vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 12, v 1-4 Comment célébrer l’office des Laudes écrit le 18 février 2011
Verset(s) :

1. Aux matines du dimanche, on dira d'abord le psaume soixante-sixième sans antienne sur le mode direct.

2. Après quoi on dira le cinquantième avec alleluia.

3. Après quoi on dira le cent dix-septième et le soixante-deuxième,

4. puis les Bénédictions et les Laudes, une leçon de l'Apocalypse par cœur et le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Évangile, la litanie, et c'est tout.

Commentaire :

La Règle parle des Matines, mais la tradition a donné à cet office le nom de Laudes. C’est la louange qui en est l’élément le plus caractéristique. Acclamer Dieu Créateur et Sauveur : c’est le mouvement spontané de l’homme au sortir de la nuit. Avec la beauté de la lumière, et l’univers admirable. L’admiration, la joie, l’émerveillement dont nous parlait Bertrand Vergely : le monde où Dieu nous donne de vivre est si beau ! Mais la lumière n’est pas seulement joie des yeux, exultation de tout l’être. Selon st Jean, elle représente Dieu. Christ est la Lumière du monde. Et nous sommes appelés nous-mêmes à devenir Fils de Lumière et lumière du monde. A cette heure de l’aube nous revivons notre sanctification baptismale. Passage de la nuit du péché au grand jour de la sainteté de Dieu.

« On dira le Ps 50 avec Alléluia ». Benoît prévoyait ce Ps 50 chaque jour même le dimanche. Car faire pénitence, avouer notre faute, c’est déjà rendre gloire à Dieu. La rencontre du Dieu vivant, l’expérience de sa bonté envers nous, nous rend capables de confesser notre faute. De laisser tomber le masque derrière lequel nous essayons de nous cacher, comme Adam et Eve essayaient de cacher leur nudité. C’est vraiment le chemin du retour au Paradis. Ce lieu où l’homme peut vivre sans peur sous le regard de Dieu.

Le troisième point que je retiens de ce chapitre, c’est cette phrase : « Une leçon de l’Apocalypse récitée par cœur ». Pour Benoît la lectio est école de la mémoire. On lit pour enregistrer, ruminer, assimiler. Sinon nous allons ressembler à celui qui regarde dans un miroir, et oubli aussitôt comment il est fait ! Mémoriser chaque jour un verset de la Parole de Dieu, pour rendre notre cœur comme une terre fertile, c’est peut-être une façon d’entendre ce que dit Benoît ce matin. (2011-02-18)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 11, v 1-5 Les Vigiles le dimanche écrit le 12 février 2011
Verset(s) :

1. Le dimanche, on se lèvera plus tôt pour les vigiles.

2. A ces vigiles, on gardera la mesure, c'est-à-dire qu'après avoir modulé, comme nous l'avons réglé plus haut, six psaumes et le verset, tous s'assiéront, en bon ordre et selon leur rang, sur les banquettes, et on lira dans un livre, comme nous l'avons dit plus haut, quatre leçons avec leurs répons.

3. C'est seulement au quatrième répons que celui qui chante dira le gloria. Quand il l'entonnera, aussitôt tous se lèveront avec révérence.

4. Après ces leçons suivront six autres psaumes pris dans l'ordre, avec antiennes comme les précédents, et le verset.

5. Après quoi on lira de nouveau quatre autres leçons avec leur répons, selon l'ordonnance indiquée plus haut.

Commentaire :

« On se lèvera plus tôt ». Le dimanche, le jour du Seigneur est dans notre semaine un jour que la prière liturgique de l’Eglise a toujours voulu grandement honorer. Mémoire de la résurrection du Christ, célébration de sa victoire sur la mort, le dimanche est vraiment pour nous « un mémorial », une mémoire qui rend présent le mystère et qui nous unit à lui. En célébrant le dimanche, nous prenons part, nous participons à la vie nouvelle dans le Christ. Celui-ci nous unit à lui de façon plus étroite. C’est la raison pour laquelle, nous prenons davantage de temps pour célébrer ce grand mystère de notre foi. Benoit prévoit qu’on se lève plus tôt pour chanter les Vigiles qui sont plus développées. Pour nous actuellement, nous nous couchons un peu plus tard après les Vigiles. De même tous les autres offices et la messe auront une plus grande solennité le dimanche. Ainsi notre dimanche chrétien est-il, à la fois un jour où la liturgie nous demande davantage de temps et de présence, un peu plus de travail ; et à la fois un jour où l’on se repose du travail habituel. Ainsi on travaille moins pour les affaires de ce monde pour travailler plus pour la gloire de Dieu, dans la liturgie et dans la lectio (cf. RB 48.22). Le Dimanche, comme les jours de fête, on mesure davantage que la liturgie est un travail (ergon en grec) une œuvre (opus en latin) qui demande une plus grande implication de notre part. Ici je crois, il nous faut demeurer vigilant. Car dans notre civilisation des loisirs où non seulement le dimanche, mais aussi le samedi sont devenus sacré pour le repos, il pourrait y avoir un risque pour nous à vouloir aussi nous mettre en repos pour la liturgie. Oui, il ne faut pas être surpris s’il y a une certaine peine à prendre dans la liturgie qui dure davantage et qui est plus solennelle. Ce jour-là, nous voulons travailler davantage pour le Seigneur, pour honorer sa mémoire et pour laisser notre vie s’imprégner de son mystère qui est grand. Soyons vigilant pour ne pas subir cette liturgie dominicale plus développée au contraire laissons la nous introduire dans cette joie profonde de la vie du Ressuscité qui nous est offerte. (2011-02-12)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 10, v 1-3 La louange nocturne pendant l’été écrit le 11 février 2011
Verset(s) :

1. De Pâques aux Calendes de novembre, d'autre part, on maintiendra intégralement toute la quantité de psalmodie indiquée plus haut,

2. excepté qu'on ne lira pas de leçons dans un livre en raison de la brièveté des nuits, mais à la place de ces trois leçons, on en dira de mémoire une de l'Ancien Testament, suivie d'un répons bref.

3. Tout le reste, on l'accomplira comme il a été dit, c'est-à-dire qu'on ne dira jamais aux vigiles nocturnes une quantité moindre que douze psaumes, non compris les psaumes trois et quatre-vingt-quatorze.

Commentaire :

Benoît et les moines de son temps connaissaient aussi à leur manière l’heure d’été de Pâques au 1° novembre. Il s’agissait de tenir compte de la variation du lever et du coucher du soleil selon les saisons. Dans la RB, on nous indique au moins deux raisons de tenir compte de cette variation, une pratique, faire le plus possible les choses à la lumière du jour, et l‘autre symbolique, célébrer les Laudes au point du jour. En conséquence, l’horaire monastique épousait assez étroitement la course du soleil. Si les nuits d’hiver plus longues laissaient plus de temps de repos, les nuits d’été devaient être assez courtes pour le sommeil. Cette brièveté rejaillit sur l’office des Vigiles que Benoît prévoit aussi plus court afin de célébrer juste après les Laudes au point du jour. Mais sur quoi retrancher dans l’office ? Benoît le fait sur les lectures en maintenant fermement le cursus des douze psaumes, hérité de la tradition égyptienne du désert. Ce choix exprime certainement chez Benoît la place centrale qu’il veut donner à la prière psalmodiée. Au cœur de la nuit, c’est elle qui est l’essentiel de la prière de la louange nocturne pour reprendre le titre de ce dixième chapitre. Oui, ce choix de Benoît met bien en évidence ce primat du chant de psaumes durant la nuit. Ils sont là sur nos lèvres, récités ou chantés, comme une prière qui nous vient du fond des âges et que nous faisons nôtre. Une prière qui vient aussi du fond du cœur de l’humanité en dialogue avec son Dieu. En les reprenant, semaine après semaines, nous désirons nous laisser habiter par ces prières, afin que toute notre vie soit une louange offerte à notre Dieu. Et pour cela, nous savons qu’il faut du temps, qu’il nous fait dire et redire ces mots qui nous tournent vers notre Père. A certains jours, cela sera un peu mécanique, d’autres jours cela sera plus habité. Peu importe si nous gardons le désir de nous tourner, de nous retourner sans cesse vers notre Père. Ce murmure incessant, loin d’être rabâchage va creuser notre cœur en le rendant plus ouvert et plus sensible à la relation étonnante qui est en train de se vivre avec notre Dieu. (2011-02-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 9, v 8-11 Combien de psaumes aux Vigiles écrit le 10 février 2011
Verset(s) :

8. On lira aux vigiles les livres d'autorité divine de l'Ancien Testament aussi bien que du Nouveau, ainsi que les commentaires qu'en ont faits les Pères catholiques réputés et orthodoxes.

9. Après ces trois leçons avec leurs répons, suivront les six psaumes restants, qu'on chantera avec alleluia.

10. Après ceux-ci suivra la leçon de l'Apôtre, qu'on récitera par cœur, le verset et la supplication de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison ,

11. et ainsi s'achèveront les vigiles nocturnes.

Commentaire :

La particularité de l’office des Vigiles est de donner une place abondante à l’écoute des Ecritures et des commentaires des Pères, d’où le nom d’office des lectures qu’a pris cet office dans le bréviaire destiné aux prêtres. Le bréviaire romain adapté aux nouvelles conditions de vie des prêtres n’a pas voulu abandonné cet office important pour la nourriture spirituelle qu’il apporte. En le proposant comme « Office des lectures », et en permettant de le célébrer à quelque heure que ce soit dans la journée, l’Eglise montre bien la priorité qu’elle donne aux lectures sur le fait de célébrer cet office durant la nuit. Pour nous moines, nous désirons tenir ensemble ces deux dimensions de veille et d’écoute des Écritures que comporte l’office des Vigiles. Nous mesurons que le temps passé, le temps qui prend le temps est important dans cet office. Pendre le temps de psalmodier et prendre le temps d’écouter les lectures de l’Ecriture et des Pères. En psalmodiant, on se laisse entrainer dans la grande clameur humaine qui monte vers Dieu. Clameur de souffrance et d’angoisse, clameur d’exultation et de louange. Clameur que nos voix voudraient faire porter toute entière vers notre Dieu, sans rien en perdre. C’est la vocation de l’Eglise en prière au sein de laquelle nous sommes en sentinelle pour la veille. Et en écoutant les lectures de l’Ecriture et des commentateurs, nous sommes comme une terre qui s’offre à la Parole. Nous avons de la chance de pouvoir être ainsi ensemencé par la Parole écoutée. Cette Parole qui entre par nos oreilles a une vertu et une fécondité bien réelle pour nos vies. Il n’est pas rare que ce qui a été entendu la nuit revienne à la mémoire le jour pour résonner avec d’autres paroles entendues ou simplement pour éclairer des situations. Devant cette abondance de la Parole dispensée avec largesse, il nous faut éviter deux écueils : celui de l’habitude qui risque de nous revêtir comme des plumes de canard sur lesquelles l’eau glisse sans pénétrer, ou encore il nous faut éviter l’écueil de la maitrise qui voudrait absolument tout retenir et bien garder. Non la Parole nous rejoint avec abondance. Elle appelle de notre part disponibilité accueillante et libre, toujours en éveil pour le Rencontre du Christ qui vient à nos devants. (2011-02-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 9, v 1-7 Combien de psaumes aux Vigiles écrit le 09 février 2011
Verset(s) :

1. En la saison d'hiver définie ci-dessus, on dira d'abord trois fois le verset : « Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »

2. On y joindra le psaume trois et le gloria.

3. Après cela, le psaume quatre-vingt-quatorze avec antienne, ou du moins chanté d'un trait.

4. Alors suivra l'ambrosien ; ensuite six psaumes avec antiennes.

5. Quand on les aura dits, et qu’on aura dit le verset, l'abbé bénira, tous s'assiéront sur les bancs et des frères liront tour à tour dans un livre posé sur le pupitre trois leçons, entre lesquelles on chantera trois répons.

6. Deux répons seront dits sans gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le gloria.

7. Quand le chantre commencera de le dire, aussitôt tous se lèveront de leurs sièges en signe d'honneur et de révérence pour la Sainte Trinité.

Commentaire :

« Seigneur, tu ouvriras mes lèves ». C’est par l’invocation « Seigneur » que commence notre office des Vigiles et avec lui notre journée de moine. C’est le tout premier mot qui sort de nos lèvres quand nous sortons du sommeil. « Seigneur », comme un cri d’appel, comme un cri de confiance qui jaillit de notre être. Nous avons de la chance d’être ainsi guidé par la liturgie de l’Eglise pour nous tourner vers notre Dieu. Nous avons ce privilège et cette audace de pouvoir appeler notre Dieu par son nom « Seigneur », « Domine », « Kyrie », « Adonaï ». A travers ces traductions, nous enracinons notre prière dans la confession du Nom Béni révélé à Moïse au buisson ardent. Ce nom, ce tétragramme imprononçable pour des lèvres humaines que l’on a traduit par « Adonaï » par respect et révérence pour la majesté et l’ineffabilité du nom divin. Réjouissons-nous de pouvoir nous tourner en toute assurance vers notre Dieu, en l’appelant par son nom. Notre Dieu s’offre à nous dans une vraie proximité, au cœur de la banalité du quotidien. Allons-nous pour autant nous comporter avec familiarité avec une certaine désinvolture à son sujet ? Nous avons toujours à être vigilants. C’est un aspect de notre vocation de veilleur, pour nous tenir devant Dieu sans oublier qui il est en son mystère. La liturgie est là pour nous enseigner les attitudes justes. « Tous se lèveront au Gloria, en signe d’honneur et de révérence pour la sainte Trinité » nous dit Benoît. Honneur et révérence rendu à notre Dieu, ce sont des attitudes qui expriment une foi vivante et des qualités de cœur. Reconnaitre notre Dieu, à la foi proche et à la fois indicible en son mystère, appelle de notre part pas seulement un assentiment intellectuel, mais aussi une présence corporelle active. Notre corps a cette faculté d’exprimer dans un geste vraiment habité notre relation à Dieu, ce que les moines ne peuvent pas rendre toujours. Nous mettre debout, nous incliner, nous agenouiller. On pourrait paraphraser la phrase de Benoît en disant sans nous tromper « faisons en sorte que notre esprit concorde avec notre corps ». Oui, notre corps peut nous entrainer dans une prière profonde. Que notre esprit concorde avec notre corps. Veillons-y particulièrement quand nous faisons nos inclinations à l’autel, au Gloria, en signe d’honneur et de révérence pour la Sainte Trinité. (2011-02-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 8, v 1-4 Des offices divins au cours des nuits écrit le 06 février 2011
Verset(s) :

1. En saison d'hiver, c'est-à-dire depuis les Calendes de novembre jusqu'à Pâques, il faut, suivant la norme raisonnable, se lever à la huitième heure de la nuit,

2. afin de se reposer un peu plus de la moitié de la nuit et d'être dispos au lever.

3. Quant à ce qui reste après les vigiles, les frères qui ont besoin d'apprendre quelque chose du psautier ou des leçons, l'emploieront à cette étude.

4. De Pâques aux susdites Calendes de novembre, on réglera l'heure de telle sorte que l'office des vigiles, après un tout petit intervalle où les frères pourront sortir pour les besoins de la nature, soit immédiatement suivi des matines, qui doivent être dites au point du jour.

Commentaire :

Ce n’est certainement pas un hasard si le directoire liturgique de la RB que nous commençons aujourd’hui débute avec l’office des Vigiles. L’office monastique par excellence. De même, on peut noter que cinq chapitres sur dix de ce directoire sont consacrés à l’office des Vigiles, pour y aborder différentes questions relatives à l’horaire et à la saison (hiver-été) , à son contenu, au dimanche et aux fêtes de saints. L’office des Vigiles a donc dans la RB une place de choix. Cette disposition s’inscrit dans la continuité de la tradition monastique depuis l’Egypte et les Pères du désert.

Sur un bateau, il y a toujours quelqu’un qui doit tenir le quart la nuit pendant que beaucoup dorment. De même dans les hôpitaux, les services de la vie de la cité, beaucoup veillent la nuit pour assurer une présence, mais aussi la sécurité ou le bien-être de la grande majorité qui se repose. De tout temps, il en a été ainsi ; la cité des hommes ne peut pas se passer de veilleurs pour assurer sa bonne marche. Pour certains, cette veille sera leur profession, pour d’autres un service rendu à tour de rôle. Dans la cité des hommes, les moines ont une place à part. SI beaucoup nous perçoivent comme des personnes qui prient, peu nous considèrent comme des veilleurs. Avec le mot chercheur, le mot veilleur est pourtant l’un de ceux qui nous qualifient le mieux. Veilleur dans la nuit des hommes, veilleur dans la nuit de la foi et de l’espérance, veilleur par amour du Christ, veilleur dans le dialogue intime de la prière. L’office des Vigiles est un signe et une expression majeure de notre service de veilleur, même s’il ne l’épuise pas. Dans la nuit, en rognant sur le sommeil, nous nous levons pour donner du temps à Dieu, pour veiller en sa présence. Nous disons par là qu’une lumière plus profonde peut illuminer les ténèbres humaines. Se lever pour veiller dans la prière, c’est rendre le service du sens à notre société contemporaine. Un sens mal compris, ou peu perçu peut-être, mais un sens en forme de question : pourquoi veillent-ils ainsi dans la nuit ? Pour quoi, pour qui peiner ainsi ? Sans le chercher, encore moins le revendiquer, peut être que les moines veilleurs, rendent à l’Eglise et à la Cité les services de la quête du sens. (2011-02-06)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 67-70 De l'humilité écrit le 05 février 2011
Verset(s) :

67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.

68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,

69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.

70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !

Commentaire :

Ces dernières lignes qui concluent le chapitre 7 me font penser à l’image suivante : après avoir gravi assez péniblement l’échelle, arrivé au sommet, on découvre une vue ou un paysage que l’on n’aurait pas imaginé, un paysage merveilleux, admirable. La peine et la frayeur, le vertige, éprouvés durant l’ascension laissent place à un sentiment de douceur et d’amour que l’on ne pouvait pas pressentir à la lecture des degrés précédents. Cette différence de climat, d’atmosphère entre les douze degrés et la conclusion suscitent toujours pour moi autant d’étonnement et de fascination. Tout se passe comme si le travail peineux et austère d’humilité vécu dans le secret du cœur ne révélait toute sa fécondité qu’après beaucoup de patience et de patience éprouvée. L’humilité n’est pas un fruit de la première saison, il est plutôt recueilli en arrière saison quand les illusions s’évanouissent d’elles-mêmes et que le désir s’affermit de plus en plus. Et quelle saveur a ce fruit ? Il a cette double saveur de l’amour du Christ qui chasse la crainte et du plaisir à faire le bien, comme par habitude. L’humilité est comme certains de ces fruits qui ont une apparence peu engageante voire repoussante, mais qui se révèlent être très savoureux quand on les croque. L’apparence de l’humilité et le travail intérieur qu’elle demande viennent prendre notre orgueil à contre-pied. Et pourtant sans bruit, l’humilité fait son œuvre en nous, une œuvre d’amour, amour creusé pour le Christ, amour donné par l’Esprit Saint. En épousant les sentiments d’humilité qui sont en ceux du Christ, le moine se trouve transformé par eux. Il apprend à aimer comme lui. Se faisant, l’humilité achève son œuvre en nous, en nous redonnant d’agir comme naturellement, par habitude du bien. Nous retrouvons notre humus profond, celui d’être ordonné au bien, d’être fait pour cela. Comme le dit si justement Benoît, c’est une grâce qu’il nous faut demander les uns pour les autres. « Daigne le Seigneur faire apparaitre cet état par le Saint Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés ». (2011-02-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 67 L’humilité écrit le 01 février 2011
Verset(s) :

67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.

Commentaire :

Le contraste est toujours saisissant entre le 12° degré et la conclusion de ce chapitre de l’humilité dont nous avons lu seulement la première phrase. Contraste entre la conscience profonde qui habite le moine d’être rien devant Dieu et la découverte à laquelle il parvient ; l’amour de Dieu qui chasse la crainte. Le contraste est si fort qu’on peut se demander : comment est-ce possible que la conscience aigüe d’être pécheur soit quasi simultanément une entrée dans l’amour de Dieu qui chasse la crainte.

La première chose que l’on peut dire, c’est que la mention de l’amour qui chasse la crainte nous éclaire sur ce qu’était la conscience aigüe d’être pécheur. Celle-ci n’était pas cette culpabilité qui enferme l’homme sur son dépit de ne pouvoir briller à ses propres yeux. Elle ressemble plutôt à cette humble reconnaissance de son incapacité à aimer vraiment, reconnaissance qui loin de replier l’homme sur lui-même l’ouvre totalement à Dieu, comme un enfant qui va se jeter dans les bras de son père. Là où la culpabilité est toujours au fond une recherche d’autojustification de soi par soi, la reconnaissance de notre être pécheur est l’abandon total de soi dans les bras de Dieu qui seul nous justifie. En ce sens se reconnaitre pécheur, dans cette radicalité, c’est déjà s’ouvrir à cet amour qui chasse la crainte.

Pour comprendre encore autrement ce contraste entre conscience aigüe d’être pécheur et la découverte de l’amour de Dieu qui chasse la crainte, on peut prendre une image, celle de l’éponge. Tout se passe comme si le long chemin de l’humilité consistait à se vider de nos illusoires prétention à exister par nous-mêmes ; à se vider de notre désir de nous sauver par nous-mêmes. Le chemin nous fait revivre en fait le combat que Jésus a mené jusqu’à son paroxysme sur la croix. A ceux qui lui disaient : « Sauve-toi, toi-même », il n’a répondu que par son silence et par son abandon total dans les mains du Père. Dans la conscience aigüe d’être pécheur, le moine confesse son incapacité foncière à se sauver lui-même. Il est vide de toute volonté d’autojustification. Il est là vide, comme une éponge totalement vidée de son eau. Il n’est alors que désir de l’amour sauveur de Dieu. Tout ce qu’il a laissé se creuser en lui sur le chemin de l’humilité peut se remplir de cet amour de Dieu qui est sans crainte. (2011-02-01)

Voir le commentaire de Frère Damase / Chapitre 01, v 1 Les espèces de moines - écrit le 02 août 2010
Verset(s) :

1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.

Commentaire :

St Benoît distingue quatre espèces de moines ; volontiers je dirai qu’il y en a autant que de monastères. Nos différentes communautés sont bien diverses dans les us et coutumes, même à l’intérieur d’une congrégation ; même s’il y a des familles d’esprit, de sentir vis-à-vis de la Règle, nos monastères sont façonnés par le lieu, les coutumes, les frères, les abbés ; en un mot par la vie locale.

Chaque moine aime sa communauté, sa tradition et ses coutumes ; nous n’aimons pas être critiqués, ridiculisés par un journaliste de plus ou moins bonne foi. Peut être qu’il faudrait avoir cette délicatesse fraternelle, non seulement entre frères, mais encore entre communautés. ''Ne pas juger'' nous dit le Christ.

Ne pas trainer dans la poussière une communauté parce qu’elle vit comme ceci ou comme cela. Ce n’est pas notre sensibilité monastique, ni nos choix ecclésiaux, il est légitime de le dire ; il est inutile d’en rajouter, ou même de médire. D’autant que généralement nous parlons plutôt par oui dire que par expérience longue.

Nous savons très bien que le pont aux ânes de la persévérance, n’est pas dans l’observance (horaire alimentation, confort, silence, travail) ; mais dans la vie commune, le vie fraternelle (se porter les uns les autres, vivre ensemble toute une vie dans la stabilité à une communauté), et la prière (écouter un Dieu qui ne parle jamais, ou tout au moins dont la parole incessante ne nous dit rien pour le quotidien). Et cette vie commune et cette prière existent dans toutes nos communautés.

Partout il y a des frères qui persévèrent dans ce combat, ils n’ont pas moins de mérite que nous. Les chartreux n’ont pas plus de mérite que nous.

Ayons une charité attentive entre nos monastères, comme à l’égard de toutes les communautés chrétiennes. Mieux vaut s’encourager à vivre la vie chrétienne que semer la zizanie.

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 73, v 1-9 Un règle pour débutant écrit le 10 octobre 2009
Verset(s) :

1. Si d’ailleurs nous avons écrit cette règle, c'est pour qu'en l'observant dans les monastères, nous fassions preuve au moins d'une certaine décence morale et d'un commencement de vie religieuse.

2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.

3. Quelle est en effet la page, quelle est la parole ayant Dieu pour auteur, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement droite pour la vie humaine ;?

4. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu'à ce que nous parvenions à notre créateur ;?

5. Et encore les Conférences des Pères et leurs Institutions et leurs Vies , ainsi que la Règle de notre saint Père Basile,

6. que sont-elles d'autre que les instruments des vertus donnés par les moines de bonne conduite et obéissants ;?

7. Mais pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite et négligents, il y a de quoi rougir de confusion.

8. Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l'aide du Christ cette toute petite règle pour débutants que nous avons fini d'écrire ;;

9. et alors seulement tu parviendras, grâce à la protection de Dieu, à ces sommets plus élevés de doctrine et de vertus que nous venons de mentionner. Amen.

Commentaire :

Une règle pour débutant.

Plusieurs fois, au long de la Règle, Benoît a demandé de la lire aux frères ? Dans ce dernier chapitre, il explique pourquoi il l’a écrite ? Il situe son œuvre à l’intérieur de la littérature chrétienne, et il nous éclaire sur le sens de la vie monastique : elle est la mise en pratique de ce que nous révèle l’Ecriture, l’un et l’autre testament. Elle est l’épanouissement de l’Evangile dans la tradition. Ce chapitre tout entier est une recommandation de lire l’Ecriture, guide de la vie. Les livres des Pères et la tradition monastique ne font que répéter et éclairer l’Ecriture. En face de la Parole de Dieu, des textes des Saints, Benoît présente sa Règle comme un petit opuscule qui ne mène pas loin ! La perfection est à chercher ailleurs « Une petite règle pour débutants » Deux fois dans ce chapitre, Benoît recommande aux moines de se hâter : « Se hâter vers la perfection » « Se hâter vers la patrie céleste » Le premier de ces buts est ici-bas, le second dans l’au delà. Cette hâte n’est pas étrangère à l’Ecriture. On la trouve même tout au long de l’Evangile : Marie est la Première à se hâter chez sa cousine Elisabeth. Les bergers, avertis de la naissance du Sauveur, se hâtent vers l’étable de Bethléem. Zachée se hâte de descendre de son Sycomore pour aller accueillir Jésus dans sa maison. Et Jésus lui-même nous dit sa hâte que le feu, qu’il est venu allumer sur la terre, embrase tous les hommes. Et nous ? vers qui, vers quoi nous hâtons-nous, au fil de nos journées ? (2009-10-10)