repas: « Il
appartient à l'Abbé de modérer toutes choses, de telle sorte que les frères
accomplissent leur tâche sans motif légitime de murmurer. » RB 49. Benoit sait quels
dégâts le murmure peut cause dans la vie spirituelle du moine. Il paralyse toutes nos
énergies. Il aveugle notre regard intérieur. Il entraîne une lourdeur, une tristesse. On
peut comparer cette révolte à la pointe d'aiguille qui suffit pour crever un ballon. Le
murmure atteint notre âme et la dégonfle du Souffle de l'Esprit. L'envers du
murmure, ce sera de rebondir dans la louange de Dieu, quoiqu'il arrive. Il faut
distinguer le murmure spontané, qui n'est qu'un gémissement de contrariété, comme
le fils de la parabole, qui grogne et dit non, avant de faire ce qu'on lui demande. Mais
il y a le murmure pernicieux, qui persiste, au sein même de l'obéissance, qui envahit
le silence. On critique. On va de proche en proche, semer l'acidité de nos mauvaises
pensées.
La Bible est là, pour fixer dans nos mémoires ces murmures qui ont paralysé le
peuple dans son Exode. Les murmures au désert: Nous manquons d'eau. Nous
n'avons pas de pain. Toujours la même manne. Où est passé ce Moïse! Et les
murmures autour de Jésus: Qu'est-ce que ce Pain Vivant dont il parle! Et cette chair
à manger! Murmures des ouvriers de la 1ère heure ... Murmures, le plus souvent, pour
des questions de manger et de boire.
C'est vrai aussi pour nous. Et Benoit le condamne sévèrement. Mais il faut noter
aussi le soin qu'il met pour éviter les situations où naissent contestations et
murmures. Souvenons-nous: Dieu aime celui qui donne avec joie. Donnons-lui notre
vie sans murmure, avec joie. - 21/2/18
34. Ne pas être orgueilleux,
35. ni adonné au vin,
36. ni grand mangeur,
Nous voici presque à la moitié de ce chapitre des instruments de l'Art Spirituel. Au
milieu de cette panoplie, Benoit insère 7 recommandations qu'il emprunte en partie
aux conseils donnés par Paul à l'épiscope, dans la Lettre à Tite, 1/7 : « Qu'il ne soit
ni arrogant, ni coléreux, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain malhonnête ».
« Qu'il ne soit pas arrogant. » Dans l'échelle des vices, l'orgueil est le plus grave.
Dans la Règle, Benoit revient souvent à l'attaque contre toute forme de superbe,
d'arrogance. Il est attentif à éviter tout ce qui pourrait porter le frère à s'enorgueillir,
notamment dans l'exercice de la charge qui lui est confiée. Pour lui, on devrait
pouvoir reconnaître le moine dans le Psaume 130 : un homme qui n'a pas le cœur
fier, ni le regard ambitieux.
L'Ecriture est sévère à l'extrême contre l'orgueil: c'est le grand péché. Ben Sirac
dit: « Le commencement de l'orgueil de l'homme, c'est de s'écarter du Seigneur, de
révolter son cœur contre celui qui l'a créé ». il dit encore: « L'orgueil n'est pas fait
pour l'homme. » Si 1 0/12, 18.
Un ancien moine du désert d'Egypte disait: « Je préfère un échec supporté
humblement, à une victoire obtenue avec orgueil. » Et on rapporte ce propos de Ste
Synclétique, une mère du désert: « Il est aussi impossible de se sauver sans
humilité que de construire un navire sans cheville. »
L'humilité est le propre de celui qui aime le Christ par-dessus tout. Si nous voulons
apprendre à aimer, nous devons prier, lutter, pour devenir humbles de cœur. Nous
ne pouvons pas aimer, si nous ne sommes pas décidés à tout faire pour avancer
dans l'humilité.
« Ni adonné au vin, ni gros mangeur ». Le vin et les moines! La Bible dit pourtant
que le bon vin réjouit le cœur de l'homme. Mais au début du monachisme les pères
prônaient une abstinence complète, et Abba Poemen enseignait: « Le vin ne
convient pas du tout aux moines. » Benoit adopte une attitude doublement
évangélique: Aller au pas de chacun, ne pas lier des chaînes trop lourdes. Garder
une grande liberté intérieure, à l'exemple de Jésus, qui a même été traité de buveur,
parce qu'il n'imitait pas Jean le Baptiste et son ascèse rigoureuse.
« Pas gros mangeur» : c'est encore une question de mesure. Un t'" commentaire,
rassurant, se trouve dans la Vie de St Dosithée. Lorsqu'il s'est présenté au
monastère de Gaza, il mangeait 2 kg de pain par jour. Saint Dorothée, son Père
Maître, l'a aidé à domestiquer ses appétits: il est descendu, peu à peu à 200g. Ce
conseil de Benoit n'est pas dans la liste des qualités de l'épiscope, dans la Lettre de
Tite. Mais il vient dans la logique: après le boire, le manger. Ne pas trop manger,
c'est choisir de rester avide d'autre chose. Quel est mon désir? Mon désir le plus
profond. Ce Temps de Carême nous aide à plus de liberté par rapport à la nourriture. - 20/2/18
40. ni médisant.
La médisance: cet interdit de Benoit s'enchaîne avec le murmure. Les écrits
du N.T. sont unanimes à rejeter la médisance comme ruineuse pour la
communauté: « Ne médisez pas les uns des autres, frères. » dit l'épître de
Jacques. Jc 4/11. Et Benoit est aussi exigeant que St Paul, St Jacques, ou St
Pierre. Mais qui ne médit pas? Un ancien moine d'Egypte disait: « Lorsqu'un
frère veut visiter un autre frère, le démon de la médisance le précède, ou
l'accompagne chez ce frère. » Qu'est-ce que la médisance? Les
Apophtegmes la définissent comme: « toute parole qu'on ne peut pas dire en
présence du frère qu'elle concerne. » Elle est le contraire de la correction
fraternelle, telle que Jésus la conçoit dans l'Evangile: Dire d'abord au frère
concerné, en tête à tête, ce que nous avons à lui reprocher. Nous ne pouvons
passer aux stades suivants: devant des témoins, puis devant l'assemblée,
que si le frère n'a pas su nous écouter. Abba Sisoès disait à son disciple
Abraham: « Si tu reçois des visiteurs, si tu les aperçois de loin, mets-toi en
prière et dis: Seigneur Jésus Christ, délivre-nous de la médisance et de
l'insulte, et reconduis-les en paix. » Et voici ce qu'enseignait St Bernard: « La
médisance répand la mort sur son passage. Le médisant est mort, ainsi que
celui qui l'écoute, car la charité les quitte tous les deux. Et souvent, la victime
est mise au courant de cette médisance, de façon exagérée. Blessée, elle
s'irrite, et la charité la quitte aussi. C'est une vraie langue de vipère: d'un
coup, elle tue trois personnes! »
Concrètement, la question se pose souvent à nous: Où s'arrête le mot
d'esprit, où commence la médisance? Il est assez rare d'entendre dans un
monastère des propos franchement médisants, qui osent se dévoiler ainsi, en
pleine lumière. Mais il est plus fréquent d'entendre des paroles qui font rire sur
le dos d'un frère, avec les apparences de l'humour, en faisant une belle
caricature en guise de portrait. Est-ce de la médisance? Qu'en penserait
l'intéressé? Méfions-nous des mots d'esprit qui rient facilement sur le dos des
autres, mais traduisent souvent une incapacité à rire de soi-même.
De la même manière, certaines paroles se présentent comme des paroles de
discernement, en prétendant dire qui est l'autre, ses problèmes ...
Médisance? Le risque est grand. En nous posant comme celui qui sait sur
l'autre, en nous permettant de juger ses problèmes, qui sommes-nous? La
limite n'est pas difficile à franchir pour entrer dans le marécage de la
médisance, où l'on rabaisse facilement l'autre, en prétendant le dominer.
Méfions-nous de ces paroles de jugement sur nos frères: elles sont souvent
des prétextes pour éviter de nous regarder nous-mêmes.
Une bonne façon de progresser dans ce domaine de la médisance, où nous
pouvons si facilement tomber, c'est de nous garder de vouloir trop parler des
autres, de nos frères, des hôtes. Eviter de parler, comme si on était tout censé
savoir. Notre frère, notre voisin, comme toute personne, comme nous-mêmes
reste un mystère. Un beau mystère à respecter et à aimer. Avec tout ce que je
ne connais pas, tout ce qui peut me surprendre et me déranger. Est-ce que je
ne désire pas que les autres m'accueillent et m'aiment de cette façon-là?
- 22/2/18
29. Ne pas rendre le mal pour le mal,
30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,
31. aimer ses ennemis,
32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,
33. souffrir persécution pour la justice.
Les instruments qui sont offerts ce matin sont difficiles à tenir en main tant ils sont
brûlants. Pour les tenir en main, c'est-à-dire pour les garder et les mettre en œuvre, il nous
faut la grâce gui nous fait ressembler au Christ.Aucun homme avant Lui seul n'a ouvert ce
chemin du pardon, de la souffrance patiente et de l'amour des ennemis. « Si tu n'étais pardon
toujours offert, et si ton Christ n'avait pour l 'homme autant souffert... si tu n'étais l'amour au
cœur blessé tel que ton Fils sur une croix nous l'a montré. '. » : chantons-nous durant le
carême ... Oui, face à l'excès du mal, Jésus a répondu par l'excès de l'amour, à travers
l'humble soumission aux injustices qui lui était faites ... Et d'une manière incroyable, il nous
invite à faire comme lui. Maints passages de l'évangile se font l'écho de cet appel. Hier, nous
entendions: « Celui qui marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa
croix chaque jour et qu'il me suive ». La croix de Jésus a atteint son paroxysme dans la
souffrance et l'humiliation subie. Notre croix prise chaque jour va consister entre autre à
supporter les épines d'incompréhension voire d'humiliation avec amour, sans rancœur, ni
désir de vengeance. Et nous savons que cette attitude ne nous est pas spontanée. St Paul
avertissait déjà les Corinthiens à ce sujet: « C'est déjà un échec pour vous d'avoir des litiges
entre vous. Pourquoi ne pas supporter plutôt l'injustice? Pourquoi ne pas plutôt vous laisser
dépouiller? Au contraire, c'est vous qui commettez l'injustice et qui dépouillez les autres et
cela vous le faites à des frères! » (1 Co 6, 7-8) Comment grandir dans cette disposition
profondément chrétienne où l'on bénit lorsqu'on nous maudit et l'on aime ses ennemis? Il
n'y a certainement pas de recette, mais une grâce à demander.Demander la grâce de liberté
intérieure par rapport à l'image que l'on a de soi, image malmenée lorsqu'un conflit éclate.
Demander la grâce de l'humilité pour reconnaitre que je suis moi aussi capable des injustices
qui me sont faites, faible et pécheur que je suis. Notre désir de suivre le Christ ne va-t-il pas
jusque-là: dans cette vigilance du cœur qui se tourne vers le Christ pour apprendre et recevoir
de lui, la grâce d'irradier l'amour, sous les coups du non-amour. Isaac le Syrien, entendu aux
vigiles, disait: « A cause de son amour pour nous et par obéissance à son Père, le Christ a
accepté joyeusement les insultes et la détresse ... De la même façon, lorsque les saints
deviennent parfaits, ils atteignent cette même perfection et ainsi, en déversant abondamment
leur amour et leur compassion sur tous les hommes, ils ressemblent à Dieu». - 16.02.2018
22. Ne pas accomplir l'acte qu'inspire la colère,
23. ne pas réserver un temps pour le courroux.
24. Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur,
25. ne pas donner une paix mensongère,
26. ne pas se départir de la charité.
27. Ne pas jurer, de peur de se parjurer,
Les instruments que nous venons d'entendre regardent tous plus ou moins ce que les
Pères appelleraient la gestion de l'irascible. L'irascible, le mot vient de ira-colère, est cette
dimension bonne de l'âme qui en nous est faite pour lutter, lutter pour la vie, lutter contre le
péché, lutter contre le mal. C'est la part combative de notre personne ... Part bien nécessaire
pour faire face à la réalité et ne pas se laisser abattre par les adversités de toutes sortes. Notre
part irascible est sans cesse en recherche de son équilibre. Soit elle est dans l'excès
désordonné: cela conduit à la colère, ou encore à la vengeance ou au courroux qu'on réserve
pour un temps dont parle l'instrument ... Soit notre irascible est trop faible, et cela conduit au
découragement, à une forme de dépression, voire à la lâcheté et à toutes ces expressions
comme le fait de donner une paix mensongère, ou d'entretenir la tromperie dans son cœur, ou
encore de jurer et de se parjurer ...
Une question que nous pouvons nous poser: comment bien lutter? Tous les jours, il
nous faut lutter, ne serait-ce que pour nous lever, ou pour nous coucher selon les
tempéraments; lutter aussi pour ne pas nous laisser aller à ne rien faire, ou encore ne pas nous
laisser aller à médire sur les autres, lutter pour être patient vis-à-vis d'un frère plus lent ou un
autre dont les tics m'énervent ... Comment bien lutter? Parmi les instruments cités, il y en a un
qui est très utile: « ne pas se départir de la charité» ... Si nous luttons, ce n'est pas pour
assouvir un désir de domination sur les autres, ou sur soi-même. Si nous luttons, « in fine »,
c'est afin de mieux aimer. Garder la charité comme but, comme point de mire de notre désir,
nous aidera à bien lutter. Face à un frère qui exacerbe ma patience, garder la charité à son
égard, m'aidera à transformer l'énergie négative que je serai tenté de déverser sur lui, en
énergie positive de compréhension, de douceur et de patience. Ces énergies positives, loin
d'être un aveu de faiblesse, manifestent au contraire une force qui a bien plus de chance
d'influer sur le frère qu'une violence mal contenue. Sur ce sujet, St Jean XXIII a cette belle
confidence dans son Journal: « Je n'ai pas besoin de la manière forte pour maintenir le bon
ordre. La bonté vigilante, patiente et indulgente arrive à ce but bien mieux et plus rapidement
que la rigueur et la cravache. Je ne souffre ni illusions ni doute à ce sujet» (Journal de l'âme,
Cerf 1964, p 447). Oui, nourrissons la force de notre irascible par la douceur et la
détermination, par la vigilance sur soi contre tout laisser aller. La charité en sortira plus forte,
plus constante. - 15.02.2018
1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.
« Se rendre étranger aux actions du monde» ... et « ne rien préférer à l'amour du
Christ », ces deux instruments ne sont pas sans rappeler, comme le note le P. Adalbert, un
couple déjà rencontré, « se renoncer soi-même pour suivre le Christ ». Dans les deux cas,
il y a un aspect négatif de renoncement et un aspect positif de préférence du Christ.S'il y a
dans notre vie une part de renoncement vis-à-vis de nos désirs, comme vis-à-vis de certaines
manières de vivre du monde, c'est à cause d'un amour préférentiel pour le Christ.Sans ce
dernier, nous ne serions que des êtres masochistes ou des êtres en quête d'une pureté qui
voudraient se tenir à distance d'un monde dévoyé. Pour éclairer les instruments, «se rendre
étrangers aux actions du monde, et ne rien préférer à l'amour du Christ », P. Adalbert
suggère une source scripturaire qui apparait en lien avec ce thème dans d'autres textes
monastiques. Il s'agit de 2 Tm 2,4 : «Prends ta part de souffrance en bon soldat du Christ
Jésus. Dans le métier des armes, personne ne s'encombre des affaires de la vie civite, s'il veut
donner satisfaction à qui l'a engagé ». Cette citation montre que le service du Christ, la lutte à
ses côtés pour son règne, demande des choix pour concentrer son effort et donner pleine
satisfaction à Celui que l'on sert. La profonde et vraie raison de notre prise de distance par
rapport à certaines manières de vivre dans le monde, qu'elles soient bonnes ou mauvaises
d'ailleurs, c'est notre désir d'être plus au Christ, plus disponible pour le servir. Nous le
mesurons concrètement dans notre service de l'office liturgique. La prière régulière sept fois
par jour nous oblige à des choix, à ne pas vouloir tout faire comme on le ferait dans le monde.
Notre préférence pour l'office est une expression très concrète de notre préférence pour le
Christ.C'est auprès de Lui que nous nous sentons appelés à être. Avec Lui, par notre prière,
nous sommes unis à son œuvre de salut en train de se réaliser en ce monde. Membre de cette
humanité, nous nous présentons avec elle et pour elle, afin de louer Dieu et d'appeler sur nous
et sur tout homme le don de l'Esprit. Oui, notre distance par rapport à certaines manières du
monde par préférence pour le Christ, en servant le Christ, veut être au service de notre
humanité. - 10.02.2018
10. Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.
11. Châtier le corps,
12. ne pas rechercher les plaisirs,
13. aimer le jeûne.
14. Restaurer les pauvres,
15. vêtir les gens sans habits,
16. visiter les malades,
17. ensevelir les morts,
18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,
19. consoler les affligés.
Comment aimer Dieu et comment aimer son prochain, comment honorer les deux
commandements posés en tête de ce chapitre 4 ? Le premier instrument entendu nous offre un
programme concret:« se renoncer soi-même pour suivre le Christ ». En effet, s'il y a bien
quelqu'un qui a parfaitement accompli la loi d'amour, c'est le Christ.Le suivre, faire ce qu'il
a fait et vivre comme il a vécu, voilà un chemin assuré pour apprendre à aimer. Comme
l'évangile l'affirme à plusieurs reprises, ce chemin nous engage sur la voie du renoncement à
nous-mêmes, à la suite de notre maitre lui-même ... Plus on regarde le Christ, moins on se
regarde soi-même. Plus on lui fait confiance, moins on cherche l'appui en soi-même, en ses
forces ou qualités. Cette attitude spirituelle ne nous est pas spontanée. Elle demande d'entrée
dans une autre intelligence de notre existence vécue dans le sillage et la proximité de Jésus.
Comme moine, comment concrètement mettre nos pas dans ceux de Jésus, comment vivre le
renoncement à soi pour mieux être à Lui? Je lis les instruments énumérés comme autant de
moyens pour nous mettre en route très concrètement la suite de Jésus. Je les distinguerai en
deux séries, l'une qui intéresse davantage la manière de renoncer à soi-même « châtier le
corps, ne pas rechercher les plaisirs, aimer le jeûne ... », et l'autre qui manifeste un
engagement concret vis-à-vis du Christ reconnu dans les personnes dans le besoin « restaurer
les pauvres, vêtir les gens sans habits, visiter les malades, ensevelir les morts, secourir ceux
qui sont dans l'épreuve, consoler les affligés ». Avec la première série, nous nous sentons
plus ou moins en affinité ... châtier le corps ou aimer le jeûne peut faire peur. .. Que retenir dès
lors? Je crois que ces instruments nous disent qu'il nous faut savoir garder une bonne
distance par rapport aux besoins de notre corps. Si nous nous identifions tellement aux plaisirs
sensoriels du corps, que nous ne pouvons plus nous en passer, nous risquons de nous enfermer
dans une image illusoire de nous-mêmes. L'idée de «jeûne» peut alors s'entendre non pas
comme un refus, mais comme une juste prise de distance, à l'égard de tous les plaisirs
sensoriels. Dans cette prise de distance se joue quelque chose du renoncement à nous-mêmes.
De même dans l'attention aux pauvres, aux affligés, aux malades, à ceux qui sont dans
l'épreuve, non seulement nous renonçons à notre tranquillité, à notre temps, mais nous
entrons dans une intimité avec Jésus qui s'est identifié à chacun de ses petits, comme à ses
frères. Ici, la vie quotidienne nous offre sans que nous ayons à trop chercher, une manière très
concrète de suivre et servir Jésus. Chaque appel à l'aide devient une occasion de suivre Jésus
et de le servir. Accueillons-les dans ce regard de foi. - 01.02.2018