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34. Ne pas être orgueilleux,
35. ni adonné au vin,
36. ni grand mangeur,
37. ni ami du sommeil,
38. ni paresseux,
39. ni murmurateur,
40. ni médisant.
41. Confier son espoir à Dieu.
Comment recevoir ces instruments alors qu'il parait évident au regard de la morale chrétienne qu'un disciple de Jésus ne peut se complaire dans l'orgueil, le vin ou la médisance? Quel rôle peuvent-ils jouer ? Une comparaison me vient : celle du code de la route. Tous les conducteurs savent qu'il ne faut pas dépasser les 80 km/h, qu'on s'arrête à un stop ou à un feu rouge, qu'on fait du 50 km/h dans les villages, voire du 30 km/h etc... Effectivement, nous le savons. Mais curieusement, il peut nous arriver de ne pas avoir envie d'en tenir compte, et pas toujours pour de justes motifs. Alors sur la route, interviennent d'autres signaux : par ex lorsqu'on entre dans les villages, un écran affiche à quelJe vitesse on arrive, et si la vitesse dépasse les 50 km/h, l'affichage est rouge avec un petit émoticône, (ces images qui expriment une émotion), par ex ici l'image d'un visage contrarié... N'en va-t-il pas de même avec les instruments entendus ce matin ? Dans notre mémoire, ils sont comme des émoticônes qui peuvent venir réveiller notre conscience assoupie, ou bien notre désir de progresser dans tel domaine. lis nous rappellent à la vigilance, à cette part de responsabilité qui revient à chacun dans la gestion de sa vie. L'orgueil est de tous les vices le plus sérieux, mais aussi peut-être le plus subtilement et le plus sournoisement mêlé à notre condition humaine. La vie se charge, souvent à nos dépends, de nous le révéler à travers toutes nos prétentions illusoires. Par ex. en ces moments où l'on conclue : « Làj 'aurai mieux.fait de m'abstenir ou de me taire». Pour le combattre, il nous faut assurément « confier notre espoir à Dieu », le seul qui est vraiment humble, comme il nous l'a montré en Jésus. La liberté vis-à-vis du vin, de la nourriture, ou du sommeil relève, selon les personnes et leur histoire, d'une lutte plus ou moins forte. Lutte tout à fait respectable qui interdit tout jugement extérieur, mais qui renvoie à l'humble attention pour soi-même. Et pour celui qui a davantage reçu, la vigilance pourra prendre la forme du jeûne ou de la veilJe. « Ne pas être paresseux. ni murmurateur ni médisant» ... Ces instruments viennent réveiller la part de nous-même incline à l'esquive, à la dérobade... Face à une tâche à faire, un travail à accomplir, on fuit. Et au lieu de dire en face ce qu'on pense, on murmure, on rumine intérieurement et sans aucun fruit, sinon des fruits amers. Ou alors, on déblatère sur les autres. Et par la médisance, on pique les autres à distance, espérant peut-être, mais en vain, régler nos comptes avec nous-mêmes. Car le murmure ou la médisance manifeste bien plus notre mal-être que celui des autres. Couper court avec ces mouvements qui nous rongent, c'est comme percer un abcès afin de permettre la guérison d'une plaie.« .Mets une garde à mes lèvres, veille au seuil de ma bouche. Ne laisse pas mon cœur pencher vers le mal. » (Ps 140, 3-4).
29. Ne pas rendre le mal pour le mal,
30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,
31. aimer ses ennemis,
32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,
33. souffrir persécution pour la justice.
Dans les instuments entendus ce matin, il y a une sorte de progression qui est instructive. Leur point commun est la lutte spirituelle à mener dans l'adversité. Un jour ou l'autre, dans la vie commune ou bien à l'extérieur, nous pouvons rencontrer de fortes injustices, être victime d'un mal injuste. A l'image et à la suite de Jésus, s'engage alors un rude combat, le combat contre le mal qui se présente à visage découvert, étant habituellement souvent caché ou mélangé. « Ne pas rendre le mal pour le mal» s'offre à nous comme une maxime de base. Si l'épreuve peut devenir source de dépassement d'un conflit ou d'un mal être, ce ne sera qu'en sortant de la spirale de la vengeance qui ne fait qu'augmenter le mal. Non seulement,« ne pas fàire d'injustice, mais supporter patiemment celles qui nous sontfàites ». A la suite de Jésus, dans cette lutte contre le mal à sa racine, il nous faut accepter de supporter avec patience. Ne rien dire gui attise, ne rien faire qui envenime. Supporter l'injustice dans la conviction que la patience est un moyen plus sûr de résolution que la violence. Notre foi nous l'apprend en Jésus. Sur ce chemin, l'instrument suivant : « aimer ses ennemis», nous indique jusqu'où il nous faut aller. Si la résistance à l'iqjustice consiste uniquement à serrer les dents, elle sera de courte durée. En nous engageant à aimer nos ennemis, Jésus nous montre, et en même temps il nous fait la grâce d'aller chercher la force là où elle se trouve: dans l'amour. L'Esprit Saint qui est
en nous semence d'amour, nous entraine à aimer nos ennemis. N'est-ce pas lui déjà qui nous apprend à prier pour eux, pour le frère avec je n'arrive pas à m'entendre? N'est-ce pas lui qui vient changer mon regard, et sur mon frère et sur ma propre complicité avec le mal ? Un des fruits de l'amour sera de« bénir alors qu'on nous maudit». Seul l'amour répandu par !'Esprit Saint peut venir guérir notre cœur blessé par l'offense et l'injustice, et le rendre capable de bénir, d'aimer en retour. Comme le témoignage de certaines personnes nous le fait entendre, dans l'adversité il nous faut demander dans la prière, la grâce d'une attitude nouvelle faite de pardon et d'accueil de l'autre... Par nous-même, nous en sommes incapables, trop enclins aux réflexes de vengeance ou de repli indigné sur son bon droit. Le dernier instrument, « soL{f/hr persécution pour lajustice » inspiré de la béatitude « heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux ,, nous redit que tout ce combat ouvre un chemin vers le bonheur, déjà sur cette terre parfois, dans le Royaume sûrement.
22. Ne pas accomplir l'acte qu'inspire la colère,
23. ne pas réserver un temps pour le courroux.
24. Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur,
25. ne pas donner une paix mensongère,
26. ne pas se départir de la charité.
27. Ne pas jurer, de peur de se parjurer,
28. émettre la vérité de son cœur et de sa bouche.
Ces instruments me font penser aux propos d'une intervenante lors d'une session entre abbés sur l'affectivité. Psychanalyste, elle comparait l'ensemble de nos affects à un chaudron, à un potentiel d'énergies qui est là en nous. Ce chaudron peut soit exploser en tout sens au risque de brùler tout autour de lui, soit il peut devenir générateur d'énergie parce que sa puissance est canalisée et dirigée dans un but précis... Qu'on pense aux machines à vapeur d'autrefois qui pouvaient faire tourner des trains ou des métiers à tisser, etc...
Les instruments, proposés ce matin à notre méditation, veulent nous apprendre au moins à canaliser ces énergies, en mettant des limites. La colère est un puissant chaudron en nous. St Benoit nous demande de ne pas la laisser exploser, en accomplissant l'acte qu'elle inspire. La colère comme la peur n'est jamais bonne conseillère. Elle est toujours aveugle. Mais que faire de cette énergie dévorante ? Là refouler pour la déverser plus tard ? Non, dit St Benoit, on « ne réserve pas un temps pour le courroux » et on « n'entretient pas la tromperie dans son cœur ». Donc pas de colère rentrée... St Benoit ne donne-t-il pas une manière de transformer en énergie positive la colère, lorsqu'il recommande de « ne pas se départir de la charité»? La charité, l'amour du frère reste le seul dernier mot possible, parce seul l'amour peut restaurer et consolider la communion. L'amour peut dès lors aider à prendre de la distance avec la colère et à comprendre ce qui se passe. La colère puise son énergie dans le désir profond en nous de défendre la vie, et d'assurer la justice. Pas de vie possible entre humains, sans justice. Et pas de justice sans pardon, ajoutait le Pape Jean Paul IL Que la vie et la justice soient en danger, nait en nous un sentiment gui s'insurge pour les défendre. Mais cette indignation est-elle seulement l'expression plus ou moins épidermique d'un mouvement d'auto-défense (type action-réaction)
? Ou bien s'enracine-t-elle dans un sens plus large du bien-être de tous ? Plus notre regard s'élargit sur les besoins des autres, plus notre désir de défendre la vie et la justice devra aller chercher profondément en nous son énergie. Je pense ici aux grandes figures de la non-violence Gandhi, Martin Luther King, Jean Goss... qui ont su défendre la justice et la vie en donnant à leur colère des formes et une énergie non-violentes capables de désarmer leurs adversaires : le jeùne, la prière, la résistance pacifique, le dialogue... Leur exemple peut inspirer toute vie communautaire pour peu à peu apprendre à passer de la colère auto-défense immédiate, à la colère gui est lutte contre les racines du mal en soi et chez les autres... par la prière pour les autres, par le jeùne, par l'écoute patiente...
21. ne rien préférer à l'amour du Christ.
« Ne rien préférer à l'amour du Christ».... Je ne sais pas comment vous entendez cette formule si chère à nos oreilles de moines... S'agit-il de mon amour pour le Christ auquel je ne dois rien préférer, ou s'agit-il de l'amour que le Christ me porte et que je dois préférer entre tous ? Dans son commentaire, Michaela Puzicha opte pour la seconde option : « Benoit ne parle pas d'abord de l'amour du moine pour le Christ, mais, selon l'Evangile, il montre que le Christ a devancé le moine par son amour» (p 86)... Pris dans cet ordre, c'est tout le chemin spirituel du chrétien qui s'esquisse, chemin fait d'abord d'accueil puis de don de soi. L'amour du Christ nous précède. « Voilà à quoi se reconnait l'amour, ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés» (Jn 4,10). Reconnaitre cet amour n'est-ce pas le premier pas que nous proposent la liturgie et les sacrements offerts comme un cadeau. Le Christ nous aime avant même de nous demander de le suivre... Son amour vient nous chercher, il se pose sur nous, comme son regard sur le jeune homme riche (Mc 10, 21). Le croyons-nous assez? L'accueillons-nous vraiment? N'est-ce pas une bonne part de notre labeur spirituel que de permettre à notre Dieu, au Christ notre Seigneur de nous aimer et de nous rejoindre. Le jeune homme riche a-t-il perçu l'amour du Clu·ist pour lui? En tout cas, il ne s'est pas laissé rejoindre par lui, de telle façon à emboiter le pas de Jésus. Dans la lectio divina, nous avons un lieu privilégié pour accueillir le regard et la parole de Jésus afin d'y reconnaitre et d'y entendre la force de son amour, _la paix qui accompagne la confiance qu'il nous porte, et la joie qu'il peut éveiller dans notre cœur. Aux confins de l'œuvre de grâce et de notre labeur spirituel, cet accueil nous ouvre les yeux et le cœur peu à peu sur l'identité de Jésus. Qui est-il pour nous et qui sommes-nous pour lui ? Sur le chemin de la relation avec lui, ses appels, depuis l'appel initial jusqu'aux appels quotidiens qui en cessent pas, font moins peur. S'ils nous bousculent toujours, Jésus se révèle comme un Père gui guide et accompagne autant que comme un Maitre qui enseigne et demande, et se propose de devenir notre Ami (Jn 15). Il donne dans le même temps qu'il demande. Quand St Benoit nous appelle à préférer son amour immense à ceux plus éphémères qui peuvent nous retenir, il nous entraine sur les chemins de l'éternité. Il veut nous préparer à cette vie et à cet amour sans cesse accueillis et sans cesse découverts que nous expérimenterons. Le chant de louange et d'action de grâce que nous balbutions avec plus ou moins d'aisance sont déjà la première réponse que nous pouvons offrir en réponse à l'amour du Christ. Lui dire notre merci émerveillé.
20. Se rendre étranger aux actions du monde,
« Se rendre étranger aux actions du monde »... Comment bien entendre cet instrument qui peut toujours comporter le risque d'une erreur de discernement, en jetant à priori le discrédit sur les réalités humaines ? La question est délicate, jamais facile à trancher. Le monde duquel nous sommes issus et dans lequel nous vivons est à la fois ,ton puisque sorti des mains de Dieu, et à la fois blessé par le péché comme le rappelait si bien Paul dans l'épitre aux Romains hier. Vivre en ce monde demande une vigilance incessante au chrétien, une sorte de prise de distance perpétuelle pour évaluer si l'orientation prise est bien la bonne. Se rendre étranger, pourrait dès lors s'entendre comme savoir prendre du recul. ... Il ne s'agit pas de se rendre indifférent, comme si nous n'en étions pas, ni de regarder de haut comme si nous étions nous-mêmes les juges de ce monde... La posture juste est certainement délicate à tenir. Elle ne peut que se recevoir comme le fruit de la grâce alliée à une vigilance bienveillante. La lettre à Diognète offre à ce titre de précieux repères. J'en cite quelques extraits : « Les Chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre : ils n'ont pas d'autres villes que les vôtres, d'autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes : seulement ils ne se livrent pas à l'étude de vains systèmes, fruit de la curiosité des hommes, et ne s'attachent pas, comme plusieurs, à défendre des doctrines humaines» (5). La singularité du chrétien repose sur la Parole Divine qui lui tient de repère premier autour duquel s'ordonne toute sa vie.
L'auteur poursuit : « Ils habitent leurs cités comme étrangers, ils prennent part à foui comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs. Pour eux, toute région étrangère est une patrie, el Ioule patrie ici-bas est une région étrangère (5). Le chrétien et le moine peuvent prendre du recul vis-à-vis de la cité parce qu'ils se savent« de passage», des voyageurs dont le voyage ici-bas n'est qu'une étape. C'est la cité à venir qui donne sens et qui juge la cité d'ici bas. En prenant la comparaison de l'âme qui soutient le corps, l'auteur continue: « L'âme immortelle habite un tabernacle périssable ; les chrétiens, qui attendent la vie incorruptible des cieux, habitent comme des étrangers les demeures corruptibles d'ici-bas. L'âme se fortifie par les jeûnes, les chrétiens se multiplient par les persécutions : le poste que Dieu leur a confié est si glorieux, qu'ils regardent comme un crime de l'abandonner» (6). Abandonner le combat sur cette terre pour fuir est un crime.:.car il s'agit de d'aimer jusqu'au bout.« Les chrétiens n'ont que de l'amour pour ceux qui ne leur montrent que de la haine» (6) dit encore l'auteur.
14. Restaurer les pauvres,
15. vêtir les gens sans habits,
16. visiter les malades,
17. ensevelir les morts,
18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,
19. consoler les affligés.
« Restaurer les pauvres, vêtir les gens sans habits, visiter les malades, ensevelir les morts ... » Il est heureux que dans notre règle monastique prennent place ces recommandations, toutes tirées des Ecritures. Elles nous rappellent que notre vie monastique qui a sa spécificité propre d'une vie retirée ordonnée à la recherche de Dieu, n'est pas exempte des devoirs de tout homme envers son prochain. Le chapitre 25 de St Mt reste en filigrane des instruments entendus... Le Christ est présent en chaque être rencontré, particulièrement des plus souffrants. Nous les moines, nous sommes aussi convoqués et personnellement et communautairement à ouvrir notre table et notre vestiaire aux pauvres, à donner une place dans notre temps aux malades, aux affligés. li pourrait y avoir un écueil d'entrer dans une vision un peu trop mondaine qui vise à séparer les rôles par souci d'efficacité... et du coup de renvoyer aux autres
ces personnes dans la détresse : les pauvres au Secours Catholique, les malades à l'hôpital, les migrants aux associations spécialisés etc... Il est sûr que nous ne pouvons tout faire et nous mesurons que nos forces ne nous permettent pas de tout assumer. Parfois, il apparait nécessaire de confier un ancien à l'Ephad comme nous l'avons fait pour f. Noël. Mais il est important que nous puissions accueillir les passagers ou encore donner un espace à Jessy qui a passé plusieurs mois. Je remercie les frères hôteliers qui sont en première ligne, ainsi que f. Placide... Il peut arriver aussi que la visite à l'extérieur, à une personne malade s'impose... Voilà donc quelques instruments entendus qui ne sont pas à prendre à la légère. Ils viennent nous mettre en alerte afin de ne jamais nous considérer comme quitte vis-à-vis des détresses humaines. Heureux sommes-nous si demeure en notre cœur une sorte d'inquiétude qui nous rende accueillant au pauvre qui se présente, lui offrant un sourire ou la parole juste. Nous ne pouvons alléguer notre situation de moine pour nous fermer aux détresses qui arrivent. Si nous ne pouvons répondre à toutes les sollicitations, les accueillir et les écouter sans peur, ni faux-semblants, sera pour ces personnes, parfois un vrai baume sur le cœur... Demandons à !'Esprit Saint de nous assouplir toujours davantage afin de nous laisser déranger. Et dans la prière, « portons vers le Seigneur tout chair tout esprit blessé » que nous croisons, dont nous entendons parler.
11. Châtier le corps,
12. ne pas rechercher les plaisirs,
13. aimer le jeûne.
Ces trois instruments semblent expliciter le renoncement à la suite du Christ :
« Châtier son corps. Ne pas rechercher les plaisirs. Aimer le jeûne. »
Châtier son corps : c'est une expression qui sonne mal aujourd'hui ! Nous craignons de nous retrouver devant une spiritualité portée à mépriser le corps, à le traiter comme un ennemi embarrassant, secondaire. Comme s'il fallait s'évader de son corps. Alors que notre Foi est basée sur l'Incarnation de Dieu !
Châtier, en latin, c'est« castigare ». Ce verbe est dérivé de CASTUS : pur, chaste. Châtier a la même racine. Le contraire de castus est incastus, qui, en français, a donné incestueux. « Châtier son corps », ce sera donc, de façon positive, le garder dans la pureté de son emploi, de son service. Emonder les instincts. En évitant le double écueil : le mépris du corps, et l'exaltation du corps. Charles Péguy avait scandalisé, en rappelant que « le spirituel est aussi charnel ». Notre corps peut aussi nous aider à prier. Nous avons à mieux habiter notre corps.
« Ne pas rechercher les plaisirs. Aimer le jeûne. » li y a une loi, dans notre corps, qui nous invite à aimer les délices. A ne pas aimer le jeûne ! St Paul le dit : « Malheureux homme que je suis ! Le bien que je veux faire, je ne le réalise pas... Je prends plaisir à la Loi de Dieu, mais je découvre en moi une autre loi. » Rom 7/18-25. St Benoit nous invite à un renversement des valeurs, qui fixe les délices de l'amour, là où nous n'irions pas les chercher: dans le jeûne ! Aimer le jeûne, comme moyen d'aller à Dieu. Se laisser nourrir par Lui. Jésus nous donne la clé du jeune chrétien :
« L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Mat 4/4. Le jeûne nous met en face de nos désirs. De quelle nature sont les nostalgies qui vont naître dans notre cœur, quand il sentira la privation ? Les oignons d'Egypte ? Ou la Parole de Dieu ? Nous ne devons pas oublier non plus l'enseignement d'lsaïe sur le jeûne qui plait à Dieu, celui qu'il préfère. ls 58/6-7 : « Le jeûne que Je préfère, n'est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui étaient
écrasés. N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé ? Et encore : Les pauvres sans abri, tu les hébergeras. Si tu vois quelqu'un qui est nu, tu le couvriras... » Aimer le
jeûne est affaire divine. Cela s'exprime en œuvres de charité, où se dépasse tout égoïsme. Pour nous, concrètement : prendre notre part des services communs est certainement un jeûne qui plaît au Seigneur !
Se renoncer, châtier son corps, aimer le jeûne, se garder de l'amour du confort... Pas de vie monastique, pas de vie chrétienne, si nous ne mettons pas en œuvre ces moyens qui nous rebutent d'abord. Les faire entrer dans notre vie. Ne soyons pas des amateurs. Mais des hommes qui aiment, qui mettent toute leur énergie au service de l'amour du Christ.
9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».
10. Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.
« Ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse. »
Cette maxime est si fondamentale dans la conscience humaine qu'elle a été
appelée : la Règle d'Or. On la retrouve, avec des variantes, dans toutes les traditions religieuses. Elle est connue de l'A.T. : « Ce que tu n'aimes pas, ne le fais à personne», dit le Livre de Tobie (4/15). C'est le contre poids de la Loi du Talion:
« œil pour œil ». Mais qu'est-ce que je n'aime pas qu'on me fasse? Au temps du Christ, dans le judaïsme, Hillel commente le commandement de l'amour du prochain de Lévitique 19: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même» par cette même Règle d'Or: « Aimer son prochain, dit Hillel, c'est-à-dire : ce que tu hais pour toi même, ne le fais pas aux autres. » Et il ajoute déjà : « Ceci est toute la Loi. » St Benoit, dans la Règle, a repris cette formulation négative. Et non ce qui est la nouveauté de l'Evangile: « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. » Mat 7/12, Le 6/31. « C'est la Loi et les Prophètes » conclut Jésus. Ce passage de la forme négative à la forme positive est essentiel. L'Evangile ne dit pas : Ne fais pas, il dit : Fais. Il ouvre un espace où la liberté a le choix des moyens, pour aller le plus loin possible. Il ne s'agit pas seulement d'éviter de faire du mal, de causer du tort. L'Evangile nous invite à prendre l'initiative du bien. Sans attendre qu'il nous soit rendu. St Benoit, en finale de ce chapitre, parle de ces instruments des bonnes œuvres en les appelant
« Instruments de l'Art Spirituel ». Le mot « spirituel » est à prendre ici au sens fort. Il
renvoie à la personne même de !'Esprit Saint qui travaille en nous. C'est Lui qui purifie le fond de notre cœur. C'est Lui, si nous le laissons agir en nous, qui nous inspire. C'est Lui qui nous apprend à aimer.
« Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ. »
Après la Règle d'Or, voici la clé. La clé de toute vie monastique. De toute vie spirituelle. Ce renoncement est héroïque pour l'homme tel qu'il est ! Mais nous avons un exemple, et un objectif: le Christ, la suite du Christ, la« sequela Christi ».
St Benoit en est conscient : l'oubli de soi est la chose la plus difficile. Dix fois dans la Règle, il revient sur ce qu'il appelle: « la haine de la volonté propre». li le dit dès le début: « C'est à toi que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à ta volonté propre, et qui prends les fortes et nobles armes de l'obéissance, pour combattre sous l'étendard du Seigneur Christ, notre vrai Roi. »
Suivre le Christ : notre vie, ce n'est pas seulement suivre un règlement, obéir à un supérieur, où renoncer à toute volonté propre entre les mains d'un chef. Ce que St Benoit propose dépasse tout projet humain et ce qu'il peut avoir de contestable.
Suivre le Christ. Emboîter son pas, entrer dans son mouvement de kénose. « Il s'est renoncé à lui-même, prenant la condition humaine... » Nous en sommes les bénéficiaires. Nous avons à en être les témoins. Lui-même nous appelle : « Celui qui veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même.» Mt 16/24. C'est clair: l'objectif est de suivre le Christ, et le moyen, se renoncer. Pourtant il faut suivre le Christ avec tout soi-même. Mais il faut renoncer à user de soi pour soi-même. Le MOI fait obstacle à la relation. Nous sommes invités à entrer dans la kénose, qui est la nature même du Fis s'abandonnant à son Père. C'est le propre du Fils de renoncer à lui-même. En nous, c'est l'œuvre de !'Esprit. Lui seul peut accomplir cet oubli de soi. L'Esprit ne peut rien faire d'autre en nous. Christ nous dit, à chacun : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même ! » Le 9/23 Nous avons à écouter sa voix.
5. ne pas voler,
6. ne pas convoiter,
7. ne pas porter faux témoignage. »
8. Honorer tous les hommes,
« Ne pas voler ». La réalité du vol n'est pas moins commune que celle de l'adultère. St Jean nous dit que Judas était un voleur. Et Jésus va être mis en Croix entre deux voleurs. « Il a été mis au rang des malfaiteurs », des voleurs !
Ne pas voler : encore un curieux conseil donné à des moines, qui sont censés ne rien posséder. Mais ce n'est pas si simple. Aucun d'entre nous n'est à l'abri d'un geste furtif qui accapare le bien commun. Par notre profession monastique, nous ne pouvons plus rien posséder, pas même notre propre corps. Mais c'est en permanence que nous volons Dieu ! Un seul ne vole pas : Dieu à qui tout appartient. Depuis qu'il nous a tout donné, nous ne volons plus. Sauf si nous mettons notre richesse dans ce qu'il nous donne, plutôt qu'en Lui, le Donateur.
« Ne pas convoiter ». Les 3 instruments qui suivent : « Ne pas convoiter, ne pas porter de faux témoignage, respecter tous les hommes », concernent encore nos relations avec nos frères. « Ne pas convoiter » : Le Décalogue précise davantage :
« Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient». Ex 20/17.
Désirer ce qu'a l'autre, ce qui lui arrive de bien. Cette impression que l'on fait toujours plus pour tel frère que pour moi. Ou pour tous les frères que pour moi. Ce sentiment que les qualités, l'histoire de mes frères sont meilleures que les miennes. La jalousie !
Nous avons à apprendre à rendre grâce pour tout ce que Dieu nous donne de vivre. Ce qui, dans mon itinéraire, dans ma vie, m'a aidé à être heureux. Ce que Dieu donne à chacun d'entre nous de vivre, aujourd'hui. Remercier et non pas jalouser.
« Ne pas porter de faux témoignages ». Le témoignage contre un frère est toujours plus suspect que le témoignage en sa faveur ! La vérité est toujours du côté de ce que l'autre a de meilleur. Peut-être que je crois dire vrai, mais ce que je dis va peser lourd sur la réputation de mon frère. Limiter au maximum ces témoignages mauvais. Nous sommes les disciples de Celui qui a été condamné sur faux témoignage. Nous avons surtout à être témoin de la Résurrection du Christ.
« Respecter tous les hommes». Absolument tous. Il n'y a ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre. Nous sommes tous un en Christ. Tous susceptibles du même respect profond accordé aux fils de Dieu. Souvent nous respectons tous les hommes, sauf un ou deux, de ceux justement avec qui nous vivons. Et c'est une souffrance, pour eux et pour nous. Ce texte nous rappelle que nous ne pouvons pas nous y résigner. Que nous devons tout faire, tout ce qui dépend de nous, pour rétablir la relation fraternelle. Pour ne pas laisser s'établir entre moi et un frère un silence mauvais. Ni des sentiments mauvais dans mon cœur. Il est toujours urgent de remettre la lumière entre nous.
3. Ensuite « ne pas tuer,
4. ne pas commettre d'adultère,
St Benoit continue sa liste d'instruments, en puisant dans le Décalogue.
On peut se demander si ce catéchisme de base a vraiment sa place dans une Règle destinée à des moines ! St Benoit vient d'énoncer les deux grands commandements de l'Amour, et voici qu'on retombe dans la Loi. Et la Loi rude : Ne pas tuer !
Mais St Benoit suit le modèle de Jésus, quand il énumère pour le jeune homme riche de Mt 19 la liste des commandements. Jésus commence précisément par :
« Tu ne commettras pas de meurtre. » St Benoit risque s'attirer la même réponse que Jésus: « Tout cela, je l'ai observé depuis ma jeunesse ! » St Benoit sait pourtant que ce rappel n'est pas superflu. Car ne pas tuer est une véritable oeuvre permanente. Ce n'est pas seulement s'abstenir de l'acte concret et extrême, qui mettrais fin, brutalement à l'existence de mon semblable. C'est entrer dans le combat contre toute les pulsions homicides qui sont en moi. Contre tous les germes destructeurs que j'introduis, même inconsciemment, dans mes relations. Qui n'a pas tué ! Nous savons que le Diable a été, dès l'origine, tueur d'homme. « Il a été meurtrier dès l'origine», dit Jésus. Jn 8/44.
Tueur d'hommes. Nous, il nous arrive de sentir monter en nous des vagues de violence. On veut supprimer l'autre, ou même se supprimer soi-même ! C'est rare, heureusement, mais il y a bien des façons de tuer. Avec les yeux : ces regards de mépris, ou pire, d'indifférence : on regarde à travers l'autre comme s'il n'existait pas. St Jacques parle aussi du poison mortel de la langue : la médisance, la calomnie, les critiques... Quiconque hait son frère, est un tueur d'homme. Et la haine que j'ai contre lui me tue moi-même. Elle me détruit Il faut craindre ce qui tue l'âme.
St Benoit sait de quoi il parle, quand il met en garde les moines contre le risque d'adultère. Même s'ils vivent assez bien protégés par une clôture. Il sait aussi que, si la Règle veut être un raccourci de l'Evangile, elle doit contenir toute la Loi et les Prophètes.
Dans le Décalogue, ce commandement, « ne pas commettre l'adultère », vient après l'interdit de tuer. En Mat 19, Jésus le redit au jeune homme riche. Et Jésus a dû sourire quand celui-ci a protesté : « J'ai observé tout cela depuis ma jeunesse » ! Qui peut le prétendre ! « Que celui d'entre vous qui est sans péché lui lance la 1ère
pierre ! » Jn 8. Car « vous avez appris qu'il a été dit : tu ne commettras pas d'adultère, et moi je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son coeur, commis l'adultère avec elle. » Mat 5. « C'est du coeur que procède adultère, fornication. » Mat 15. Et quand Jésus dit: « Génération mauvaise et adultère», cette apostrophe dénonce l'idolâtrie : On change de Dieu comme on change de femme ! Toutes ces paroles du Christ nous concernent. Mais il nous dit aussi : « Va, et désormais tâche de ne plus succomber. ))