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1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.
2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :
3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,
4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,
5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.
6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;
7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,
Hier, je disais que face à une liberté humaine qui s'entête, il n'y avait que la charité à
opposer. Mais même celle-ci peut se révéler impuissante. St Benoit fait appel alors à un ultime
recours, celui de la prière, le «remède supérieur », pour éviter à tout prix la séparation
inéluctable en cas d'opposition manifeste.
Sans le dire explicitement, St Benoit faire preuve d'une grande foi en la prière, au
« Seigneur qui peut tout ». Certainement, entre toutes les prières, la prière pour la conversion
d'un homme est une prière qui plait au Seigneur. Il l'entend et même la suscite en nous. Il veut
l'exaucer. Nous nous souvenons de la prière de Monique pour son fils Augustin, prière
persévérante qu'une longue patience a couronné de succès. Combien de prières de mères, de
pèrespour leurs enfants ne montent-elles pas ainsi ... Et dans une communauté, combien de
prières cachées, combien d'offrandes de soi dans le jeûne ou d'autres petits sacrificespour que
la grâce fasse son œuvre dans nos relations ou bien dans tel frère qui peine. Nous avons tous,
je crois l'expérience d'entendre parfois des personnes nous dire: « je prie pour vous», et de
mesurer qu'il ne s'agit pas seulement de mots, mais d'une attention fidèle et de temps donnés.
La prière d'intercession pour les uns pour les autres est un don précieux qui irrigue la vie d'une
communauté, de l'Eglise et finalement de toute l'humanité. En priant pour les autres, d'une
manière assidue et précise, nous nous portons mutuellement.Nous assumons cette part de
responsabilité qui revient aux membres du corps du Christ et qui trouve dans la prière sa
meilleure expression. La communion qui lie les enfants de Dieu dans l'Esprit Saint nous rend
responsable les uns des autres. Si nous ne pouvons pas changer les autres, nous savons que Dieu
lui peut ouvrir des cheminsdans un cœur humain. La prière ne nous situe pas en position de
supériorité, comme si nous étions des justes. Nous-mêmes, nous nous plaçons comme des
pauvresdevant Dieu pour appeler sur l'autre les mêmes grâces dont nous nous savons l'objet.
Dans la confiance du centurion qui intercède pour son esclave ou de Jaïrepour sa petite fille,
ou des porteursqui descendent le paralytique depuis le toit au pied de Jésus, présentons nos
frères à la miséricorde de Dieu, comme beaucoup le font à notre endroit. - 13 décembre 2018
1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »
2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,
3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,
4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.
5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.
6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.
7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »
8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;
9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.
Quels sont les moyens dont dispose l'abbé ici, ou la communauté en général, pour aider
un frère qui se met à l'écart de la vie commune, souvent enfermé dans la conviction de son bon
droit? St Benoit en cite quelques-uns: envoyer des anciens qui consolent et encouragent à
revenir humblement, intensifier la charité autour de lui et prier. Et à l'abbé en particulier est
recommandée moins des choses à faire qu'une attitude de miséricorde qui l'a~e au Christ
Bon Pasteur. En christianisme, face à une liberté mal engagée, mais liberté tout de même, seule
peut vaincre la charité.
L'image du Bon Berger, image christique par excellence, replace cette situation banale
d'un frère qui s'égare, voire qui s'entête dans la désobéissance, dans la lumière de toute l'œuvre
divine du salut.Ce qui se joue pour un frère, et finalement pour chacun de nous plus ou moins,
est ce qui se joue pour toute l'humanité cherchée par Dieu. Tous et chacun, à l'image de Dieu,
nous sommes créés libres afin d'entrer librement dans la joie d'aimer. Le péché n'annihile pas
notre liberté et notre capacité d'aimer, mais les rend infirmes. Il les affaiblit pour en entraver le
beau dynamisme. Au lieu d'utiliser notre liberté pour aimer et nous donner, nous l'utilisons
pour nous occuper principalement de nous, pour sauvegarder notre intérêt, dans l'illusion que
nous pouvons sauver notre peau. Un frère qui s'excommunie est un frère qui, à l'image de ce
que nous sommes tous plus ou moins, un frère qui pense n'avoir plus besoin du cadre
communautaire pour retrouver sa vraie liberté. Il se croit libre alors qu'il est esclave de lui-
même. Nous avons embrassé la vie commune au monastère dans la conscience de notre grand
besoin de salut.Nous avons reconnu en elle qu'elle peut nous permettre de retrouver notre vraie
liberté. C'est dans la conscience de notre propre faiblesse que nous pouvons regarder un frère
qui s'égare sans le juger, ni le mépriser. Son errance nous rappelle la nôtre profonde dont le
Seigneur nous guérit peu à peu par notre fidélité. De celle-ci, nous n'avons pas à nous glorifier,
mais plutôt à la reconnaitre comme un cadeau, une grâce qui nous est faite. Aller à la recherche
de la brebis perdue, pour l'abbé en particulier et pour tous dans le souci porté à son sujet, nous
invite à l'humilité. Il s'agit de sortir de nos évidences, ou de notre assurance de bien faire et de
ce qui doit être bien fait, pour tenter de rejoindre le frère perdu dans ses illusions ou ses peurs.
« Je suis doux et humble de cœur»nous dira Jésus dans l'évangile. Dans cette phrase, nous
pouvons entendre que dans le cœur de Jésus, il y a une place pour tout homme, surtout le
pécheur. Et dans le nôtre? - 12 décembre 2018
1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,
2. il subira une peine d'excommunication similaire.
La situation rapportée par Benoit dans ce chapitre se comprend dans le contexte global
de l'excommunication qui impliquait une séparation stricte dans un but thérapeutique. Comme
nous ne la pratiquons plus, ce chapitre peut donc nous paraitre étrange et étranger. .. Mais de
même que Benoit met en garde contre une sorte de complicité dans le mal, nous pouvons nous
demander quelle solidarité est mise en place au service de la communion blessée? Comment
unir nos forces pour œuvrer à réparer la communion?
Parmi les spectacles que l'actualité met assez souvent sous nos yeux, il y a celui de la
mobilisation diplomatique lors d'un conflit entre deux états. Souvent nous ne retenons que les
images trop fortes des violences de la guerre qui se déchainent. Mais nous ne voyons pas ou
n'entendons pas tout ce qui se fait souvent très discrètement pour essayer de renouer le dialogue.
Combien de fois, nous apprenons que le conseil de sécurité de l'ONU se réunit, pour essayer
d'empêcher l'escalade. Nous pouvons nous réjouir de voir se déclencher le réflexe de l'appel
à une autorité supérieure pour éviter le pire. Si ces médiations humaines ne sont pas toujours
couronnées de succès, elles jouent cependant un rôle prépondérant dans le maintien toujours
fragile de la paix. De même les interpellations des uns et des autres, du pape entre autre ...
En est-il autrement dans une communauté, comme la nôtre? Il n'est pas rare que
lorsqu'un problème se pose ou qu'un frère aille mal, un ou plusieurs frères viennent me trouver
soucieux que quelque chose puisse être fait pour améliorer la situation. Parfois le sujet est
abordé avec le prieur et sous-prieur, ou encore en conseil, parfois simplement avec les intéressés
et des frères proches. Ce souci que les uns et les autres portent vis-à-vis d'un ou de plusieurs
frères qui peinent, qui se replient ou qui sont en conflit, me semble être une chose à relever.
Que ce souci devienne de plus en plus un réflexe est assurément un bon signe de notre désir de
communion. La charité que le Christ nous appelle à vivre pour la préparation de son Règne
demande que nous ne nous satisfassions jamais de la marginalisation d'un frère ou de la
mésentente entre deux frères. Comme sur un vêtement, une petite déchirure si minime ou si
marginale soit-elle, fragilise toujours l'ensemble du tissu. L'Amour que le Christ a déposé en
nous par son Esprit, nous presse. Qu'il ne nous laisse jamais en repos afin de lutter pour la
communion, sans nous décourager devant les lenteurs ou les obstacles à l'unité. - 11 décembre 2018
1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.
2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.
3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :
4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.
6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.
Des fautes graves peuvent blesser voire défaire la communion dans une communauté.
St Benoit ne cherche pas expliciter de quel genre de fautes il s'agit. Mais ce petit chapitre met
en évidence une chose: le fautif souvent ne semble pas mesurer l'ampleur de sa faute et ses
conséquences. C'est ainsi que l'on peut entendre les mesures d'excommunication du repas et
de la prière. En effet elles sont présentées comme une peine qui voudrait toucher le cœur, en lui
mettant bien en évidence devant les yeux combien il s'est coupé de la relation fraternelle.
Ce point de la règle ne rejoint-il pas une expérience que nous vivons? Quand nous
commettons une faute petite ou grande, le premier réflexe n'est-il pas de minimiser l'impact de
la faute « oh ce n'est pas grave », «oh et puis il l'avait mérité» « oh j'étais fatigué ou j'ai déjà
tellement de choses il n'a qu'à supporter » ... Combien de pensées ou de paroles nous viennent
ainsi spontanément. Elles tentent de nous justifier à nos propres yeux, pour nous détourner de
regarder en face l'impact créé sur les autres par une parole dure, un geste indélicat ou un manque
d'attention, sans compter des choses plus graves ... Nous réagissons uniquement centrés sur
notre « ego»afin d'en préserver l'image. L'impact, le mal fait ou bien le manque qui met en
difficulté le frère ne nous préoccupe pas vraiment. Sans nous en rendre compte, nous blessons
la communion parce que nous oublions combien elle est forte et combien elle nous nourrit les
uns par les autres. Nous oublions que dans ce laboratoire de vie qu'est le monastère, notre vie
commune nous rend dépendant les uns des autres de manière plus profonde qu'il n'y parait.
Nous devenons insensibles à ce que nous faisons, tout en étant très sensibles à ce que les autres
peuvent nous faire ou ne pas nous faire. L'excommunication proposée par Benoit veut être
comme un remède à cette insensibilité aveugle. Car s'il y a un vrai danger qui nous guette dans
notre vie commune, c'est celui de l'insensibilité. On dit, on fait des choses sans prendre garde
aux impacts produits sur les autres, et on est même capable de s'en justifier. .. Heureux le frère
qui est marri ou qui se sent mal parce qu'il a blessé un frère. Malheureux celui qui ne veut pas
voir que l'autre peut être blessé et qui de plus s'en justifie. Evagre a cette réflexion sur
l'insensibilité qui suggère en même temps un remède: « L'insensibilité se trouve chez ceux qui
rendent rarement visiteà leurs frères, et la raison en est évidente: en face des malheurs des autres qui
sont accablés par les maladies, ou végètent en prison, ou succombent à une mort subite, l'insensibilité
est mis en fuite, car l'âme peu à peu pénétrée de componction accède à la compassion» (Pensées 11).
Pour lutter contre notre insensibilité chronique, allons vers nos frères qui attendent tout des
autres. Faisons leur une place dans notre cœur. - 6 décembre 2018
1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.
2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.
3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.
4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :
6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,
7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.
Selon les fautes, St Benoit cherche à établir une graduation de la peine de
l'excommunication. Celle-ci consiste à écarter pour un temps, le frère fautif de certains actes
de la vie commune. A la question « quelle doit être la gravité de l'excommunication », je
voudrais substituer pour l'éclairer une autre question « quel est le poids de la communion qui
nous unit»? Il peut être bon de s'arrêter sur cette réalité de la communion. La dernière fois,je
disais qu'elle est plus grande que nos agacements, énervements, ou encore que nos
incompatibilités de tempéraments. Qu'est-ce qui lui donne donc son poids, sa gravité? Les
deux mots peuvent entendus dans un sens presque analogue ... Si la communion qui nous unit
trouve son origine dans l'appel du Christ qui nous a rassemblés, elle trouve tout son poids dans
sa croix et son sang versé pour réunir les enfants de Dieu dispersés. Si nous sommes ici, c'est
parce que le Christ l'a voulu. Et pourquoi l'a-t-il voulu? Pour que ce groupe d'hommes aux
origines diverses devienne une communauté de frères, en s'entraidant les uns les autres dans la
louange de la gloire de Dieu. Si nous parfois, il nous arrive de râler contre un frère qui nous
indispose ou semble nous contrarier, n'oublions pas que le Seigneur nous a réunis ensemble
pour que les uns par les autres nous grandissions dans la vie chrétienne, et même dans la
sainteté. Tel est le bon vouloir de Dieu qui connait chacun et qui sait ce dont nous avons besoin
les uns et les autres, les uns par les autres ... Ceci n'est pas une option, c'est l'œuvre de Dieu
qui se réalise dans notre petite cellule d'Eglise, comme dans tant d'autres depuis que le Christ
mort sur la croix a fait tomber le mur de la haine entre les hommes... Là s'enracine et trouve
tout son poids notre communion. Nous ne pouvons pas dire: cette communion n'est pas notre
affaire. Elle est là déjà donnée comme une grâce. Nous en sommes les dépositaires et les
serviteurs pour qu'elle se répande partout dans le monde. Dans et par notre vie monastique,
cette grâce de communion prend forme concrète dans l'aujourd'hui de notre XXIos. Ensemble,
elle nous faconne pour nous ouvrir aux autres et nous décentrer de nous-mêmes. Les uns par
les autres, la grâce de la communion nous aide chacun à avoir notre vrai visage d'homme, un
homme fait pour la relation et la communion. Elle nous donne notre visage de frère de tout
homme. Sans cette grâce, nous ne serions pas vraiment des fils de Dieu, car nous manquerions
notre vocation de frère ... Oui, il est grand le bien de la communion qui nous est déjà offert, et
qui est aussi toujours devant nous, dans la réalisation concrète qui advient. Rendons grâce à
Dieu pour ce don, et demandons-lui de nous rendre souple à son œuvre. 4 décembre 2018 -
1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,
2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.
3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.
4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.
5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.
Avec ce chapitre 23, nous commençons la série communément appelée le « code
pénitentiel» de la RB. Dans ces chapitres, il peut y avoir un risque de se focaliser soit sur les
fautes, soit sur la manière de corriger d'alors, difficilement compréhensible pour nous. Quel est
le cœur de l'enseignement proposé ici par Benoit? Ne se résume-t-il pas à la question:
comment demeurer en communion les uns avec les autres? Ou formulé négativement: qu'est-
ce qui blesse la communion?
Comme dans une famille humaine, nous aspirons à vivre ensemble, unis, dans la
communion. Cette communion est fondée sur notre même foi. Elle est scellée par la profession
monastique. Dans le Christ et aussi dans une certaine manière de le suivre s'enracine notre
communion. Celle-ci est plus profonde que le seul fait de bien s'entendre. Il peut arriver des
accrochages, des énervements ou des agacements qui n'atteignent pas la communion. Il s'agit
de saute d'humeur, ou bien de fatigues ou d'impatiences qui relèvent davantage de la faiblesse.
C'est la faiblesse de celui qui gêne l'autre par inattention, et la faiblesse de celui qui supporte
difficilement par susceptibilité ou impatience peut-être. La communion ne craint pas nos
faiblesses. Elle veut au contraire les fortifier en nous aidant à les reconnaitre pour mieux les
assumer et ne pas les faire trop porter aux autres. La communion ne craint pas non plus les
incompatibilités de caractères ou de tempérament. Peut-être une rencontre paisible reste encore
difficile. Mais si chacun sait reconnaitre sa propre limite, sans la rej eter sur l'autre, peut s'ouvrir
et se fortifier un lien de communion. Ce lien n'aura jamais la douceur d'un lien d'amitié, mais
il pourra avoir la force d'un lien fraternelvécu dans la lumière de la foi. En elle, je peux
découvrir que le Christ nous a rassemblés en ce lieu. Il nous entraine l'un et l'autre à aller plus
loin dans la communion. Nous sommes si spontanément enclins à réduire la communion entre
nous au seul cercle des frères avec lesquels tout va bien !
Notre vie communautaire peut devenir une parabole pour nous-mêmes et pour ceux qui
peuvent la lire d'une communion toujours en quête de son achèvement.Cette communion est
déjà donnée par le Christ qui nous sauve. Elle est appelée à grandir pour nous ouvrir à l'amour
vrai et concret. En ce jour, nous fêtons St André. Traditionnellement se vit une visite mutuelle
entre les catholiques et les orthodoxes, en quête d'unité. Nous pouvons offrir notre désir et aussi
nos efforts modestes et cachés le plus souvent, pour demeurer en communion entre nous,
esquisse de ce qui se cherche dans l'Eglise et l'humanité. - 30.11.2018
1. Ils auront chacun un lit pour dormir.
2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.
3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.
4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.
5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,
6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.
7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.
8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.
Une chose me frappe en ce chapitre. Beaucoup des détails donnés sur la manière de
dormir n'ont pas leur fin en eux-mêmes. Ils sont ordonnés à autre chose que le seul sommeil.
Ainsi les indications sur la literie précisent qu'elles concernent l'ascèse personnelle. Les moines
dorment dans une pièce commune où une lampe demeure allumée. Elle sert sûrement de
veilleuse, mais elle rappelle aussi la dimension de veille. Les moines dorment habillés pour être
toujours prêts à se lever pour l'œuvre de Dieu. Les plus jeunes moines sont mélangés aux
anciens, certainement pour respecter la discipline, mais aussi pour mieux s'exhorter au lever
pour la prière. La manière de présenter le sommeil dans ce chapitre laisse entendre que le repos
nocturne n'a pas sa fin en lui-même. Nous dormons pour nous reposer certes, mais nous
dormons comme des veilleurs, toujours prêts à se lever pour la prière, pour l'œuvre de Dieu.
Ces notations de la règle sont toujours bonnes à entendre pour nous. Quelles sont les
dispositions que nous avons aujourd'hui pour vivre le sommeil dans ce même état d'esprit de
veille? Nous avons la coutume du grand silence de la nuit qui veut que l'on ne parle pas après
complies. La coupure d'internet à 20h30 marque une distance avec toutes les activités et les
échanges. Nous choisissons de nous retirer. Nous n'avons pas de couvre-feu qui indiquerait une
heure de fermeture des lumières. Chacun est donc responsable de son heure de coucher.
Comment je gère celle-ci? Si je veille par une lecture, est-ce pour déjà entrer dans la nuit ou
bien est-ce encore pour faire des choses et grignoter du temps? Est-ce que j'entre dans la nuit
dans cet esprit de veille pour le Seigneur, afin qu'il me trouve vraiment dispos pour me lever?
J'invite ici à être attentif, car il peut y avoir des façons d'en faire toujours plus, même sous une
apparente détente qui ne favorise pas finalement le vrai repos.
Nous moines, nous désirons apprendre à vivre notre repos aussi en Dieu et pour Dieu.
L'office des vigiles nocturnes nous entraine à ne pas trainer afin de trouver sans tarder le repos
réparateur. Pour les frères qui ne peuvent y venir, quelle place a la prière le soir avant de se
coucher ou le matin tôt? Comment chacun reste un veilleur pour Dieu? Reprendre quelques
psaumes et/ou une lecture de l'Ecriture permettra d'être en communion avec les frères qui se
lèvent. Vivre la nuit et le sommeil comme des veilleurs peut nous faire découvrir un autre élan
intérieur dans la façon d'aborder nos journées. Peu à peu tout s'ordonne au service du Seigneur
et tout reçoit un surcroît de vie. - 29 novembre 2018
1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,
2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.
3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.
4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.
5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera
6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.
7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.
Il serait sûrement intéressant de faire l 'histoire de la manière avec laquelle la fonction
des doyens a évolué dans le temps. A travers elle, on découvrirait beaucoup de façons de vivre
l'équilibre des relations et des pouvoirs dans la communauté monastique. Entre le temps de la
RB et le nôtre, quel chemin parcouru! La notion de partage de la charge de l'abbé envisagée
par Benoit n'est pas exactement la même que celle que nous vivons aujourd'hui. Pour Benoit,
les doyens à la tête d'une décanie (une dizaine de frères) partagent en quelque sorte l'autorité
de l'abbé. Ils veillent sur les frères afin que chaque décanie vive « selon les commandements
de Dieu et les ordres de leur abbé ». Aujourd'hui les doyens partagent la charge de l'abbé en
prenant part à sa réflexion et à certaines décisions sur les orientations et la marche de la
communauté. Le conseil est un lieu d'échange. L'abbé peut prendre alors la mesure de ce que
les frères en communauté vivent et de ce que l'ensemble cherche et désire vivre. Si une qualité
importante est requise de la part de doyens, c'est d'être à l'écoute de la communauté pour
chercher avec elle la volonté du Seigneur sur elle. Ecouter avec ce que l'on est, mais aussi avec
ce que les autres sont. Il y a toujours une part de décentrement à vivre. Etre soi-même, mais
aussi avec les autres.
Dans la session Ananie que je viens de vivre à Bellefontaine, on s'est arrêté sur cette
question: qu'est ce faire la volonté de Dieu? Est-on sûr de faire la volonté de Dieu? Peut-on
la connaitre vraiment? On en concluait que nous ne connaissons jamais de manière sûre la
volonté de Dieu. L'important est de toujours la chercher et dans le cas présent de la chercher
ensemble. Les Ecritures, la tradition de l'Eglise comme la tradition propre d'une communauté
offrent des repères. Mais face à des questions nouvelles, la vie nous entrai ne à chercher la
volonté de Dieu à travers de nouvelles réponses concrètes. Dans notre échange avec les
ananistes, nous disions que certainement chercher à faire la volonté de Dieu avait à voir avec
vivre en sa Présence, par la prière, mais aussi par la vie de charité dont les fruits de paix, de
justice et de vérité ne trompent pas. Pour les doyens, comme pour la communauté, chercher
avec l'abbé à faire la volonté de Dieu, nous renvoie tous à cultiver notre propre manière d'être
présent à Dieu et aux autres. Ensemble, nous cherchons à vivre sous son regard, dans la paix,
lajustice et la vérité ... Nous voudrions ne pas déroger à cette ligne de conduite. Ensemble, nous
nous y entraidons par une prise de parole responsable, par une écoute humble du point de vue
de l'autre, par un consentement à une décision qui se dégage, pour marcher toujours avec... - 28 novembre 2018
1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,
2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !
3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.
4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.
5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.
L'humilité est l'un des éléments importants de la prière. Comme elle nous aide
aussi dans la vie fraternelle. Deux fois, au début de ce chapitre sur notre
attitude à l'Office Divin, St Benoit insiste sur ce point: « avec humilité et
déférence », « en toute humilité ». L'humilité est la condition de la véritable
prière, de la prière qui touche le cœur de Dieu.
Mais quelle est cette humilité qui trouve le chemin du cœur de Dieu? St
Benoit, pour nous l'expliquer, prend une comparaison: « Quand on veut
demander quelque chose à des puissants, on le fait avec humilité et
déférence ». L'humilité est donc liée à une juste appréciation de notre
situation, elle dépend de notre lucidité sur nous-même. C'est ce qui la
distingue radicalement de l'arrogance, de l'orgueil, qui nous rendent
incapables de regarder la réalité. L'orgueilleux et l'arrogant se mettent au
centre de tout. Ils ne voient les choses qu'à travers eux-mêmes.
L'humilité est donc cette prise de conscience de la grandeur de Dieu. Du
mystère que représente toute personne. Pour St Benoit, cette expérience du
mystère de Dieu conduit au silence. C'est ce que dit le verset 3 : « Ce n'est
pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur, et par les
larmes de la componction que nous serons exaucés. » L'orgueil est bavard.
Intérieurement et extérieurement, il fait beaucoup de bruit. L'humilité, au
contraire, creuse le silence intérieur. Elle nous permet de trouver notre juste
place.
Nous avons tous du mal à être lucides sur nous-même. A trouver notre juste
place. A accepter les dons des autres, ainsi que leur mystère. Souvent, nous
nous sentons diminués, quand un autre est mis en valeur, choisi pour telle
fonction, ou élu par la communauté. Comme si ce qui lui est donné nous était
retiré! Ce que nous ressentons à l'égard de notre frère est le reflet de notre
perception de Dieu. Nous le voyons comme un rival. Comme le dit Ste
Thérèse d'Avila, nous avons du mal à accepter que Dieu soit Dieu, et nous-
mêmes des créatures.
Dans ce cas, la prière devient une manière de forcer la main de Dieu, pour
obtenir ce que nous voulons. Mais la prière est bien autre chose. Elle ne
devient réellement prière que lorsqu'elle s'approche de la prière de Jésus:
« Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Jésus, lui qui est « doux et
humble de cœur », nous montre la voie de la véritable humilité. Il aime le
Père, parce qu'II se sait Fils. L'humilité suppose cette conscience aiguë de
notre identité la plus profonde, de notre dignité de fils, dans le Fils. - 24 novembre 2018
1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »
2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.
3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;
4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;
5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »
6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,
« Vivre en présence de Dieu ». C'est le premier degré de l'humilité.
St Benoit le transpose ici, dans le contexte très concret de l'Office
Divin. Cette présence se traduit par notre attitude extérieure, mais
surtout par notre attitude intérieure. C'est ce que confirme le
dernier verset de ce chapitre: « En psalmodiant, soyons tels que
notre esprit concorde avec notre voix».
Vivre en présence de Dieu, vivre sous le regard de Dieu: c'est le
but de notre vie, c'est notre idéal. Mais cela pourrait devenir un
cauchemar, si nous imaginons ce regard, posé jour et nuit sur
notre existence, comme Victor Hugo l'imagine: « L'œil était dans
la tombe, et regardait Caïn».
La tradition monastique ne considère pas du tout le regard de Dieu
de cette façon. Le regard de Dieu n'est ni accusateur, ni indécent.
Pour nos pères dans la vie monastique, le regard de Dieu, c'est le
regard de Jésus, tels qu'il nous est donné de le connaitre à travers
les Evangiles. C'est vrai, parfois ce regard est rempli de colère, à
l'égard de l'hypocrisie des pharisiens. Mais c'est surtout un regard
d'amour. Quand il se pose sur le jeune homme riche. Ou quand ce
regard fait descendre Zachée de son arbre. Ou encore quand il
relève la pécheresse, alors qu'elle ploie sous le regard de ses
accusateurs.
Le regard de Jésus, dans les Evangiles, c'est un regard qui relève,
qui remet debout, qui guérit, qui apaise. Et quand il se fait plus
incisif et exigeant, c'est pour sauver de l'aveuglement celui qu'il
touche. Le regard de Dieu est un regard qui nous libère, et qui
nous sauve.
Vivre sous le regard de Dieu, vivre en présence de Dieu, c'est
retrouver notre unité intérieure. Dans cette reconstruction
spirituelle, la prière, spécialement la prière des Psaumes, joue un
rôle essentiel. Au fur et à mesure que nous progressons, cette
parole de Dieu que sont les Psaumes, devient nôtre. Elle habite
notre cœur. Elle nous transforme. Nous devenons fils de Dieu. - 23 novembre 2018