vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, v 10-13 De l'humilité (1°) écrit le 13 décembre 2008
Verset(s) :

10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,

11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.

12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,

13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.

Commentaire :

Dans ce chapitre la fréquence des expressions : toujours sans cesse, à tout instant, continuellement, en tout lieu. Cette répétition veut nous pénétrer d’un sentiment fort de la constante présence de Dieu à notre vie. Et pour nous de la nécessité d’être attentif à Dieu. Nous n’y parviendrons pas seuls. C’est pourquoi ce texte doit être lu par nous comme l’occasion d’un appel pressant à l’Esprit Saint. Nous devons lui demander le don de la Crainte de Dieu, qu’il la mette en nous. C’est la crainte de Dieu qui nous fait faire l’expérience intime de la présence de Dieu, qui nous provoque à une attitude d’éveil de respect. L’idée centrale, c’est la vie. La vie avec Dieu. A travers ces textes Dieu parle à chacun de nous. Il nous dit que vivre consiste à nous maintenir sous son regard, lui qui scrute les reins et les cœurs, lui pour qui notre vie est un livre ouvert. La vie éternelle, des ici-bas, consiste à mettre notre vie entière sous le regard de Dieu, afin qu’il la purifie, qu’il la recrée. Premier degré d’humilité profondément essentiel pour que l’ensemble tienne, benoît y met tout sa conviction : Dieu est présent, Dieu est par excellence le voyant. (2008-12-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 19-22 De l'humilité (1°) écrit le 13 décembre 2008
Verset(s) :

19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »

20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.

21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,

22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »

Commentaire :

C’est quelques lignes que nous venons d’entendre nous placent à un lieu central de la vie spirituelle : celui de chercher à faire la volonté de Dieu ou plus précisément celui d’accorder notre volonté à la volonté de Dieu. Tout l’enseignement de la Bible, toute l’expérience des saints et des spirituels nous remet devant cette exigence pour tout croyant qui veut vivre sérieusement sa foi : ordonner notre volonté à celle de Dieu.

Je pense qu’il n’est pas une journée, si nous sommes un peu attentifs, où nous percevons ce dilemme : est-ce que je cherche à faire ma volonté ou est-ce que je cherche à faire la volonté de Dieu ? Ou en d’autres termes, est-ce que je m’engage tout entier dans la recherche de la volonté de Dieu, ou bien est-ce que je me réserve une part pour moi-même ou n’a pas à entrer… ?

Ce que la tradition monastique appelle ici « Volonté propre » pourrait alors équivaloir à « Volonté soustraite au regard de Dieu », « Volonté personnelle uniquement préoccupée de soi, ne voulant surtout pas entendre parler de règles, de paroles, de commandements » etc… Bref une volonté enfermée sur elle-même…

Toute la Révélation biblique vient démasquer cette illusion d’une volonté qui se suffirait à elle-même, tournée sur elle-même… Dieu qui nous parle et qui nous invite à entrer en relation nous révèle sa volonté immense que tous les hommes tissent une relation d’amour avec lui et les uns avec les autres… Si cette volonté de Dieu sur nous peut nous paraître parfois comme nous arracher à nous-même toute la tradition biblique et spirituelle nous montre que cet arrachement à notre volonté première, souvent égoïste, est source de vie et de joie. Dieu ne veut que nous donner sa vie toujours plus en plénitude. Par sa parole, par ses commandements, il désire en nous faisant sortir de nous-même, élargir notre cœur et notre regard. Et la vie monastique ne poursuit pas d’autres desseins : toutes nos coutumes, nos pratiques communes veulent nous empêcher de nous recroqueviller sur nous-même en nous ouvrant au Christ et à nos frères… Rechercher à ajuster notre volonté à celle de Dieu à travers la fidélité à notre vie commune est une école de vie, apparemment très modeste. Pourtant à travers cela, en devenant plus libre, nous nous ouvrons à la volonté de Dieu sur le monde. (2008-12-13)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, v 8-9 De l'humilité écrit le 12 décembre 2008
Verset(s) :

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

Saint Benoît utilise l’image biblique de l’échelle de Jacob pour décrire ce qu’est l’humilité. Cette échelle graduée peut avoir un aspect progressif et systématique. Il ne faut pas le prendre trop au sérieux. Frère Adalbert dit ici : « Les degrés d’humilité sont moins des échelons à gravir l’un après l’autre, que des signes de l’humilité, qui peuvent et doivent se montrer simultanément » Cette échelle, c’est notre vie. Les deux montants notre corps et notre âme. Cette notation de départ va avoir une importance tout au long des 12 degrés d’humilité. A chaque degré, l’âme et le corps sont concernés. Pour Benoît, il n’y a pas d’humilité du cœur qui ne se traduise dans le corps, l’attitude, le geste, la vie courante, comme le rappelle Paul, le péché fait de nous des êtres divisés. La chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chaire. « Malheureux homme que je suis » Oui nous sommes des êtres divisés. Des êtres doubles parfois. Le but de Benoît est de nous ramener à l’unité. Faire de nous des êtres réunifiés. Des moines, au sens étymologique du mot. Les 12 degrés d’humilité sont le moyen utilisé par Benoît pour ce travail. Retrouver cette cohérence entre nos paroles et nos actes. Notre foi et notre vie. C’est en aimant que l’on apprend à aimer. L’humilité s’apprend de même. Elle ne se gargarise pas de mots. Elle se vit au jour le jour. Elle s’appuie sur les 2 montants de notre existence humaine, l’âme et le corps. Devenir moine, essayer de le devenir, ce n’est pas chercher à oublier son corps, c’est l’accepter, vivre avec, l’habiter le mieux possible, pour le mettre au service de Dieu et de nos frères. Qu’il devienne temple de l’Esprit Saint. (2008-12-12)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 14-18 De l'humilité (1°) écrit le 12 décembre 2008
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :

« Dieu scrute les cœurs et les reins »… En s’arrêtant longuement sur ce 1er degré d’humilité, Benoît convie le moine à une recherche profonde de vérité avec lui-même. L’humilité dans ses degrés ultérieurs serait vidée de sa valeur si elle ne s’établissait pas dans une prise en compte de notre réalité la plus profonde. L’humilité atteint les racines de notre cœur ou alors elle n’est que façade.

Aujourd’hui, Benoît considère les pensées qui peuvent nous habiter, surtout les pensées qui persistent et qui occupent notre paysage intérieur. Si on ne peut rien contre leur émergence si on ne peut souvent pas les empêcher, il est cependant de notre responsabilité de les laisser en nous nous habiter, de la laisser ou non se développer et de leur donner ou non consistance dans des actes et dans des paroles… C’est ce que la Règle appelle « être attentif à veiller « sur nos pensées. Grandir en humilité, c’est accepter parfois de regarder en face telle pensée persistante et lourde… être présence répétée en mon cœur, en mon être. Peut mettre en lumière une partie sombre ou faible de moi-même… une partie que je ne comprends pas bien. En parler avec quelqu’un sera une avancée plus profonde dans l’humilité, dans l’acceptation d’être comme je suis sous le regard d’un autre. Avancer sur le chemin de l’humilité, c’est prendre au sérieux ce jeu de nos pensées, non pas pour prétendre le dominer, mais pour mieux le connaître et pour ne pas en être dupe. Nos pensées nous offrent souvent un bon miroir dans lequel se reflètent les mouvements du cœur, ou sa part bien portante comme en sa part malade… Que le Christ nous apprenne à veiller sur les pensées de notre cœur. (2008-12-12)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, v 1-4 De l'humilité écrit le 11 décembre 2008
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

Le chapitre le plus long et le plus important. Il ne décrit pas seulement une des 3 grandes vertus du moine, il renferme l’ensemble de la doctrine spirituelle de la Règle. Cette description de l’humilité est tirée d’un texte des institutions de Cassien, qui trace l’itinéraire du moine, de la crainte de Dieu, jusqu’à l’amour qui chasse la crainte, le point de départ et ce terme donnent à ce chapitre l’ampleur d’une synthèse.

La parole du Christ qui ouvre ce passage : « Qui s’élève sera humilié et qui s’humilie sera élevé », se lit 3 fois dans le Nouveau Testament :

- En Luc 14, la parabole des invités à la noce, elle dit la modestie, qui rend agréable aux hommes.

- En Mt 23, quand Jésus enseigne : « Ne vous faites pas appeler Maître », elle dit l’esprit de service, qui doit animer les représentants de Dieu.

- En Lc 18, dans la parabole du pharisien et du publicain, elle nous rappelle l’attitude qui convient aux pécheurs, que nous sommes tous devant Dieu. (Pour illustrer ce précepte évangélique, Benoît choisit le Ps 130, qu’il paraphrase librement).

Cassien distingue la vanité et l’orgueil alors que nous avons tendance à les confondre. Pour lui la vanité consiste à vouloir briller aux yeux des autres, à chercher à se faire remarquer, à rechercher les louanges, alors que l’orgueil ne se soucie pas du regard de l’autre. L’orgueilleux méprise les autres. Il estime qu’ils ne lui arriveront pas à la cheville. L’orgueil, cette maladie de l’âme, est pire que la vanité, elle renferme sur soi-même. On peut dire que l’humilité évangélique à 2 aspects, elle aussi :

- Un infini respect du mystère de l’autre. Il est aimé sauvé par le Christ. Dieu a mis en lui son Esprit.

- Un grand réalisme, plein d’humour, sur soi, ses limites. Un humble amour de soi qui permet de mieux se connaître. (2008-12-11)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 06, v 4-8 Le silence écrit le 10 décembre 2008
Verset(s) :

4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;

5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »

6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.

7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.

8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.

Commentaire :

Pour Benoît, le silence a du poids, par contre la parole est caractérisée par sa légèreté : elle déstabilise, elle peut entraîner au péché. « En parlant beaucoup tu n’éviteras pas le péché » A première vue, le choix paraît donc pas simple ! Mais s’en tenir à cette opposition, bon silence parole dangereuse, serait caricaturer ce chapitre. Benoît dit bien que le flot de parole ne permet pas d’éviter le péché, mais il ajoute une autre citation des Proverbes : « La mort et la vie sont au pouvoir de la louange » La parole est aussi source de vie. Pour Benoît, l’ennemi du moine n’est pas la parole, mais la parole vide, vulgaire, sans poids. Et tout ce qui a trait au murmure, qu’il a particulièrement en horreur ! Par contre, la parole du Maître peut donner la vie. Quel est ce Maître ? L’Abbé serait-il le seul à pouvoir parler ? Non, lui et ses disciples doivent être à l’écoute du Maître intérieur. La parole qui provient de cette écoute peut nous donner la vie. Elle la donne parfois à notre insu. Si nous avons une discipline de silence au monastère, c’est pour cette raison. Nous permettre d’être à l’écoute de Celui qui perle au fond du cœur. Si nous nous laissons ballotter par « les flots inquiets, le bruit des mots, les tourbillons de vanité » nous n’entendons pas le murmure de la Parole en nous. Le silence n’est pas une punition pour mauvais élèves, il est le fruit d’un désir pour une autre parole, une parole qui fait le poids, une parole qui peut donner la vie. Le silence est toujours l’occasion de rappels concrets, ce sont des temps et des lieux que nous voulons préserver. Nous y tenons tous mais nous devons nous le redire, car la dérive est toujours possible. Certains d’entre nous parlent partout. Ils ne s’en rendent pas compte. Nous ne pouvons pas les changer. Nous pouvons les aider, leur dire de se taire risque de provoquer la colère ! Répondre par un signe, un sourire, éviter de parler sinon ce cloître, les escaliers, las salle des coules, les couloirs vont perdre leur caractère silencieux. Tout nos frères nous aussi, nous pouvons faire un effort pour la salle des coules, c’est une chance qu’elle soit un lieu de silence, retenir une plaisanterie, ne pas y donner de consignes, même pour le chant, la liturgie, même pour les moines hôtes : la salle des casiers est toutes proche. (2008-12-10)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 06, v 1-3 Le silence écrit le 09 décembre 2008
Verset(s) :

1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »

2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.

3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,

Commentaire :

St Benoît commence ce chapitre par quelques citations scripturaires : le Ps 38, deux citations des proverbes.

Sa doctrine sur le silence pourrait se résumer ainsi : il y a une parole bonne et une parole mauvaise. Le silence, c’est retenir la parole mauvaise. Le silence évite le péché, la parole blessante, il est écoute. Du silence, naît la demande humble, l’obéissance. Ecouter c’est se comporter en disciple. Il existe donc un lien entre parole et silence, silence et péché, silence et écoute, silence et obéissance. Benoît ne condamne pas la parole, il pense que seule la parole née du silence, crée dans le silence, peut donner la vie. Mais la parole née de notre exaspération, du trop plein de notre cœur, de notre colère, de nos pulsions, cette parole doit être retenue. La parole née du trop plein de soi est souvent une parole de mort, une parole qui blesse, une parole qui détruit. Elle procède du débordement de nos passions, qui envahissent notre vie intérieure. Elie n’a pas discerné la présence de Dieu dans l’orage, ni dans la tempête mais dans le murmure d’une brise légère. La parole née du silence est une parole d’écoute, une parole née de l’écoute. Une parole d’obéissance, au sens étymologique du mot. Nous avons surtout à apprendre à écouter. Ecouter Dieu, écouter nos frères mais aussi écouter notre être profond, écouter Dieu en nous. Nous sommes souvent sourds à nous-même, aux autres, comment pourrions nous écouter Dieu ! Hier une hymne disait de Marie « Elle offre à Dieu le silence où la Parole habite » (2008-12-09)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 05, v 14-19 L'obéissance écrit le 06 décembre 2008
Verset(s) :

14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,

15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »

16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »

17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,

18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.

19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.

Commentaire :

Cette deuxième partie du chapitre sur l’obéissance répond à la première = de l’extérieur l’obéissance ne doit pas seulement être immédiate ? Elle doit être joyeuse « Dieu aime celui qui donne avec joie » Quand on reprend les signes d’une obéissance agréable à Dieu, authentique, tels que Benoît les indique, on retrouve les fruits de l’Esprit de la lettre de Paul aux Galates (Ch 5) :

– L’absence d’agitation, c’est la paix

– L’exécution dans lenteur, ni noblesse, c’est la maîtrise de soi

– L’absence de murmure correspond à la bienveillance.

Joie, Pais, Bienveillance, maîtrise de soi : Benoît place l’obéissance dans une dynamique de l’Esprit Saint. Dans notre obéissance, bien plus que notre relation à l’abbé ou à la Règle, c’est notre relation à Dieu qui est en jeu. D’ailleurs St Benoît dit bien, « l’obéissance prêtée aux supérieurs s’adresse à Dieu, puisque lui-même à dit qui vous écoute m’écoute ». Nous retrouvons ici la spiritualité habituelle de la Règle : pas de grands discours, des actes concrets qui manifestent si nous suivons le Christ en lui donnant notre vie ou s’il s’agit que de belles phrases creuses !

L’obéissance est le chemin de Conversion du moine. C’est celui que nous enseigne le Christ. C’est un bon critère de vocation. Heureux les moines à qui l’abbé peut demander des choses dures, au nom de l’obéissance. Heureux l’abbé qui peut dire non à une demande, sans craindre des drames. L’obéissance, c’est notre chemin de Liberté, notre chemin de Libération. (2008-12-06)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 05, v 1-13 L'obéissance écrit le 04 décembre 2008
Verset(s) :

1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.

2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.

3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »

6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »

7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,

8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.

9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.

10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,

11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;

12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.

13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »

Commentaire :

Après un programme sous forme de pièces détachées, pour reprendre l’expression du frère Adalbert, voici des exposés sur les 3 vertus particulières du cénobite, l’obéissance, le silence, l’humilité. Et Benoît souligne plusieurs fois le lien entre ces vertus. Les citations scripturaires de ce passage nous disent tour à tour qu’il faut obéir au Christ. C’est à lui, en vérité, que le moine obéit et qu’il faut obéir comme le Christ. Christ qui est celui qui commande, Christ qui est celui qui obéit. En lui obéissant, nous l’imitons, nous faisons nôtre sa volonté et nous participons à sa soumission au Père. L’obéissance, notre obéissance est au cœur de la Rédemption.

Ce chapitre est pour chacun de nous l’occasion de regarder comment il vit concrètement l’obéissance. Quelle est ma première réaction quand on me demande quelque chose ? Suis-je de ceux qui sont toujours débordés, par principe ? Ou de ceux qui sont toujours disponibles ? De ceux qui disent oui et ne font pas ? De ceux qui sont tout à fait d’accord et font le contraire ? En réalité, ce qui est en jeu, dans mon obéissance, avant d’être une relation à Dieu c’est mon rapport à l’autre. Si l’autre est pour moi une menace, même inconsciente, mon premier mouvement sera de recul. Si cette menace est trop forte, j’essaierai d’échapper à tout prix, ou j’entrerai absolument dans les vues de l’autre, mais est-ce de l’obéissance ?

Notre obéissance nous dit ce qu’est notre vie de moine : ma vie est-elle donnée ? Est-ce que je passe mon temps à estimer qu’on me la prend ? (2008-12-04)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, v 76-78 écrit le 03 décembre 2008
Verset(s) :

76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :

77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »

78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.

Commentaire :

Nous retrouvons le vocabulaire artisanal de cette fin de chapitre = les instruments, l’exercice, l’atelier. Notre vie de moine doit avoir ce caractère soigneux, attentif, persévérant du bon artisan. Un vrai travail. Il faut s’y mettre chaque jour. Marc Hénard rappelait souvent que son ouvrage comportait 99% de rude de travail, de labeur et 1% d’inspiration. Il en va de même pour nous et les deux sont importants : Notre travail de moine, pour être moine ne doit pas être de dilettante, empruntant ça et là ce qui nous arrange, laissant le reste aux autres frères. Ne pas oublier l’essentiel, l’inspiration, cette ouverture à l’Esprit de Dieu, sans lui nous nous trompons complètement, nous ne somme que des Pharisiens. Les instruments énumérés par Benoît dans ce chapitre, ne sont pas propres aux moines, ils sont communs à tous les chrétiens, à tous les hommes, même, pour la plupart mais le moine a la chance de l’exercer dans la clôture du monastère. Tout au long de la Règle, Benoît insiste sur l’importance de la stabilité dans le cloître. Depuis le chapitre premier qui se moque des gyrovagues ici encore : « l’atelier… c’est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté » Le cénobite promet de tenir, sur place, toute sa vie. Pour cela il ne suffit pas de rester là, tenir, c’est persévérer, dans un dynamisme ! Nous sommes dans un atelier stable mais nous sommes appelés à y faire du beau travail. Nous sommes appelés à aimer, pas dans le vague, mais concrètement, dans l’instant où nous sommes. Dieu est présent ici. Il s’agit pour le moine de vivre cet instant avec Dieu. (2008-12-03)