vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 31-33 De l'humilité écrit le 16 avril 2021
Verset(s) :

31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,

32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»

33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »

Commentaire :



Au moment où je commençais ce chapitre, le f. Hubert m'annonçait le décès de f. Lazare, frère de St Jean, venu plusieurs années, passer quelques semaines en été. Il est parti rapidement du coronavirus ... Je me disais : que vaut une vie qui peut si vite partir? Quel est son poids au regard des hommes et surtout de Dieu ? Chacun vit, fait des choses, laisse peut­ être quelques traces, le plus souvent très peu et qui finalement s'estompent vite avec le temps. Ou' est-ce gui reste de notre volonté de faire quelque chose ? Le caractère éphémère de nos vies nous invite vraiment à cette humilité dont parle Benoit... Humilité par rapport à nos ambitions, humilité pour rechercher sans cesse à nous arrimer à la Vie, celle qui durera toujours, et pour laquelle comptent bien peu nos désirs de grandeurs, de notoriété, de réussite de toutes sortes... Lors de son dernier passage, j'ai croisé par hasard le f. Lazare. Il me disait qu'en raison de déménagements, on lui avait repris l'espace où il peignait, et qu'il ne savait pas ce qu'on lui donnerait à la place. Alors qu'en d'autres temps, il aurait mal vécu cette situation inconfortable, il ne s'inquiétait pas, et restait confiant dans le Seigneur, s'émerveillant de pouvoir peindre et faire du beau conscient du don reçu. Émerveillement. disponibilité. accueil, n'avons-nous pas là le signe d'une volonté gui s'abandonne ... L'humilité cherchée avec St Benoit, n'est pas de ne pas avoir de volonté, mais de ne pas en faire un absolu comme si nous étions seuls maitres à bord. Comme Jésus et avec lui, notre volonté est appelée à trouver toute sa joie et tout son poids à faire la Volonté du Père : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé». Unir notre volonté à la sienne. Sans renoncer à vouloir, il s'agit d'apprendre à vouloir dans le même mouvement que la Volonté du Père. Comment vivre cela? Il peut y avoir un risque : celui de se faire à l'avance, une idée toute faite de la Volonté de Dieu, avec le risque de la refuser parce que l'idée qu'on s'en fait est tellement haute qu'on ne se sent pas la force. Faire la volonté de Dieu, n'est-ce pas plutôt, accepter de se mettre en chemin, et d'avancer pas à pas, en restant toujours ouvert, pour écouter ce que nous dit !'Esprit Saint, dans la prière, mais aussi dans les évènements et les rencontres ? Notre Dieu, qui nous connait bien, nous découvre peu à peu sa volonté. Et nous faisons l'expérience que même s'il est parfois exigeant, le chemin sur lequel il nous mène est toujours un chemin de vie. Comme le chantons à Sexte, demandons-lui : « Fais nous vouloir ce que tu veux» ...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 23-30 De l'humilité écrit le 14 avril 2021
Verset(s) :

23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »

24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »

25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »

26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,

27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,

28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,

29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,

30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »

Commentaire :



Nous achevons le premier degré de l'humilité que St Benoit énonçait 20 versets plus haut ainsi : « plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, qu'on fuie tout à fait l'oubli». Dans la même veine qu'au début de l'exposition de ce 1" degré, est développée 1'image tout à fait désagréable d'un Dieu qui, non seulement nous observe et « regarde sans cesse », mais a aussi en plus « les anges commis à nous garder qui lui rapportent quotidiennement. jour et nuit les actes que nous accomplissons». Bref cette vision des choses a de quoi nous faire froid dans le dos : celle d'un Dieu gui nous épierait. .. Nous ne pouvons aujourd'hui nous représenter ainsi notre Dieu, trop assimilé alors à tant de pouvoirs autoritaires et dictatoriaux qui veulent tout dominer, espionner et surveiller. ..

Que retenir dès lors de cette conclusion ? Sur le fond, Benoit nous parle du mystère de la présence de Dieu à chacw1 de nous. « Croyons que Dieu nous est toujours présent »... Comment l'entendre comme une bonne nouvelle, c'est-à-dire comme une affirmation qui peut nous aider à vivre ? Confesser que Dieu est présent, plus présent même que nous ne pouvons l'imaginer, nous aide à prendre conscience que nous sommes reliés, mais aussi accompagnés en cette vie. Nous sommes reliés à Dieu dont nous nous recevons totalement. De lui nous tenons

« la vie. le souffle et tout le nécessaire» (Ac 17, 25). Dans la conscience d'avoir tout reçu, peut s'aiguiser alors notre sens de la responsabilité. Comment mettons-nous en valeur ce lien avec Dieu à travers cette vie qu'il nous a offerte? Conscient d'être si petits en ce lien avec l’Éternel, l'Au-delà de Tout, la foi nous assure que nous sommes accompagnés. Dieu ne cesse de chercher à faire alliance avec nous, de marcher avec nous et de venir à notre rencontre. Toute la Révélation est là dans ce compagnonnage fait de moments fort et de moments très quotidiens, comme la liturgie s'en fait parfaitement l'écho. A travers elle, Dieu nous apprivoise, pour nous découvrir son vrai visage de Père et nous apprendre à ne plus avoir peur de sa Présence qui pourrait nous paralyser. En Jésus, il s'est fait proche, nous appelant à entrer en amitié, avec lui, avec grand respect. Il continue de s'inviter dans nos vies. L'Eucharistie, en est un moment privilégié. « N'allons plus sans feux ni lieux quand Jésus nous accompagne. chantons-nous. le voici pain sur la table des baptisés ... ». Oui, Ier degré d'humilité: n'oublions pas que notre Dieu, présent à nos vies, recherche notre amitié, notre disponibilité confiante à sa Parole.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 19-22 De l'humilité écrit le 13 avril 2021
Verset(s) :

19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »

20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.

21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,

22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »

Commentaire :



Sur le chemin de l'humilité, nous apprenons peu à peu à vivre selon la Volonté de Dieu. Fondamentalement, dans la foi, nous savons que seule cette Volonté est bonne, parce que ce que Dieu veut, ce ne peut être que notre bien et celui de toute l'humanité, et de toute la création ... Notre difficulté est de bien connaitre et reconnaitre cette volonté de notre Père des Cieux. Car elle est forte et profonde. Elle englobe notre vie et celles de tous les hommes dans un projet de vie qui nous oblige sans cesse à sortir de notre petit projet personnel. Celui-ci n'a de sens qu'uni à tous les autres. C'est cela qui est difficile à comprendre pour chacun de nous. De ce point de vue, l'expérience de vie communautaire est une belle école pour apprendre cela: mon projet de vie n'a de sens et d'intérêt qu'uni à celui des autres. Et ensemble, nous œuvrons au projet de Dieu de rassembler et de sauver tous les hommes. Entrer dans un tel projet, à la suite de Jésus, nous fait toujours passer par une forme de mort : celle d'un renoncement à mes seules vues des choses. C'est le mystère de la Croix. Parfois nous peinons à consentir à cette mort, à ce renoncement, à nous tenir avec Jésus à Gethsémani. « Non pas ce que Je veux, mais ce que tu veux». La part de nous-mêmes qui se pense comme un tout, et qui refuse de faire avec d'autres, pour entrer dans un projet plus grand, c'est ce que St Benoit appelle la « volonté propre». Elle n'a pas encore vu et reconnu que faire la Volonté de Dieu est bien plus intéressant et bien plus vivant. Nous sommes ainsi continuellement appelés à un discernement pour rester en éveil : est-ce que je cherche à faire comme je veux, ou bien est-ce que je cherche à entrer dans la Volonté de Dieu? Plus nous avançons, plus ce discernement s'affine. Parfois sous de bonnes intentions, sous de belles apparences se cache en fait un désir fort de faire ce que je veux. En pareille situation, je ne cherche surtout pas à voir si je ne manque pas quelque chose de plus grand, de plus important que mon simple projet immédiat, souvent à court terme. Notre quotidien nous convoque souvent à ce discernement à opérer, par ex dans le choix de mes priorités. Est-ce que je privilégie ce qui est plus facile, ce qui m'intéresse, ce qui est plus agréable, ou bien est-ce que je cherche vraiment ce qui est bon et utile maintenant pour ma vie et celle des frères... ? Apprendre ainsi à suspendre son agir à ce discernement, c'est déjà, à un niveau tout simple, prendre sa croix... C'est déjà choisir la vie, en vue de la vie bonne que Dieu ne peut que vouloir et donner.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 14-18 De l'humilité écrit le 09 avril 2021
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :



Jusqu'où va la crainte de Dieu, jusqu'où va la reconnaissance de notre dépendance foncière à son égard ? Jusqu'où s'enracine notre relation avec le Seigneur ? St Benoit nous invite à considérer ce matin nos pensées. et ensuite nos volontés, et nos désirs. Dieu les connait, lui qui pénètre le cœur de l'homme. Et nous, le connaissons-nous ? C'est peut-être déjà humilité de reconnaitre qu'en nos pensées, en nos volontés et en nos désirs, nous vivons souvent comme si nous étions seuls au monde et que comme si la relation avec Dieu n'existait pas, comme si tout dépendait de nous. Les pensées qui nous occupent sont-elles toujours dignes d'être mises à la lumière ? Si tout ce qui roule dans notre tête venait au jour, nous ne serions pas toujours très fiers ! Le travail de !'humilité va jusque-là. Dans cette reconnaissance de la futilité, de la perversité, de la grossièreté ou de la méchanceté parfois de nos pensées. « Lui qui donne aux hommes la connaissance, le Seigneur connait les pensées de l'homme et qu'elles sont du vent )) (Ps 93, 10-11). Un vent cependant gui gonfle nos voiles et qui entraine notre bateau. Par quel type de pensée allons-nous ainsi nous mettre en mouvement ? Quelle place allons-nous donner à! 'Esprit Saint ? Cette vigilance sur les pensées est un précieux levier dans notre vie de moine, pour nous remettre tout entier à l'œuvre de !'Esprit Saint. Sous sa conduite, nous sommes appelés à vivre et à agir selon la pensée de Dieu, selon son projet pour nous, pour notre communauté et pour le monde. Ce que nous pensons faire spontanément, ce qui nous vient à l'esprit est-il vraiment ajusté à ce projet? C'est déjà humilité devant notre Père des cieux de se poser la question, de laisser ainsi notre agir s'ouvrir à une autre lumière que la nôtre seule... Pour cela, arrêtons-nous parfois dans la prière, quelques secondes ou quelques minutes... le temps d'une petite vérification.

Comme Paul Je disait ce matin dans la lettre aux romains, depuis notre baptême, depuis que « nous sommes libérés du péché et que nous sommes devenus les esclaves de Dieu. nous récoltons ce qui mène à la sainteté, et cela aboutit à la vie éternelle (Rm 6, 22) )). L'Esprit Saint qui nous habite vient ensemencer notre esprit de bonnes semences, de bonnes pensées. Il nous revient par notre vigilance de les récolter. ..

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 10-13 De l'humilité écrit le 08 avril 2021
Verset(s) :

10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,

11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.

12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,

13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.

Commentaire :



Nous voici après avoir vécu des jours très riches dans la lumière de Pâques autour de notre frère Matthieu. Et nous retrouvons ce chapitre fort sur l'humilité. Les lignes entendues ne sont pas des plus réjouissantes. Elles sont parmi celles dans la règle où l'on perçoit le plus la distance qui sépare notre culture de celle du temps de Benoit. Si l'on retient de ce premier degré d'humilité qui veut faire grandir dans la crainte de Dieu, qu'il faut nous tenir sous le regard menaçant de Dieu, au risque de conclure que la crainte de Dieu consiste à en avoir peur, on fait grandement fausse route. En effet, la crainte de Dieu est le contraire de la peur. Elle en est même l'antidote. Pour ne pas avoir peur de Dieu, craignons-le au sens biblique. Tenons-nous sous son regard dans un profond respect, dans une conscience toujours plus fine de qui nous sommes devant lui. Sous son regard, cultivons la confiance filiale qui sait tout lui devoir, et se recevoir totalement de lui. Ce serait nous faire illusion de croire que nous sommes d'emblée accordés à l'amour, et des autres et à fortiori de Dieu. La crainte de Dieu permet d'ouvrir le chemin de l'amour qui sera le dernier degré de l'humilité... En effet, entre humains déjà, pas d'amour véritable sans profond respect qui prend conscience que l'autre est une terre sacrée, un sanctuaire avec son lieu intime et secret inviolable. A fortiori devant Dieu, pas d'amour véritable sans respect qui fait qu'on apprend à venir en sa présence avec délicatesse. Par ex. avant d'entrer en prière, on se prépare, on fait silence, on se met en la présence de Dieu par une courte invocation, du type de celle que nous faisons à l'office « Dieu, viens à mon aide ! » L'image biblique de Moïse qui enlève ses sandales devant le buisson ardent me semble être l'image la plus appropriée pour suggérer cette approche du mystère de l'Autre comme de tout autre, avec justesse. La crainte de Dieu se nourrira du souvenir de Dieu, nous dit St Benoit.

« Qu 'on se souvienne toujours de ce que Dieu a prescrit ». La mémoire est en effet une aide précieuse pour nous tenir de façon juste devant les autres. Combien de malentendus ou de tensions entre humains ne viennent-elles pas de ce qu'on a oublié ce que les autres ont fait pour nous, ou bien ce qu'ils nous ont dit. Et avec Dieu, de combien d'ingratitudes ou de manque de foi ne sommes-nous pas capables à son égard en oubliant tous ses bienfaits pour nous ? Car une chose est sûre, si nous oublions facilement, Lui notre Père n'oublie pas. Non pas qu'il garderait rancœur à notre égard. Non, sa mémoire est toujours celle de son alliance, « mémoire de son alliance sainte » comme nous le chantons chaque matin avec le cantique de Zacharie. Sa fidélité n'a de cesse de se souvenir. Nous le confessons encore chaque soir, avec Marie, « le Seigneur se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères ».

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 5-9 De l'humilité écrit le 24 mars 2021
Verset(s) :

5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,

6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.

7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

Etonnante échelle par laquelle on monte en s'abaissant, et où 1'on descend en s'élevant ... C'est l'échelle de l'humilité qui elle-même est un sommet dans l'abaissement auquel elle conduit. Notre raison peine à comprendre, voire elle peut être rebutée par ce mouvement si profond. Ce n'est peut-être pas pour rien que St Benoit à la suite du Maitre se réfère à la vision de Jacob. Celui-ci en songe voit une échelle sur laquelle montent et descendent des anges. Il voit Dieu qui lui promet que sur cette terre où il dort, se développera sa nombreuse sa descendance, et que Dieu sera toujours avec lui. De même que Jacob a compris à travers cette échelle que Dieu était là en ce lieu, de même à travers le mouvement descendant et ascendant de l'humilité pouvons-nous mieux approcher la présence de Dieu dans notre vie. A travers l'humilité vécue, Dieu est là, et il ouvre une promesse de vie féconde. Peut-être avons­ nous tous fait l'expérience d'avoir vécu une humiliation du fait de notre péché ou de notre faiblesse. Sur le moment souvent, on se cabre, on cherche à se justifier ou bien on se décourage dans la tristesse d'être si peu à la hauteur... Puis vient le second mouvement, où l'on accepte de regarder en face notre faute ou notre faiblesse, de la reconnaitre devant un frère, et de se tenir pécheur confiant devant le Seigneur ... Vient alors comme une grâce de paix qui nous fait toucher quelque chose de la présence de Dieu, de sa miséricorde toujours offerte. Nous ne sommes plus centrés sur nous-mêmes, mais sur Dieu qui est là. «L'âme collée à la poussière » de notre pauvreté, comme dit le psalmiste, humilié à nos propres yeux et ceux des autres aussi parfois, nous acceptons de n'être que cela devant notre Père des Cieux, sûr de son amour plus fort que notre misère. Expérience d'humilité, expérience de paix inséparable d'une expérience de Dieu proche des humbles. « La force des chevaux n'est pas ce qu'il aime, ni la vigueur des guerriers ce qui lui plait, mais le Seigneur se plait avec ceux qui le craignent, avec ceux qui espèrent son amour » (Ps 146, 10-11). Une promesse de vie plus profonde, plus juste nous est offerte par l'échelle de l'humilité. Elle nous conduit jusqu'à la vie de charité parfaite qui chasse la crainte, nous assure Benoit.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 v 01-04 De l'humilité écrit le 23 mars 2021
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

Nous commençons le long et important chapitre sur l'humilité... Nous savons que chez St Benoit l'humilité n'est pas une réalité secondaire. Elle est comme la sève qui irrigue tout l'arbre ou sinon l'arbre meurt. L'arbre de notre être personnel, comme celui de notre être communautaire. Sans l'humilité, pas de vie monastique possible. J'ajouterai volontiers, pas de vie chrétienne tout court. Car elle est en effet fondamentalement la sève qui a animé le Christ en toute son existence. Lorsque celui-ci enseigne : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé », il le fait à partir de son être le plus profond. Lui, le Fils de Dieu, le Verbe incarné, vit durant toute sa vie terrestre d'un long mouvement d'abaissement qui le conduira jusqu'à la croix. Il ne s'abaisse pas ainsi par masochisme, ou par désir de souffrir. Il s'abaisse pour partager au plus près notre condition humaine, pour devenir un avec nous, afin que nous devenions un avec lui. Ainsi nous pressentons que l'humilité par laquelle le Christ se rend proche et accessible à chacun, fait partie de son être profond de Fils. Elle est inséparablement l'expression de sa profonde obéissance à son Père et de son amour pour nous les humains. Plusieurs théologiens contemporains ont entrevu que l'humilité de Jésus était comme une manifestation d'une humilité en Dieu même, une expression de la propre vie divine. Plus qu'une vertu qu'il faudrait chercher à développer pour avoir une vie juste moralement parlant, elle est une manière de vivre proprement divine dans laquelle le Christ nous entraine à entrer librement. Membre du Corps du Christ, membre du Christ notre tête, pouvons-nous vivre autrement que lui ? M. Delbrêl que je citerai plusieurs fois en commentant ce chapitre, affirme : « Si nous voulons être cellule vivante de l'Eglise, il faut d'abord passer par l 'Exaninavit » (traduction latine du verbe ekenosen de l'hymne au Ph 2) que l'on traduit habituellement par« ils 'est anéanti» en parlant du Christ qui s'est fait obéissant jusqu'à la croix. M. Delbrêl poursuit: « Autrefois, on recevait une formation à l'humilité. Il nous est apparu qu'on ne peut pas former: on peut aider, s'entraider à désirer l'humilité, comme St François désirait la Pauvreté. Dans la mesure où nous connaitrions qu'il n y pas d'amour vrai du Seigneur et des hommes sans !'humilité, nous l'aimerons comme la terre de la vie de la grâce dont nous avons

besoin» (Œuvres Complètes T 14 p 174). En relisant ce chapitre sur l'humilité, en le méditant, nous nous entraidons à désirer l'humilité, sans laquelle il n'y a pas d'amour vrai du Seigneur et des hommes...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 v 75-77 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 10 mars 2021
Verset(s) :

75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.

76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :

77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »

Commentaire :

R.B. 4, 75-77 Quels sont les instruments des bonnes œuvres?

Comment bien comprendre ces mots de St Benoit en forme de conclusion ? Il pourrait être entendu : la vie éternelle est au bout de vos œuvres. Accomplissez soigneusement tous les instruments que je vous laisse et vous êtes assurés d'avoir la vie éternelle. Avec le groupe, chaque lundi soir de Carême, nous faisons lectio divina sur les premiers chapitres de la lettre aux Romains. Nous y entendons avec force, la Bonne Nouvelle du Salut que Paul veut transmettre à ses interlocuteurs : c'est la foi en Jésus, mort pour nous et ressuscité des morts pour notre justification, qui nous sauve, et non pas nos œuvres. Devant Dieu, nous ne pouvons pas nous prévaloir de tout ce que nous faisons pour son service.

Bien utiliser les instruments proposés par St Benoit revient-il à accomplir une nouvelle forme de Loi avec l'assurance d'être quitte devant Dieu? En regardant attentivement comment St Benoit se démarque nettement de RM en cette fin de chapitre, je suis enclin à penser que St Benoit va plus loin qu'une simple compréhension rétributive, dans la logique du donnant­ donnant. Pour le Maitre, ce sont les actes (3, 80,83), « sans le moindre défaut» (3, 82) qui sont remis au jour du jugement, alors que pour Benoit, ce sont les instruments qui sont remis après avoir été exercés. RM décrit ensuite de manière lyrique et assez longue la vie paradisiaque dans laquelle le moine va entrer grâce à l'exercice de l'art spirituel. St Benoit coupe court à cette description imagée et se contente d'une seule citation tirée de Paul pour expliciter la récompense que le Seigneur a promise : « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment» (1 Co 2, 9). En 1 Co, Paul veut expliciter que ni l'œil ni l'oreille ne peuvent connaitre la vraie sagesse. Seul !'Esprit de Dieu peut la révéler en Jésus-Christ, le messie crucifié. Il me semble que ces mots de Paul repris, en fin de ce chapitre, nous suggèrent que la vraie récompense donnée à celui qui utilise bien les 74 instruments de l'art spirituel, sera une entrée pleine dans la sagesse et la connaissance du mystère révélé en Jésus Crucifié. Il s'agit moins de pratiquer pour assurer son salut éternel par des bonnes œuvres. Mais il s'agit de développer la pratique évangélique qui fait entrer dans la vraie sagesse initiée par Jésus lui-même. Sagesse de la croix qui est folie aux yeux des hommes : se renoncer à soi­ même, aimer le jeûne, ne pas rendre le mal pour le mal, ne pas aimer à beaucoup parler, ne pas aimer sa volonté propre, prier pour ses ennemis. St Benoit nous engage ainsi résolument sur le chemin de l'Evangile.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 v 74 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 09 mars 2021
Verset(s) :

74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

Commentaire :

« Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu». Le verbe «désespérer» placer ici dans le dernier instrument de ce long chapitre nous fait pressentir quelque chose du combat de la vie humaine sur cette terre, et particulièrement du combat du moine. Désespérer face à la vie qui est parfois si rude en ses épreuves. Désespérer des autres qui ne sont pas au rendez-vous de la confiance qu'on a mis en eux. Désespérer de soi-même, de sa médiocrité, ou de ses errances. Nous entendons et rencontrons parfois des personnes aux prises avec ce mal de la désespérance, et parfois il est là dans notre vie. Il se présente aux yeux humains comme nn resso11 cassé que rien ne semble pouvoir réparer. La confiance en la vie n'est plus là. D'où peut venir le sursaut ? Mystérieux travail qui échappe à notre intelligence et à nos possibilités. Au croyant, au moine, St Benoit dit seulement, sous la forme d'une perche tendue à qui pourrait se noyer: « lève les yeux, n'oublie pas qu'il y en a un qui ne désespère jamais de toi, c'est le Père de toute miséricorde » (2 Co 1,3). Comme dans la parabole du fils perdu, il attend impatiemment notre retour, dans un grand respect de notre liberté, respect qui n'a d'égal que sa délicate et forte tendresse pour chacun. Il est comme le maitre de maison qui se laisse émouvoir aux entrailles par notre misère dont la dette n'est même plus comptabilisable, comme nous l'entendrons dans l'évangile ce matin... Cet évangile nous fait toucher du doigt que l'accueil de la miséricorde de notre Père des Cieux est inséparable de notre consentement à ne plus vouloir compter. Le premier serviteur demande la pitié de son maitre, mais il est encore en train de vouloir se justifier. Il espère« tout » rembourser à son maitre. Reconnaitre la miséricorde de notre Dieu, l'accueillir, c'est avoir pris conscience qu'on ne peut en rien compter sur nos propres forces. Que nous sommes et resterons des débiteurs insolvables, incapables de rembourser nos dettes. Là où la désespérance voudrait nous faire abandonner la vie car nous prenons conscience de la nullité de toute chose, de la vie, des autres et de nous-mêmes, la confiance en la miséricorde de Dieu nous fait abandonner même la conscience de notre nullité. Car Dieu ne s'intéresse pas à notre misère si grande soit- elle. Son amour, sa tendresse viennent à la rencontre de chacun en sa part inaltérable, en son visage de fils façonné à son image et à sa ressemblance. Comme nous le chantions hier soir : « notre cœur vient-il à se perdre, le cœur de Dieu garde l'alliance » ••• Béni soit-il!

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 v 72-73 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 06 mars 2021
Verset(s) :

72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,

73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.

Commentaire :

« Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis, faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil». Au tern1e de ce long chapitre de recommandations très variées pour la vie spirituelle, Benoit met l'accent sur la réconciliation entre frères, avant de replacer toute chose sous la miséricorde de Dieu, qui sera le dernier instrument. La réconciliation entre frères n'est-elle pas le sommet de la vie fraternelle? N'est-elle pas la manifestation concrète que la réconciliation opérée par le Christ fait vraiment son œuvre en chacun de nous ? L'amour sauveur du Christ nous rend capable de devenir des agents de réconciliation autour de nous. Sans lui, pourrions-nous nous réconcilier? S'éclaire mieux ici, l'incise de St Benoit, « dans l'amour du Christ», prier pour ses ennemis. L'amour du Christ nous presse. Il nous rend capable d'aller plus loin. Le conflit, l'amertume causée par la blessure de la relation trouble notre vue. Nous ne voyons le frère qu'à travers le seul prisme de l'hostilité. Son visage n'est plus celui d'un frère mais celui d'un ennemi. Prier pour nos ennemis, pour les frères avec qui nous avons des difficultés nous fait entrer dans le regard que le Christ pose sur eux. Devant le Christ, le frère garde toute sa part virginale. Le Christ voit en lui comme en chacun de nous, l'enfant blessé par le péché, mais toujours digne de son amour, comme la parabole du fils prodigue nous le fait bien pressentir aujourd'hui. Si à ce moment de ma vie, il est trop dur d'aimer ce frère, il m'est toujours possible de prier pour lui. Prier pour lui, qu'est-ce que cela veut dire? C'est faire un acte de foi résolu pour ne pas demeurer sur le seul terrain d'animosité. C'est présenter ce frère au Père, et appeler sur lui le bien que je ne peux lui donner. C'est désirer que l'Amour de Dieu ait le dernier mot dans sa vie comme dans la mienne, et finalement entre nous.

La prière est un premier pas, un pas profond sur le chemin de la paix. Car il n'est pas toujours possible de poser un geste, dire un mot, faire un billet pour faire la paix avant le coucher du soleil. La division s' origine trop profondément en des zones peut-être inconnues de chacun pour être résolue rapidement. Seule la prière peut ouvrir des chemins impossibles à nos forces humaines. Humble et vraie, elle nous remet devant notre pauvreté et dans la confiance en notre Père qui peut ouvrir de nouveaux horizons.