vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24, v 01-07 Quelle doit être la gravité de l'excommunication ? écrit le 14 mars 2020
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

St Benoit s'attache à mettre une graduation dans le processus d'excommunication, en distinguant celle qui serait liée à des fautes légères, ainsi dans notre chapitre, et celle qui serait liée à des fautes graves, dans le prochain chapitre. St Benoit ne précise pas la nature de ces fautes, la laissant au jugement de l'abbé pour en déterminer la gravité. Il est heureux que nous n'ayons pas ainsi une sorte de catalogue comme cela se fera plus tard.

Ici Benoit parle de faute (culpa). non de péché (peccatum). Est-il possible de les distinguer? Est-ce souhaitable? S'il n'est pas aisé de les distinguer dans la RB, je crois qu'il est toujours souhaitable de chercher à le faire. Le péché est une notion plus large que celle de la faute. Elle est une notion théologique. La faute appm1ient davantage à la catégorie de !'agir moral, alors que le péché, tout en touchant notre agir, le déborde largement. Dans la société, une faute est sanctionnée (comme infraction au code de la route, comme délits et crimes au regard du code pénal). Dans le l'Eglise, le péché est présenté à Dieu et aux frères pour être pardonné. Dans la société, le fautif est puni d'amendes ou de prison pour lui apprendre à ne pas recommencer et à ne plus nuire à autrui. Dans l'Eglise, le pécheur est invité à se convertir et à se tourner plus personnellement vers Dieu et vers ses frères. Cependant à l'heure des affaires d'abus, il est intéressant de constater qu'aujourd'hui, pour les cas graves, l'Eglise demande que certaines affaires soient d'abord jugées par la justice civile du lieu, avant qu'au sein de l'Eglise, une mesure concrète soit prise pour réordonner les relations qui ont été blessées ou déviées au sein de la communauté ecclésiale. Les affaires montrent q•1e, sous couvert de miséricorde, on ne peut ignorer le préjudice grave qui a été fait à des personnes, souvent plus vulnérables. Une faute doit être sanctionnée. Ensuite. par exemple, un prêtre fautif sera suspendu de ministère pour un temps ou pour toujours, voire relevé de l'état clérical. Les affaires d'aujourd'hui nous remettent devant les yeux combien face à certains comportements inadmissibles, la distinction entre faute et péché est nécessaire. La miséricorde pour le pécheur ne peut faire l'économie de la justice pour le fautif. Mais en dernier lieu, demeure la prévenance envers les malfaiteurs, les abuseurs ou autres personnes fautives autm1t que pour leurs victimes. Car si le fautif est puni par la loi, le pécheur reste encore à guérir. La sollicitude de l'Eglise pour tout homme rappelle qu'elle est porteuse d'une grâce qui ne lui appartient pas : la grâce de manifester la miséricorde de Dieu qui n'est jamais épuisée par aucun de nos crimes si terrible soit-il. En ce temps de Carême. nous ne cessons de chanter et de confesser que notre Dieu est accueillant les bras ouverts à tout prodigue qui se tourne vers lui.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 23, v 01-05 De l'excommunication pour fautes écrit le 11 mars 2020
Verset(s) :

1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,

2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.

3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.

4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.

5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.

Commentaire :

A cinq reprises, Benoit utilise la conjonction « si_» : « si un frère se montre récalcitrant ...s 'il ne s'amende pas, si même il ne se corrige pas... » Se dessine alors un cercle vicieux, dans lequel peut s'enfermer un frère. Ni les avertissements, d'abord privés puis publics, ni l'excommunication ne peuvent le faire changer d'attitude. Mystère de l'aveuglement du cœur que ne parvient pas à rejoindre une parole humaine. Commence ainsi dans la Règle tout un parcours pédagogique qui compose ce que l'on appelle communément le code pénitentiel. Lorsque l'on compare la RM et la RB, il est notable de voir que St Benoit prend un soin particulier pour détailler une graduation dans l'évaluation des fautes et dans les peines qui leur correspondent. On peut entendre dans ce déploiement voulu par Benoit sa confiance en une possible conversion, en même temps que l'importance à ses yeux de la place de la communauté et de l'abbé dans le processus de réconciliation d'un frère. Quelque chose est possible qui mérite d'être tenté. Même si en fin de parcours, l'échec est envisagé, tout est fait pour le prévenir.

Il me semble que c'est cela que nous pouvons entendre dans ces chapitres qui paraissent toujours ingrats à nos oreilles modernes : quand un frère va mal, il faut tout faire pour ne pas le laisser dans son aveuglement. Avec Benoit, nous faisons nôtre le commandement du Seigneur qui veut qu'on avertisse une première et une seconde fois en privé. Nous pouvons aussi faire nôtre le fait de prendre le frère pour lui parler à plusieurs. Ensuite nous ne savons plus utiliser le processus d'excommunication avec sa pédagogie propre. Notre culture plus individualiste que communautaire ne nous en offre plus les moyens. Aussi nous ne pouvons que constatés notre impuissance à un certain moment du processus. Et si c'était notre chance? Celle de transformer notre impuissance devant l'aveuglement d'un frère en un atout. Notre culture moderne nous fait entrer plus avant dans la complexité de l'âme humaine, façonnée par une histoire qui lui échappe en bonne partie. Ses agissements ou ses attitudes sont parfois l'expression de mouvements ancrés profondément qui ne sont pas toujours maitrisables ni contrôlables. Notre impuissance n'est que le pendant de la propre impuissance du frère. Mieux connaitre ce phénomène complexe peut être une chance : celle de nous apprendre un profond respect pour ne pas juger, encore moins condamner. Chance encore quand notre impuissance nous entraine à entrer dans la patience, dans une patience aimante vécue dans la lumière de la

patience de Dieu à notre égard. Toute l'œuvre du salut ne nous révèle+elle pas ce visage de Dieu, patient ,miséricordieux ?

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21, v 01-07 Des doyens du monastère écrit le 27 février 2020
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Avec ce chapitre, Benoit prévoit que l'abbé partage son fardeau avec quelques frères sages, responsables de décanie. Dans une communauté nombreuse, ainsi la charge des frères est-elle répartie et portée par plusieurs. En terme moderne, on pourrait dire que Benoit entend promouvoir la coresponsabilité. Ce mot est en vogue aujourd'hui pour mettre en lumière la place que chacun peut tenir à des degrés divers dans la société. Il est heureux car il ouvre des horizons nouveaux de prise de conscience de la capacité de chacun à répondre de sa vie, de ses actes et de ses paroles. Etre responsable de soi devant les autres, mais aussi être responsable du bien des autres devant la société ou la communauté plus large... Plus va notre connaissance du monde et de ses lois physiques, mais aussi politiques et humaines, plus grandit la conscience plus affinée de notre coresponsabilité. Ceci est patent autour des questions d'écologie. Lorsque les forêts disparaissent en Amazonie ou au Congo, c'est un équilibre global de la planète qui est menacé. Lorsque nous restons chacun et tous ensemble d'insatiables consommateurs d'énergie qui produisent et rejettent beaucoup de CO2, nous impactons toute la terre. Je crois que ces prises de conscience de la coresponsabilité commune à l'égard du bien de tous peuvent être un beau levier de changement dans notre société.

En est-il autrement dans une communauté ? Chacun a des degrés divers nous sommes responsables non seulement de notre vie personnelle devant Dieu et devant les autres, mais nous sommes aussi responsables les uns des autres dans le désir commun qui est le nôtre d'être fidèle à une commune vocation. Récemment un frère me disait sa joie d'avoir été interpellé par un frère sur un point de vie commune par rappmi auquel il était en défaut. Il s'est senti stimulé à progresser. Cultiver les uns envers les autres ce sens de la responsabilité, vécu ce1ies dans la discrétion ne peut que rendre plus vivante et dynamique notre vie communautaire. La vie monastique n'est pas que l'affaire de l'abbé, ou des doyens ou des responsables de groupes ou d'emplois. Chacun à notre place, nous pouvons répondre non seulement de notre vie personnelle mais aussi du bien de la communauté comme de son dynamisme. Etre responsable nous pose d'emblée comme un homme gui est fait pour tous, qui se donne à tous comme il se reçoit de tous. Pour revenir aux doyens dont parle ce chapitre, ceux-ci ont la responsabilité d'être à l'écoute de la communauté afin de pouvoir mieux conseiller l'abbé et discerner dans certaines prises de décisions auxquelles ils sont associés. Prochainement, nous procèderons à l'élection d'un nouveau conseil, comme le droit le prévoit tous les 3 ans.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 20, v 1-5 De la révérence dans l'oraison. écrit le 13 février 2020
Verset(s) :

1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,

2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !

3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.

4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.

5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.

Commentaire :

En entendant ces lignes qui nous laissent pressentir l'expérience de prière de Benoit, nous pouvons nous dire au moins une chose : la prière reste un mystère. Je ne sais pas bien prier. La prière est devant moi comme un chemin toujours à parcourir. Non abondance de paroles, comme Jésus le suggérait déjà, mettant en garde contre un rabâchage trop païen. Car le païen a le souci avant tout de se concilier la divinité. En christianisme au contraire, il ne s'agit pas de se concilier notre Dieu, mais de nous laisser réconcilier avec Lui. Tel est son désir comme l'a fortement pressenti Paul: « Laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2 Co 5,20). Dans cette lumière, dès lors qu'est-ce que prier? St Benoit parle de pureté du cœur. des larmes de la componction et d'un sentiment inspiré par la grâce divine qui peut conduire à prolonger la prière. li ne parle pas de méthode, ni de temps précis, mais plutôt d'une qualité de présence qui fait signe de l'œuvre de réconciliation qui s'opère dans le cœur. La pureté du cœur, faite d'humilité et de charité selon Cassien et les pères du désert, porte la signature de la grâce divine. Le coeur ne cherche pas son avantage, ni n'est préoccupée de lui-même. li est là. Il s'offre au travail de Dieu, à son silence comme à sa paix, à l'aridité comme à la joie. Il est présent parce que Dieu est là, même s'il semble si souvent absent. Les larmes de la componction sont plus difficiles à comprendre à notre esprit moderne devenu très rationnel. Mais nous pouvons y reconnaitre là un autre fruit de la réconciliation que Dieu opère dans notre cœur : la reconnaissance de notre état de pécheur qui, laissé à lui-même, est le plus souvent enclin à ne s'occuper que de soi, étant si peu sensible au malheur des autres. Pleurer ses péchés était pour les anciens une sorte de grâce de clairvoyance sur soi qui rendait d'emblée compatissant à toute détresse ou faiblesse du prochain. Elle était synonyme d'ouverture confiante à la grâce qui sauve et qui pardonne les péchés. De cette expérience, nous pouvons retenir combien il peut être profitable de cultiver cette connaissance de soi qui va s'approfondissant avec la confiance en Dieu qui seul peut guérir notre être pécheur. Nous reconnaitre pécheur, c'est nous tenir un peu plus ouvert à·1 œuvre de grâce, avec un cœur ouvert el un e.1pril brisé (Ps 50, 19). Chacun de nous a déjà fait cette expérience lorsque la conscience vive du péché nous blesse fortement, de se jeter aux pieds du Seigneur au lieu de se lamenter sur soi et sur son image brisée. Le fruit de paix et de douceur qui est donné et qui nous relève alors, nous laisse entrevoir combien le Seigneur est proche du cœur brisé (Ps 33,19; 146,3) et que cette prière-là lui agréé tout particulièrement.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 19, v 01-06 De la tenue quand on psalmodie écrit le 12 février 2020
Verset(s) :

1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »

2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.

3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;

4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;

5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »

6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,

Commentaire :

« Que notre esprit concorde avec notre voix». Nous ne sommes pas des perroquets qui répéterions inlassablement les mêmes choses. Nous sommes les portevoix de l'Eglise et de l'humanité qui reprenons ces mots pétris d'histoire, de sueur et de sang. Si ces mots ne sont pas nôtres, parce que reçus des psalmistes ou de la liturgie de l'Eglise, la voix est nôtre. Elle reste unique. A travers notre voix, ces mots sortis des âges et de tripes humaines, trouvent un nouvel écho, une nouvelle résonnance devant notre Père des Cieux. Par notre voix, nous les chargeons de notre propre recherche, de nos questions et de notre espérance. Nous croyons que se vit alors un mystérieux et profond de travail de transformation de notre cœur, et à travers lui du cœur des hommes pour lesquels nous tenons allumée la lampe de la louange. Notre chant engage notre cœur. Il l'entraine à se tourner dans un élan de beauté et d'amour vers son Créateur et Sauveur, vers « la divine présence» pour reprendre les mots de St Benoit. C'est la grâce de la liturgie d'opérer un mouvement intérieur à travers le rituel extérieur, fait d'alternance de chants, de paroles dites et entendues, de silence et de gestes. Quelque chose se passe que nous ne savons pas bien exprimer. Des moments de joie ou de paix plus intenses laissent affleurer cette transformation à !'oeuvre. Des éclairs de lumière où une nouvelle compréhension de soi, de Dieu et des autres viennent nous réjouir parfois. Où est notre pmt d'engagement, où est la grâce gratuite de !'Esprit Saint? Il ne nous est pas facile de démêler. Le faut-il? Il nous est bon de garder présents ces deux aspects de notre prière... La grâce gui opère avec grande liberté, et nous qui cherchons à grandir en libetié dans le don de nous-mêmes heure après heure célébrée. Cette part de notre libe1ié se vit dans la responsabilité qui nous revient d'être là, d'être là le mieux possible. Présent dans nos gestes, dans notre posture, présent dans notre voix offerte, non gardée dans notre barbe. ni criée, mais offerte, présent enfin dans notre esprit qui accompagne de sa lucidité consciente tout ce qui est vécu. Notre esprit est comme le maitre de chœur de notre voix et de notre cœur, afin qu'ensemble tout l'être soit unifié dans l'action vécue et célébrée. « Béni le Seigneur, ô mon âme. Béni le Seigneur tout mon être » dit le psalmiste (Ps 102). L'être s'unifie pour notre plus grande joie, sous la conduite conjointe de l'esprit et de la voix. Les mots, chargés des vibrations de la voix, s'éclairent ou simplement se goûtent dans l'attention de l'esprit. La parole dite ou chantée devient alors nourriture gui donne force et sens. Nous le savons nous ne sommes pas toujours là, dans la joie de cette unité goûtée. Mais ces moments de plénitude sont comme les éclaircies dans les nuages. Ils nous redisent que le soleil n'est pas loin, et que c'est lui qui est toujours présent à nos existences.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18, v 20-25 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 08 février 2020
Verset(s) :

20. L'ordonnance de la psalmodie du jour étant ainsi organisée, tous les autres psaumes qui restent seront répartis également entre les vigiles des sept nuits,

21. en partageant ceux d'entre ces psaumes qui sont plus longs, et en en mettant douze à chaque nuit.

22. Par dessus tout, nous donnons cet avertissement : si quelqu'un n'aime pas cette distribution des psaumes, qu'il établisse une autre ordonnance, s'il la juge meilleure,

23. pourvu qu'il maintienne absolument la psalmodie intégrale des cent cinquante psaumes du psautier chaque semaine et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche,

24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,

25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !

Commentaire :

« Pourvu qu'il maintienne la psalmodie intégrale des cent-cinquante psaumes du psautier chaque semaine. et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche». Dans cette recommandation de Benoit, on peut entendre deux choses: l'importance de dire le psautier durant la semaine et la nécessité de le recommencer chaque dimanche (cf aussi 18,6 et 18, 11). S'agit-il d'une obligation purement disciplinaire reçue de la tradition égyptienne? Si Benoit entend s'arrimer, à travers Cassien, sur l'exemple des pères, peut-être est-il aussi conscient de la portée symbolique d'une telle pratique? De dimanche en dimanche, le moine prie le psautier. Depuis le premier jour de la semaine, il tend vers le 8° jour de la venue du Christ. Avec le psautier qui est comme le résumé de la bible, le moine parcourt l'œuvre de la création et de la rédemption que les psalmistes ne cessent de chanter et aussi d'attendre avec la venue du Messie. La semaine mesure de la première création, devient comme la mesure de la recréation que notre office célèbre et opère à la fois. En effet par la louange et l'intercession des moines et des chrétiens tournés vers Dieu, Dieu achève son œuvre de création et de rédemption. Les hommes, unis à tout le créé, ne sont pas voués au non-sens que signerait une mort solitaire et absurde : poussière retournant à la poussière sans autre but que la déchéance. Non, par la louange confiante et reconnaissante, l'humanité à travers les priants peut lever les yeux avec espérance vers Celui d'où elle est tirée et vers lequel elle marche. Par la louange qui ne craint pas de mêler les cris et les questions à l'action de grâce et aux bénédictions, l'humanité prend son vrai visage filial. Elle trouve sa vraie dignité d'interlocutrice de Dieu, de vis-à-vis aimant et confiant sous le regard de Dieu. De dimanche en dimanche, semaine en semaine, nos mots ne sont pas perdus dans le vent. Pour chacun de nous, ils créent une relation toujours plus vivante avec le Dieu vivant que Jésus a révélé comme notre Père. N'est-ce pas là le but ultime de l'œuvre de création et de rédemption: offrir à l'être humain la possibilité d'entrer en un dialogue de communion avec son Créateur et Sauveur, et dans le même moment bâtir la communion entre frères 9 Nos communautés chantantes et priantes sont comme des laboratoires vivants de cette expérience qui se cherche. A chaque dimanche, sous la lumière du Christ Ressuscité, recommencons en offrant nos lèvres et nos corps, notre temps, notre désir à cette œuvre qui nous dépasse, l'œuvre de Dieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18, v 12-19 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 07 février 2020
Verset(s) :

12. Les vêpres seront chantées chaque jour en modulant quatre psaumes.

13. Ces psaumes commenceront au cent-neuvième et ils iront jusqu'au cent-quarante-septième,

14. excepté ceux d'entre eux qui sont réservés à d'autres heures, c'est-à-dire depuis le cent-dix-septième jusqu'au cent-vingt-septième, ainsi que le cent-trente-troisième et le cent-quarante-deuxième ;

15. tous ceux qui restent sont à dire aux vêpres.

16. Et comme il manque trois psaumes, on divisera ceux qui, dans la série susdite, sont plus importants, c’est-à-dire le cent-trente-huitième et le cent-quarante-troisième et le cent-quarante-quatrième.

17. Quant au cent-seizième, comme il est petit, on le joindra au cent-quinzième.

18. L'ordonnance des psaumes de vêpres étant ainsi disposée, le reste, c'est-à-dire la leçon, le répons, l'hymne, le verset et le cantique, sera exécuté comme nous l'avons prescrit plus haut.

19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.

Commentaire :

?Avec la prière des Vêpres, en fin de journée, nous nous inscrivons dans la longue tradition qui, bien avant Jésus, voulait confesser le Dieu Saint, avec l'offrande du sacrifice du soir, qui était le pendant du sacrifice du matin. Nous n'offrons plus d'animaux ni de récoltes, mais le sacrifice de nos lèvres. Notre prière, unie à tant d'autres sur la terre, fait écho à celle des générations passées qui, fidèlement, ont voulu honorer le Dieu Vivant. Si beaucoup de nos contemporains semblent loin d'une telle préoccupation, notre modeste prière exprime ce désir enfoui au cœur de l'homme de lever les yeux et les mains avec reconnaissance pour chanter son Créateur et son Sauveur. « En toute circonstance. of.fi-ons à Dieu par Jésus, un sacrifice de louange, c'est-à-dire les paroles de nos lèvres qui confèssent son nom» (He 13,15). Au terme d'une journée remplie d'activités, de rencontres, de temps de réflexion, de prière et de silence, notre prière de vêpres est un peu comme un entonnoir qui recueille et rassemble tout ce vécu avant la nuit pour le transformer en louange. Louange et bénédiction qui confessent combien Dieu est bon, lui de qui tout vient. Louange qui n'oublie pas non plus le poids du jour. Chaque vendredi soir, nous nous souvenons paiiiculièrement de la Passion de Jésus qui a été alors le sacrifice du soir parfait, le seul qui pouvait plaire à Dieu son Père, et qui pouvait dans le même temps nous sauver. Comme nous le chanterons ce soir : « Quand meurt le jour, Seigneur, tu nous invites à laisser le.fardeau. Tu prends sur toi le poids trop lourd Tu nous ofji-es ton amour pour y trouver le repos que cherchaient les disciples. De celle croix dont l'ombre lumineuse couvre un monde épuisé, les bras tendus vers le pardon, Tu rassembles en communion les fils de Dieu dispersés que ranime ta grâce». Dans la lumière de la croix de Jésus, au terme d'une journée, nous pouvons transformer le poids trop lourd de nos échecs et de notre médiocrité en offrande à Dieu. Et dans le même moment où chacun chante sur les lèvres cette offrande, le Christ nous rassemble les uns et les autres en communion, en corps de louange, image de ce rassemblement des «_fils de Dieu dispersés» qu'il désire toujours plus large. Notre communauté, petite cellule d'Eglise, unie dans son chant d'action de grâce, offre le modeste signe de l'attente du Royaume qui vient. Par notre fidélité persévérante, nous sommes comme les fils d'Israël assis« au bord desfleuves de Babylone» qui ne veulent pas oublier leur patrie, Jérusalem ... Nous sommes nostalgiques de la Jérusalem à venir:« Que ma langue s'allache à mon palais ...sije n'élève .Jérusalem au sommet de ma joie». Notre chant, notre écoute et notre silence nourrissent« les lampes ardentes» de nos« cœurs en éveil» pour accueillir la voix du Seigneur qui surgira dans la nuit.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18, v 01-11 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 06 février 2020
Verset(s) :

1. Tout d'abord, on dira le verset « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider », gloria ; puis l'hymne de chaque heure.

2. Ensuite à l'heure de prime, le dimanche, on dira quatre sections du psaume cent-dix-huit.

3. Aux autres heures, à savoir tierce, sexte et none, on dira chaque fois trois sections du susdit psaume cent-dix-huit.

4. A prime de la seconde férie, on dira trois psaumes, à savoir le premier, le deuxième et le sixième.

5. Et ainsi, chaque jour à prime jusqu'au dimanche, on dira à la suite trois psaumes chaque fois jusqu'au psaume dix-neuf, en divisant en deux les psaumes neuf et dix-sept.

6. De la sorte, on commencera toujours par le vingtième aux vigiles du dimanche.

7. A tierce, sexte et none de la seconde férie, on dira les neuf sections qui restent du psaume cent-dix-huit, à raison de trois à chacune de ces mêmes heures.

8. Ayant donc achevé le psaume cent-dix-huit en deux jours, à savoir le dimanche et la seconde férie,

9. à la troisième férie on psalmodiera à tierce, sexte et none trois psaumes chaque fois, depuis le cent-dix-neuvième jusqu'au cent-vingt-septième, c'est-à-dire neuf psaumes.

10. Ces psaumes seront toujours répétés identiquement jusqu'au dimanche à ces mêmes heures, en gardant tous les jours également une disposition uniforme pour les hymnes, leçons et versets,

11. et ainsi l'on commencera toujours le dimanche par le psaume cent-dix-huit.

Commentaire :

Après la répartition des psaumes aux Vigiles et aux Laudes, Benoit distribue les psaumes du psautier aux petites heures. avant de poursuivre avec celle des Vêpres et des Complies.

Aux petites heures, je suis frappé par la place donnée aux psaumes 118. ainsi qu'aux psaumes 119-127. Est-ce un hasard ? Je ne le pense pas. Ces psaumes sont conçus comme deux grands ensembles facilement divisibles. Dans leur structure propre, ils donnent un rythme, le psaume 118 avec ces 22 strophes égales et les « psaumes dit des montées )), repris traditionnellement par les pèlerins de Jérusalem. De ces deux ensembles se dégagent un mouvement. comme l'expression d'une lente et profonde marche. Au cœur de la journée, les petites heures viennent redonner le sens et le goût de la marche dans la quête de la Volonté du Seigneur. Dans le Ps 118, le thème du chemin, des voies est très prégnant. Entre le premier verset, « heureux les hommes intègres dans leurs voies, qui marchent suivant la loi du Seigneur )), et le dernier : « Je m'égare brebis perdue, viens chercher ton serviteur )), environ 22 mentions du chemin, des voies, ou des allusions à la marche sont présentes. Si le psalmiste médite, crie, prie, et cherche avec sa langue et son esprit, il se tourne aussi vers le Seigneur avec ses pieds. Son engagement pour la loi est toujours un engagement concret. « J'examine la voie que j'ai prise, mes pas me ramènent à tes exigences )> (Ps 118,59). Entre la voie du mensonge et la voie des volontés du Seigneur, l'ami de Dieu qui désire être à l'écoute, discerne combien les exigences du Seigneur sont un chemin sûr vers lequel le ramènent ses pas, car tel est son désir le plus profond. D'une autre manière, les psaumes 119 à 127 nous disent la marche du pèlerin qui tend vers Jérusalem dans le désir de voir son bonheur (127,5). Cette marche n'est pas sans obstacle et sans combat pour les surmonter : le combat de la solitude de !'homme qui

« doit vivre en exil, parmi ces gens qui haïssent la paix)) (119, 6-7) ou la souffrance face« au

mépris des orgueilleux)> (Ps 122,4). Expérience d'une route sur laquelle le Seigneur se révèle être toujours comme « l'ombrage )> qui « garde au départ et au retour >) ( 120, 5,8). Après l'arrivée à Jérusalem (121), le psalmiste relit le chemin parcouru:« Béni soit le Seigneur qui n'a pasfàit de nous la proie de leur dent)) (Ps 123, 6)... « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion... )) (Ps 125, 1). Sur ce chemin, l'homme se fortifie: «Quis'appuie sur le Seigneur ressemble au mont Sion >) (Ps 124.1 ), « Heureux qui craint le Seigneur el marche selon ses voies))... (Ps 127,1) Et en même temps il fait l'expérience que« si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain)) (Ps 126,1)... Les psaumes des montées offrent un véritable enseignement sur la proximité du Seigneur à nos côtés, dans la vie très quotidienne

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 10, v 01-10 Comment célébrer la louange nocturne en saison d'été écrit le 18 janvier 2020
Verset(s) :

1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.

2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,

3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.

4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.

5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.

6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.

7. Pour la synaxe vespérale, on se bornera à quatre psaumes avec antiennes.

8. Après ces psaumes, on récitera la leçon, puis le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.

9. Pour les complies, on se bornera à dire trois psaumes. Ces psaumes seront dits directement, sans antiennes.

10. Après quoi l'hymne de cette même heure, une leçon, le verset, Kyrie eleison , et par la bénédiction se fera le renvoi.

Commentaire :

Dans son commentaire (Ce que dit St Benoit) P. Adalbert note qu'il y a une correspondance dans leur structure entre l'office des vigiles et les 4 offices des petites heures prime, tierce, sexte et none. De même qu'on dit 12 psaumes durant chaque nuit, on en dit 12 durant la journée, 3 à chaque petite heure. Chaque office commence par un verset d'ouverture, suivi de l'hymne, et se conclue par la litanie réduite à l'invocation Kyrie eleison. Ainsi « les courtes célébrations échelonnées à travers la journée répondent à la longue prière continue de la nuit » (ibid p 121). Il note ensuite combien les laudes et les vêpres se répondent dans leur structure : pas de verset d'ouverture, puis les psaumes chantés directement; l'hymne est placé après la lecture, puis viennent les deux cantiques propres de Zacharie et de Marie. Ainsi ces « deux heures solennelles, à la limite du jour et de la nuit, se correspondent visiblement » (ibid p 121 ). L'office de complies qui achève la journée, présente chez St Benoit encore une structure originale puisqu'il n'a pas de verset d'ouverture, que l'hymne vient après les psaumes, et avant la lecture, et qu'il s'achève avec une bénédiction pour accompagner l'entrée dans la nuit.

Ainsi selon St Benoit, le chant de l'office, de la louange divine contribue à donner à nos journées une vraie structure, à la manière de la construction d'une maison. Les constructions modernes avec les structures métalliques qui portent l'ensemble et entre lesquelles on monte ensuite les murs peuvent nourrir l'image. Les vigiles pourraient constituer les fondations, sur lesquelles on pose les deux montants des portes de devant et de derrière que sont les laudes et les vêpres, puis ensuite les autres montants sur les différents côtés que sont les petites heures pour maintenir le mur et enfin les complies seraient le toit. Et nous aujourd'hui, nous ajouterions que l'eucharistie est comme le foyer central qui réchauffe et rassemble. Jour après jour, nous édifions la maison de Dieu que nous sommes, communauté rassemblée dans la louange. Les rendez-vous réguliers de la prière non seulement nous tournent ensemble vers le Seigneur, mais ils contribuent à bâtir notre communion fraternelle. Celle-ci trouve sa raison d'être et sa force dans la louange rendue à notre Père des Cieux, à notre Créateur, par le Christ en qui nous sommes des fils en devenir, dans !'Esprit notre souffle commun. Fort de sa structure reçue dans la prière, le monastère, maison de Dieu, s'édifie ensuite par notre travail et les divers jeux de relations qui vont tisser, édifier, cimenter les murs et les parois. Rendons grâce à Dieu l'architecte de nous associer à une telle construction. Car cette construction est heureuse pour nous-mêmes. Elle est utile pour l'Eglise, elle-même en continuelle édification, et elle fait signe pour le monde qui peut découvrir parfois combien il est bon de venir s'y abriter.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 16 v 01-05 Comment célébrer les offices divins dans la journée ? écrit le 16 janvier 2020
Verset(s) :

1. Comme dit le prophète : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

2. Ce nombre sacré de sept, nous le réaliserons en nous acquittant des devoirs de notre service au moment du matin, de prime, de tierce, de sexte, de none, de vêpres et de complies,

3. car c'est de ces heures du jour qu'il a dit : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »

4. Quant aux vigiles nocturnes, le même prophète dit à leur sujet : « ;Au milieu de la nuit, je me levais pour te rendre grâce. »

5. C'est donc à ces moments que nous ferons monter nos louanges vers notre créateur « pour les jugements de sa justice » : à matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies ; et la nuit, « nous nous lèverons pour lui rendre grâce ».

Commentaire :

St Benoit utilise 4 citations du psaume 118 dans ce chapitre consacré à la répartition de la prière durant la journée et la nuit. Le grand psaume du priant vient asseoir de son autorité le rythme de la prière des moines. En effet, déjà comme en d'autres passages de la RB, St Benoit parle du psalmiste comme d'un prophète. C'est à dire qu'il recueille son témoignage, non seulement comme celui d'un priant qui partage son expérience, mais aussi comme celui d'un homme dont l'expérience peut révéler et fonder celle des moines. Appuyé sur la parole du psalmiste-prophète, St Benoit se sent autorisé à donner forme à une vie scandée par les rendez­ vous réguliers de la prière, toutes les 3 heures, soit 7 temps durant la journée auquel s'ajoute la prière nocturne des vigiles. En reconnaissant une valeur sacrée au chiffre 7, il semble finalement recevoir comme un appel divin cette répartition de la prière durant la journée. Il en découle que pour lui, embrasser ce rythme, c'est répondre à un appel pour s'acquitter « des devoirs de notre service ».

Héritier de cette tradition, nous touchons ici un point important de notre vie monastique : la manière de gérer le temps mis à notre disposition. Nous recevons comme un appel de Dieu le fait d'ordonner nos journées à la prière régulière et commune. C'est elle qui donne le ton, en structurant nos emplois du temps. Tout le reste s'organise autour d'elle et non l'inverse. En choisissant cette vie, nous donnons la priorité à la prière à nos journées. Nous le faisons parce que nous y avons reconnu une grâce offerte en même temps qu'un travail à accomplir. La grâce offe1ie n'est-elle pas celle d'unifier notre vie ? Unifier notre vie dans la louange et l'action de grâce pour reprendre les mots du psalmiste cité par Benoit. Unifier notre vie en présence de Dieu durant cette vie qui devient alors comme une anticipation de la vie à venir dans le Royaume. Et en même temps, vivre ainsi est aussi un travail à accomplir. Travail au sens d'un art qu'il nous faut exercer continuellement afin de l'améliorer. Travail au sens d'office ou de fonction que l'on remplit pour le service de la Gloire de Dieu et de la vie de l'Eglise. Comme tout travail, il est couteux en énergie donnée, en attention prêtée. A certains jours, il peut être peineux car il va nous chercher aux profondeurs de nous-mêmes, de notre foi et de notre fidélité. Encore venir à l'église ? De même, lorsque nous sortons et que nous sommes seuls, comment allons-nous vivre la fidélité à ce service, qui s'il prend d'autres formes, reste notre service à accomplir ? « Usé par l'attente du salut, j ·espère encore ta parole » dit le psalmiste. La prière nous rabote, nous pompe de l'énergie. Elle est le lieu et le signe de notre attente, de notre espérance.