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1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
Ces lignes entendues ce matin confirment s’il en était besoin le lien étroit évoqué hier par Mgr Danneels entre le réfectoire et l’église. La vie monastique et la liturgie ne sont pas deux choses hermétiquement séparées. Benoît pense la vie monastique de manière unifiée pour faciliter l’unification intérieure de chacun et l’unification de tous. Si certaines pratiques comme celles décrites au sujet du lecteur ne sont plus en cours, nous en gardons d’autres qui veulent nous aider à cette unification de notre vie sous le regard de Dieu. Au début du repas, à l’invitation « prions le Seigneur » nous nous inclinons en silence quelques instants, comme à l’église, avant d’entendre l’oraison. Inclination et silence veulent nous entrainer à nous tenir sous le regard de notre Père à qui nous demandons tout et de qui nous nous recevons tout entier. Dans l’oraison qui suit, nous reconnaissons bénéficiaire de ses dons et de sa bénédiction, à travers le repas que nous désirons prendre avec action de grâce. Petit rituel d’entrée, bien proche de celui de l’oraison d’entrée de la messe. Si la portée est différente, cette prière nous situe de part et d’autre dans une attitude de confiance et de reconnaissance pour tous les dons reçus de notre Père des Cieux, qu’ils soient ceux de la terre ou ceux de la vie bienheureuse dans le Christ.
Dans cette lumière, nous comprenons que le début du repas est un moment important de notre rassemblement qui demande notre présence à tous. Veillons à ne pas tarder après Sexte à descendre au réfectoire. Ce n’est pas le moment de s’attarder en salle des casiers ou ailleurs. Si nous sommes en retard nous attendons près de la porte. Et nous ne regagnons notre place qu’après le martyrologe et le coup de gong. Nous marquons par là la conscience de ce que notre retard affecte notre rassemblement communautaire sous le regard de notre Père des Cieux. (2011-06-24)
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
Nous sommes tous marqués par ce principe démocratique qui veut que la Loi soit la même pour tous. Avec ce corollaire : si tous ne peuvent se conformer à la Loi, il faut changer la Loi. Ce n’est absolument pas la perspective de St Benoit. Pour lui, la Règle est une manière de vivre, un art de vivre. Tous, nous devons y tendre, en tenant compte de la situation particulière de chaque personne.
Derrière le principe égalitaire, bien souvent, se cache une réalité que nous avons du mal à reconnaitre : la peur. Derrière cet égalitarisme de façade se cache la peur de ne pas être considéré. La différence nous fait peur. Si l’autre peut faire cela, alors, pourquoi pas moi ? Cette revendication remonte à l’enfant jaloux que nous avons tous été un jour. Notre tendance alors, c’est d’en faire moins, sous prétexte que d’autres ne peuvent respecter la Règle. Et la conséquence de cette tendance, c’est de relativiser la Règle. Sous prétexte que tout le monde ne peut la vivre.
L’attitude de Benoit est radicalement différente. Il ne s’agit pas de relativiser, mais d’humaniser. En tenant compte de la réalité des personnes. Benoit estime qu’il ne convient pas d’en faire moins, pour que tout le monde fasse la même chose. Au contraire, comme il le dit ailleurs dans la Règle, il faut encourager les plus forts à aller de l’avant, sans décourager les plus faibles. Cela suppose une véritable maturité.
C’est certainement la question que nous devons nous poser, dans notre relation avec la Règle, mais aussi avec toute forme de règle, avec les usages de notre communauté, le coutumier du monastère. Ce n’est pas parce qu’un frère prend des libertés que nous devons prendre les mêmes. Sans juger celui qui fait ce qu’il peut. Mais avec le désir de porter la communauté vers Dieu. (2011-06-18)
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
Ce chapitre est d’abord l’occasion de remercier notre frère infirmier, et ceux qui l’aident dans cette charge.
St Benoit craint l’impatience des frères, leur négligence envers les frères malades. Au début du chapitre, il disait : « Il faut les supporter avec patience. » Et ici : « L’Abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Il est responsable de toute faute commise par ses disciples. » (v.10)
Dans ce passage, Benoit établit, en fait, le principe de délégation du pouvoir dans la vie communautaire. Chacun est concerné et doit accomplir sa tâche : ici vis-à-vis des frères malades. Avec soin, sans impatience. Mais cela ne retire pas la responsabilité de l’Abbé : il doit veiller à ce que les tâches soient assurées, que le travail soit fait.
Pour que cela fonctionne, 2 conditions sont nécessaires. Benoit les énumère dans ce chapitre. La 1ère condition de cette délégation du pouvoir, c’est le contrôle. Avec son complément : le fait de rendre compte de sa gestion, de son travail. Benoit va ici à l’encontre de notre tentation de nous approprier notre emploi, la charge qui nous est confiée. D’en faire notre bien. De considérer le frère comme celui qui dépend de nous, sur qui nous avons pouvoir. Non plus comme celui au service de qui nous sommes. Chacun de nous, dans la fonction qu’il occupe, peut se demander comment il se situe.
La 2de condition que nous rappelle Benoit dans ce chapitre, c’est la visée fondamentale de tout travail, de toute charge, dans une communauté monastique : le Christ Jésus. Nous ne sommes pas ici pour faire la cuisine, la comptabilité, ou de la poterie. Ni pour devenir célèbre, occuper une place importante, tyranniser nos frères. Nous sommes moines parce que nous désirons connaître et aimer et servir le Christ. Avec le temps, nous risquons oublier l’essentiel, nous focaliser sur l’accessoire. Au dernier jour de notre vie, nous entendrons cette phrase du Christ, citée par Benoit : « C’est à moi que vous l’avez fait. » (2011-06-17)
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Nous retrouvons un chapitre familier de la RB, un chapitre important pour nos relations fraternelles. Avec lui, nous retrouvons la conviction évangélique qui anime et guide Benoît : « Servir les malades comme le Christ », conviction appuyée sur l’évangile de Mt 25 : « J’ai été malade et vous m’avez rendu visite » et « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que nous l’avez fait ».
Le risque pour nous est de réentendre ces phrases évangéliques comme des choses évidentes car très bien connues, sans vraiment les écouter. On les sait avec la tête, mais changent-elles effectivement notre regard sur notre frère ? Changent-elles notre cœur dans sa manière de se situer face à un frère dans la détresse, face à un pauvre qui arrive à l’impromptu à la porte ou à l’église ? Ces phrases évangéliques, qui nous invitent à reconnaitre le Christ dans toute personnes démunie, font partie de ces sentences à l’égard desquelles nous ne sommes jamais quitte. On les connait avec notre tête, mais si nous sommes un peu lucides, il nous faut confesser que notre cœur reste toujours à convertir. C’est certainement la raison de l’insistance de Benoît quand il utilise le mot «vraiment » « revera » en latin, qui étymologiquement signifie « chose vraie ». Il faut apprendre à servir les malades comme le Christ, comme étant une chose vraie. C’est une chose vraie qu’ils sont le Christ. Ce regard de foi sans cesse renouvelé approfondit notre cœur et le rend plus sensible au mystère de chaque être. En regardant les plus pauvres comme le Christ s’ouvre pour nous un champ immense de communion avec les hommes et avec notre Dieu qui est tout proche. Ne nous lassons de chercher et de nous ouvrir à cette réalité profondément humaine et profondément divine. (2011-06-07)
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
Entrer et sortir dans les services de la cuisine occasionne un petit rituel commencé par le lavement des pieds, la remise des ustensiles, et comme nous venons de l’entendre part une brève prière le dimanche à la fin des laudes. De ce rituel nous n’avons gradé que la prière d’action de grâce et d’invocation, dite le samedi matin, après lecture des services de semaine. Un petit rituel simplifié donc. Il passe presque inaperçu et peut-être le vit-on parfois comme une routine. Mais est-il si négligeable qu’il en a l’air ?
Quand j’entends parfois la difficulté qu’a le responsable des services à attribuer les différentes fonctions de la semaine, je pense que non. Des frères refusent en mettant en avant la fatigue, la surcharge, ou le fait d’être plus requis que d’autres. Si le responsable des services doit veiller à une juste répartition dans l’équité, les frères doivent de manière habituelle pouvoir répondre positivement aux demandes. Et s’il y a des raisons majeures, les présenter humblement sans revendications.
C’est là que nous retrouvons la raison profonde de ce petit rituel du samedi matin. Il nous redit que le service des frères, sans l’aide de Dieu, ne nous est pas si naturel. Les élans de générosité spontanée s’émoussent vite au contact de la réalité qui est, effectivement, lourde à porter parfois en raison des emplois et des responsabilités. Laissés à nous-mêmes nous préférons notre tranquillité et nos aises. Aussi nous faut-il cultiver cette attitude de confiance en Dieu jusque dans toutes les petites tâches à accomplir. Apprendre à lui demander son aide pour les vivre vraiment avec un cœur disponible aux autres et décentré de soi. Lui seul peut nous permettre d’être des serviteurs à l’image de Jésus Serviteur. Par nous-mêmes, nous n’en sommes pas capables. (2011-06-04)
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
Quand on regarde dans la RB l’usage du mot « servir », il est toujours utilisé pour évoquer le service des frères et le service de Dieu, notamment à travers les frères. Une fois, on trouve une mention négative à propos des gyrovagues qui se servent eux-mêmes, dont on dit qu’ils sont « asservis » à leur volonté propre.
Le verbe « servir » engage donc une relation très concrète avec les autres et avec Dieu. Benoît le souligne fortement ici à propos de la cuisine. Il voit dans le fait de faire la cuisine une occasion de se servir mutuellement et de vivre la charité. Le geste du lavement des pieds accompli par celui qui sort et par celui qui entre en fonction renforce la dimension symbolique conférée au service de la cuisine. Par ce geste symbolique, les cuisiniers entrent dans le grand mouvement d’amour du Christ qui s’est voulu serviteur des hommes jusqu’à leur donner sa vie ; On mesure par cette association de geste symbolique la haute estime dans laquelle Benoît tient le service de la cuisine. Si aujourd’hui, nous associons spontanément la cuisine à une symbolique familiale et maternelle – le soin maternel auprès des enfants -, pour Benoît la symbolique est d’abord Christique. Cuisiner, c’est se servir mutuellement à tour de rôle, c’est se mettre aux pieds des frères pour subvenir à leur besoin élémentaire de manger et de survivre. SI dans notre pratique actuelle, la cuisine est devenue un emploi avec toute sa complexité technique, la dimension symbolique soulignée par Benoît n’en demeure pas moins réelle. Nous mesurons aisément que nos frères cuisiniers, en nous servant jour après jour les repas, ne font pas qu’accomplir leur devoir. En se mettant au service de notre subsistance, ils nous aident à vivre bien, ils nous donnent la vie. Nous pouvons les remercier chacun d’être ainsi au service de notre vie très concrète, de notre bien-être. Merci pour leurs attentions, pour le soin donné au repas et à leur qualité, à leur présentation. A travers ces mille gestes quotidiennement repris, ils nous témoignent une grand charité ils nous donnent la vie. (2011-06-01)
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
Benoît laisse bien entendre à travers ces lignes qu’il n’est pas aisé dans une communauté de vivre le « chacun selon ses besoins ». On a déjà vu le délicat équilibre à maintenir entre le « tout sera commun entre tous » et le « à chacun selon ses besoins ». Ici on mesure ce qui se passe quand les besoins différents sont honorés. L’un qui a moins besoin peut s’attrister de recevoir moins. L’autre qui en a davantage peut s’enorgueillir des attentions qu’on lui accorde. Nous savons combien tout ceci n’est pas seulement un cas d’école et que ces sentiments, voire ces murmures peuvent nous habiter.
Et pourquoi ceci nous laisse-t-il si peu indifférent ? Certainement parce qu’à travers la prise en compte des besoins de chacun se vit une reconnaissance plus profonde, une reconnaissance de ce que chacun est avec ses limites et ses infirmités pour reprendre le mot de Benoît, avec ses dons aussi. Cette reconnaissance nous est nécessaire à chacun, reconnaissance fraternelle, reconnaissance de l’abbé. Comment vivre cela, sans que naisse le murmure, afin que tous soient en paix ?
Benoît invite chacun à un travail spirituel pour prendre une juste distance par rapport à ses propres besoins et à ceux des autres. Celui qui a peu de besoins doit rendre grâce à Dieu au lieu de s’attrister de ne pas recevoir comme son voisin. Celui qui reçoit davantage doit s’humilier, se faire petit devant les attentions qu’on lui témoigne. Ainsi chacun est invité à se décentrer de lui-même, à ne plus se regarder, mais à se resituer en profondeur devant Dieu pour lui rendre grâce ou pour s’humilier. En se décentrant de soi-même, on cesse de se comparer aux autres. On apprend à exister simplement tel que l’on est devant Dieu et devant les autres. Cette attitude de vérité, joyeuse et humble, nous libère du souci de nous-mêmes. Aucun de nous n’a de besoins à revendiquer, tous il nous faut apprendre à les discerner, à les soumettre au regard d’un autre pour qu’ils soient reconnus. Cette remise de nos besoins au jugement d’un autre de la communauté est une grâce, la grâce de nous recevoir des frères, comme nous nous recevons de Dieu. (2011-05-31)
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
Avec ce chapitre propre à Benoît est introduit un équilibre par rapport au chapitre précédent. Autant Benoît insiste sur la nécessité de ne rien s’attribuer en propre et de rechercher à tout mettre en commun, autant il est respectueux des besoins de chacun. En s’appuyant sur Ac 4, de nouveau il ne fait d’une certaine manière qu’expliciter et appliquer ce que l’Ecriture met en avant ; la communion fraternelle avec la mise en commun des biens ne se fera pas au détriment de la singularité des personnes. C’est ce que le communisme n’a pas pu comprendre ni mettre en application comme l‘ont montré les dérives totalitaires des goulags ou du Cambodge. Nous sommes ici devant un équilibre délicat qui ne peut être vécu que dans l’Esprit. C’est l’équilibre entre communauté et personne. Comme moine, nous choisissons de vivre dans une communauté. Nous voulons librement nous laisser former, informer par la vie commune. Nous avons reconnu là un puissant moyen d’entrer dans le mystère de la communion trinitaire ; et en même temps, la communauté et l’abbé en son nom, sont attentifs à chacun et à ses besoins. Benoît associe ici besoin à « infirmité ». Besoin est la traduction de l’expression « opus est » : ce qui est nécessaire, utile ce dont on a besoin. Le mot « infirmité – infirmitas » en latin, renvoie à l’idée de faiblesse corporelle ou de faiblesse de caractère. Ainsi on comprend l’association faite par Benoît entre « ce qui est nécessaire » et « faiblesse personnelle ». Le besoin personnel renvoie donc à quelque chose de nécessaire, Il ne s’agit donc pas de caprices ou de désirs plus ou moins imaginaires. Comment faire pour ne pas confondre besoin et caprice ? Je vois deux voies : la première est personnelle, chacun doit savoir examiner en lui-même ce qui se passe quand tel désir surgit. Est-ce vraiment un besoin vital un désir plus ou moins imaginaire, plus ou moins capricieux ? Grandir en maturité spirituelle passe par ce travail intérieur. La seconde voie sera de soumettre au regard d’un autre ce qui m’habite, en le soumettant librement sans vouloir imposer une direction. L’abbé peut reconnaitre tel besoin et permettre une chose à un frère, qui sort de la vie commune. Chacun peut alors trouver sa place sans trouble pour lui-même, ni pour la communauté. (2011-05-21)
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
« Tout soit commun à tous » en sorte que « personne ne dise sien quoi que ce soit ». Ce verset tiré de Ac 4 suit celui où il est dit « la multitude des croyants n’avait qu’’un cœur et qu’une âme ». On le voit pour Luc le fait de « rien dire sien » et le fait que « tout soit commun à tous » est une illustration de la communion vécue entre les croyants. Cette communion d’âme et de cœur n’est pas qu’une affaire sentimentale ou spirituelle au sens éthéré, mais elle engage un comportement concret jusque dans les biens mis en commun.
Ce rappel du contexte de la citation des Actes est bon à entendre. Il nous redit que notre mise en commun des biens ne doit pas être prise pour un but en elle-même. Elle n’est que l’expression de cette communion d’âme et de cœur qui trouve son fondement dans la communion trinitaire. Si nous cherchons à mettre nos biens en commun, c’est parce que chacun et tous ensemble, nous désirons vivre en communion, tournés vers le Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint. Pour exprimer les choses plus concrètement, on pourrait dire : à chaque fois que nous peinons à vivre la mise en commun des biens, à chaque fois que nous sommes tentés de nous approprier quelque chose de façon cachée, c’est le signe que nous ne vivons pas vraiment de la communion fraternelle. C’est le signe que nous ne croyons pas vraiment que notre vie s’enracine dans la communion trinitaire. Nous préférons nous assurer nous-mêmes, par nos propres forces. Nous ne nous appuyons pas vraiment sur Dieu à travers les frères. Faut-il s’en étonner ? Non car ce n’est pas facile de vivre cette désappropriation, signe de notre communion entre frère et en Dieu. Se donner tout entier à Dieu ne se fait pas en un jour. L’important est de désirer marcher vers cette communion vitale. Pouvoir nommer nos difficultés, dire nos besoins et chercher chaque jour à grandir dans cette communion trinitaire qui est le cœur de notre communion fraternelle. La mise en commun de nos biens professée solennellement le jour de notre profession nous entraine sur ce chemin de communion. Nous pouvons vraiment nous en réjouir. (2011-05-19)
1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
« Personne n’a le droit de rien avoir que l’abbé ne lui ait donné ou permis ». Cette phrase est exigeante, d’une exigence par rapport à laquelle nous ne sommes jamais quittes. Elle est l’expression de notre manière de vivre la pauvreté évangélique. A la suite du Christ, nous voulons être pauvre c’est à dire très libre par rapport aux biens, très libre en notre cœur et en notre environnement. Mais nous le mesurons dans la recommandation de Benoît que la pointe ne porte pas sur les objets eux-mêmes, mais sur la grande clarté qu’il doit y avoir avec l’abbé au sujet de leur possession. L’essentiel est dans la lumière et dans la relation. Lumière pour que rien ne soit gardé de façon dissimulée et relation pour que toute chose soit reçue dans l’obéissance, non pas prise, mais reçue. Voilà la belle exigence que nous sommes appelées à vivre à propos de nos objets ; être des hommes clairs et désireux de vivre dans l’obéissance.
Vivre cette exigence n’est pas qu’une affaire du noviciat. C’est l’affaire de toute notre vie. Elle est surtout de l’ordre d’une liberté intérieure à conquérir, à laisser grandir en nous. Les objets ne sont pas importants en eux-mêmes et pourtant nous nous y attachons facilement. Pourquoi ? Parce qu’ils nous aident à vivre, parce qu’ils symbolisent quelque chose d’important. Tout cela est bon, mais quand cela devient un absolu, quelque chose d’acquis et d’incontournable, nous risquons de perdre notre liberté. Et c’est ce bien là qui est le plus précieux. La clarté avec l’abbé et la communauté est un très sûr moyen de croitre en liberté par un vrai lâcher prise. Car nous valons bien plus que tout ce dont nous nous entourons. Travaillons cette liberté intérieure, travaillons là constamment, elle nous permettra de demeurer des hommes d’abord tournés vers les autres et non centrés sur nous-mêmes. Pour cela il est toujours bon de se demander : est-ce que par rapport aux objets significatifs et au matériel dont je me sers, je suis au clair ave l’abbé et la communauté ? (2011-05-18)