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10. Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.
« Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ ». Ces paroles, pourtant évangéliques, sonnent souvent de manière forte à nos oreilles comme un appel gui dérange. Se renoncer pour quitter quelque chose que nous connaissons et aller vers quelque chose que nous ne connaissons pas... Cela nous coûte. Ainsi lorsque nous trainons les pieds nous manifestons notre peine à faire confiance à Jésus. Le suivre, oui mais jusqu'où ?
Comment fortifier notre foi, comment la rendre plus adulte, plus virile ? Certainement est-ce l'œuvre du Saint Esprit, qui nous recréé en bonne part «presqu'à notre insu» pour reprendre les mots de l'hymne du Christ Roi... Peut-être aussi faut-il nous entrainer à changer de regard sur notre vie chrétienne, tourner le regard de 1'arrière vers l'avant ? Spontanément, nous sommes portés à considérer ce à quoi nous renonçons, nous regardons vers l'arrière. Et si nous regardions mieux ce vers quoi nous allons : une vie de plus grande amitié avec le Christ? En effet, quand le Christ nous appelle à renoncer à nous-mêmes pour le suivre, il n'est pas sadique, et ne nous veut pas du mal. Il ne nous demande pas de nous faire harakiri pour prendre une image martiale... Il nous invite à quitter ce gui ne peut que vieillir, finalement ce qui n'a pas d'avenir. Quitter les vieilles habitudes, les attachements qui nous endorment, ou qui nous pèsent, voire qui nous défigurent. Se renoncer soi-même pour suivre le Christ, loin d'être un fardeau, est une bonne nouvelle. Le Christ a un projet sur nous : celui de nous voir plus léger pour le suivre, plus libre pour œuvrer avec lui an service du Royaume. Il entrevoit aussi notre visage à venir, que nous imaginons avec peine, le fils de Dieu transfiguré qui un jour rayonnera de la clarté du Christ. En nous appelant à le suivre, le Christ nous fait l'honneur de croire en nous. Il nous rend responsable avec lui de notre renouvellement dans !'Esprit. En même temps qu'il nous fait don de sa grâce, en même temps, il nous fait collaborateur de son œnvre en nous et pour les autres. Que cette espérance que le Christ a en nous, nous conforte dans notre foi. Ayons confiance en la confiance que le Christ nous porte lorsqu'il nous appelle. Comme nous le disons certains soirs:« le Seigneur nous espère plus que nous espérons en lui»... C'est un grand motif d'encouragement pour oser faire aujourd'hui le pas utile afin de suivre davantage le Christ.
9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».
Cet instrument conclue en quelque sorte le petit ensemble des instruments repris du décalogue. Dans son énoncé en« ne... pas», il est dans l'esprit du décalogue dont la formulation est essentiellement négative. Nous parlons beaucoup aujourd'hui des « gestes barrières». On pourrait dire, cet instrument est un « instrument barrière ». Il indique une limite au-delà de laquelle la vie devient impossible. Si je me permets de faire des choses à autrui, que lui-même ne serait pas en droit de me faire, je sors de l'échange fragile qui rend possible toute vie ensemble, etje m'impose. L'autre est traité en inférieur. La commune condition d'égalité est bafouée... La violence a tous les droits.
Dans cet instrument « barrière », « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse », nous pouvons entendre le bienfait des limites pour toute vie en société, et en particulier en communauté. La philosophe Simone Weil a cette phrase : « Le mal est l'illimité. mais il n'est pas infini. Seul l'infini limite l'illimité» (La Pesanteur et la Grâce p 75). Si on considère notre expérience, on remarque qu'effectivement, le mal et le péché se situent le plus souvent dans le refus des limites. Il en est ainsi au jardin d'Eden, lorsqu'Eve se laisse séduire en refusant la limite imposée par la Parole de Dieu... « Tu ne mangeras pas »... Dans tous les champs de notre action et de notre vie, nous pouvons ainsi repérer ces moments où l'on force la limite (prendre à autrui quelque chose), où on joue avec elle au risque de mettre en danger les autres (par exemple en enfreignant des règles du code de la route), où l'on contourne la limite en se donnant bonne conscience Ge peux médire sous prétexte de vouloir dire la vérité sur autrui)... Notre vie monastique est une bonne école pour apprendre à faire des limites une aide, un soutien pour notre faiblesse. Accepter la limite de la cloche par ex, c'est entrer dans une conscience plus juste et plus réelle que mon temps n'est pas extensible à souhait. Ne pas accepter la limite de la cloche, chercher à grignoter du temps à tout prix, c'est prendre le risque inutile de me tendre, et finalement de m'user la santé. C'est une forme de péché, péché contre moi-même car je m'abime la santé; péché contre Dieu car je ne lui fais pas confiance: lui qui conduit ma vie sait ce qui est bien pour moi. Au lieu de me mettre à son écoute par mon obéissance à la cloche, je m'entête à braver la limite... Ce péché qui est une forme d'endurcissement signe mon aveuglement sur ma propre existence. J'oublie qu'elle est prise dans le mouvement de la lente et immense croissance du Royaume qui vient.
7. ne pas porter faux témoignage. »
8. Honorer tous les hommes,
« Ne pas porter faux témoignage, honorer tous les hommes ». Ces deux instruments à la suite!'un de l'autre nous indiquent et le poison et son antidote. Le poison : dire des choses mensongères pour salir et casser la réputation d'une personne, voire pour le faire tuer physiquement comme nous en trouvons des exemples dans la Bible... je pense à la fausse dénonciation de Nabot qui conduit à sa mort, le tout orchestré par Jézabel, la femme d' Achab. L'antidote: porter un regard bienveillant sur tout homme, l'honorer en ce qu'il est, avant de le regarder pour ce qu'il fait.
Porter faux témoignage sur quelqu'un, c'est tenter de mettre la main sur lui voire de l'anéantir, en le rabaissant aux ye1,1x des hommes. Ainsi Achab a-t-il eu gain de cause pour prendre la vigne de Nabot. L'autre compte pour peu aux yeux de son adversaire qui pense pouvoir en disposer à son gré. Honorer tous les hommes, nous invite à nous tenir résolument sur l'autre versant, en acceptant qu'entre l'autre et moi, il y a un abîme infranchissable qui m'impose le respect absolu. Honorer l'autre, tous les autres, nous oblige à élargir sans cesse notre regard et à revoir nos préjugés. L'autre est autre, un être qui m'échappe en son mystère.
« Honorer tous les hommes » se révèle alors être, à la lumière de notre foi chrétienne, une des plus sûres boussoles pour nous tenir avec justesse dans la relation, dans toute relation. Comme le commandement de l'amour du prochain, « honorer tous les hommes» est un instrument de l'horizon, horizon vers lequel on tend. Il est toujours devant nous, plus on avance et plus il recule, car le champ d'action est si vaste. Comme dit le cantique du Siracide qu'on chante le mercredi à Laudes:« croit-on avoir fini, on ne fait que commencer ... » (Si 18, 7). Faut-il nous décourager, ou bien nous résigner devant une tâche impossible? Non, patiemment, aujourd'hui il faut commencer à honorer tous ceux que le Seigneur met sur notre chemin. Les honorer en apprenant à faire taire les jugements abrupts extérieurs, mais aussi en travaillant pour éteindre les jugements intérieurs qui ont vite faits d'enfermer l'autre et de le sortir de mon champ de charité... Honorer tous les hommes m'oblige à une guerre incessante avec moi-même contre mes prétentions à juger de tout et de tous... sous la conduite de !'Esprit Saint qui est artisan de discernement et de paix. Viens Esprit de Sainteté, viens Esprit de lumière.
5. ne pas voler,
6. ne pas convoiter,
« Ne pas voler, ne pas convoiter». De manière assez logique, les deux commandements sont ici réunis, alors que dans le décalogue, ils sont séparés par « tu ne porteras pas de faux témoignage». En effet, le vol a à voir avec la convoitise, comme d'ailleurs aussi la convoitise avec l'adultère ... Dans le décalogue, aussi bien en Ex 20, 17 qu'en Dt 5, 21, l'auteur biblique prend le soin de développer les objets possibles de la convoitise : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur ni sa servante, ni son bœul ni son âne: rien de qui lui appartient» ... Cette énumération met bien en évidence combien la convoitise peut s'étendre à tous les domaines de la vie... J'aurai envie de faire le lien entre la convoitise et l'amour de soi. Est-ce qu'on ne convoite pas le bien du prochain, parce qu'on souffre d'un déficit d'amour de soi, d'une trop grande faiblesse de l'estime de soi ? Je me projette dans les objets que possède mon voisin et pas moi, parce que je n'ai pas pris conscience de mes propres biens. Je désire avoir les qualités de mon frère et je peux éprouver de la jalousie, parce que je n'accueille pas comme un don mes propres qualités. Ma convoitise, mes désirs jaloux mettent peut-être davantage en lumière un manque de juste amour de soi que la volonté perverse d'assouvir un désir de puissance... La convoitise qui m'habite révèle mon aveuglement sur moi-même, mais aussi devant Dieu peut-être mon ingratitude et mon mangue d'humilité au regard des dons qu'il m'a fait. A chacun le Seigneur fait des dons selon ses capacités nous dit la parabole des talents. Ou encore à chacun le Seigneur donne également, pour reprendre la parabole des mines. Et chacun va valoriser ce don selon ses possibilités, sans que le maitre reproche au second de faire moins que le premier. II importe que chacun mette en valeur ses dons, peu importe la quantité. Compte seulement le fait de ne pas laisser dormir ses dons. Convoiter me fait regarder le don de l'autre et me détourne de mes propres dons. La vie commune est ici une belle école d'humilité. Souvent, ce sont les autres gui me révèlent mes dons, dans les demandes qui me sont faites, les attentes. Les autres voient des choses que je ne vois pas toujours. Humilité encore d'accepter de ne pas être attendu là où je rêverai d'être ou de faire... Humilité qui peut ouvrir mes yeux sur moi-même, et mon cœur à l'action de grâce. Car l'important n'est-il pas de se donner et d'être utile à la communauté, et plus largement au service de l'Evangile? La vie commune m'ouvre encore à l'action de grâce en accueillant les dons des autres comme un cadeau qui m'est aussi fait, et dont je peux jouir, sans chercher à les posséder ou à les convoiter. Ce qu'est chaque frère est cadeau pour tous.
3. Ensuite « ne pas tuer,
4. ne pas commettre d'adultère,
Dans cette liste des instruments des bonnes œuvres, il peut paraitre étrange qu'à la suite des commandements majeurs de l'amour de Dieu et du prochain, on fasse suivre le décalogue ainsi que bien d'autres conseils et préceptes. N'a-t-on pas dans les deux grands commandements, le résumé de toute la loi et les prophètes ? Pourquoi encore détailler encore s'il suffit d'aimer?
Ce chapitre de la RB comme bien d'autres veulent aider l'homme en chemin que nous sommes et qui doit faire avec ses parts d'ombre encore non évangélisées. L'idéal de l'amour, nous le connaissons et pouvons en parler avec aisance, et même désirer profondément en vivre. Mais la vie quotidienne nous prend souvent à défaut dans les plus petits détails. L'amour de Dieu et du prochain en gros, c'est d'accord, mais dans le détail pour reprendre l'intuition de M. Delbrêl... c'est autre chose. Il nous faut donc consentir à travailler les détails, à aller plus en finesse dans l'amour.
Ne pas tuer. Ne pas vouloir éliminer, ou écarter un frère qui nous gêne. Sans nous en rendre compte, nous pouvons le faire, et avec bonne conscience. Ne pas salir la réputation d'un frère, d'un homme par une parole glissante et insinuante. La parole peut tuer de bien des manières. Nous voyons à l'échelle d'une grande démocratie comme les Etats Unis les ravages que peuvent faire en termes de divisions, de suspicions et de haines, des paroles prononcées dans une irresponsabilité totale au plus haut niveau... Ne pas tuer: nous voyons aussi d'autres ravages faits par les agressions et les abus sexuels. Ici se rejoignent les deux préceptes ne pas tuer et ne pas commettre l'adultère. Sous prétexte d'amour, on asservit l'autre, le plus petit ou le plus fragile. On tue en lui quelque chose de pur, de son intimité virginale, de sa part d'enfant inaliénable. Aimer ne peut jamais vouloir dire prendre l'autre, l'autre à un autre dans le cas de l'adultère, ou l'autre à lui-même dans le cas de la pédocriminalité ou de l'agression sexuelle. Aimer se conjugue toujours avec respect, délicatesse et chasteté pour laisser l'autre faire ou non le bout de chemin qui lui revient. Aimer l'autre, tout autre, pour nous moine est inséparable de l'amour qui fonde notre vocation : l'amour du Christ qui nous a choisis, et que nous apprenons à choisir chaque jour un peu plus. Toute notre capacité d'aimer trouve là sa force et son lieu de discernement: nos relations sont-elles vécues dans la lumière, et portées par l'amour premier qui oriente toute notre vie, l'amour du Christ cherché et aimé avant tout ?
2. ensuite « son prochain comme soi-même ».
« Aimer son prochain comme soi-même» Le commandement d'aimer Dieu nous invitait à donner « notre tout». Le commandement de l'amour du prochain nous entraine à l'aimer comme nous-mêmes ». Dans le second cas, nous sommes autant les bénéficiaires de cet amour que notre prochain. Il s'agit d'un même amour, et dans deux directions : nous-mêmes et notre prochain. Et le commandement suggère même que sans amour de soi, il n'y a pas d'amour de l'autre. Cela complique un peu les affaires. Car non seulement, il n'est pas aisé d'aimer l'autre, mais il n'est pas non plus facile de s'aimer soi-même. Et probablement, nous ne savons pas aimer l'autre parce que nous ne savons pas nous aimer vraiment nous-même. Une des difficultés rencontrées dans l'amour de soi, c'est d'accepter nos limites, nos failles, nos échecs. Nous confondons souvent spontanément amour de soi et idéalisation de soi. Nous risquons alors, d'être non pas le compagnon patient de nous-mêmes, mais le juge ou le censeur de nous mêmes, comme si nous étions purement extérieurs à nous-mêmes. Une distance dure sans empathie se créé alors entre ce que je suis réellement et le regard que je porte sur moi ... Une autre difficulté dans l'amour de soi, est de confondre amour de soi et complaisance avec ses inclinations spontanées ... on se dorlote, on cherche avant tout son plaisir comme un but en soi. Cet amour-là peut virer au narcissisme où je suis complètement centré sur moi-même. Je n'ai plus de distance avec moi, aucun regard critique, une forme d'aveuglement. Nous pouvons chacun mettre des attitudes ou des pensées sur ces deux écueils extrêmes qui nous habitent parfois successivement... L'amour de soi nous convoque à une juste distance, et empathique et critique avec nous-mêmes. Et n'est-ce à ce même équilibre que nous sommes appelés avec tout prochain, pour l'aimer vraiment pour lui-même... Une juste distance ou une chasteté, autre mot de l'amour. Nous cherchons alors à vivre un amour vraiment donné pour rejoindre l'autre. Et en même temps un amour respectueux pour ne pas se perdre en l'autre, ce qui est une manière de l'ignorer. Vivre un amour qui accueille l'autre en ses faiblesses, parce que les miennes me font moins peur. Amour qui peut dire une parole exigeante parce que je cherche à demeurer vigilant sur ma propre vie. Amour qui laisse place à la miséricorde parce que j'ai appris à me laisser rejoindre par celle de Dieu. Aimer le prochain comme soi-même, c'est entrer dans une histoire toujours plus vivante, 1'histoire d'un compagnonnage toujours plus profond et plus
heureux avec l'autre, parce qu'inséparable du compagnonnage plus paisible et plus juste avec soi-même. Comme tu nous as aimé, Seigneur Jésus, apprends-nous à aimer. ..
1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;
« Aimer Dieu de tout ,son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces» ... ! 1er commandement de notre foi judéo-chrétienne... Parole inusable qui semble pouvoir être répétée des milliers de fois sans craindre d'en avoir fait le tour. Elle résiste comme un diamant, et elle brille sans éblouir. Elle attire et elle appelle. Elle cesse de nous interpeler pour ne pas être avec Dieu, à moitié ou au quart, mais tout entier. Devant Celui qui est infini, aux êtres finis et limités que nous sommes, n'est pas demandé des choses impossibles. Il nous est demandé d'aller au bout de nous-mêmes, en donnant notre« tout». En nous offrant ce commandement de l'amour qui donne tout, le Seigneur nous fait l'honneur de croire en nous, en nos capacités d'amour que nous ne soupçonnons peut-être même pas. Il a une grande ambition pour nous : celle de nous voir, comme lui, être habité par l'amour. Lui est Amour en lui-même de toute éternité, en son mouvement trinitaire de don mutuel. Nous, être limités et mortels, depuis notre naissance nous ne cessons de sortir de nous-même (ex) pour nous ouvrir à la vie et à l'amour. Le commandement de Dieu nous arrache à l'illusion mortifère de n'être rien, et rivé à nos lourdeurs. Le Seigneur, le Dieu d'Israël croit en nous et désire nous voir nouer avec lui une relation unique et grande. Son commandement n'est pas un ordre. Mais il est obstination. Il vient nous chercher, au lieu secret de nos peurs ou de nos découragements, au lieu de notre cécité ou de nos paresses peut-être. Son commandement est promesse. Destinés à partager l'intimité du Dieu du ciel et de la terre, nous pouvons plus que nous n'imaginons. Nous pouvons aimer avec tout ce que nous sommes. Comment? En faisant aujourd'hui ce qui demain ne sera que flétri et déjà perdu ; en perdant du temps avec notre Dieu, ce temps qu'il nous a donné pour le remplir de sa vie. Comment? En nous mettant sans cesse à l'écoute de l'inattendu, de l'imprévu, de la cloche qui nous tire de notre confort. Comment aimer avec tout ce que nous
sommes? En acceptant que le tout d'aujourd'hui n'épuise en rien le tout de demain; en acceptant que le tout gui est mien, est différent et incomparable au tout de mon frère. Dieu seul
sait ce que chacun peut donner et jusqu'où va son tout. .. Confions-nous à son Amour qui nous espère en même temps qu'il nous enseigne comment donner notre tout. Seigneur apprend-moi à t'aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces...
7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.
8. Personne au monastère ne suivra la volonté de son propre cœur,
9. et nul ne se permettra de contester avec son abbé insolemment ou en dehors du monastère.
10. Si quelqu'un se le permet, il subira les sanctions de règle.
11. De son côté, cependant, l'abbé fera tout dans la crainte de Dieu et le respect de la règle, sachant qu'il devra sans aucun doute rendre compte de tous ses jugements au juge souverainement équitable qu'est Dieu.
12. S'il est question de choses moins importantes pour le bien du monastère, il aura recours seulement au conseil des anciens,
13. comme il est écrit : « Fais tout avec conseil, et quand ce sera fait, tu ne le regretteras pas. »
« Tous suivront en tout la règle comme leur maitresse ... » La règle, une maitresse de vie... Pour bien la suivre, il nous faut aimer cette règle maitresse de vie en comprenant mieux de jour en jour combien elle est un guide sûr dans notre marche à la suite du Christ. Pour mieux l'aimer, je crois qu'il nous faut entendre ici la règle pas seulement comme texte, mais aussi la règle commentée et devenue une parole pour aujourd'hui, et encore la règle telle qu'elle se vit à travers nos coutumes, nos gestes. .. Aimer la règle, parce que nous aimons notre vie de disciples du Christ.
Aimer la règle comme texte, c'est pouvoir reconnaitre en ses lignes et finalement entre ses lignes, combien elle exhale l'Evangile. Elle n'a de sens que parce qu'elle permet une application concrète de l'Evangile. A nous qui avons choisi de suivre le Christ en lui donnant notre vie, la règle nous entraine à aller plus loin dans une suite réelle et concrète, par ex lorsque la cloche sonne, en laissant ce que nous faisons sans trainer, pour nous hâter à l'église. De cette manière, nous exprimons concrètement que nous préférons le Christ, qu'il est premier dans notre vie. / Aimer la règle comme texte commenté chaque jour, c'est faire confiance en la possibilité qu'a ce texte, vieux de 15 siècles, de nous parler encore aujourd'hui. Témoin de la quête des premiers moines, que St Benoit a lui-même assimilé, elle nous offre des repères humains et spirituels qui ont fait leur preuve. Par ex, le cadre offert par le chapitre conventuel ouvre un espace de parole, d'écoute, et de discernement qui garde toute sa pertinence. De même la relation subtile entre la règle, l'autorité de l'abbé et la communauté, est bâtie sur un équilibre gui est fécond. pour qui veut se donner au Christ dans une vie de prière et de service des frères. Sans cesse relue à la lumière de !'aujourd'hui de chaque époque, la règle apporte son poids de sagesse sans craindre de se voir adaptée en ses formes. / Aimer la règle en toutes les coutumes et les usages qui donnent à notre communauté son visage propre. L'horaire, la manière de se rapporter les uns aux autres, je pense à nos groupes de communauté, ou encore à tel moment de fête plus marqué, nos façons de vivre le silence dans les lieux communs, etc... Depuis 150 ans, au fil de l'histoire de notre communauté, la règle s'est incarnée en mille petits détails dont on reconnait l'importance sans non plus en faire des absolus. Autrefois, nous n'allions pas aux enterrements, ni au mariage de nos frères et sceurs... aujourd'hui nous y allons... Oui aimons notre règle vivante, maitresse de vie évangélique ...
1. Chaque fois qu'il sera question au monastère de quelque chose d'important, l'abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il est question.
2. Une fois entendu le conseil des frères, il en délibérera à part soi et fera ce qu'il juge le meilleur.
3. Or si nous avons dit que tous seraient appelés au conseil, c'est que souvent le Seigneur révèle à un inférieur ce qui vaut le mieux.
4. Or donc les frères donneront leur avis en toute soumission et humilité, et ils ne se permettront pas de défendre leur opinion effrontément,
5. mais la décision dépendra de l'abbé : celle qu'il juge être plus opportune, tous y obéiront.
6. Toutefois, s'il sied aux disciples d'obéir au maître, il convient que celui-ci dispose toute chose avec prévoyance et justice.
« De l'art de marcher ensemble» ... S'il fallait redonner un autre titre à ce chapitre, je proposerai volontiers celui-ci. Marcher ensemble est un art_ car et un défi permanent pour une communauté comme la nôtre. Un même désir nous rassemble : nous entraider dans une recherche de Dieu qui se veut exigeante sous la lumière de l'évangile. Mais nous pouvons avoir tellement de visions différentes de l'évangile et de sa mise en œuvre ! Comment nous accorder pour marcher ensemble ? En ce chapitre, la règle nous offre des repères de sagesse qui ont fait leur preuve. Poser une question précise. Il revient à l'abbé de préciser la question. En vertu de son autorité, mais aussi en écho à ce qu'il voit vivre en communauté, il doit formuler la question ou le problème. Notre droit prévoit que la plupart des questions proposées en chapitre conventuel soient d'abord étudiées en conseil. Cette procédure offre l'avantage de préciser la question et l'objet de la réunion capitulaire, ce qui n'est pas toujours facile. Parfois, la question sera davantage instruite et motivée à l'aide d'informations complémentaires.
Parler et écouter. La mention du Seigneur qui peut révéler à un plus jeune ce qui vaut le mieux, suggère que la parole et l'écoute entre frères en ce lieu sont à vivre sur le registre spirituel d'une parole et d'une écoute selon le Seigneur. A travers l'échange entre frères, c'est la voix du Seigneur qu'il s'agit d'entendre. Le chapitre conventuel ne peut se réduire à un débat public où les opinons rivalisent à qui aura le dernier mot. Ma parole est une parole qui est le fruit d'une écoute. et idéalement de la prière. Ensuite, autant il faut pouvoir donner son avis, autant il faut pouvoir être libre pour écouter celui des autres, et éventuellement changer le sien. Le plus important est que la vérité advienne et ouvre un chemin communautaire. Pouvoir reconnaitre sans tristesse que la direction à prendre est tout autre que celle que j'avais imaginée.
Décider. Plus précises que la règle, nos constitutions prévoient différents points qui seront le fait d'une délibération communautaire, et pas seulement de l'abbé (à propos des personnes : admission de nouveaux frères, accueil en communauté pour longue durée... ; ou à propos des biens : vente ou achat à réaliser, prêts ou don à effectuer..). A l'abbé, il revient de prendre d'autres décisions après avoir écouté les frères. Le consensus d'un grand nombre sur un même sujet est souvent le gage de la voie à prendre. Lorsque les avis sont très partagés, voire se durcissent, le rôle de l'abbé se révèle alors salutaire pour éviter les blocages. Il n'en est pas moins décapant voire crucifiant pour lui. Ce rôle personnel dans la prise de décision fait que notre modèle monastique ne peut se réduire ni au modèle démocratique, ni à un modèle autocratique. Il fait signe que tous, frères et abbé, nous désirons vivre sous l'autorité de Dieu.
37. Et qu'il sache que, quand on se charge de diriger les âmes, on doit se préparer à en rendre compte.
38. Et autant il sait avoir de frères confiés à ses soins, qu'il soit bien certain qu'il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes au jour du jugement, sans parler de sa propre âme, bien entendu.
39. Et ainsi, craignant sans cesse l'examen que le pasteur subira un jour au sujet des brebis qui lui sont confiées, en prenant garde aux comptes d'autrui, il se rend attentif aux siens,
40. et en procurant aux autres la correction par ses avertissements, lui-même se corrige de ses vices.
« L'heure est aux comptes »... pourrait nous laisser penser cette conclusion du long chapitre, le premier que la règle consacre à la charge de l'abbé. Sous forme d'inclusion avec le début, Benoit remet l'abbé devant sa responsabilité, en appelant à la justice de Dieu devant qui il devra rendre compte. Cette idée de rendre compte de nos actes et de notre vie est présente en plusieurs versets des Ecritures qui peuvent avoir inspiré ce passage de la RB. Dans la lecture que nous entendions hier, en Rrn 14, 10-12, Paul affirmait : « Tous nous comparaitrons devant le tribunal de Dieu ...Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même» ... De même en 2 Co 5, 8-10 : « Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c'est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaitre à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu'il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu'il était dans son corps». Cette dernière réflexion de Paul est intéressante car elle allie sans complexe des termes que, spontanément, nous tenons difficilement ensemble : confiance et tribunal, désir de demeurer près du Seigneur et apparaitre à découvert devant lui... Il est heureux d'entendre que pour Paul, le jugement n'ôte pas la confiance, et encore moins le désir d'aller demeurer auprès du Seigneur. Visiblement pour Paul, le jugement que le Christ rendra n'annule pas l'amour qu'il nous porte ... quand il affirme 4 versets plus loin : « l'amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu'un seul est mort pour tous, et qu 'ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux ». Nous ne savons pas en quoi consistera le jugement du Christ ni la rétribution dont parle Paul. Mais ces lignes peuvent nous inviter autant à la confiance gu' à la responsabilité. Confiance car celui qui nous jugera nous aime et désire notre salut. Responsabilité au regard des dons qu'il nous faits en sa mort et sa résurrection et qui font de nous une créature nouvelle (ibid 5, 17) pour le service de son Royaume. Sans nous laisser paralyser par la peur, ni nous laisser aller dans le divertissement. pour ce jour gui commence, notre ambition est de plaire à Dieu dans le service de sa louange, et dans le service de nos frères.