vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 06-07 Du bon zèle que doivent avoir les moines écrit le 12 mai 2022
Verset(s) :

6. ils s'obéiront à l'envi ;

7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;

Commentaire :

Qu'est-ce que le bon zèle, se demandait-on au début de ce chapitre? Nous venons d'en entendre deux expressions. Il consiste à inverser le combat que nous menons assez spontanément: non pas combattre pour soi, mais pour les autres. Le mot «combat» m'est suggéré par l'adverbe latin « ce1iatim » traduit par « à l'envi», dans l'expression « ils s ·obéiront à l'envi»... Certatim est dérivé du verbe certo, are qui signifie: chercher l'avantage sur quelqu'un en luttant. Les moines sont invités à lutter. rivaliser, non pour abattre ou dominer

!'autre, mais pour s'obéir mutuellement. .. Ce sera à celui qui est le plus obéissant... En d'autres termes, il s'agit non de lutter pour rechercher son propre avantage, « mais plutôt celui d ·autrui». Dans ce renversement se trouve un des lieux sensibles de notre combat monastique, et ce1iainement aussi un des grands lieux de notre joie : le combat contre notre moi toujours envahissant et la joie d'être moins préoccupé de soi mais davantage des autres.

Etant célibataire, il y a toujours un risque pour chacun de devenir un vieux garçon, une personne dont les centres d'intérêts se réduisent peu à peu à soi et soi seul. Je crois qu'il nous faut tous demeurer vigilant sur ce point. Deux lieux me semblent être sensibles : la manière d'être toujours préoccupé de sauvegarder son territoire. le pré carré de son emploi par ex, et le fait d'être jaloux à l'excès de son temps. Vivre son travail ou son domaine de responsabilité comme si c'était son domaine. sa propriété, est un écueil. Cette préoccupation se cache souvent sous de bons prétextes : être efficace, pouvoir préserver ses outils ou ses manières de faire... Heureux sommes-nous à l'inverse si nous sommes capables de rester ouve1is aux suggestions des autres, si nous sommes souples pour faire de la place aux autres. Heureux sommes-nous si nous faisons tout pour que le jour venu un autre puisse reprendre le flambeau ... De la sorte, nous n'encombrons pas le terrain... L'autre écueil à éviter est d'être tellement préoccupés de ne pas perdre son temps, que nous finissons par être centré sur nous-mêmes, et incapables d'entendre un appel ou d'accueillir un frère qui nous dérange. Chercher l'avantage de l'autre se vivra de façon simple et immédiate dans l'écoute offerte, dans la tâche interrompue pour accueillir une demande, dans le temps donné sans regret. ... Il y a ici une lutte sensible pour éviter qu'un juste désir de ne pas perdre son temps, ne devienne une obsession de grappiller à tout prix quelques minutes, obsession qui nous interdit toute irruption du nouveau et de l'inconnu. Nous risquons alors de passer à côté d'une visite de Dieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 04-05 Du bon zèle que doivent avoir les moines écrit le 07 mai 2022
Verset(s) :

4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;

5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;

Commentaire :

Prévenir. supporter Il est bon de tenir ensemble ces deux verbes. et avec eux ces deux

indices du bon zèle que nous offre St Benoit, ce matin... Prévenir traduit le mouvement par lequel on va au-devant de l'autre, ici pour s'honorer mutuellement. Supporter. à l'inverse, traduit cette attitude face à quelque chose ou quelqu'un qui vient à nous. sans que nous l'ayons choisi, concrètement ici, les infirmités morales ou physiques de nos frères. Ainsi St Benoit nous entraine-t-il à une charité, en son double aspect actif et passif Dans les deux cas, il s'agit d"aimer, mais en s'appuyant sur des ressources différentes de la charité: d'un côté ressources d"ouverture. de don qui tourne vers l'autre dans une réciprocité espérée, et de l'autre, ressources de patience. d'humilité pour po1ier ce qui n'est pas agréable, souvent dans un sentiment de solitude.

Tenir ces deux mouvements de la charité ensemble peut nous aider. En effet. spontanément nous sommes heureux de vivre la charité lorsqu'elle se vit dans la réciprocité. dans l'échange et le partage. Dans cette dynamique, il est relativement facile de s'honorer mutuellement. Une sorte de reconnaissance est là qui se met en place comme naturellement. Mais lorsqu'on porte les infirmités d'un frère, le sentiment d'être seul peut parfois nous décourager et nous faire déserter le terrain de la charité. Le risque est là, au mieux de se blinder pour tenir l'autre à distance, et au pire cl'envoyer promener le frère trop lourd à porter. C'est ici. que l'appel de Benoit à honorer son frère peut être précieux, Pour porter les infirmités d'un frère, l'honorer est une indication précieuse sur la manière de bien le po1ter. De même que lorsqu'on porte une charge, il y a des bonnes et des mauvaises postures. de même pour bien supporter les infirmités d'un frère, il nous faut cultiver la bonne posture. le bon regard qui consiste à l'honorer. Alors que nous sommes peut-être tentés de le déconsidérer, ou de le mépriser. nous exercer à l'honorer nous fait entrer dans le regard que Dieu porte sur chacun. Chaque personne est digne d'honneur depuis que Jésus, défiguré et méprisé, a été élevé en sa résurrection. et honoré du nom qui est dessus de tout nom. Notre humanité est belle, d'une beauté telle que toutes les défigurations ne peuvent la souiller. C'est un des effets de la victoire pascale de nous entrainer à entrer dans ce regard. La charité répandue dans notre cœur par l'Esprit Saint, nous pousse à honorer tout homme, et à l'aimer. Cet élan est là en notre cœur de baptisé. Laissons-le grandir, laissons-le chasser nos peurs, nos appréhensions, nos jugements. Et lorsqu'un mouvement de recul ou de mépris nous menace, demandons à !'Esprit Saint de raviver en nous la Charité, ce regard qui sait honorer chacun,

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 01-03 Du bon zèle que doivent avoir les moines écrit le 05 mai 2022
Verset(s) :

1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,

2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.

3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:

Commentaire :

Quand St Benoit parle du« zèle», de quoi parle-t-il? Qu'est-ce que ce zèle 9 Cela reste un peu mystérieux. En effet, le zèle est appréhendé d'abord par ce qu'il produit en fonction de sa qualité: sïl est mauvais, il sépare de Dieu et conduit en enfer, s'il est bon, il sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle... Séparer et conduire : dans les deux cas. mais avec des effets opposés, le zèle opère un discernement et fait entrer dans un mouvement. Comment appréhender le zèle, pour savoir s'il est bon ou mauvais'? A la fois, il nous faut en faire l'expérience, et à la fois prendre appui sur l'expérience de ceux gui nous ont précédés. Ainsi pour un certain nombre de choses assez évidentes. nous pouvons discerner et orienter nos pas pour aller dans un sens plus que dans un autre. Par exemple nous savons que nous mettre en colère. c• est risquer de laisser grandir en nous un zèle amer qui, comme un feu qu•on ne maitrise plus. peut nous conduire à la catastrophe. tuer quelqu'un par ex... ou encore, sous les aspects de la joie, et du zèle à cultiver la convivialité, nous laisser à trop boire de l'alcool, peut nous conduire à perdre la maitrise de notre comportement et nous faire faire des bêtises, voire être un danger pour les autres. sur la route par exemple ...

Parfois, le discernement est plus subtil. Nous faisons des choses en pensant vouloir bien foire les choses, mais en fait nous n·obéissons pas nécessairement au bon zèle. Derrière de bonnes intentions s'en cachent d'autres moins avouables. Vivre selon l'évangile, à l'écoute de I' Esprit. nous entraine à affiner toujours plus notre discernement. Et St Benoit donne une lumière pour avancer dans le bon zèle, quand il suggère : « les moines le pratiqueront avec un ardent amour » ... L'amour ardent constitue comme une boussole : ce que je fais, le fais-je par amour, amour de Dieu et des autres? Ou bien est-ce que je me place au centre? Toutes les recommandations que Benoit donne ensuite opèrent ce déplacement : le moine est exhorté à passer d'un amour assez spontanément centré sur soi à un amour tourné vers Dieu et vers les autres. Nous pouvons toujours nous demander: quel est le zèle qui m'anime? De quel carburant, de quelle énergie, je le nourris? Est-ce de l'amour de moi ou bien de l'amour de Dieu et des autres qui me décentrent toujours ?

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 71, v 01-09 Que l'on s'obéisse mutuellement écrit le 28 avril 2022
Verset(s) :

1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,

2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.

3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,

4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.

5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.

6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,

7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,

8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.

9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.

Commentaire :

« Ce n'est pas seulement envers l'abhé que tous doivent pratiquer le bien de 1·obéissance» ... On peut se réjouir de trouver en ce chapitre, cette expression « le bien de 1·obéissance » ... Elle nous rappelle que l'obéissance est un bien, non un fardeau ou un moindre mal à supporter. Elle est un bien, non un bien de consommation à acquérir ou à vendre, mais un bien à cultiver. pour mieux le pratiquer et le partager. Ce bien nous est offert à tous par la vie quotidienne. Il est disponible tout de suite, à portée de main, sans préalable nécessaire. Dans une vie commune, comme la nôtre, il est avec la charité parmi les biens les plus précieux. Que serait une vie communautaire sans cette obéissance qui nous tourne les uns envers les autres. pour nous recevoir les uns des autres? Elle serait impossible. Vivre ensemble demande sans cesse que nous nous obéissions les uns les autres : nous obéissons au f linger qui nous donne des consignes, au f responsable des transports qui nous indique une voiture. au maitre de chœur quand il dirige le chant ou recommande de chanter de telle ou telle manière ... au responsable de la liturgie sur la manière de faire durant les célébrations. Plus ce bien de l'obéissance s"échange entre nous avec fluidité, plus la vie fraternelle est heureuse et légère. Les uns et les autres se donnent sans chercher leur intérêt propre : celui qui demande quelque chose, le fait non pour satisfaire un quelconque désir de pouvoir. et celui qui obéit, le fait sans renâcler pour montrer qu'il existe... Parfois. il est opportun de poser une question. Si on le fait avec douceur et humilité, c'est le signe que nous voulons être au service du bien commun, et non en recherche de notre ego... Restons en alerte pour cultiver chacun et tous ensemble ce bien de l'obéissance, cette écoute toujours en éveil en vue du bien de tous. La charité entre nous ne pourra que s'en trouvée grandie et fortifiée. Irait-on jusqu'à dire que dans une vie commune, il n'y a pas de charité sans obéissance mutuelle? Je suis tenté de le penser. La charité demande à chacun de nous. non seulement de donner et de se donner, mais encore de recevoir et de se recevoir des autres. Obéir à un frère, c'est se recevoir de lui par le mouvement dans lequel il me donne d'entrer pour faire quelque chose. L'exemple du chant est un des plus patents: à travers les recommandations du maitre de chœur, chacun peut bouger, aller plus loin et progresser dans le don de lui-même, et dans le même temps, nous grandissons ensemble dans l'unité et la beauté du chant. ..

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 70, v 01-07 Qu'on ne se permette pas de frapper à tort et à travers écrit le 29 mars 2022
Verset(s) :

1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,

2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.

3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»

4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,

5. mais en toute mesure et raison.

6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,

7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»

Commentaire :

« Ce que lu ne veux pas qu'on le fasse. ne le fais pas à autrui »... Ce précepte évangélique revient trois fois dans la Règle : une fois avec les instruments des bonnes œuvres, une fois adressé à l"abbé pour qu'ïl n'accueille pas un moine étranger sans l'accord de son supérieur, et ici à l'adresse de tout moine afin qu'ïl n'exerce pas la violence sous prétexte de vouloir corriger autrui ... Ainsi tous se retrouvent sous ce précepte évangélique que l'on peut considérer comme une forme négative du commandement : « tu aimeras Ion prochain comme loi-même »... Dans les deux formulations négative et positive, la justesse avec laquelle nous sommes capables de nous rapporter à nous-mêmes va nous enseigner la façon de nous rapporter aux autres. En orientant notre regard sur les autres à partir du regard que l'on porte sur soi. le Seigneur ne demande pas des choses extraordinaires : une sorte de justice de base... On pourrait dire : ce n•est pas compliqué ...

Mais pourquoi donc est-ce si difficile d"aimer et d'avoir des relations justes et heureuses avec tout le monde? L'apparente évidence des commandements ne doit pas nous faire oublier deux choses : nous restons pour une part un mvstère à nous-mêmes, et à fortiori les autres échappent toujours à notre connaissance. Aussi les deux commandements sont-ils une exhortation à entrer d"abord dans une connaissance toujours plus affinée de nous-mêmes. de nos réactions en certaines occasions. de nos forces et de nos faiblesses, de nos limites. Le

« connais-loi loi-même » des grecs reste un bon levier pour mieux habiter notre propre humanité. Mais nous dit l'évangile. il le sera davantage, non pour nous regarder le nombril, mais pour nous ouvrir aux autres. à leur différence. à leur mystère sans en être écrasé ou blessé. Belle et rude école que cette double connaissance de soi et.des autres qui ne cesse de nous déplacer, et finalement de nous rendre plus humble et plus vrai... La vie quotidienne se charge de nous l"enseigner. Ne soyons pas effrayer par tout ce qui bute ou nous fait buter. Cela résiste. c"est bon signe... Nous avons encore quelque chose à apprendre sur nous-mêmes et sur les autres.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 69, v 01-03 Qu'on ne se permette pas au monastère de défendre un autre écrit le 26 mars 2022
Verset(s) :

1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,

2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.

3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.

Commentaire :

Que retenir de ce petit chapitre où st Benoit, ferme dans le ton. ne badine pas ? [I nous parle de justice et de chasteté. Justice: s'il est demandé qu'on ne se permette pas de défendre un autre au monastère, c'est qu'il n'y a pas lieu de défendre un autre. Normalement la règle pourvoit à la justice dans les rapports fraternels. Chacun est respecté en ses droits et devoirs de telle façon qu'il n'ait pas besoin de protecteur. Peut-être la société du temps de Benoit était-elle encore marquée par le clientélisme que connaissait la civilisation romaine antérieure... Il ne souhaite pas que s'instaure ce type de rapport de dépendance entre des frères. Chacun est responsable de sa vie, autonome et adulte. Cette remarque ne veut pas dire que parfois on ne puisse pas ale1ier l'abbé ou un frère en responsabilité parce qu'un frère ne va pas bien, qu'il manque de quelque chose ou encore qu'il subît une injustice. Ce type de parole est recherche de justice vis-à-vis d'un frère, et non main mise sur lui. Le plus souvent ignorée de lui, cette intervention le laisse libre.

Un second aspect ressort de ce chapitre, c'est celui de la chasteté. Il peut arriver que de façon subtile s'instaurent entre des frères des rappmis de dépendance, dépendance plus psvchologigue que phvsigue. voire même dépendance inconsciente. Là, nous devons tous être vigilants. Ce type de rapport n'a rien à voir avec une connivence fraternelle qui rend la relation plus aisée avec un tel plutôt qu'avec un autre. Il s'agit bien d'une manière de dominer un frère de telle façon à ce qu'il soit toujours d'accord avec soi. Cette relation faussée sera manifeste lorsqu'en présence d'un troisième frère, ce dernier n'a pas sa place normale dans la relation. Il est en quelque so1ie mis de côté, parce que deux frères sont unis par un lien gui n'est pas vraiment chaste. Dans une vie commune, la relation privilégiée que peuvent avoir des frères entre eux sera chaste quand elle laisse place à tous les autres frères en vérité et simplicité. Pas d'aparté ambigus ou de faux semblants, mais une clarté et une ouverture qui laissent place à chacun. Chacun reste libre. Il répond seul de ses actes devant Dieu et devant les frères. Dans un emploi, dans une commission, dans un conseil, veillons, surtout les responsables, à permettre il

chacun d'être vraiment libre. Sachons dire parfois:« Tu as le droit de ne pas être d'accord». Cette liberté permet la parole vraie, même si cela peut passer par des conflits. La communion entre nous est à ce prix.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 68, v 01-05 Si l'on enjoint à un frère des choses impossiblese écrit le 24 mars 2022
Verset(s) :

1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.

2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,

3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.

4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,

5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.

Commentaire :

R.B. 68

Possible-impossible. Combien de fois. ne sommes-nous pas placés devant ce dilemme?

Il n•est pas rare pour une chose demandée que nous ne nous estimions pas capables. Cela nous

semble impossible. La question que l'on peut entendre ce matin à travers ce petit chapitre si important de notre règle, est avant de répondre. prenons-nous le temps du discernement. Il n'est pas rare de répondre « non », sans nous rendre compte que nous fonctionnons selon des habitudes. Plus subtilement nous sommes parfois prisonniers d'images de nous-mêmes dans lesquelles nous pouvons nous réfugier, nous auto-limiter et nous interdire toute nouveauté. Moi je suis comme çà et je ne peux pas changer etc... Qui que nous soyons face à une demande, le discernement commence toujours par accepter de nous laisser interroger, voire bousculer par une question inhabituelle. Les réponses trop hâtives, du tac au tac, peuvent être le signe d'une réelle impossibilité, mais aussi d'une sorte d'incapacité à entendre l'inconnu ou le nouveau. Une seconde étape du discernement sera de pouvoir mettre d'un côté les objections et de l'autre les éléments inclinant vers une réponse positive. Sur quoi se fondent objections et éléments positifs? Sur la recherche d'une sécurité confortable oùje m'engage parce que je connais déjà, ou bien sur l'écoute de quelque chose que je ne vois pas bien, mais qui peut raisonnablement venir de Dieu ? Dans le Ier cas. je me mets au centre en prenant appui sur mes propres forces. Dans le 2d. je regarde plus loin que mes seuls pieds vers quelque chose qui vient du dehors. Plus la demande est importante, plus ce temps de prise de recul sera nécessaire. Accepter de prendre le temps, de mettre des mots sur le pour et le contre, parler avec un autre, l'abbé ou quelqu'un de l'extérieur, est une belle manière de donner à notre vie de la largeur. La parole peut désamorcer la peur spontanée ou la routine. Comme la bible le donne à voir, nous croyons que le Seigneur conduit ses amis au gré de demandes inédites ou inattendues. Il s'agit de vérifier dans telle ou telle demande, s'il n'y a pas un appel à entendre. Notre Dieu sait ouvrir des possibles dans le mur de tous nos impossibles. Je crois que c'est sur cette conviction de foi seulement que peut se fonder le cas particulier exposé en ce chapitre sur l'obéissance pour les choses impossibles. Lorsque St Benoit dit « par charité. confiant dans le secours de Dieu. il obéira », ce ne peut-être que l'expression d'un abandon consenti dans la foi au Dieu de l'ïmpossible et non une démission plus ou moins bien assumée devant l'abbé. Que le Seigneur nous vienne en aide pour que de pait et d'autre, on cherche sa volonté.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 67, v 01-07 Des frères envoyés en voyage écrit le 22 mars 2022
Verset(s) :

1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,

2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.

3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire

4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.

5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.

6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.

7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

Commentaire :

En ce petit chapitre sur les frères envoyés en voyage. il est intéressant de voir que St Benoit met d'abord l'accent sur la prière. La prière unit les frères restés aux frères sortis. et la prière soutient et accueille les frères rentrés de voyage. Mettre ainsi la prière au centre met en évidence combien le lien de communion est essentiel entre les frères. Ensuite elle rappelle que lors d·une sortie comme dans la clôture du monastère la veille du cœur reste l'enjeu spirituel majeur. Alors que la clôture est une aide pour garder notre cœur en veille pour Dieu, ne pas nous disperser, ni trop errer, la sortie nous rend plus vulnérable aux diverses sollicitations. Va alors se révéler la qualité de notre vie intérieure, de son enracinement et de sa stabilité. Peut apparaitre alors notre fragilité lorsque nous sommes laissés à nous-mêmes, sans le soutien des frères, du cadre de l'horaire ou la vie communautaire. Quand l'arbre est au milieu de la forêt, il supporte très bien la tempête, lorsqu'il est seul dans la plaine, il est plus démuni. Doit-on en avoir peur ? Non, car nos sorties peuvent être une belle occasion de grandir en liberté. En effet au cœur de notre faiblesse davantage reconnue, nous pouvons faire une expérience renouvelée de la grandeur de notre responsabilité de moine. Personne ne peut faire le travail le plus profond à notre place. Notre désir de Dieu, notre volonté de lui do:1ner notre vie peut alors trouver de nouvelles manières de s'éprouver et s'exprimer. Allons-nous rester, et comment, des hommes en état de veille pour l'amour de Dieu et de nos frères? Ou bien allons-nous nous laisser aller à l'oubli, à la distraction ? Demeurer en état de veille demandera une certaine prudence dans les dispositions à prendre pour notre manière de vivre concrètement, tout ne nous convient pas en matière de logement, de rencontres etc... Plus profondément, demeurer en état de veille requiert de notre part de savoir honorer Celui que nous désirons servir par quelques rendez­ vous bien choisis pour la prière de l'office ou la prière silencieuse, selon le temps disponible. Demeurer en état de veille nous donnera peut-être alors de gouter la richesse et la profondeur de certaines rencontres, ou de collaborations vécues avec d'autres. Notre regard peut s'élargir ainsi que notre cœur à d'autres réalités jusqu'alors inconnues. Dieu nous surprend et nous rejoint... Il était là et nous ne le savions pas. Son mystère est grand !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 24-29 De la façon de recevoir les frères écrit le 11 février 2022
Verset(s) :

24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,

25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.

26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.

27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,

28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.

29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.

Commentaire :

Dernière étape dans le rite de profession selon St Benoit : le rite du changement de vêtement. On enlève au nouveau venu ses effets personnels pour le revêtir des effets du monastère. Par là s'exprime la dépossession des biens que veut vivre le moine qui renonce à tout ce qu'il possède en entrant au monastère. Petite précision ultime de Benoit : les effets personnels du moine sont conservés pour être rendus à l'intéressé dans le cas où il quitterait le monastère ... Benoit n'est pas dupe de la fragilité humaine. Cette mention est en même temps un beau signe explicite que le monastère n'est pas une prison qui retiendrait ses membres. Ceux­ ci sont là et y restent parce qu'ils sont libres. Cette éventualité d'un départ repose la question de la fidélité déjà évoquée précédemment, question sensible à notre époque qui peine à vivre des engagements durables pour privilégier une succession d'engagements ponctuels.

li y a quelques jours, j'évoquai, à propos de la délibération à laquelle le jeune frère s'exerce, l'image évangélique de celui qui, pour construire une tour ou aller faire la guerre, doit d'abord s'asseoir et calculer pour voir s'il peut aller jusqu'au bout... Cette parabole, présente seulement en Luc (14, 28-33), se conclue par la formule:« ainsi donc. celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut pas être mon disciple». Cette formule signifie à celui qui veut être disciple de Jésus que le bon moyen d'aller jusqu'au bout est de renoncer à tous ses biens. Bâtir la tour, combattre une armée à la suite de Jésus en allant jusqu'au bout ne sera possible que si l'on renonce à tous à ses biens ou encore pour prendre une expression qui précède cette péricope, que si l'on prend sa croix. Jésus nous laisse entrevoir que là s'enracinera profondément notre fidélité. Quel paradoxe étonnant de fonder notre fidélité à la suite de Jésus sur le renoncement et sur la croix? Ceci ne peut être qu'une grâce reçue du Seigneur. Une grâce qui est là comme une source que nous reconnaissons en nous et qu'il nous revient d'entretenir au jour le jour. Le renoncement à nous-même, vécu de mille manières dans la vie quotidienne, sera notre manière de désensabler la source et d'éviter qu'elle ne se bouche. Exigence de vigilance sur nous-mêmes, mais aussi sur notre manière de faire fructifier ensemble l'héritage reçu de la vie monastique. En reconnaissant l'appel du Seigneur, son appel à tout lui

donner, laissons vivre cette source de grâce offerte et avançons sans risquer de défaillir en chemin.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 17-23 De la façon de recevoir les frères écrit le 09 février 2022
Verset(s) :

17. Avant d'être reçu, il promettra devant tous à l'oratoire, persévérance, bonne vie et mœurs, et obéissance,

18. devant Dieu et ses saints, en sorte que, si jamais il fait autrement, il sache qu'il sera damné par celui dont il se moque.

19. De cette promesse, il fera une pétition au nom des saints dont il y a là les reliques et de l'abbé en charge.

20. Cette pétition, il l'écrira de sa propre main, ou s'il ne sait pas écrire, un autre l'écrira à sa demande, et le novice y mettra un signe et la posera de sa main sur l'autel.

21. Quand il l'aura déposée, le novice entonnera aussitôt ce verset ;: « ;Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole et je vivrai, et ne me confonds pas dans mon attente. ;»

22. Au verset, toute la communauté répondra par trois fois, en ajoutant ;: « ;Gloire au Père ;».

23. Alors le frère novice se prosternera aux pieds d'un chacun afin que l'on prie pour lui, et à partir de ce jour il sera compté comme membre de la communauté.

Commentaire :

Quatre moments marquent le rituel de la profession tel que le décrit ici Benoit et que nous retrouvons en bonne part dans notre profession actuelle. La promesse orale, la rédaction et la signature de l'engagement, la prière à Dieu et la demande d'intercession vis-à-vis des frères. Le premier moment est la promesse prononcée oralement devant Dieu, les saints et les frères présents. Promesse de vivre toute son existence dan ce mouvement de don de soi. vécu dans la persévérance, la conversion de sa vie et l'obéissance. Le Seigneur, le Dieu des promesses est le premier témoin, mais aussi le premier concerné par notre fidélité, comme la prière qui suit le montre. A lui appartient l'avenir, à lui est confiée notre fidélité. Le second moment est la mise par écrit de cette promesse. Rien de notre vie humaine n'est insignifiant, encore moins une parole prononcée solennellement. La mettre par écrit, c'est signifier que notre vie s'inscrit dans une histoire, qu'elle la marque et l'influence. Histoire d'une communauté, d'une région, d'une Eglise locale qui elle-même a été marquée et faconnée par des saints dont les reliques gardent le souvenir, la trace. Le troisième moment est celui de la prière. « Reçois­ moi selon ta parole » Au Seigneur qui a appelé est demandé qu'il accompagne et achève son

œuvre. Le Dieu de la Promesse peut-il se renier ? A travers cette prière, nous exprimons notre profonde incapacité seul, à mener à bien le don de nous-mêmes. Puissions-nous garder au cœur cette prière, cette attitude de profonde dépendance à l'égard du Seigneur de qui nous viendront les vivres dont nous avons besoin pour avancer chaque jour. Dernier moment, la demande d'intercession faite au pied des frères. Si la communauté est prise à témoin par le frère qui s'engage devant elle. elle est mise aussi à contribution. La fidélité dans l'engagement ne sera pas possible sans elle, sans sa prière, sans sa bienveillance. Au terme du rituel. Benoit conclue :

« A partir de ce jour. le frère sera compté comme membre de la communauté». Désormais il est membre à part entière de ce corps. Comme tous les autres membres, il accepte de vivre sous le signe de la promesse: non sous le signe de la certitude que tout est joué désormais, mais sous le signe de la confiance que tout est jouable. Il consent à s'insérer dans l'histoire concrète de la communauté, avec ses aléas, avec ses pesanteurs ou ses échecs. Cette histoire va devenir peu à peu la sienne, histoire qu'il reçoit autant qu'il met en œuvre. Si le moine s'engage, ce n'est pas comme un vainqueur. mais plutôt comme un mendiant, un mendiant de la grâce de Dieu sans laquelle rien de bon de peut se faire, et comme un mendiant du soutien de ses frères, sur lesquels il aura besoin de prendre appui ...