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51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,
52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.
53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »
54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »
A la suite du 6° d'ailleurs, ce 7° degré fait bien saisir combien l'humilité se reconnait à certains indices. Elle n'est pas affaire de paroles, mais elle est là au fond du cœur comme une disposition : « on le croit dans l'intime sentiment de son cœur ». Le moine humble est suffisamment descendu au fond de son cœur pour ne pas se voiler la face sur sa réalité profonde. Cette étonnante prise de conscience n'obéit pas à une volonté volontariste. Elle est plutôt de l'ordre d'un consentement profond à la vie telle qu'elle est donnée, avec ses épreuves et ses contradictions qui mettent à mal toutes les images idéales que 1'on peut échafauder. Ici, l'humilité commence avec l'accueil du mystère que nous restons à nos propres yeux. En descendant peu à peu en son cœur, dans une connaissance plus fine de soi, les faces plus obscures apparaissent ainsi que les intentions pas toujours avouables. Descendre ainsi en ces zones n'est pas toujours confortable, ni plaisant, mais certainement libérateur. Ne pas le faire risque de nous laisser être le jouet de forces ou de mouvements internes qu'avec le temps nous sommes incapables de maitriser ou de dominer : telle peur, telle angoisse, telle mouvement d'animosité, telle attirance qui n'est pas libre, telle désir qui entrave la route... C'est humilité de reconnaitre sa pauvreté, une dépendance ou un excès. Et c'est déjà une libération de pouvoir les nommer afin de mieux les travailler. L'humilité devient comme une maitresse de vie qui nous prend par la main et qui nous montre comment habiter avec nous-mêmes et avec nos forces plus ombrageuses. Ce 7° degré cite le psalmiste et nous suggère que ce travail intérieur qui nous rabote est une voie de docilité à la Parole du Seigneur. « Il est bon que tu m'aies humilié, pour que )'apprenne tes commandements» (Ps 118, 71,73). Le Seigneur ne cherche pas à nous humilier. Mais comme souvent dans la bible, on attribue à Dieu ce qui relève des évènements, les bons comme les moins bons. Même les plus difficiles peuvent devenir source d'enseignement et de progrès dans l'écoute de la Parole. Nous apprenons à nos dépends autant qu'à travers ce que nous choisissons et décidons. Quel qu'en soit les voies emprnntées, l'humilité à !'oeuvre dans nos vies nous ouvre les yeux sur la bonté du projet de Dieu et de sa Volonté. Nous apprenons qu'il nous est bon de lui être docile et fidèle.
49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,
50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »
Plus le moine monte sur l'échelle de l'humilité, plus il descend en son propre cœur. Deux traits ressortent de·ce degré entendus ce matin: l'humilité donne la capacité d'accepter le réel difficile sans en être révolté; l'humilité permet une meilleure connaissances de son néant fondamental
L'humilité donne la capacité d'accepter le réel difficile: « le moine se contente de ce qu'il y a de plus vil et d'abject ». Se contenter ou exiger ? Se contenter ou manifester sa susceptibilité ? Ce 6° degré donne ici un indice fort, un petit baromètre portatif, pour mesurer combien l'humilité est souvent encore loin devant moi. Au lieu de me contenter,je me rebiffe, au lieu d'accepter les évènements,je m'énerve ouje m'irrite. Le réel gui contrarie mes projets ou mes désirs me prend à rebrousse-poil, me surprenant à vouloir que tout soit conforme à mes désirs, que tout colle à ce que je projette, que les autres viennent me conforter. J'oublie que je ne suis gu 'une infime partie de la réalité. Un être fragile qui passe. J'oublie que je reçois tout et que je n'ai rien à exiger. Le moine qui se contente de ce qu'il y a de plus vil et abject est capable de vivre avec lui-même, sans avoir besoin de la reconnaissance des autres, sans leur approbation. Il peut habiter avec lui-même, caché aux yeux des autres. Pour tendre vers ce lieu de liberté avec soi-même, nous pouvons profiter des petites occasions que nous offre la vie quotidienne : ne pas s'offusquer qu'un frère me coupe la parole, prendre le petit bout de fromage ou de pain laissé par tout le monde, accepter le vêtement qu'on me donne, consentir à laisser les autres parler sans être triste de ne pouvoir en placer une ...
L'humilité permet une meilleure connaissance de son néant fondamental. « Le moine se juge comme un ouvrier mauvais el indigne, en se disant ... je suis réduit à néant comme une bête brute ... etje suis toujours avec toi». A ce niveau, il ne s'agit pas de dépréciation de soi au regard d'un idéal qu'on ne peut atteindre, mais plutôt d'une reconnaissance foncière de son néant. Que pouvons-nous prétendre être par nous-même ? Devant Dieu qui est, et qui est bonté, l'humilité nous fait reconnaitre l'abime gui nous en sépare. Et dans le même temps, l'humilité loin d'être dépréciation de soi devant soi, est totale remise de soi à Dieu. Dans la conscience de n'être rien devant Dieu, le moine à la suite du psalmiste (72) peut dire «je suis toujours avec toi». Il a tellement conscience de n'être rien sans Dieu, qu'éclate à ses yeux la forte conviction d'être toujours avec Dieu, toujours se recevant de lui, n'existant que par lui ...
44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.
45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »
46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »
47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.
48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »
Nouveau degré, nouvel indice que l'humilité transforme notre coeur: nous pouvons
parler à l'abbé ou au père spirituel de nos pensées, de nos péchés. Comme il est difficile d'être
à découvert devant un autre, sans façade, ni masque. Cet exercice est pourtant une des bouées
précieuses de la vie du moine. Dans les périls rencontrés, qui parfois prennent des allures de
naufrage, cette parole appuyée sur l'écoute et l'accueil d'un frère peut nous tirer des flots
menaçants. Sa force? C'est de la vivre comme une parole dite au Seigneur lui-même.« Je t'ai
fait connaitre mon délit .. .J'ai dil: je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur ... »
Cette foi en la présence de Dieu gui est là dans l'entretien spirituel avec un frère est un levier
très fort. Il nous permet de dépasser les légitimes appréhensions, la peur d' être jugé ou méprisé.
La foi en la présence divine nous entraine à regarder notre vie sous la lumière forte et douce du
regard du Seigneur. Son regard est sans complaisance pour le mal et le péché faits ou subis.
Mais il est infiniment miséricordieux pour les pécheurs qui nous sommes. Vivre régulièrement
l'ouverture du coeur, ou dans un autre registre le sacrement de la réconciliation nous rend plus
familier de ce regard divin si profond et subtil. .. Regard que le Seigneur porte sur moi, et donc
aussi sur mon frère ... Connaitre la manière de regarder de Dieu nous engage à changer notre
regard sur nous-mêmes et sur les autres. Si je me laisse vraiment regardé et aimé par Dieu au
creux de mon péché et de mes noirceurs, je ne peux plus regarder ensuite mes frères de la même
manière. Plus je peux parler en vérité sans fausse honte devant un frère, plus je laisse le regard
divin me rejoindre et me transformer. Et cela ne se fait pas en un jour. Il ne suffit pas de le
penser, voire de le désirer. Il faut nous laisser mouiller par la grâce, imbiber par la miséricorde,
afin que notre coeur soit touché. « Tu as pardonné l 'impiété de mon coeur ». Le pardon du
Seigneur a des vertus qu'on ne soupçonne pas. D'expérience désirée en expérience vécue à
travers l'ouverture du coeur ou le sacrement de réconciliation, il fait son oeuvre de libération et
de purification.« J'ai dit.Je rendrai grâce au Seigneur, en confessant mes péchés» (Ps 31 ,5) ...
Oui, la grâce de dire son mal ou son péché devient grâce d~: chanter la bonté du Seigneur et ses
merveilles. - 16 -11-2019
35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,
36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»
37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »
38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »
39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »
40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »
41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »
42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;
43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.
Ce degré peut nous effrayer de prime abord, surtout dans le contexte actuel marqué par
les abus. En effet,jusqu'où l'obéissance peut-elle« imposer des choses dures et contrariantes,
voire des injustices de toute sorte » pour reprendre les mots de St Benoit ? La sensibilité
actuelle nous fait regarder avec bea"ticoup de circonspection des propos qui pourraient entrainer
des dérives autoritaires, voire sectaires, au nom de l'obéissance. Mais alléguer ce 4° d'humilité
pour justifier de telles attitudes serait.un réel et inacceptable abus de pouvoir. En fait en ce 4°,
il s'agit d'autre chose.
Ce 4° n'est compréhensible qu'à la lumière des 2° et 3° qui plaçaient le moine sur les
pas du Christ en route vers sa passion. Ce 4 ° veut nous faire comprendre jusqu'où vont
l'obéissance et l'humilité à la suite. de Jésus.« Le disciple n 'est pas au-dessus du maitre» avait
prévenu Jésus. La succession des citations empruntées aussi bien à l' AT qu'au NT font émerger
peu à peu le visage du moine disciple en surimpression du visage du Christ en sa passion. Le
moine, qui supporte silencieusement les injustices,« embrasse la patience silencieusement dans
la conscience» comme Jésus a fini par se taire devant Pilate et Hérode. Ce silence n'est pas
fermeture ou repli, mais consentement dans la conscience ... Face aux outrages ou aux choses
contrariantes, un autre travail est à l 'oeuvre dans le coeur. Le moine devient encore comme le
Serviteur souffrant auquel on a très vite identifié Jésus au lendemain de la résurrection. « Pour
toi, nous sommes mis à mort chaquejour ... comme des brebis d'abattoir» (Ps 43, 23, cfls 53,7).
Par la patience dans les adversités, le moine manifeste en fait dans toute sa profondeur son
visage de disciple de l'Evangile qui met en pratique les préceptes de Jésus : «.frappés sur une
joue, ils présentent aussi l'autre, à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau » ...
A travers ce visage esquissé du moine disciple est-ce la tristesse qui domine? Non, mais plutôt
lajoie lorsqu'au centre de ce 4°, St Benoit cite St Paul:« Sûrs de la récompense divine qu 'ils
espèrent, ils poursuivent en disant ioveusement : 'Mais en tout cela, nous triomphons, à cause
de celui qui nous a aimés'» ... Mystère d'une joie qui ne peut être de notre ressort, tant elle est
surhumaine, voire peut-être intolérable à nos yeux trop rationnels. L' humilité du moine disciple
de l'évangile rejoint l'humilité de Jésus qui nous associe à sa victoire sur le mal, victoire sur ce
qui peut nous faire sombrer dans la tristesse, la rancune ou le repli sur soi. Puisse Celui qui nous
a tant aimés en sa passion, nous donner de prendre appui sur son amour aux heures sombres de
l'adversité, de l'injustice ou de l'humiliation. - 15 novembre 2019
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »
34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »
Ces deux degrés peuvent être lus ensemble car ils orientent résolument le regard vers le
Christ qui fonde notre obéissance et donne sens à notre humilité. Les deux degrés parlent
d'imitation du Christ en prenant appui sur une parole de Jésus : « Je ne suis pas venu faire ma
volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé », et aussi sur la relecture de la passion du Christ par
St Paul: « S'étant fait obéissant jusqu 'à la mort». Avec ces deux citations, on entre dans
l'intelligence du mouvement intime qui a guidé et animé toute la vie de Jésus. Une vie aimantée
de l'intérieur par son union avec le Père. Une vie tendue vers l'accomplissement de sa mission.
En proposant au moine d'imiter Jésus, St Benoit nous propose de faire nôtre ce dynamisme
intérieur de Jésus. Le regarder, l'écouter pour apprendre de lui comment faire la volonté du
Père, dans notre vie quotidienne aujourd'hui. Tout chrétien est appelé à actualiser son baptême
en s'unissant de plus en plus à Jésus pour passer avec lui de la mort à la Vie, de l'esclavage à
la liberté. La particularité de notre vie monastique est d'im;crire ce dynamisme de traversée de
la mort vers la vie, dans une vie concrète d'obéissance à des frères, à un supérieur. Par
l'obéissance, nous sommes étroitement unis à Jésus pour nous tenir au lieu où cela fait mal, au
lieu que le péché a faussé : la volonté. Celle-ci ordonnée initialement à vouloir le bien, le bon
et le beau peut parfois se tromper, et même se perdre dans des choix mortifères. Avec Jésus,
nous entrons dans une s011e de corps à corps avec nous-mêmes, avec cette part qui est encline
à faire le mal. Jésus a lutté sur la croix pour orienter sa volonté toute entière dans l'amour de
son Père et dans le don pour les autres ; le moine par son obéissance apprend à orienter sa
volonté vers le service de Dieu et des autres. Vécue avec Jésus, l'obéissance nous fait sortir de
l'impasse mortifère du péché qui nous centre sur nous-même. Mystérieusement, notre
obéissance nous fait prendre part au combat de Jésus contre le péché. Ce combat traverse toute
l'humanité puisqu'il traverse chaque coeur humain. Oui, St Benoit nous conduit à regarder la
réalité banale de notre quotidien avec ces petites et grandes obéissances, dans la lumière du
mystère de Jésus. Il nous entraine à reconnaitre que notre obéissance accordée à celle de Jésus
participe à la libération des hommes, libération que Jésus ne cesse de déployer par l'Eglise et
pour le monde. L' humilité devient un levier pour l'annonce et le déploiement du salut. - 14novembre 2019
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
Dans la conclusion du 1er degré que nous venons d'entendre, il y a une sorte de
contradiction dans le climat suggéré. D'un côté Dieu est présenté comme un surveillant de tous
nos actes, qui a des anges chargés de lui rapporter ce qu' ils voient, et de l'autre Il est présenté
comme très discret dans le temps présent, en vertu de sa bonté et de son respect de notre liberté,
dans l'attente de notre conversion. D'un côté, l'image d'un Dieu omniscient un peu oppressant,
de l' autre celle d'un Dieu bon, démuni en quelque so11e face à notre réponse espérée. La
première image, un peu effrayante, se veut pédagogique pour réveiller ce qui serait nonchalance
face à l' exigence de conversion. La seconde nous replace devant le mystère de l'attente de Dieu
face aux humains avec lesquels il désire ardemment faire alliance.
Craindre Dieu, n' est-ce pas déjà entrevoir cette attente patiente et aimante de notre
Dieu ? Le plus souvent, il est silencieux, ne se manifestant pas beaucoup. Il nous attend dans
son amour très respectueux de notre libe11é. Son silence creuse un espace entre Lui et nous qui
nous laisse la possibilité d'entrer et de nous engager dans la relation avec lui. Craindre Dieu,
c'est oser s'avancer, un peu sur la pointe des pieds, pour aller à la rencontre de son mystère.
Comme Moïse, il nous faut retirer nos sandales, pour marcher autrement. Notre assurance n'est
pas en nous, ni en ce que nous faisons ou ne faisons pas, mais dans son appel, dans la Parole
qu'il nous adresse. La crainte du Seigneur peut alors s'exprimer dans notre désir d'être à l'affut,
à l' écoute jour après jour .. . Moins que de veiller à ne pas tomber, il nous faut surtout veiller à
ne pas lâcher sa main. S' il a une crainte au sens de peur à avoir, c'est celle de manquer la
relation proposée et suggérée par l' Esprit. Avec douceur, tact et délicatesse, de l' intérieur,
!'Esprit Saint vient éveiller et nourrir en nous le désir de la rencontre avec le Seigneur. Il nous
enseigne la crainte juste, au sens biblique, celle qui nous ouvre les yeux et le coeur à la présence
aimante de Dieu. Viens Esprit Saint nous entrainer dans la crainte du Seigneur qui nous dispose
humblement à sa rencontre et à l'attention fidèle à sa Volonté. - 13 novembre 2019
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
Nous sommes toujours dans le Ier degré d' humilité: craindre Dieu, de souvenir de Lui.
St Benoit donne ce matin d'autres indices de la crainte de Dieu qui prend peu à peu de la
consistance en nous : quand nous ne faisons pas notre volonté propre et que nous ne suivons
pas les désirs de la chair. La question qui nous est posée ce matin pourrait se formuler ainsi :
Dieu commence-t-il à être quelqu'un dans ma vie au point que je suis capable de prendre une
distance avec mon premier mouvement qui est de faire ce qui me plait et de satisfaire mes désirs
immédiats avant tout? Est-ce que faire sa Volonté m'importe plus que faire la mienne?
Plusieurs fois par jour, nous demandons dans la prière du Notre Père : « Que ta volonté
soit faite sur la terre comme au ciel». St Benoit s'appuie sur cette prière pour fonder son propos
de mise en garde contre la seule recherche d'accomplir sa volonté propre. En paraphrasant, à la
suite du Maitre, la demande du Notre Père, il omet la fin « sur la terre comme au ciel », et
ajoute « en nous». « Que ta volonté soit faite en nous» .. . Si le moine porte avec tout chrétien
le désir que la volonté bonne de Dieu se fasse sur toute la terre comme au ciel, il sait que cet
accomplissement passe par son propre coeur. Rien ne sert d'appeler de ses voeux que la volonté
du Seigneur se fasse sur la terre, si je ne m'applique pas à la chercher dans ma propre existence
de tout mon coeur, avec toute l'ardeur de mon désir. Si nous nous connaissons un peu nousmêmes,
nous remarquons combien nous pouvons fuir cette volonté, à la manière de Jonas qui
fuit l'appel de Dieu. Ou encore à la manière des Hébreux dans le désert dont le psalmiste
rapporte: « Ils s'empressent d 'oublier ce que Dieu a fait, sans attendre de connaitre ses
desseins. Ils se livrent à leur convoitise dans le désert » (Ps 105, 12-13). Transposé dans notre
vie : la manière avec laquelle on répond à la cloche ou bien à un appel impromptu nous permet
de mesurer aussi notre capacité ou non à résister à la Volonté divine. Tel est l'enjeu de notre
combat quotidien : il s'agit de consentir à entrer dans le mouvement impulsé par notre cadre
monastique afin de nous laisser façonner par lui pour aller plus loin dans l'abandon dans les
mains de Dieu. A chacun, il nous revient d'éduquer notre oreille intérieure afin de reconnaitre
les motions de ! 'Esprit à l' oeuvre pour nous rendre plus docile, plus souple. Unis à tous les
chrétiens dans le monde, nous participons ainsi à la croissance du Royaume faite de tant de
« oui » donnés jour après jour. A la manière d' un ferment, ces « oui » contribuent à faire monter
la pâte humaine en bonté et beauté devant Dieu. - 12 Novembre 2019
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
Craindre Dieu, en garder le souvenir : Ier degré, I cr signe del 'humilité au travail en nous
pour rejoindre notre désir le plus profond qui est la mémoire de Dieu, selon le texte du prophète
Isaïe que je citais jeudi ...
St Benoit montre ce travail à l'oeuvre au niveau de nos pensées. Son point d' insistance
est que Dieu est présent à toutes nos pensées, et qu'en conséquence, il nous revient d'être nous
présent à nos pensées, particulièrement les pensées mauvaises qui viennent gâcher notre paix
intérieure. Si Dieu connait nos pensées, nous-mêmes ne pouvons-nous pas les connaitre ?
Serions-nous seulement ballottés de pensée en pensée sans pouvoir comprendre ce qui se passe
en nous ? Son propos est de nous rappeler notre responsabilité vis-à-vis des pensées que nous
roulons dans notre coeur. Derrière ce rappel, nous pouvons reconnaitre la haute conception de
l'être humain que se fait St Benoit à la suite des pères. L'homme, cet être qui pense, est capable
avec la grâce de Dieu, d'une certaine maitrise de lui-même. Les pères du désert prennent
l'image de notre esprit comme d'un gardien qui demande à nos pensées qui frappe à la porte,
et qui, selon que la pensée est bonne ou mauvaise, lui donne la permission d'entrer. Parfois,
cependant, nous pouvons faire l'expérience que la pensée s'engouffre en notre coeur sans
demander aucune permission, pour venir semer le désordre en nous ... Les pensées de colère ou
les pensées sexuelles sont particulièrement fo1tes en la matière, plus sournoises seront les
pensées de découragement et de tristesse, mais non moins fortes aussi. St Benoit en ce premier
degré ne prétend pas que nous puissions toujours maitriser nos pensées et les tenir à bonne
distance. Non, mais il nous pense capable d'être attentif, de veiller sur ce qui se passe dans notre
coeur, de se tenir sur nos gardes. N'est-ce pas cela déjà l'humilité? Savoir que nous sommes
fragiles. Nous sommes en danger lorsque nous laissons certaines pensées occuper notre coeur,
et nous pouvons pécher en leur faisant trop bon accueil.. Ici, le souvenir de Dieu peut devenir
prière, demande à l'aide à notre Père qui connait notre faiblesse. Lui qui est bon et aussi pure
lumière désire nous voir devenir bon et pur comme Lui. L'humilité, c'est savoir crier vers lui
quand la tempête des pensées est trop forte. Ce cri vers Dieu se conjuguera souvent aussi avec
le fait de parler à une personne qui peut aider par son écoute, le père spirituel par ex. Face à nos
pensées, nous nous découvrons souvent nous-mêmes comme un mystère à nos propres yeux.
C'est humilité d'accepter de ne pas tout comprendre, et de s'en remettre au Seigneur avec
confiance dans la prière, ainsi qu'à w1e personne dans la parole.- 09 novembre 2019
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
St Benoit commence l'énumération et la description des degrés qui sont donnés « par
l 'appel divin pour qu'on les gravisse », selon ces propres mots. Degré, fruit de l'appel divin,
étape de croissance ... Ces degrés que nous disent-il? Sont-ils de nouveaux commandements?
Ou bien ne sont-ils pas d'abord, des indices, indices de crnissance dans ) 'humilité? Dans le
discours de Pinufius, texte qui est la source principale de ce chapitre, Cassien parle de « signes »
d' humilité, plutôt que de degrés ... Penser les degrés comme des indices peut nous éviter l'écueil
de les considérer uniquement sous l'angle de la progression. pour aussi les regarder comme la
manifestation de ce que nous sommes vraiment sous le regard de Dieu : des fils créés pour être
accordés à Dieu, à son amour de Père. Et l'humilité est le meilleur moyen de nous accorder à
notre Père, dans le Christ. Le péché et ses blessures ont faussé le jeu. Ils nous compliquent les
relations avec notre Père et avec nos frères. De la hauteur illusoire sur laquelle il nous place, il
nous faut toujours descendre. On a le sentiment d'être humilié en descendant, ou encore de
s'humilier. Mais en fait, il s'agit de revenir à notre place, la nôtre, et aussi de venir à la place
où le Christ s'est tenu pour, avec lui, coopérer activement aux oeuvres du Père. De ce chemin,
l'échelle nous propose des indices, des signes.
1 cr degré : avoir toujours la crainte de Dieu devant les yeux, fuir l'oubli en se souvenant
de ce que Dieu a prescrit. .. La crainte de Dieu : veut-elle nous maintenir sous la peur d'un Dieu
qui nous abaisserait sous son autorité despotique ? Si St Benoit semble la présenter ainsi dans
une dynamique pédagogique, au contraire, le sage Ben Sira nous en offre une vision très
heureuse : « La crainte du Seigneur est gloire et fierté, ioie et couronne d'allégresse. La crainte
du Seigneur réjouira le coeur; elle procure plaisir, joie et longue vie. La crainte du Seigneur
est un don du Seigneur car elle fait persévérer sur les voies de l'amour ... » (Si 1, 11-12). Je
pourrai continuer la citation qui nous laisse pressentir que la crainte du Seigneur, don du
Seigneur, nous entraine à persévérer dans l'amour, dans la recherche de la justice. Elle est joie
et plaisir parce qu'elle rend l'homme à lui-même, en la plaçant sous le regard de son Dieu avec
confiance. De même le souvenir de Dieu que St Benoit exhorte à conserver, est-il une sorte de
surmoi qu' il faudrait garder sans cesse pour être sûr de ne pas faire de bêtise ? Dans un cantique
que nous chantons le lundi à Laudes, le prophète Isaïe nous fait entendre autre chose : « Dire
ton nom, faire mémoire de toi. c 'est le désir del 'âme. Mon âme te désire, et mon esprit, au.fond
de moi te guette dès l'aurore » (Is 26, 8-9). Au fond de notre être, nous avons le désir de Dieu.
Craindre Dieu, garder son souvenir voudrait ainsi réveiller le meilleur de nous-même. - 07 novembre 2019
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
Echelle de l' humilité, c' est notre vie ici-bas, nous dit St Benoit. Et il précise: les
montants en sont notre corps et notre âme, et les échelons, les degrés d' humilité .. . L'image est
à la fois claire et un peu complexe. On voit bien une échelle, mais on ne voit pas complètement
bien comment elle prend consistance dans notre vie humaine ... entre notre âme et notre
corps ... Une chose est sûre, l' humilité se situe aux jointures de notre être, au niveau le plus
profond ...
Pour essayer de mieux comprendre cette image de l'échelle, il me semble que nous
pouvons regarder le Christ en Croix. Là, fixé sur la Croix, il rend visible à nos regards le mystère
de l'humilité ... Par la main des hommes, il est élevé de terre, et c'est alors qu'il est humilié,
abaissé au plus bas ... Et dans cet abaissement total, il vit l'élévation, la glorification la plus vraie
qui prépare la résurrection. « Maintenant le Fils de l'homme est glorffié », dit Jésus au moment
où Judas sort pour le livrer aux chefs des juifs (Jn 13, 31 ). L' évangéliste Jean est celui qui a le
plus mis en lumière ce mystère de la gloire de la Croix ... où se vit simultanément un mouvement
d' abaissement radical et de glorification ... En s'abaissant Jésus est glorifié, et en lui le Père est
glorifié. La croix devient cette échelle déroutante où l'on monte en s'abaissant. Elle seule nous
montre ce mouvement inversé, totalement étranger à notre échelle spontanée de valeurs ... Sans
un mot, Jésus nous laisse un enseignement fort, très fort. Il nous laisse entrevoir la profondeur
de son être, un être totalement remis et abandonné à son Père. Ne comptant pas sur ses forces,
ni sur son bon droit. .. se laissant trainer dans la boue de l' infamie et de la déchéance, il n'est
pourtant pas passif. En supportant les offenses et en pardonnant, il porte nos péchés, il aime . ..
Humilié, il s'humilie ... S' humiliant il est glorifié et il nous glorifie ... Devant l'abaissement de
Jésus, nous balbutions tant nous mesurons que s'ouvre un mystère abyssal d'amour et de don.
Contempler la Croix, en méditer le mouvement intime d' amour, voilà une voie sûre pour laisser
grandir en nous le désir de grandir en humilité, et de grandir en amour ... Le crucifix que nous
avons au choeur, peut nous aider à orienter notre contemplation et notre quête ... Laissons-le
nous enseigner . .. - 05 novembre 2019