vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21 v 01-07 Des doyens du monastère écrit le 28 novembre 2018
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Il serait sûrement intéressant de faire l 'histoire de la manière avec laquelle la fonction

des doyens a évolué dans le temps. A travers elle, on découvrirait beaucoup de façons de vivre

l'équilibre des relations et des pouvoirs dans la communauté monastique. Entre le temps de la

RB et le nôtre, quel chemin parcouru! La notion de partage de la charge de l'abbé envisagée

par Benoit n'est pas exactement la même que celle que nous vivons aujourd'hui. Pour Benoit,

les doyens à la tête d'une décanie (une dizaine de frères) partagent en quelque sorte l'autorité

de l'abbé. Ils veillent sur les frères afin que chaque décanie vive « selon les commandements

de Dieu et les ordres de leur abbé ». Aujourd'hui les doyens partagent la charge de l'abbé en

prenant part à sa réflexion et à certaines décisions sur les orientations et la marche de la

communauté. Le conseil est un lieu d'échange. L'abbé peut prendre alors la mesure de ce que

les frères en communauté vivent et de ce que l'ensemble cherche et désire vivre. Si une qualité

importante est requise de la part de doyens, c'est d'être à l'écoute de la communauté pour

chercher avec elle la volonté du Seigneur sur elle. Ecouter avec ce que l'on est, mais aussi avec

ce que les autres sont. Il y a toujours une part de décentrement à vivre. Etre soi-même, mais

aussi avec les autres.

Dans la session Ananie que je viens de vivre à Bellefontaine, on s'est arrêté sur cette

question: qu'est ce faire la volonté de Dieu? Est-on sûr de faire la volonté de Dieu? Peut-on

la connaitre vraiment? On en concluait que nous ne connaissons jamais de manière sûre la

volonté de Dieu. L'important est de toujours la chercher et dans le cas présent de la chercher

ensemble. Les Ecritures, la tradition de l'Eglise comme la tradition propre d'une communauté

offrent des repères. Mais face à des questions nouvelles, la vie nous entrai ne à chercher la

volonté de Dieu à travers de nouvelles réponses concrètes. Dans notre échange avec les

ananistes, nous disions que certainement chercher à faire la volonté de Dieu avait à voir avec

vivre en sa Présence, par la prière, mais aussi par la vie de charité dont les fruits de paix, de

justice et de vérité ne trompent pas. Pour les doyens, comme pour la communauté, chercher

avec l'abbé à faire la volonté de Dieu, nous renvoie tous à cultiver notre propre manière d'être

présent à Dieu et aux autres. Ensemble, nous cherchons à vivre sous son regard, dans la paix,

lajustice et la vérité ... Nous voudrions ne pas déroger à cette ligne de conduite. Ensemble, nous

nous y entraidons par une prise de parole responsable, par une écoute humble du point de vue

de l'autre, par un consentement à une décision qui se dégage, pour marcher toujours avec... - 28 novembre 2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 20 v 01-05 De la révérence dans la prière. écrit le 24 novembre 2018
Verset(s) :

1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,

2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !

3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.

4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.

5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.

Commentaire :

L'humilité est l'un des éléments importants de la prière. Comme elle nous aide

aussi dans la vie fraternelle. Deux fois, au début de ce chapitre sur notre

attitude à l'Office Divin, St Benoit insiste sur ce point: « avec humilité et

déférence », « en toute humilité ». L'humilité est la condition de la véritable

prière, de la prière qui touche le cœur de Dieu.

Mais quelle est cette humilité qui trouve le chemin du cœur de Dieu? St

Benoit, pour nous l'expliquer, prend une comparaison: « Quand on veut

demander quelque chose à des puissants, on le fait avec humilité et

déférence ». L'humilité est donc liée à une juste appréciation de notre

situation, elle dépend de notre lucidité sur nous-même. C'est ce qui la

distingue radicalement de l'arrogance, de l'orgueil, qui nous rendent

incapables de regarder la réalité. L'orgueilleux et l'arrogant se mettent au

centre de tout. Ils ne voient les choses qu'à travers eux-mêmes.

L'humilité est donc cette prise de conscience de la grandeur de Dieu. Du

mystère que représente toute personne. Pour St Benoit, cette expérience du

mystère de Dieu conduit au silence. C'est ce que dit le verset 3 : « Ce n'est

pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur, et par les

larmes de la componction que nous serons exaucés. » L'orgueil est bavard.

Intérieurement et extérieurement, il fait beaucoup de bruit. L'humilité, au

contraire, creuse le silence intérieur. Elle nous permet de trouver notre juste

place.

Nous avons tous du mal à être lucides sur nous-même. A trouver notre juste

place. A accepter les dons des autres, ainsi que leur mystère. Souvent, nous

nous sentons diminués, quand un autre est mis en valeur, choisi pour telle

fonction, ou élu par la communauté. Comme si ce qui lui est donné nous était

retiré! Ce que nous ressentons à l'égard de notre frère est le reflet de notre

perception de Dieu. Nous le voyons comme un rival. Comme le dit Ste

Thérèse d'Avila, nous avons du mal à accepter que Dieu soit Dieu, et nous-

mêmes des créatures.

Dans ce cas, la prière devient une manière de forcer la main de Dieu, pour

obtenir ce que nous voulons. Mais la prière est bien autre chose. Elle ne

devient réellement prière que lorsqu'elle s'approche de la prière de Jésus:

« Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Jésus, lui qui est « doux et

humble de cœur », nous montre la voie de la véritable humilité. Il aime le

Père, parce qu'II se sait Fils. L'humilité suppose cette conscience aiguë de

notre identité la plus profonde, de notre dignité de fils, dans le Fils. - 24 novembre 2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 19 v 01-06 De la tenue pendant la psalmodie. écrit le 23 novembre 2018
Verset(s) :

1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »

2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.

3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;

4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;

5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »

6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,

Commentaire :

« Vivre en présence de Dieu ». C'est le premier degré de l'humilité.

St Benoit le transpose ici, dans le contexte très concret de l'Office

Divin. Cette présence se traduit par notre attitude extérieure, mais

surtout par notre attitude intérieure. C'est ce que confirme le

dernier verset de ce chapitre: « En psalmodiant, soyons tels que

notre esprit concorde avec notre voix».

Vivre en présence de Dieu, vivre sous le regard de Dieu: c'est le

but de notre vie, c'est notre idéal. Mais cela pourrait devenir un

cauchemar, si nous imaginons ce regard, posé jour et nuit sur

notre existence, comme Victor Hugo l'imagine: « L'œil était dans

la tombe, et regardait Caïn».

La tradition monastique ne considère pas du tout le regard de Dieu

de cette façon. Le regard de Dieu n'est ni accusateur, ni indécent.

Pour nos pères dans la vie monastique, le regard de Dieu, c'est le

regard de Jésus, tels qu'il nous est donné de le connaitre à travers

les Evangiles. C'est vrai, parfois ce regard est rempli de colère, à

l'égard de l'hypocrisie des pharisiens. Mais c'est surtout un regard

d'amour. Quand il se pose sur le jeune homme riche. Ou quand ce

regard fait descendre Zachée de son arbre. Ou encore quand il

relève la pécheresse, alors qu'elle ploie sous le regard de ses

accusateurs.

Le regard de Jésus, dans les Evangiles, c'est un regard qui relève,

qui remet debout, qui guérit, qui apaise. Et quand il se fait plus

incisif et exigeant, c'est pour sauver de l'aveuglement celui qu'il

touche. Le regard de Dieu est un regard qui nous libère, et qui

nous sauve.

Vivre sous le regard de Dieu, vivre en présence de Dieu, c'est

retrouver notre unité intérieure. Dans cette reconstruction

spirituelle, la prière, spécialement la prière des Psaumes, joue un

rôle essentiel. Au fur et à mesure que nous progressons, cette

parole de Dieu que sont les Psaumes, devient nôtre. Elle habite

notre cœur. Elle nous transforme. Nous devenons fils de Dieu. - 23 novembre 2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 18 v 19-25 Dans quel ordre dire les Psaumes. écrit le 22 novembre 2018
Verset(s) :

19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.

20. L'ordonnance de la psalmodie du jour étant ainsi organisée, tous les autres psaumes qui restent seront répartis également entre les vigiles des sept nuits,

21. en partageant ceux d'entre ces psaumes qui sont plus longs, et en en mettant douze à chaque nuit.

22. Par dessus tout, nous donnons cet avertissement : si quelqu'un n'aime pas cette distribution des psaumes, qu'il établisse une autre ordonnance, s'il la juge meilleure,

23. pourvu qu'il maintienne absolument la psalmodie intégrale des cent cinquante psaumes du psautier chaque semaine et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche,

24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,

25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !

Commentaire :

Pour caractériser le contraste entre l'esprit des anciens moines et

le nôtre, St Benoit utilise un vocabulaire imagé. Il nous dit que ces

anciens accomplissaient le service du Seigneur vivement, avec

entrain, avec hardiesse. Nous, par contre, nous le faisons parfois

avec paresse, inertie, négligence, quand nous sommes tièdes!

Voilà pour la constatation des faits, mais comment faire pour en

sortir? Y a-t-il un remède pour échapper à cette tiédeur qui parfois

nous accable et nous laisse sans force? Un jour ou l'autre, chacun

de nous se trouve confronté à ce ramollissement du désir, qui rend

pénible tout ce qui nous est demandé. Et nous risquons alors de

nous trouver mille bonnes raisons pour nous excuser.

Il convient d'abord de remettre les choses à leur juste place. Cette

tentation est normale. Elle est le signe d'un véritable progrès

spirituel: Dieu ronge notre désir de Lui. Et nous voilà « comme une

bête », comme le dit le PS 72. Mais le psalmiste ajoute: « Je ne le

savais pas, mais j'étais avec toi ». Le même Psaume dit encore:

« Ma chair et mon cœur sont usés, mais ma part, le roc de mon

cœur, c'est Dieu pour toujours» PS 72.

Si Dieu permet cette usure, c'est pour que nous fassions

l'expérience du Roc. Et pour faire cette expérience, il faut durer.

Alors que nous serions tentés de nous laisser aller, d'abandonner

telle ou telle de nos observances, laisser la lectio, l'oraison, nous

dispenser de tel office ... St Ignace de Loyola nous rappelle ceci:

en période de désolation, ne rien changer de nos habitudes de

prière. C'est au contraire très important de tout faire, de ne rien

laisser de côté. Dans le désert, c'est une question de vie ou de

mort.

Dieu veut nous conduire, par delà le désert, par delà les périodes

de désolation, au-delà du sensible, vers le Roc de notre Foi,

Jésus, le Christ. - 22 novembre 2018

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 18 v 12-19 En quel ordre faut-il dire les psaumes écrit le 21 novembre 2018
Verset(s) :

12. Les vêpres seront chantées chaque jour en modulant quatre psaumes.

13. Ces psaumes commenceront au cent-neuvième et ils iront jusqu'au cent-quarante-septième,

14. excepté ceux d'entre eux qui sont réservés à d'autres heures, c'est-à-dire depuis le cent-dix-septième jusqu'au cent-vingt-septième, ainsi que le cent-trente-troisième et le cent-quarante-deuxième ;

15. tous ceux qui restent sont à dire aux vêpres.

16. Et comme il manque trois psaumes, on divisera ceux qui, dans la série susdite, sont plus importants, c’est-à-dire le cent-trente-huitième et le cent-quarante-troisième et le cent-quarante-quatrième.

17. Quant au cent-seizième, comme il est petit, on le joindra au cent-quinzième.

18. L'ordonnance des psaumes de vêpres étant ainsi disposée, le reste, c'est-à-dire la leçon, le répons, l'hymne, le verset et le cantique, sera exécuté comme nous l'avons prescrit plus haut.

19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.

Commentaire :

Un petit mot, au début de ce passage de la Règle, exprime l'une

des caractéristiques essentielles de la prière monastique:

« quotidie », chaque jour.

Notre prière se caractérise par cette répétition. Elle peut faire

peur: nous sommes plus sensibles, parfois, au côté spontané de

la prière. St Benoit, lui, a préféré structurer notre prière, lui donner

un rythme.

C'est que la Règle de St Benoit aime les rythmes réguliers, qui font

ressembler la journée, la semaine, l'année du moine, à une espèce

de grande respiration, avec l'inspiration et l'expiration. Ou encore à

un grand cœur qui bat, et scande le rythme de la journée.

L'expérience de la prière monastique est donc l'assimilation de

cette grande respiration du temps monastique, elle est faite de

l'alternance régulière des offices, et des intervalles. De notre prière

chorale, et de la prière silencieuse.

Ce grand battement, qui anime la journée monastique, doit

devenir, peu à peu, avec le temps, la grande respiration de notre

existence. L'enjeu est de taille, car ce rythme apaisé doit se

substituer, au fil des jours, au rythme trépidant qui nous a fait courir

autrefois. Il s'agit d'une véritable révolution dans la mesure du

temps. Pour passer au temps pour Dieu, au temps de Dieu.

Entrer dans ce rythme apaisé de la vie monastique ne signifie pas

se laisser porter par la routine. Au contraire, il s'agit de vivre le plus

pleinement possible ces moments réguliers qui se succèdent dans

nos journées. Et nous faisons tous cette expérience: les paroles

des Psaumes, que nous chantons depuis si longtemps, pour

certains d'entre nous, dès que nous leur sommes attentifs,

réveillent notre désir de servir Dieu, de l'aimer. Soyons vivants

aujourd'hui, pour Dieu et pour le monde.- 21 novembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v01-11 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 17 novembre 2018
Verset(s) :

1. Tout d'abord, on dira le verset « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider », gloria ; puis l'hymne de chaque heure.

2. Ensuite à l'heure de prime, le dimanche, on dira quatre sections du psaume cent-dix-huit.

3. Aux autres heures, à savoir tierce, sexte et none, on dira chaque fois trois sections du susdit psaume cent-dix-huit.

4. A prime de la seconde férie, on dira trois psaumes, à savoir le premier, le deuxième et le sixième.

5. Et ainsi, chaque jour à prime jusqu'au dimanche, on dira à la suite trois psaumes chaque fois jusqu'au psaume dix-neuf, en divisant en deux les psaumes neuf et dix-sept.

6. De la sorte, on commencera toujours par le vingtième aux vigiles du dimanche.

7. A tierce, sexte et none de la seconde férie, on dira les neuf sections qui restent du psaume cent-dix-huit, à raison de trois à chacune de ces mêmes heures.

8. Ayant donc achevé le psaume cent-dix-huit en deux jours, à savoir le dimanche et la seconde férie,

9. à la troisième férie on psalmodiera à tierce, sexte et none trois psaumes chaque fois, depuis le cent-dix-neuvième jusqu'au cent-vingt-septième, c'est-à-dire neuf psaumes.

10. Ces psaumes seront toujours répétés identiquement jusqu'au dimanche à ces mêmes heures, en gardant tous les jours également une disposition uniforme pour les hymnes, leçons et versets,

11. et ainsi l'on commencera toujours le dimanche par le psaume cent-dix-huit.

Commentaire :

Ce chapitre expose la distribution des psaumes proposée par Benoit pour les heures non encore pourvues. Je voudrais m'arrêter sur un aspect de notre prière des psaumes. Comment

faire nôtre les différentes mentions des ennemis que nous rencontrons presqu'à chaque

psaume? Nous venons de chanter avec le Ps 142,3-4: «L'ennemi cherche ma perte,il foule

au sol ma vie; il me fait habiter les ténèbres avec les morts de jadis. Le souffle en moi s'épuise,

mon cœur au fond de moi s'épouvante. » ... Qui est cet ennemi? Parfois, il s'agit d'ennemis au

pluriel, parfois « d'adversaires », ou des « impies» ou de ceux qui me poursuivent, comme hier

avec le Ps 141,7. Dans bien des psaumes, cet ennemi a une figure humaine précise qui fait

souffrir le psalmiste. Ainsi en va-t-il aussi pour nous dans certains conflits qui peuvent nous

faire apparaitre l'autre comme un ennemi. Nous faisons alors monter vers Dieu notre désir de

justice. Relus dans la lumière du Christ, ces psaumes nous replongent dans le drame qui a

traversé toute sa vie terrestre jusqu'au paroxysme de la.mort. Jésus a dû affronter l'hostilité de

beaucoup. Sa manière à lui de dire « sur la tête de ceux qui m'encerclent, que retombe le poids

de leurs injures! Que des braises pleuvent sur eux» (Ps 139, 10-11) comme nous le chantions

avec le psalmiste hier soir, a été de faire pleuvoir sur eux les braises de son amour et de son

pardon ... Lire les versets contre les ennemis dans la lumière du Christ nous entraine d'emblée

à sa suite à élargir notre cœuraux dimensions du sien. Mais de façon plus habituelle, nous

pouvons prier ces psaumes de lutte contre l'ennemi ou les ennemis, comme un support pour

notre propre lutte contre les ennemis de notre coeur.« Ceux qui pourchassent mon âme, qu'ils

descendent aux profondeurs de la terre» (Ps 62, 10) prierons-nous demain matin. Notre vie

quotidienne nous donne de rencontrer abondamment ces ennemis intérieurs, toutes ces pensées

obscures, plus ou moins troublantes. Pensée de rancune et de colère contre un frère, pensée

d'avidité de toute sorte (nourriture, sexe, désirs de posséder etc ... ), pensée de tristesse de repli

sur soi ou de souci envahissant, pensée d'ambition ou de suffisance, finalement d'orgueil. ..

Parfois durant la prière, ces pensées viennent nous faire la guerre. Elles se révèlent alors les

véritables ennemis de notre paix intérieure et de notre disponibilité à faire la volonté de Dieu.

Non seulement la plupart du temps, elles se révèlent vaines et sans fondement, mais elles

peuvent nous défigurer en nous faisant faire ce que nous regretterons plus tard. Oui, avec le

psalmiste, nous pouvons alors demander à Dieu contre ces ennemis: « arrache-moi aux griffes

du chien; sauve-moi de la gueule du lion» (Ps 21, 21). - 17 novembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 17 v 01-10 Combien de psaumes faut-il chanter à ces mêmes heures? écrit le 16 novembre 2018
Verset(s) :

1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.

2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,

3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.

4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.

5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.

6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.

7. Pour la synaxe vespérale, on se bornera à quatre psaumes avec antiennes.

8. Après ces psaumes, on récitera la leçon, puis le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.

9. Pour les complies, on se bornera à dire trois psaumes. Ces psaumes seront dits directement, sans antiennes.

10. Après quoi l'hymne de cette même heure, une leçon, le verset, Kyrie eleison , et par la bénédiction se fera le renvoi.

Commentaire :

Je voudrais m'arrêter sur un détail de ce chapitre: «on dira trois psaumes séparément

et non sous un seul gloria». J'entends ici une invitation à mettre une pause entre nos

psaumes, à ne pas les enfiler comme des perles. Quelle est la motivation de St Benoit? Il ne la

précise pas. La RM dont il s'inspire nous permet de la pressentir quand elle dit en 33, 42-44 :

« En tout temps, hiver comme été, de jour comme de nuit ainsi qu'aux vigiles, il faut se garder

en psalmodiant de jumeler les psaumes .... On doit au contraire les achever tous l'un après

l'autre avec le gloria,de façon à ne pas perdre les oraisons qui sont à faire entre eux et à ne

pas nous donner l'air de retirer leurs gloriaà la louange de Dieu, en étant obligés, pour

raccourcir,de mettre négligemment les psaumes bout à bout ... » Le Maitre nous donne deux

motivations: ne pas perdre les oraisons qui sont à faire entre les psaumes et, pour ne pas

raccourcir, ne pas retirer leur gloria à la louange de Dieu. Selon cette dernière motivation,

chaque psaume veut être une louange à Dieu, la louange de l'Eglise et de l'humanité envers

son Créateur et Sauveur. Même si le psalmiste exprime sa détresse ou sa souffrance, la

confiance qui nous tourne vers Dieu est déjà louange à sa gloi~e. Aussi le fait de conclure

chaque psaume par un gloria vient-il couronner cette louange par la confession trinitaire qui

en est comme l'expression la plus haute. Chaque gloria vient en effet manifester la gloire de

notre Dieu Père source et créateur de tout, Fils sauveur de tous, et Esprit sanctificateur de

tous. Quant à la première motivation: ne pas perdre les oraisons qui sont à faire entre les

psaumes, celle-ci nous renvoie à une pratique ancienne. Celle-ci consistait en ce que chaque

psaume soit suivi d'un temps de silence, souvent sous le mode d'une prosternation, pour

permettre une rapide oraison qui exprime la réponse personnelle de chacun au psaume récité

en commun. Laisser un temps entre chaque psaume permettait à chacun de s'approprier le

psaume par une réponse plus personnelle. Que retenir pour nous? Qu'il nous faut honorer et

garder en grande estime la doxologie finale après chaque psaume qui reste comme le sommet

de l'expression de la louange chrétienne. Aussi je me demande si nous ne devrions pas revoir

notre pratique actuelle de certains psaumes chantés en choral sans gloria. Affirmer notre foi

trinitaire n'est pas un luxe aujourd'hui. Deuxièmement, veillons à garder ces petits intermèdes

de silence entre les psaumes. Je pense aux vigiles où certains solistes ou responsoriaux ont

tendance à les manger, ou bien aux laudes où ils ont tendance à se raccourcir.Le rythme

donné par f. Hubert aux vigiles me semble tout à fait ajusté. Ces silences veulent nous

apprendre à laisser résonner dans notre cœur tel mot ou à laisser monter comme en écho notre

consentement profond... - 16 novembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 16, 01-05 Comment célébrer les divins offices dans la journée écrit le 15 novembre 2018
Verset(s) :

1. Comme dit le prophète : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

2. Ce nombre sacré de sept, nous le réaliserons en nous acquittant des devoirs de notre service au moment du matin, de prime, de tierce, de sexte, de none, de vêpres et de complies,

3. car c'est de ces heures du jour qu'il a dit : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

4. Quant aux vigiles nocturnes, le même prophète dit à leur sujet : « ;Au milieu de la nuit, je me levais pour te rendre grâce. »

5. C'est donc à ces moments que nous ferons monter nos louanges vers notre créateur « pour les jugements de sa justice » : à matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies ; et la nuit, « nous nous lèverons pour lui rendre grâce ».

Commentaire :

« Comment célébrer les divins offices dans la journée» se propose de répondre Benoit

en ce chapitre. En poursuivant ce que je disais hier, j'aurai envie de transcrire: « comment

poursuivre la conversation avec Dieu durant la journée et la nuit?» St Benoit s'attache surtout

à déterminer la régularité des heures de la prière, qui scandent le jour pratiquement toutes les

trois heures, auxquelles s'ajoute l'heure des vigiles. Pour justifier son choix de 8 temps de

prière, il s'appuie sur deux versets du Ps 118, 62 et 164 où le psalmiste parle de sa prière la nuit

et 7 fois le jour. Ces deux versets ont en commun de nous donner le motif du culte rendu à

Dieu: célébrer par la louange et l'action de grâce « les jugements de sa justice», ou selon notre

traduction actuelle « ses justes décisions ». Le psalmiste désire rendre grâce et louer Dieu parce

que tout ce qu'il fait et ordonne est juste. « D'un cœur droit, je pourrai te rendre grâce, instruit

de tes justes décisions» (7). Il le fait même au temps de l'épreuve:« Seigneur, je le sais tes

décisions sont justes, tu es fidèle quand tu m'éprouves» (75). Car grande est sa confiance en la

valeur des décisions de Dieu: « le fondement de ta parole est vérité; éternelles sont tes justes

décisions» (160).

Il est heureux que St Benoit pense notre prière liturgique comme la célébration des

« justes décisions de Dieu» ou « des jugements de sa justice ». Notre conversation avec lui, le

jour la nuit devient un échange dans lequel nous nous laissons d'abord instruire par les justes

décisions de Dieu sur notre monde et sur notre histoire humaine, pour ensuite nous en

émerveiller.A travers les psaumes qui résument toutes les situations humaines, nous

accueillons, et la quête des hommes et le sens recueilli par les générations de nos pères dans la

foi : même au travers de la souffrance, des difficultés de toute sorte, du péché et des trahisons,

Dieu inlassablement conduit son peuple. Toujours il propose son alliance et sa parole comme

une lumière pour éclairer la route et ouvrir une espérance. Nous faisons nôtre la foi du psalmiste

que Dieu est avec nous et qu'il ordonne toute chose à notre bien, même l'épreuve. En tenant

cette conversation nuit et jour en ce début du 21°s, nous portons les cris des hommes

d'aujourd'hui en écho à ceux d'hier et nous exprimons notre confiance à Dieu. Oui, « ses

décisions sont justes» qu'elles que soient les apparences. Le fondement de sa parole est vérité,

éternelles sont ses justes décisions. Pour nous-mêmes, mais aussi à notre insu, notre prière fidèle

et persévérante devient signe d'espérance, le jour, la nuit. - 15 novembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 15 01-04 En quel temps, on dira l'alleluia écrit le 14 novembre 2018
Verset(s) :

1. De la sainte Pâque jusqu'à la Pentecôte, on dira alleluia sans interruption, aussi bien dans les psaumes que dans les répons ;

2. de la Pentecôte au début du carême, toutes les nuits, on le dira seulement aux nocturnes avec les six derniers psaumes.

3. Mais tous les dimanches, sauf en carême, les cantiques, les matines, prime, tierce, sexte et none seront dits avec alleluia, mais vêpres avec antienne.

4. Mais les répons ne seront jamais dits avec alleluia, si ce n'est de Pâques à la Pentecôte.

Commentaire :

Qu'entendre dans ce petit chapitre touj ours étrange à nos oreilles modernes? Volontiers,

nous pouvons entendre « qu'il y a un moment pour tout,et un temps pour chaque chose sous le

ciel », pour reprendre les mots de Qohelet (Qt 3,1). Ainsi la liturgie est-elle pensée avec des

alternances de temps joyeux où l'on chante alleluia, c'est le Temps Pascal, et d'autres temps

plus réservés où l'on s'abstient de chanter l'alleluia, en Carême ... Puis, il y a les autres moments

de l'année où lajoie pascale, surtout présente le dimanche, se dit de manière plus contenue.

En liturgie, cette loi de l'alternance des temps, avec leur variété d'expressions de joie,

d'attente, d'attitude pénitentielle ou plus ordinairement de présence fidèle, est un trait essentiel

constitutif. Y -aurait-il liturgie sans cette alternance? Cette alternance signifie sans le dire

combien notre prière chrétienne n'est pas un rabâchage plus ou moins idolâtrique. Non elle est

davantage une conversation entre Dieu et son peuple. Ce mot « conversation» était le thème de

l'A G de la Corref à Lourdes, durant laquelle notre f. Patrick est intervenu sur la liturgie comme

conversation ... Sans savoir ce qu'il a pu dire, je suis sensible à l'image de la marche, associé à

ce mot de conversation. La liturgie nous invite à converser ensemble avec Dieu, comme on le

fait avec un ami en marchant.Nous partons d'un point et nous arrivons toujours à un nouveau

point, après être passé par bien des paysages différents. Et même si d'aventure, cette marche

nous fait faire une boucle, nous ne revenons jamais exactement le même au point de départ.

Converser avec Dieu dans la liturgie durant toute une année nous entraine ainsi dans une longue

pérégrination, vécue tous ensemble et en même temps très personnellement. Le premier qui

entre dans la conversation, c'est le Seigneur qui nous adresse sa Parole. Etonnante Parole que

nous écoutons, mais aussi que nous nous donnons les uns aux autres à travers la psalmodie, et

enfin à laquelle nous répondons dans la prière litanique plus silencieuse. C'est la même Parole

proposée à nos oreilles et à nos voix année après année, et pourtant la Parole est toujours

nouvelle pour une conversation jamais figée. L'alternance des temps liturgiques est comme

l'alternance des paysages sur le chemin: cela monte en Carême, cela ressemble à un sommet

avec de beaux points de vue en temps pascal, cela pourrait être un sous-bois assez dense duquel

on aspire à plus de lumière en A vent, et à un paysage plus banal en temps ordinaire. Chacun de

ces paysages provoque des dispositions et des efforts différents. Chemin faisant, au gré de notre

histoire, la conversation avec notre Dieu, s'en trouve marquée. Elle fait alors entrer dans une

meilleure connaissance de soi et des frères tout autant que dans une connaissance plus

approfondie de notre Dieu. Peu à peu se révèle son visage de Père qui nous attend, uni au Fils

qui nous rassemble en sa victoire, dans la force de l'Esprit qui nous renouvelle. - 14 Novembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 14 01-02 Aux anniversaire des saints, comment célébrer les vigiles. écrit le 13 novembre 2018
Verset(s) :

1. Cependant aux fêtes des saints et à toutes les solennités, on célébrera comme nous avons dit de célébrer le dimanche,

2. excepté qu'on dira les psaumes ou antiennes et leçons qui se rapportent à ce jour. Mais on gardera la mesure indiquée plus haut.

Commentaire :



Ce petit chapitre nous apprend que les fêtes des saints étaient déjà bien honorées, même

si les saints ne bénéficiaient habituellement d'un office propre qu'aux seules vigiles, à

l'exception de quelques saints majeurs qui avaient un office propre pour toute la journée. Cet

équilibre a évolué jusqu'à nous. Encore aujourd'hui, seuls quelques grands saints (Marie, St

Joseph, Jean Baptiste, Pierre et Paul) bénéficient d'un office propre pour toute la journée avec

des antiennes spéciales, auxquels s'ajoutent ceux qui sont honorés localement comme pour nous

St Benoit.Ce sont nos solennités. Le plus grand nombre des saints est honoré par une oraison

spéciale, par une lecture aux vigiles, par une hymne commune, ce sont nos mémoires. Et pour

quelques saints plus importants (apôtres, martyrs, docteurs etc ), nous célébrons les heures

principales à travers un office commun, ce sont nos fêtes Pourquoi, nous catholiques,

gardons-nous vivante la célébration de la mémoire des saints, à la différence de nos frères issus

de la Réforme? La lecture du midi nous donne à entendre combien les années de la Réforme

ont donné lieu à une réaction violente contre les images des saints alors détruites ou profanées.

N'y avait-il pas à l'époque un excès où le culte des saints donnait lieu à des célébrations qui

avaient pris un déploiement trop grand, auquel s'étaient mêlées des pratiques pas toujours très

chrétiennes ... ? Nous n'en sommes plus là. Le culte des saints a trouvé une place plus organique

dans l'ensemble des célébrations liturgiques. Comment le comprendre? « Les fêtes des saints

proclament les merveilles du Christ chez ses serviteurs et offrent aux fidèles des exemples

opportuns à imiter» affirme la constitution conciliaire Sacro Sanctum Concilium qui ne

consacre qu'un petit paragraphe aux fêtes des saints. En honorant les saints, on veut honorer le

Christ qui poursuit son œuvre de salut dans notre histoire. Les saints nous donnent à voir, à

toucher et à entendre le mystère du Christ qui prend pleinement chair dans des personnes liées

à une culture et à un temps. N'était-ce pas le souci de St Jean Paul II de mettre en lumière dans

tous les peuples, des figures d'hommes et de femmes qui ont laissé le Christ resplendir dans

leur vie. Notre culte des saints se veut donc avant tout un culte d'action de grâce et de louange

à Dieu pour son œuvre en notre humanité. Tel est la dynamique liturgique profonde vécue à la

messe et à l'office. Ensuite, en raison de la proximité de ces amis de Dieu avec nous qui sommes

encore en chemin, vient la prière que nous confions à leur intercession, dans la conviction que

leur présence auprès de Dieu ne les éloigne pas de nous. Laissée davantage à la prière et à la

lecture personnelle, l'amitié que l'un ou l'autre peut tisser avec un saint restera discrète au

monastère. Communautairement, la liturgie sera toujours la meilleure expression de notre

prière, même si quelques ajouts peuvent se vivre à l'occasion. - 13 novembre 2018 -