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12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.
13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.
14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,
15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,
16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.
12 mois se sont écoulés entre l'arrivée dans la maison des novices et le moment où le nouveau-venu est invité à se prononcer définitivement pour demeurer ou non au monastère. Durant ce temps, par deux fois, la question a été posée au candidat, s'il voulait ou non poursuivre l'expérience monastique. Dans ce processus, la lecture de la règle est essentielle. Car c'est sous son joug que l'on choisit de vivre. La choisir, s'engager, c'est accepter qu'ensuite il n'est plus possible de partir. La fin du chapitre nous donnera de voir que Benoit prévoit cependant qu'une personne engagée puisse quitter la vie monastique. Le joug de la règle n'est pas une prison.
Ainsi pouvons-nous entendre, et le sérieux de l'engagement qui nous lie sous une même règle au monastère, et le fait que le monastère est une école de liberté qui ne retiendra personne. A notre époque où les longues fidélités deviennent plus difficiles à comprendre, ce chapitre affirme sans l'expliciter la nécessité d'un engagement pour toujours. Comment rendre compte aujourd'hui de ce « pour toujours» ? Nous pouvons avant tout le justifier d'un point de vue théologique. Dieu n'est que fidélité. Là est son bonheur et son être même : se donner totalement sans mesure ni limite, avec constance, pour toujours. Demeurer dans la fidélité, n'est-ce pas prendre part à sa vie en plénitude ? En hébreu le mot fidélité est indissociable du mot vérité. Ils ont la même racine emet. A la différence de la pensée grecque qui envisage la « vérité » du point intellectuel de ce qui est clair, évident, la pensée hébraïque associe la « vérité » au fait d'être digne de confiance. solide, d'où l'association avec fidélité. Dieu est vrai et véridique parce qu'il est toujours fidèle. Il ne manque pas à son alliance, à ses engagements. Il ne se dérobe pas. Il est un appui solide. Si nous, nous défaillons, nous pouvons toujours compter sur lui. Ainsi demeurer fidèle, d'une paii nous fait participer à la vie même de Dieu, et d'autre part cela nous fait atteindre notre propre vérité. En étant fidèle, nous devenons vraiment qui nous sommes. Peu à peu nous trouvons en nous cette part solide qui ne vient pas de nous. Cette part sur laquelle d'autres pourront prendre appui à leur tour, comme nous-même avons bénéficié de la fidélité de beaucoup rencontrés sur nos chemins.
Oui, nous engager dans la fidélité, c'est accomplir notre propre chemin de vérité à la recherche de notre vrai visage de fils aimé inconditionnellement par Dieu, et de notre propre visage de frère sur qui d'autres pourront s'appuyer. En ces jours de Pâques, nous célébrons le Christ, le témoin fidèle qui n'a pas failli dans son engagement pour le Père. Dieu le Père s'est montré fidèle en le ressuscitant. Le Christ Vivant, notre fr re, devient un Roc sur lequel nous pouvons prendre appui.
12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.
13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.
14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,
15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,
16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.
R.B. 58, 12-16 De la façon de recevoir les frères.
24.04.2019
12 mois se sont écoulés entre l'arrivée dans la maison des novices et le moment où le nouveau-venu est invité à se prononcer définitivement pour demeurer ou non au monastère. Durant ce temps, par deux fois, la question a été posée au candidat, s'il voulait ou non poursuivre l'expérience monastique. Dans ce processus, la lecture de la règle est essentielle. Car c'est sous son joug que l'on choisit de vivre. La choisir, s'engager, c'est accepter qu'ensuite il n'est plus possible de partir. La fin du chapitre nous donnera de voir que Benoit prévoit cependant qu'une personne engagée puisse quitter la vie monastique. Le ioug de la règle n'est pas une prison.
Ainsi pouvons-nous entendre, et le sérieux de l'engagement qui nous lie sous une même règle au monastère, et le fait que le monastère est une école de liberté qui ne retiendra personne. A notre époque où les longues fidélités deviennent plus difficiles à comprendre, ce chapitre affirme sans l'expliciter la nécessité d'un engagement pour toujours. Comment rendre compte aujourd'hui de ce « pour toujours» ? Nous pouvons avant tout le justifier d'un point de vue théologique. Dieu n'est que fidélité. Là est son bonheur et son être même : se dom1er totalement sans mesure ni limite, avec constance, pour toujours. Demeurer dans la fidélité, n'est-ce pas prendre part à sa vie en plénitude ? En hébreu le mot fidélité est indissociable du mot vérité. Ils ont la même racine emet. A la différence de la pensée grecque qui envisage la « vérité » du point intellectuel de ce qui est clair, évident, la pensée hébraïque associe la « vérité » au fait d'être digne de confiance. solide, d'où l'association avec fidélité. Dieu est vrai et véridique parce qu'il est toujours fidèle. Il ne manque pas à son alliance, à ses engagements. Il ne se dérobe pas. Il est un appui solide. Si nous, nous défaillons, nous pouvons toujours compter sur lui. Ainsi demeurer fidèle, d'une part nous fait participer à la vie même de Dieu, et d'autre part cela nous fait atteindre notre propre vérité. En étant fidèle, nous devenons vraiment qui nous sommes. Peu à peu nous trouvons en nous cette part solide qui ne vient pas de nous. Cette part sur laquelle d'autres pourront prendre appui à leur tour, comme nous-même avons bénéficié de la fidélité de beaucoup rencontrés sur nos chemins.
Oui, nous engager dans la fidélité, c'est accomplir notre propre chemin de vérité à la recherche de notre vrai visage de fils aimé inconditionnellement par Dieu, et de notre propre visage de frère sur qui d'autres pourront s'appuyer. En ces jours de Pâques, nous célébrons le Christ, Je témoin fidèle qui n'a pas failli dans son engagement pour le Père. Dieu le Père s'est montré fidèle en le ressuscitant. Le Christ Vivant, notre fr re, devient un Roc sur lequel nous pouvons prendre appui.
7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.
8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.
9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,
10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »
11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.
Les lignes entendues nous montrent tout le soin avec lequel Benoit souhaite que le discernement se fasse pour les nouveau-venus. On prédit toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu... on lit plusieurs fois la règle pour vérifier s'il veut persévérer et on l' ép rouve en toute patience... Tout cela est-il exagéré? Non car l'enjeu est celui de la libe1té.
« Si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller » assure Benoit. Ces lignes montrent combien l' engagement et la vie monastique est une affaire de liberté. Elles mettent en lumière ce paradoxe étrange. La vie monastique: c'est choisir librement de renoncer à un certain exercice de sa liberté. En embrassant la vie monastique, nous nous engageons volontairement à restreindre certaines de nos libertés afin de nous placer sous une loi commune. Quel paradoxe ! Par amour de Dieu, par désir de suivre le Christ, pour devenir plus libre en Lui, nous renonçons à une certaine manière d' exercer notre liberté... Pour les révolutionnaires de 1789, cela était intolérable. Aussi ont-ils supprimé les vœux religieux si contraires, à leurs yeux, à la liberté nouvellement et chèrement conquise. Nous touchons là un point très important de notre engagement: que nous soyons vraiment libres en le faisant. De plus il est nécessaire pour chacun de nous de comprendre combien la vie monastique peut nous rendre plus libres, et quelles conditions. C' est tout l'enjeu de la formation davantage étalée dans le temps de nos jours. Elle veut en effet permettre à chacun d'éprouver en lui-même, que cette voie le rend effectivement plus libre. Elle veut aussi lui donner d'apprendre à traverser les épreuves sans se laisser décourager par le premier obstacle. Car parmi toutes les épreuves, l'apprentissage de notre liberté en Christ n'en pas une des moindres. Comment grandir en liberté dans ce cadre monastique avec son horaire et ses rythmes, à travers les obédiences confiées, au milieu des contrariétés ou des conflits qui me révèlent mes propres limites ? Le combat pour libérer le cœur de la tyrannie du moi, sera un combat de tous les jours, jusqu' au dernier souffle. Sans cesse, il nous faudra veiller à chercher la liberté là où elle est vraiment. du côté de notre cœur plus souple, plus filial et plus fraternel, et non du côté d'un cœur empli de lui-même prisonnier de ses peurs ou de ses rêves. Et comme en toute chose en christianisme, s'il y a combat, il y a aussi joie et paix qui sont données comme prémices d'un cœur qui s'ouvre et qui devient peu à peu plus au large. Dieu marche avec nous.
1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,
2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»
3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,
4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.
5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.
6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.
« De la façon de recevoir les frères »... De manière générale, St Benoit est très intéressé à la façon de faire et de vivre les choses. Le titre de ce chapitre n'est donc pas surprenant. Cette attention à la« façon» ou à la« manière » de vivre les choses a peut-être à voir avec le fait que les moines passent une bonne partie de leur temps dans le cadre liturgique. Au cours de la messe ou des offices, ils sont habitués à bien faire les choses, non pas tant pour bien faire, mais pour que dans le « bien faire », un sens plus profond soit lisible aux yeux de la foi. On sait combien un geste mal fait, ou fait à la va-vite peut dénaturer l'action liturgique, et faire perdre le goût, le sens. N' en va-t-il pas de même pour bien des aspects de notre vie monastique, et finalement de notre vie humaine ? Ici en particulier à propos de la formation. St Benoit propose une pédagogie très précise qui veut atteindre un but clair : conduire le nouveau venu à puiser aux raisons profondes de sa démarche s'il veut persévérer. Avant même d' entrer dans la maison
« où l 'on apprend, mange et dort », il doit passer par une série d'épreuves qui le laissent d' abord à la porte, puis le conduisent dans la maison des hôtes. Ensuite, il est confié à la charge « d'un ancien qui veille sur lui avec attention ». S'ensuivront d' autres points de passage à vivre. Si aujourd'hui, nos façons d'accueillir un nouveau venu désirant embrasser la vie monastique sont moins spartiates, elles voudraient être tout autant vigilantes pour permettre à la personne d' aller au fond de son désir, afin de ne pas se laisser bercer d' illusions. Quand on arrive, il s'agit d' apprendre à mieux se connaitre en son désir, en ce que le Seigneur suscite et met en mouvement en nous. Mais je crois que ce premier point de discernement, reste présent tout au long de notre vie monastique. A chaque fois que nous vivons quelque chose d' un peu difficile, que nous butons sur un conflit ou des moments de découragement, nous sommes invités à aller puiser au plus profond de notre cœur. Là, nous pouvons y retrouver le vrai élan de vie qui nous a conduits ici. Les épreuves dans la vie monastique ne manquent pas. Elles sont toujours des moments et des moyens de dépasser un certain confort qui risque de nous laisser à la surface de nous-mêmes. Les épreuves sont souvent l'occasion de nous remettre effectivement sous la conduite du Christ, le seul Maitre, en criant vers Lui notre détresse par ex... Il a éveillé notre désir à le suivre, nous l' avons vérifié, le Christ est là gui vient à notre secours
1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.
2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,
3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.
4. S'il faut vendre quelque objet fabriqué par les artisans, ceux par les mains desquels se fera la transaction prendront garde de ne commettre aucune fraude.
5. Ils se souviendront toujours d'Ananie et de Saphire, de peur que la mort infligée à ceux-ci en leur corps
6. ne les atteigne en leur âme, eux et tous ceux qui feraient quelque fraude sur les biens du monastère.
7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,
8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,
9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».
Quand on parle aujourd'hui d'artisanat, ou de travail manuel, on le fait facilement en mettant en avant deux aspects : la rentabilité de l'activité pour générer un revenu et l'épanouissement que le travail apporte au frère. Dans ce chapitre, Benoit développe deux autres aspects d'une même dimension spirituelle: l'humilité dans le cœur et l'honnêteté dans les échanges. Le primat pour Benoit est ce qui se passe dans le cœur de chacun. Si l'activité détourne Je frère de son propos premier de suivre humblement le Christ, s'il enorgueillit, mieux vaut quïl quitte ce travail. Qu'il ne se laisse pas non plus gagner par l'amour de l'argent! Il nous est bon de ne pas oublier cette conviction que la qualité de la disposition intérieure ainsi que la santé du cœur et de l'âme priment sur tout le reste. Elle vaut pour le travail comme en tout autre domaine de notre vie monastique.
Comment ces deux aspects mis en valeur par St Benoit peuvent-ils éclairer notre quête
de rentabilité ou d'épanouissement? Une recherche de rentabilité qui ne serait pas honnête serait totalement déplacée,de même une rentabilité qui ferait fi des Lois. Ici, le respect des règles de gestion foncière, mais aussi de procédure communes à tous nous incombent aussi. Nous ne sommes pas au-dessus des lois. Nous pouvons même nous réjouir d'être soutenus par un cadre juridique. C'est sagesse, d'accepter, par exemple, que le lâcher d'eau du barrage de St Agnan soit régi par des normes précises en fonction des saisons. Nous ne pouvons pas tirer l'eau n'importe comment, parce qu'elle est le bien de toutes les communes qui puisent là leur eau potable. Cette limitation peut venir contrarier notre désir de production d'électricité. Mais y consentir nous rend solidaires de nos voisins et notre environnement naturel. Que dire sur humilité et épanouissement ? La vie monastique, au cours de laquelle nous recevons nos emplois au service de nos frères, nous enseigne que 1'épanouissement ne se réalise pas uniquement dans la mise en valeur des talents que nous nous connaissons. Mais plus profondément dans la liberté vis-à-vis de mon moi envahissant. Là intervient l'humilité qui m'apprend à recevoir mon vrai visage au gré de mes emplois et charges. Sous un apparent abaissement, peut s'épanouir une autre qualité d'être et de présence, une façon plus profonde d'aimer, moins préoccupée de soi... Chacun de nous a ici rendez-vous avec son propre cœur pour accueillir le regard que Dieu porte sur lui, et pour monter la garde intérieure contre les illusions et les marchands de rêve souvent insensés
1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.
2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.
3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.
Comme pour beaucoup de chapitres de sa règle, en celui-ci St Benoit s'inspire de la Règle du Maitre. Mais en même temps, il le réécrit de manière plus concise. Quels changements pouvons-nous repérer? Le titre tout d'abord : « de la table de l'abbé» au lieu de celui du chapitre 84 de la RM : « quels sont ceux qui doivent manger avec l'abbé ? ». Visiblement le Maitre est soucieux de déterminer ceux gui pourront siéger à la table du P. Abbé. Sous-entendu, il cherche à limiter son accès aux frères plus dignes, les anciens, les étrangers en visite, les frères qui savent le psautier, et ceux que l'abbé souhaite inviter. A l'inverse, St Benoit pense la table de l'abbé, dans la continuité de sa fonction d'accueil des hôtes et des pèlerins, comme le chapitre 53 l'a bien manifesté : table et cuisine de l'abbé sont à part.. La table de l'abbé est moins une table honorifique qu'une table au milieu des hôtes, et peut-être même à leur service. Cette notation est intéressante, car elle déplace la table de l'abbé d'une fonction de présidence à celle d'une présence au milieu des hôtes et des pèlerins. A cette table, les frères ne se joindront que s'il y a de la place. Pour les autres frères, ils doivent rester à leur table (décanie? comme pour le Maitre), avec un ou deux anciens qui veillent au bon ordre. Sur cette dernière notation, il s'inspire du Maitre, tout en atténuant l'aspect disciplinaire de surveillance exercé par les anciens.
Y-a-t-il à retenir quelque chose pour nous? Notre manière de faire aujourd'hui me semble être encore un peu différente. Certes la table de l'abbé, comme celle chez le Maitre, a une fonction de présidence. Mais elle n'a plus cette fonction d'honorer quelques frères plus en charge. A l'exception du jour de la fête d'un frère, ou encore de la visite d'un hôte de passage en communauté, la table de l'abbé est essentiellement une table fraternelle, une table où tous peuvent venir. Mais je note qu'elle peut encore faire peur. Elle ne se remplit pas spontanément. Peut-être parce qu'on la regarde avant tout sous son premier aspect de présidence. Mais je pense que la dimension de table fraternelle a autant d'importance. J'invite donc les frères à ne pas hésiter à venir s'asseoir à cette table. De même que j'invite les uns et les autres à ne pas se fixer sur une place, sauf si c'est en accord avec l'abbé ou l'infirmier. Cette souplesse est un signe de liberté, source de croissance dans la fraternité. Changer de place, c'est se donner la grâce de manger avec des frères, qu'on rencontre moins. L'attention, manifestée au cours du repas, sera une expression concrète de cette fraternité.
13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.
14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.
15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.
16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.
17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.
18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,
19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.
20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»
21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.
22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.
St Benoit nous parle de « retrancher le vice de la propriété » qu'il estime contraire à la vie monastique et il missionne l'abbé de veiller sur les avoirs des frères. De manière plus positive, on peut se demander: qu'est-ce qui pourrait nous donner le goût de la pauvreté. de la simplicité, de la dépendance? L'idéal de notre société de consommation est de permettre la possession du plus possible de biens de consommation. De la sorte, est garantie l'autonomie de chacun qui n'a plus à demander. Ainsi il sera plus efficace, ne perdra pas de temps etc... St Benoit et la vie monastique nous entraine ailleurs : dans la mise en commun en vue de la découverte d'une dépendance heureuse. Nous choisissons, non pas de nous bâtir chacun un royaume, avec tout le nécessaire. Nous apprenons à tout mettre en commun et à dépendre en recevant le nécessaire sans faire de réserve, en demandant... Comment découvrir qu'il y a là un bonheur, plus qu'une contrainte? Le bonheur d'une légèreté, d'une liberté. Il y a peut-être un désir à cultiver, le désir d'être pauvre avec le Christ pauvre, surtout pas installé. Et pour cela, nous pouvons demander la grâce de la clairvoyance dans nos choix personnels et communautaires. La grâce de rester libre vis-à-vis des biens. Sachons aussi profiter de toutes les occasions données par la vie commune pour réfréner notre soif souvent spontanée de tout avoir, ou d'avoir le meilleur. Au repas, face à un plateau de fromages, est-ce que je choisis d'entamer un nouveau fromage, ou est-ce que je me contente de prendre les morceaux qui restent. .. Avec le f. Linger, est-ce que j'accepte des vêtements déjà usagés ou est-ce que j'exige du nouveau ? De même pour les appareils dont j'ai besoin, un ordinateur ou un réveil ou des chaussures: suis-je capable de prendre ce qui m'est donné sans exigence? Dans l'organisation des emplois, il faut avoir sous la main des outils, des livres ou des appareils parce qu'ils sont de première nécessité, et qu'ils sont très souvent utilisés. Mais n'y-a-t-il pas quelque chose à rechercher pour une plus grande mise en commun des ressources, afin de rendre nos usages d'appareils plus communs et moins individuels? Ainsi on évitera de multiplier des appareils qui ne servent qu'occasionnellement, et on sera libre vis-à-vis de la tentation d'être propriétaire... Je pense aux appareils photos, mais aussi à telle imprimante couleur etc... De même qu'il y a une grâce qui coûte, cette dépendance heureuse peut nous coûter. Mais ne nous tient-elle pas plus près du Christ qui n'avait pas où reposer la tête, et plus près aussi de nos frères à qui nous demandons et de qui nous recevons .... ?
1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,
2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.
3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.
4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –
5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –
6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.
7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.
8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.
9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.
10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.
11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.
12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.
Entre norme commune et souplesse personnelle... Benoit se risque à donner des repères
concernant le vêtement, comme déjà il l'a fait pour la nourriture. Pas facile d'en proposer pour
une communauté, voire pour plusieurs, comme la référence à d'autres régions le laisse penser. ..
sans tout niveler pour autant. Comment tenir une norme commune et en même temps respecter
la personnalité de chacun? Cette question d'hier demeure très actuelle pour toute vie en
communauté, comme d'ailleurs pour toute vie en société. La différence entre une communauté
monastique et un autre groupe humain de la société est que le champ d'application de cette
question concerne jusqu'à la vie très concrète, ici le vêtement, là la nourriture ... En effet, peut-
on vivre ensemble sous un même toit sans avoir des repères communs? Et plus profondément,
peut-on témoigner de l'amour évangélique vécu entre frères, si chacun n'est préoccupé que de
vivre selon ses aises et selon ses vues? Ensemble, à la suite du Christ, nous désirons adopter
un mode de vie commun, fait de simplicité et de sobriété pour nous entraider et nous entrainer
vers plus de liberté. La norme définie pour tous voudrait exprimer ce propos commun. Cette
norme, nous la recevons d'une tradition et en même temps nous la modifions au gré des
évolutions qui ne manquent pas. Nous ne nous habillons plus comme au temps de St Benoit.
Mais, nous avons toujours besoin d'un « il suffit» afin de ne pas laisser le « superflu»
s'installer. Aujourd'hui, ce « il suffit» est moins mesuré ou quantifié qu'au temps de St Benoit.
Mais dans le dialogue avec le frère linger, chacun peut évaluer ses vrais besoins en vêtement.
Dans ce dialogue, l'écoute fonctionne dans les deux sens: le f. linger écoute les attentes du
frère, et celui-ci écoute les remarques ou les propositions du f. linger qui offre des vêtements
selon nos usages, pas trop ni trop peu, simple et correct, de couleur plutôt sombre en accord
avec notre blouson. Le f. linger veille à mettre en œuvre la recommandation de Benoit sur la
juste mesure de l'habit adapté à chacun. Dans ce dialogue, l'exigence indiscrète n'a pas de
place. De même l'accumulation d'effets. Nous remettons ce qui ne nous sert plus. Apprendre
dans le dialogue cette légèreté vis-à-vis de nos besoins est une chance pour grandir en liberté.
Un jour, j'accepte tel effet neuf, un autre jour je me réjouis de recevoir un vêtement déjà usagé,
heureux de demeurer dans une bonne sobriété. Les « moines ne se plaindront pas ». Tel est la
clé intérieure pour aller plus loin. Mais le frère linger, ou l'abbé veilleront à la juste mesure et
qualité pour tous. 3 avril 2019
1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.
2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.
3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,
4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »
Jusqu'où va ma liberté vis-à-vis des biens, des biens reçus ou donnés? En ce chapitre,
St Benoit pousse loin la recherche. Il propose une école de liberté exigeante. A l'égard des
objets comme en bien d'autres domaines, la liberté passe par la parole vraie. Parler de ce qu'on
reçoit et de ce qu'on désire donner, sera le gage de notre capacité à être vraiment libres vis-à-
vis des biens. St Benoit propose cet outil de la parole à l'abbé comme un outil pédagogique.
Prendre le risque de parler pour demeurer dans la clarté nous forme à la liberté intérieure. Cette
parole actualise pour aujourd'hui mon désir de suivre le Christ humble et pauvre. Je veux être
un homme qui vit selon l'évangile. J'ai là à ma portée une manière concrète de m'engager et de
vérifier où en est mon cœur. Est-il attaché à ce cadeau qui m'a été fait? ou bien au désir de
faire tel ou tel cadeau? Je ne parle pas ici de petites choses symboliques (carte, petits souvenirs
etc ... ) qui peuvent avoir leur place, sans bien sûr nous encombrer. Mais je pense à des objets
.--
plus conséquents, tel vêtement ou appareils divers, livres CD etc ... LLa pauvreté en vie
monastique ne consistera pas à avoir ou à ne pas avoir, mais à mettre tout en commurg et à ne
garder ou donner que dans la clarté d'une parole à l'abbé ... La pauvreté en vie cénobitique est
aussi une manière de tisser un vrai lien fraternel entre nous. Chacun ne vit pas dans son coin en
ayant ses fournisseurs ou ses clients à l'extérieur de la communauté. Non, chaque frère vit de
cette pauvreté de tout recevoir par la communauté et de tout lui donner. Je pense à des choses
très simples: une boite de chocolat que l'on ne garde pas, mais que l'on met en commun, etc ...
Il peut en coûter sur le moment. Mais n'y-a-t-il pas une joie plus grande à partager qu'à garder
pour soi? à se détacher plutôt qu'à s'accrocher aux biens et aux choses? De même sije souhaite
faire un cadeau, un objet ou un livre de la librairie par ex,j'en parle à l'abbé, plus qu'au libraire
qui peut se trouver en porte à faux ... La librairie n'est pas un libre-service pour les frères. Parler
nous place dans une dynamique de discernement.Pourquoi est-ce que je pense important de
faire ce cadeau? Et la raison peut être tout à fait juste ... Mais je le vérifie et je ne me considère
pas comme le propriétaire des biens du monastère. Ces points de vie pratique nous exercent à
la liberté, à la remise de nous-mêmes sous le regard d'un autre, jusqu'au jour où il nous faudra
nous remettre totalement dans les mains de notre Père des Cieux ... 02 avril 2019
16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.
17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.
18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.
19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :
20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.
21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.
22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.
23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,
24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.
Pour reprendre ce que dit Benoit sur l'accueil des hôtes, je retiens trois points: Le
Monastère est la maison de Dieu. La pratique de la liberté dans l'accueil. Le
monastère est la maison des moines.
Le monastère, maison de Dieu. L'expression est de St Benoit. Elle nous dépossède
de notre maison. Nous sommes tous les hôtes de Dieu. Nous sommes tous reçus
par Lui. Le moine qui accueille n'est pas un propriétaire qui ouvre la porte de sa
maison. Il est lui-même l'hôte de Dieu. Il lui demande la grâce de demeurer dans sa
maison. C'est un lieu où doit se manifester la gloire de Dieu, sa présence. Christ est
vraiment là. Le Christ est présent dans la personne des frères qui accueillent. Et
c'est le Christ qui frappe à notre porte, en la personne de l'hôte.
La pratique de la liberté dans l'accueil. Nous retrouvons là les difficultés
provoquées par le tempérament de chacun. Pour accueillir, il faut d'abord être
disponible: le moine surchargé, ou préoccupé de lui-même, ne peut accueillir. Ni le
bavard, ni le dominateur. Ni le moine qui fuit le silence. Ni celui qui est
constamment soupçonneux. Tous ces défauts nouent l'intelligence et le cœur. Ils
rendent difficile l'accueil de qui que ce soit.
Le monastère, maison des moines. La vraie liberté humaine et chrétienne exige un
effort constant. Le monastère est bien la maison d'hommes en quête de cette
liberté du cœur. Elle seule permet d'entendre Dieu, et d'accueillir l'autre. Non
seulement parce qu'il nous plaît, ou parce qu'il nous flatte. Mais parce qu'il est
toujours, même mal croyant, même filou, envoyé par Dieu. C'est-à-dire que le
nouveau venu a pour effet de ramener le moine à sa propre liberté et à sa
conscience. L'hôte joue donc un rôle actif dans la conversion du moine. Lequel,
parmi nous, n'a pas reçu des hôtes de fortes leçons de vie chrétienne? C'était le
Christ que nous avions reçu. Comme toujours, sa Parole n'est pas demeurée en
nous sans porter du fruit.
Un frère disait: « Avant de rencontrer un hôte, je prends toujours un temps de
prière ». C'est ce que nous devrions faire, toujours. Car il y a ce lien entre accueillir,
et se recueillir. Pas d'accueil de l'autre, s'il n'y a pas en nous ce silence du cœur qui
nous permet d'être attentif à celui qui est devant nous, à qui il est, pour Dieu. - 30 mars 2019