vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 65 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 11 novembre 2022
Verset(s) :

65. ne haïr personne,

Commentaire :

En ce jour de St Martin. où nous nous rappelons aussi de la fin de la guerre de 1914-18, cet instrument tombe bien. « Ne haïr" personne". En effet, la haine "du boche", de l'allemand, a été un des moteurs de cette guerre. dite « grande » par l'ampleur du désastre humain qu'elle a entrainé. Des générations ont été élevées dans cette haine réciproque entre nos deux pays, haine qui a perduré encore entre les deux guerres mondiales. Nous pouvons nous réjouir qu'elle n"ait pas continué trop longtemps après 1945, faisant place au contraire à de nombreuses initiatives de réconciliation. Les chrétiens de part et d'autre du Rhin en ont été d'ardents promoteurs. à l'instar de l'"Abbé Franz Stock. un allemand qui participait déjà dans les années 30. à des groupes de rencontre franco-allemands. Les hommes politiques ont eu la sagesse de s'ouvrir à une forme de coopération qui allait conduire à l'édification de l'Europe. Entretenir la haine. c'est garder en soi. personnellement et collectivement. un poison qui ne peut qu'apporter la mort. A l'heure d'aujourd'hui où nous souffrons du conflit entre l'Ukraine et la Russie, ce serait un danger de voir se développer une nouvelle haine, la haine du russe cette fois-ci. « Ne haïr personne", reste donc comme un mot d'ordre salutaire pour tous, pour nous moine en premier. Dans nos manières de parler de ceux gui agressent, des russes aujourd'hui, il nous faut savoir garder le juste regard, un discernement pour bien distinguer entre un milieu politique enclin à une certaine mégalomanie exacerbant la puissance militaire et le peuple qui comme tous les peuples a certainement envie de vivre en paix. La volonté de puissance aveugle se

nourrit de la peur de l'autre et vice versa. La peur de l'autre. en bonne part imaginaire nourrit des réflexes de défense ou d'attaque irrationnels. Ne haïr personne, cet impératif porte en lui un dynamisme pour faire de nous des artisans de paix, là où nous sommes. Par nos paroles. nous interdire et nous aider à ne jamais vouer des personnes au rejet ou au mépris, quelle qu'elles soient. Par un esprit d'ouverture. nous intéresser pour mieux découvrir l'autre, sa culture et son histoire. Mieux le connaitre jusque dans ses peurs et les bonnes ou moins bonnes raisons qui les motivent. Aucun humain n'est digne d'être appelé ennemi. S’il adopte une posture d'agression, l'art sera de s'ingénier à le désarmer sans violence. à moins qu’il ne s'agisse de la légitime défense. Nous moines avons une arme non violente. c'est la prière. En présentant à la

miséricorde de Dieu un frère ou un peuple aveuglé par la violence, nous appelons sur lui !'Esprit de sagesse et de paix. Par la prière. nous demandons à Dieu qui peut toucher les cœurs. de le désarmer, en nous laissant nous aussi désarmer de toutes nos violences.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 64 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 10 novembre 2022
Verset(s) :

64. aimer la chasteté,

Commentaire :

« Aimer la chasteté». Dans le contexte ecclésial français difficile qui nous secoue tous, cet instrument s'avère particulièrement cl"actualité. Plus qu'une recommandation, ou même qu'un bon conseil. il peut se révéler comme une bonne nouvelle. En effet, les affaires graves qui ont blessé durablement les victimes d'abus sexuel manifestent combien la chasteté est un bien précieux pour chacun et pour tous. Car elle concerne tout être humain appelé à être respecté et à respecter l'autre. à l'intérieur d'un couple comme dans le célibat. La chasteté apparait donc aimable, et même désirable. Lorsque St Benoit nous invite à« aimer la chasteté ». il ne fait que nous entrainer avec sûreté sur un vrai chemin de bonheur: celui des relations justes et bonnes avec autrui, mais aussi avec soi-même et avec Dieu. Que veut dire concrètement « aimer la chasteté" ? Aimer la chasteté. c'est rechercher des relations gui libèrent les différents partenaires. sans que l'un ait prise ou veuille tout savoir sur l"autre. Toutes les relations ne sont pas appelées à être amicales ou amoureuses. mais toutes sont appelées à être chastes, parce qu'il y va de leur viabilité. Même des relations très ordinaires sans implications affectives doivent être empreintes de respect et de justesse, que ce soit la relation avec le facteur ou le livreur qui passe tous les jours ou toutes les semaines, ou encore la relation avec la vendeuse qui appelle pour présenter des produits pour la cuisine ou pour l'entretien ... Tous, nous faisons l'expérience du bonheur éprouvé lorsque les relations, même très banales, sont ajustées. à fortiori lorsqu'il s'agit de relation fraternelle ou amicale... En même temps. nous tous qui sommes sur le chemin du bonheur, faisons l'expérience plus ou moins amère de relations qui ne sont pas ajustées. sans que l'on ne sache toujours bien ni pourquoi ni comment. Mais quelque chose passe mal et n'est pas en place de sorte que chacun n'est pas vraiment libre. Aimer la chasteté et la désirer oui, mais la vivre. est toujours une recherche et une vigilance qui vont s'affinant au fur et à mesure que l'on avance en âge. Avec le temps, on mesure combien chacun est riche de sensibilité. de qualités uniques, et donc digne de toujours plus de respect, d'égards et d'attentions. Notre perception de la chasteté s'affine. Pour cela, soyons à l'écoute de notre ressenti : lorsqu'un malaise est là, qu'un trouble apparait face à une relation mal engagée, soyons prudent. Cherchons la juste distance. Lorsque notre corps se réveille en sa sexualité ou en ses désirs plus ou moins ordonnés. sachons l'écouter pour y reconnaitre un signe qui nous appelle à la vigilance. Ne restons pas seul. Parlons avec un tiers, dans l'accompagnement spirituel ou en un autre lieu. En parlant, apprenons à mieux nous connaitre, à accepter aussi de ne pas être tout­ puissant en la matière. comme si seul nous pouvions tout maitriser. Au lieu même de la relation qui peine à être juste et chaste, appuyons-nous sur la relation de confiance en un tiers qui nous écoutera, conseillera et éclairera peut-être. Aimer et désirer la chasteté passe par ce travail.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 63 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 09 novembre 2022
Verset(s) :

63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,

Commentaire :

« Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu ». Cet instrument peut paraitre un peu surprenant. comme déjà nous l'avons remarqué pour d"autres. Il semble énoncer une évidence. Être chrétien. disciple de Jésus engagé à sa suite, nous presse de chercher à accomplir les commandements de Dieu. Si nous ne sommes plus des hommes de la Loi, au sens de vouloir trouver dans son observance notre justification, comme Paul le montre si fortement dans la lettre aux Romains. nous n'en demeurons pas moins appelés à vivre selon les commandements de Dieu. Cependant. entre les juifs et nous chrétiens. il y a une différence. Elle tient en ceci : que ces commandements ne se présentent plus à nous comme une obligation qui nous surplombe, mais comme la conséquence logique de la vie selon l'Esprit qui nous incline à accorder toute notre vie à la vie de Dieu. De l’intérieur, !'Esprit nous presse à vivre en conformité profonde avec la Loi et les commandements de Dieu. Cette nouveauté de la vie chrétienne nous entraine à aimer la Loi, non comme un but, mais comme un repère sûr pour guider nos pas et nous éviter l’illusion. Ainsi en va-t-il aussi de notre vie monastique. Avec

toutes ces exigences et ces pratiques. elle ne veut pas nous remettre sous le joug de la Loi, mais certainement nous entrainer à affiner notre don au Seigneur. Non pas « l'aimer en gros ", mais vraiment en détail.

Dans cette lumière. nous pouvons mieux comprendre l’instrument entendu. L'apparente incongruité s'efface devant le réalisme bienfaisant qu’il nous invite à garder. En effet, deux expressions ressortent : « chaque jour "et « par ses actes ". « Chaque jour », nous rappelle que notre fidélité est sans cesse à reprendre pour·l'observance des commandements. « Chaque jour ", indique le principal laps de temps sur lequel il nous faut porter notre attention. Hier est fini, demain n'est pas encore arrivé. C'est " l'aujourd'hui" de Dieu" que !"Esprit nous rend plus attentif que jamais à vivre . « Par nos actes». ajoute Benoit. Autre point d'attention: il ne faut pas confondre les bonnes intentions et les désirs qui soulèvent le cœur et la réalité. Les

actes signent la vérité et la profondeur de notre engagement. Nous donnons-nous du bout des lèvres ou bien tout entier ? Chaque jour. la question nous est implicitement posée, et chaque jour. il nous faut répondre. Selon les jours, et selon les circonstances, notre engagement est plus ou moins ajusté. Pour notre plus grand bonheur, si nous nous laissons conduire par l'Esprit, Celui-ci nous arrache à nous-même et à nos tendances centripètes, Avec-Lui, nous sommes

ramenés toujours à l'essentiel. « Ton souffle est bienfaisant, qu'il me guide en un pays de

plaine ».

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 62 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 08 novembre 2022
Verset(s) :

62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.

Commentaire :

« Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être"- Cet instrument me fait penser à la tentation de la vaine gloire décrite par Evagre au début cl son Traité Pratique. En effet cette pensée de vouloir être appelé saint, de rechercher une certaine gloire peut bien traverser un jour ou l'autre notre esprit de moine qui voue sa vie à tendre vers la sainteté par la conversion. Voilà en quels termes Evagre parle de la« vaine gloire» :

« La pensée de la vaine gloire est la plus subtile, et elle assaille facilement ceux dont la vie est droite, elle veut faire connaître au public leurs combats et assurer les opinions flatteuses des hommes, (elle) représente aux yeux les démons criants et des femmelettes guéries, et une foule touchant quelque vêtement. Ce démon prophétise aussi au moine la prêtrise, lui fait imaginer les gens qui le cherchent et qui. s'il ne leur cède pas. l'entraîneront prisonnier (pour l'ordonner prêtre de force). Et l'ayant ainsi abusé de vaines espérances. il se retire, le laissant à tenter, soit au démon de l'orgueil. soit à celui de la tristesse, qui suggère des pensées contraires aux espérances. Il advient, aussi parfois ,qu'il livre au démon de la fornication celui qui. il y a peu de temps encore, était un prêtre vénérable et sain!. » (T.P. l 3)

Comme le suggère Evagre. cette pensée est subtile car elle nous cherche au meilleur de ce que nous voulons vivre : une vie droite sous le regard de Dieu et à son service. dans le retrait, caché aux yeux des hommes. Subtile. cette pensée peut vite aussi s'insinuer au lieu même de notre progression. voire de nos victoires. Quand nous pouvons repérer en nous une plus grande aisance dans tel ou tel domaine. si nous la laissons s'installer en notre conscience. cette pensée risque de nous attribuer à nous-mêmes et nos seules forces. une victoire qui est toujours une grâce de Dieu. Au lieu de nous tourner vers lui pour lui rendre grâce et le louer. nous nous regardons et nous nous contemplons. Cette pensée est encore subtile car elle peut suggérer que faire mieux connaitre notre vertu pourra servir le Royaume de Dieu. être utile à l'annonce de la Bonne Nouvelle. Au versant personnel de ce combat correspond aussi le versant communautaire, l'attachement toujours possible à une certaine gloire communautaire ... Nous sommes les meilleurs. nous avons la bonne vision de la vie monastique. Nous sommes à la pointe de la recherche en écologie. etc... En conséquence, sans forcément et systématiquement nous fermer à toutes les demandes d"articles ou de reportages qui nous font passer dans les journaux ou à la TV. nous devons demeurer prudents vis-à-vis de nous-mêmes. Chacun et tous ensemble. il nous faut rester vigilants pour ne pas nous installer dans ce genre d'attitudes mondaines qui nous détourne du Seigneur et de la quête de l'humilité. notre vrai et bon lieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 60 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 28 octobre 2022
Verset(s) :

60. haïr sa volonté propre,

Commentaire :

« Haïr sa volonté propre». Ce genre d'instrument ne sonne pas bien à nos oreilles... Cela grince. Le mot « haïr" est fort. Peut-on « haïr" ou ne pas avoir de volonté propre. dès lors que nous avons une volonté et qu’il nous faut l'exercer. Combien de fois. n·a-t-on pas entendu : « allez fais preuve d'un peu plus de volonté !" Ou bien « tu n'y arrive pas parce que tu mangues de volonté !". Cet instrument est de la même sève évangélique que les paroles abruptes de Jésus : « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père». mot à mot "sans haïr son père », en Luc l4,25, sa mère, ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple». Mt 10, 37 qui reprend ces paroles semblables de Jésus a atténué en disant : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'ai pas digne de moi ... ". A côté de ce radicalisme évangélique, notre formule « haïr sa volonté propre» semble finalement plus acceptable... Surtout. elle a l'avantage de traduire cet élan évangélique de don total de soi pour suivre le Christ, en pointant le lieu où il s'agit de travailler. Le lieu à travailler pour nous donner vraiment est celui de notre volonté. Passer d'une volonté centrée sur la recherche de son bien, de sa sécurité, ou de ses plaisirs, pour entrer pleinement dans la volonté de Dieu, comme Jésus a appris à le faire lui-même, en prenant résolument ce chemin qui le conduirait à .Jérusalem. Comme Jésus faire que notre volonté soit totalement accordée à celle du Père. Il y a une porte

étroite à passer, une croix à accepter chacun là où nous sommes. En effet. notre volonté est liée à notre vision du monde et de la vie. Souvent notre vision spontanée de la vie a du mal à prendre en compte les difficultés, la souffrance et finalement la mort. Notre volonté propre va s'ingénier à contourner les obstacles en s'imaginant ainsi trouver par elle-même la vie, en réduisant la vie à la quête de mon petit bonheur. En nous appelant à le suivre, Jésus nous invite au contraire à accorder notre volonté, notre désir sur la volonté de Dieu. Et quelle est-elle ? La volonté de Dieu. c'est notre bonheur inséparablement de celui des autres. Dieu veut nous apprendre le chemin de la vie. non en gommant les difficultés. la souffrance ou la mort. Il nous montre comment les traverser avec Jésus, pour recevoir la vie autrement. Plutôt que de fuir les difficultés et la souffrance, les porter avec les autres. Aimer les autres dans leurs faiblesses leurs infirmités, nous donner au lieu de chercher à dominer, apprendre à tout recevoir au lieu de prendre... C'est L'Esprit gui nous apprend jour après jour à ajuster notre volonté à celle du Père. Apparait alors en conséquence combien est souvent petite et mesquine notre volonté propre.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 59 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 octobre 2022
Verset(s) :

59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,

Commentaire :

« Ne pas assouvir les désirs de la chair». Cet instrument s’inspire explicitement de Ga 5. 16 : « Je vous le dis. marchez sous la conduite de 1'Esprit. vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair » ... D'un côté. on a : « marcher sous la conduite de l'Esprit" et de

l'autre « satisfaire les convoitises de la chair". Spontanément on voit mieux ce que peut signifier satisfaire les convoitises de la chair. mais moins clairement ce que veut dire marcher sous la conduite de l'Esprit. .. Et pourtant c'est à cette marche qu'il nous faut tendre... Comme les deux dynamiques sont clairement contraposées. on peut déjà comprendre en négatif ce qui ne nous est pas profitable... La dynamique de la chair veut nous faire assouvir, combler, satisfaire des désirs qui, une fois rassasiés, nous endorment peut-être pour un moment, mais ensuite se réveillent très vite pour redemander instamment leur ration. Si nous sommes dépendants de ces désirs, si notre bonheur s'attache à eux, nous demeurerons de perpétuels insatisfaits ... jamais assez de nourriture, le menu ne sera jamais assez fin. les plaisirs ne nous suffiront pas, notre corps, notre cœur en demanderont toujours plus.« Ne pas assouvir !es désirs de la chair " est donc un bon conseil d'ami : si tu mets ta joie dans les seuls plaisirs de la chair, tu resteras un éternel malheureux .... Et la dynamique de l'Esprit ? Comment va-t-elle se manifester ? Que va-t-elle nous apporter ? A la différence des désirs de la chair, marcher sous la conduite de l'Esprit Saint ne nous endort pas, mais nous garde toujours en éveil. Sous la conduite de l'Esprit Saint, le chemin n'est pas tracé immédiatement, ni toujours de la même manière, même pour des moines. Comme Jésus l'a dit de celui qui est né de l'Esprit. comme le vent. on ne sait pas ni d'où il vient. ni où il va... Si les désirs de la chair nous orientent inexorablement vers la répétition en vue des mêmes objets. !'Esprit nous conduit vers là où on ne sait pas toujours. Dans notre vie quotidienne, comment apprendre cela ? Comment avancer sans chercher à tout savoir ni à tout maitriser ? Je vois deux points d'attention : une attention intérieure aux mouvements profonds qui nous traversent : telle suggestion ou idée inconnue, qui peut-être à priori un peu dérangeante ou peu agréable, mais qui persiste comme pour nous suggérer un appel. une action. une décision.... La seconde attention est celle portée aux évènements ou paroles qui viennent parfois se mettre au travers de nos projets immédiats. Au lieu de les contrer. voire de s'énerver parce que cela bouscule nos plans. nous laisser foire par eux... Cette souplesse peut se révéler très fructueuse. Elle décentre de soi, et apprend à remettre notre vie à un Autre. au Seigneur de nos vies qui sait mieux que nous, nos vrais besoins.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 57-58 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 25 octobre 2022
Verset(s) :

57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,

58. se corriger de ces fautes à l'avenir.

Commentaire :

« Confesser avec larmes ses fautes passées à Dieu dans la prière ... » Cet instrument est plein de la sève de l'enseignement des Pères du désert. Ceux-ci voyaient en effet dans la reconnaissance de leurs fautes, transformée en prière de contrition, un moyen spirituel sûr pour grandir dans l'humilité et la vie avec Dieu. Ainsi Paul le Grand disait : « Je suis dans un bourbier enfoncé jusqu'au cou. et je pleure devant Dieu en disant: 'Aie pitié de moi·» (Paul le Grand 3 ). Ou encore Abba Matoès a dit : « Plus l'homme approche de Dieu, plus il se voit pécheur. En effet, Isaïe le prophète, quand il voit Dieu, se déclare misérable et impur» (Matoes 2 ). Comment faire nôtre cet élan spirituel qui. dans le même mouvement où nous nous reconnaissons pécheur. nous fait grandir en vérité et confiance devant Dieu ? En effet. se reconnaitre pécheur, confesser avec regret nos péchés, c'est principalement nous tenir devant notre Père des Cieux en abandonnant toute prétention de nous justifier nous-même. Devant Lui, nous pouvons éprouver une profonde liberté. et une plus vive conscience d'être aimé gratuitement, dès lors que nous renonçons à nous présenter avec nos réussites, et nos pratiques dont on s'est bien acquitté. Confesser nos fautes. c·est prendre appui non sur nos forces mais sur nos faiblesses, sur notre péché. Attention, il peut y avoir ici des écueils : celui de ressasser un mal commis. ou celui de s'enfermer sur une mauvaise image de soi en se dépitant sur soi­ même. Cela peut entrainer à une certaine tendance à la culpabilisation qui est toujours mortifère, car enfermant sur soi. Au contraire. ta contrition dont il s'agit ici. nous tourne vers le Seigneur, comme vers un Père très miséricordieux qui nous fait goûter son pardon et son amour, en nous libérant du poids qui pèse sur notre conscience. Peu à peu. nous sommes allégés du poids de péché qui peut encombrer notre conscience. Le souvenir du péché demeure. Mais il est comme une cicatrice qui garde mémoire. et de notre faiblesse toujours capable de tomber. et de la miséricorde du Seigneur qui emplit notre vie de sa paix et de sa lumière. Notre labeur intérieur peut beaucoup gagner en vitalité et en lumière à travers cette prière qui nous présente toujours humble devant Dieu, Comme le publicain que Jésus nous offrait en exemple dimanche dernier, nous pouvons faire nôtre sa prière : « Seigneur, montre-toi favorable au pécheur que je suis ». Avec lui. prenons le chemin de la justice par laquelle notre Dieu nous rend juste de la manière

qu'ïl connait mieux que nous-même.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 51-54 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 14 octobre 2022
Verset(s) :

51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,

52. ne pas aimer à beaucoup parler ;

53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,

54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.

Commentaire :

« Ne pas aimer beaucoup parler. se garder des paroles vaines, mauvaises ou deshonnêtes » Dans nos manières de parler. nous ne sommes pas tous bâtis de la même manière. Certains vont parler très facilement. d'autres plus parcimonieusement. Certains seront toujours enjoués et prêts à faire une blague. prenant les choses avec humour, d'autres seront plus graves et sérieux. Chacune de ces dispositions a ses avantages et ses limites. Selon les moments et les circonstances. on appréciera la joie du frère volubile, ou à l’inverse la discrétion du frère plus réservé. Ces traits de tempéraments nous permettent d'éviter de lire d'une manière trop morale lès recommandations de St Benoit entendues ce matin. ou encore d'étiqueter trop facilement les comportements des frères. Tout d'abord. il nous faut nous émerveiller du fait que nous sommes des êtres parlant. doués de cette faculté extraordinaire de communiquer. La parole est un beau cadeau que le Seigneur, le Verbe, la Parole créatrice, nous a fait. A son image. nous parlons. et nous mesurons le pouvoir créateur de cette parole. Entre nous. elle est un vecteur formidable de vie, d'ouverture, de joie partagée en vue d'une communion dont on pressent qu'elle n'a pas de limite. tant ses frontières peuvent toujours reculer. Oui, le Verbe créateur nous rend participant de son pouvoir de création en nous faisant le don de la parole. Mais nous restons des créatures fragiles. Nous ne sommes pas le Verbe qui n'est que parole de vérité et de bonté, cette parole qui, faite chair, a été contrainte de se taire. Nous sommes capables de paroles mauvaises. qui ne portent pas la vie, en critiquant ou en médisant, ou qui faussent la réalité par le mensonge. et encore paroles qui restent des demi-mesures sans se donner vraiment clans la relation ... Pour ne pas mourir à notre orgueil, aux images illusoires de nous-mêmes, nous sommes capables de travestir la parole, de l'arranger pour nous défendre... Pour nous moines, l'écrin de silence que nous désirons préserver dans la maison. veut être tout entier au service de la parole : la parole 0eoutée. et la parole donnée. Ce silence voudrait servir de caisse de résonance à la Parole entendue dans la liturgie. ruminée dans la lectio, entendue à travers un frère... mais aussi, le silence voudrait être le terreau d·où naissent les bonnes paroles, la parole qui est juste, en plein accord avec soi-même ... Ce n'est pas une mince lutte parfois, de veiller à ne pas laisser le silence s'encombrer de paroles vaines ou mauvaises que nous ruminons contre un frère qui nous a fait quelque chose. ou bien contre une situation que nous vivons comme injuste... La gestation de la bonne parole peut nous coûter, tant les mauvaises paroles semblent jaillir facilement. "Mets une garde à mes lèvres. Seigneur, veille au seuil de ma bouche» (Ps 140.3).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 50 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 13 octobre 2022
Verset(s) :

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

Commentaire :

« Briser les mauvaises pensées contre le Christ. et les découvrir à 1'ancien spirituel». A ce verset de la RB, dans l'édition du P. Adalbert. on trouve en note la référence du Ps 136.9 : « Heureux qui saisira tes enfants pour les briser contre le roc". Ces paroles adressées à Babylone, la cité qui a vaincu puis déporté Israël, en 587 av le Christ, ont été assez vite relues par les pères, depuis Origène, comme une image de la lutte contre les mauvaises pensées que l'on brise contre le Christ, lutte reflet du combat contre Satan assimilé à Babylone dans l'Ap. Ainsi Evagre reprend-il : « Celui qui détruit les mauvaises pensées de son cœur est semblable à celui qui écrase ses petits contre la pierre » (Moines 45), ou encore « Tous ceux qui, selon l'enseignement du Christ détruisent les représentations de l'âme, ceux-là écrasent les petits de Babylone contre la pierre" (Sch aux Ps 136.5). Cette clé de lecture christologique peut être précieuse lorsque nous rencontrons les mentions des ennemis dans les psaumes. On n'a peut­ être pas beaucoup d'ennemis extérieurs. mais nous pouvons en rencontrer de sérieux à l'intérieur. Ce sont ces pensées qui tournent et retournent en nous jusqu'à parfois nous

appesantir ou nous obscurcir l'esprit, et à chaque fois nous ôter la joie. Les briser contre le Christ. L'expression de Benoit est forte dans la ligne de celle du Ps 136. Elle dit bien une certaine violence lorsque nous sommes pris le« tourni-bouli » de notre cinéma intérieur. Dans notre enchainement. tournons-nous vers le Christ. et crions-lui notre détresse. Demandons lui d"apaiser notre cœur. et de nous délivrer. Le Siracide a cette prière : « Qui dressera mes pensées par le fouet et mon cœur par une discipline de sagesse ... ? Seigneur, Père et Dieu de ma vie, ne m'abandonne pas à leur caprice,, (Si 23.2.4). Si la paix ne revient pas, parce que quelque chose en nous leur donne trop de prise, la sagesse de St Benoit nous engage à ne pas rester seul. Prenons appui sur le Christ qui est présent dans un frère qui m'écoute. Après avoir brisé mes pensées contre le Christ dans ma prière, je les brise contre l'oreille d'un frère. Nous pouvons alors ressentir combien la confusion s'éloigne. et les ardeurs de la colère ou de la sensualité se calment. L"écoute d"un frère et sa parole remettent souvent les choses dans le bon ordre. L'humble aveu de notre faiblesse nous libère de l'illusion de la violence ou de la jouissance, ou encore du découragement. La parole échangée nous replace devant le Christ qui remet debout sans accuser. ni culpabiliser. A travers un frère, il nous offre sa lumière qui montre le chemin de l'Alliance.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 48-49 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 11 octobre 2022
Verset(s) :

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

Commentaire :

Dans nos sociétés où le souci du bien commun semble difficile à vivre pour beaucoup. on a tendance à multiplier les moyens de surveillance. Quand on entre Jans un lieu. on nous informe qu'il y a une vidéo-surveillance. Dans les lieux publics et même les rues passantes. nous sommes sous surveillance. Nous le savons et nous l'oublions. heureusement ! Mais nos faits et gestes sont enregistrés. et le malfaiteur. s'il s'en trouve un. sera repéré plus facilement. En est-il ainsi avec Dieu ? Le 2d instrument que nous venons d'entendre pourrait nous donner cette impression ... Le moine serait invité à cultiver le sentiment que Dieu le regarde afin d'éviter le péché. Cette recommandation s'appuie sur des passages de l'Ecriture comme, en Si 23. 18-19 où le pécheur dit : « Oui me voit ? Personne ne m 'observe, qu'ai je à craindre ? De mes péchés. le Très-Haut ne gardera pas mémoire». Et le narrateur de continuer. « Le regard des hommes. voilà sa terreur. Il ignore que les yeux du Seigneur sont mille fois plus lumineux que le soleil: ils observent tous les chemins des hommes et pénètrent les plus secrets recoins». Et l'auteur du livre du Si appuie cette conviction sur le fait que « Toutes choses étaient connues à Dieu avant d'être crées : elles le sont encore après leur achèvement » (23. 20). Avec ces considérations théologiques et métaphysiques sur l'être de Dieu source de toute vie. et donc les connaissant parfaitement, jusque dans« les plus secrets recoins», a-t-on épuisé notre approche du regard que Dieu porte sur nous ? Une certaine façon d'envisager le regard de Dieu en surplomb pour nous évaluer. n'est-elle pas aussi un reflet de cette part pécheresse en nous gui veut le tenir à distance. « Notre Père qui êtes aux cieux. restez-y. Et nous resterons sur la terre ». disait Prévert. Nous pensons un Dieu qui nous surveille parce qu'en nous il y a un enfant gui veut mener sa vie à sa guise, projection de notre cœur qui n'est pas encore bien évangélisé. Sans cesse, il nous faut revenir à l'évangile. par la lectio, par la méditation des Ecritures pour y scruter le vrai visage de Dieu. en Jésus. Il est venu en notre chair. pour chercher l'homme tel un berger sa brebis perdue. et nous révéler au contraire le cœur de notre Dieu. Il est un Père gui désire rejoindre l'homme blessé pour le relever et l'introduire dans une relation familière avec lui. Le péché, les errances ne sont plus importantes, non pas qu'il faille s'y complaire. Ce gui compte c'est d'entrer en relation. d'entendre l'ardent désir de notre Père, de le laisser nous aimer et d'accueillir le seul regard qu'il porte sur nous: celui d'un Père qui veut donner sa place à chacun.