vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26, v 1-2 Rapport avec les excommuniés écrit le 12 avril 2011
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

La peine d’excommunication est une peine sévère mais qui se veut thérapeutique. A nos yeux contemporains, elle semble étrange. En isolant un frère on craindrait de le pousser à quitter le monastère. Certainement sur ce point apparait bien le changement de mentalité qui nous distingue d’avec le monde de l’antiquité. Dans celui-ci l’appartenance au groupe social était très importante que ce soit le clan, la famille, le livre sur Charlemagne décrit les tribus barbares qui arrivent en Europe avant, pendant et après Benoît (pour les Lombards) comme des peuples organisés autour du clan. Dans le monde romain en pleine mutation, la famille au sens large reste une entité importante. Dans ce monde, le monastère pourrait jouer cette fonction du groupe dans lequel on s’insère et dans lequel on trouve une nouvelle identité, selon des critères autres que ceux du monde, non basés sur le rang social ou l’argent. Dans ce contexte d’un groupe vécu comme un lieu d’appartenance fort, la mise à l’écart, l’excommunication devait être une peine très sensible. Le chapitre entendu ce matin confirme le soin avec lequel on entend l’appliquer : tous les frères doivent signifier par leur attitude de réserve, combien le frère excommunié s’est coupé de la communauté par sa faute. Pour prendre une image, l’excommunication fonctionne comme un vaccin qui injecte dans le corps des souches stériles du virus pour susciter la défense de l’organisme qui crée des anticorps contre le virus. En mettant un frère à l’écart, en lui injectant, en lui demandant de vivre la non-communion, on espère susciter en lui un sursaut de son sens de la communion et de la communauté. On pourrait dire qu’à l’époque de Benoît ce type de vaccin pouvait fonctionner compte tenu du sens fort de l’appartenance au groupe, sens que l’on mesure bien aujourd’hui encore en Afrique ou en Asie.

Dans nos cultures européennes, très individualistes, quel type de vaccin pourrait convenir pour aider un frère qui s’enferme sur lui-même dans son bon droit, alors qu’il s’écarte du chemin communautaire ? Sans devenir complice, ni complaisante, la communauté doit certainement faire preuve d’une plus grande charité à l’égard du frère, charité par l’attention, charité par la prière persévérante. Dans une culture qui place la personne au centre, elle essaiera de gagner le frère, en lui révélant, qu’il reste un frère, et le lui manifestant par sa charité et par sa patience. Notre culture moderne renvoie chacun à sa propre responsabilité. Notre vie commune peut faire fond sur cette responsabilité assumée par chacun pour tous et à la responsabilité de tous envers chacun. C’est un vrai défi pour nous. (2011-04-12)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 31, v 3-7 Du cellérier écrit le 11 avril 2011
Verset(s) :

3. Il prendra soin de tout,

4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;

5. il observera les ordres reçus,

6. il ne fera pas de peine aux frères.

7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.

Commentaire :

« Il ne fera pas de peine aux frères ». De quelle peine s’agit-il ? Benoît veut-il dire que le cellérier, mais on pourrait inclure aussi tout responsable de secteur, veut-il dire qu’il faut toujours contenter les frères en donnant ce qu’ils demandent ? En fait, il précise aussitôt, si un frère fait une demande déraisonnable, contre toute raison, c’est dans la manière de répondre que le cellérier ne doit pas peiner le frère. Avec humilité, il devra opposer un refus raisonnable. Peiner ici équivaudrait à repousser le frère avec mépris. Ces quelques lignes nous montrent qu’il n’était pas plus facile hier qu’aujourd’hui de dire « non ». Dire oui à une demande est toujours confortable, mais dire « non » demande beaucoup de travail sur soi. Car il faut d’abord être bien au clair sur la raison pour laquelle on dit « non ». Benoît parle de « refus raisonnable », le refus doit être juste et motivé. Ensuite il faut pouvoir dire sans blesser le frère, sans le culpabiliser, sans le mépriser en lui faisant sentir notre pouvoir. Si l’on répond « non », ce ne peut jamais être au nom d’un caprice, ou d’une volonté de marquer son terrain ou encore pire pour régler des comptes avec ce frère. Car alors on ne se comporte plus comme un serviteur de la communauté. On se pose en maître. Non, c’est avec humilité, en vertu du fait que l’on est sous la même règle que le frère est soumis comme lui à la même obéissance.

Enfin dire « non », cela demandera d’être capable d’assumer la non-compréhension du frère, voire sa bouderie. Du coup cela appellera une attention plus délicate à ‘égard de ce frère qui peine à affronter les refus, une attention dans la prière aussi.

Voilà ces lignes qui nous invitent à une vraie maturité humaine et spirituelle. Maturité humaine pour affronter en face les difficultés en sachant dire « non » quand cela s’impose. Maturité spirituelle pour dire « non » avec humilité, vérité et donc charité. Dire « Non » n’est jamais facile mais c’est un chemin de liberté pour celui qui doit le dire et pour celui qui doit l’entendre. Prions les uns pour les autres sur ce chemin de liberté «à la suite du Christ. (2011-04-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25, v 1-6 Des fautes graves écrit le 09 avril 2011
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

Ce chapitre a une vraie gravité. On y parle de frère coupable, de faute grave, de deuil de la pénitence. La RB n’évite pas les sujets difficiles et prend en compte les parts les plus sombres de nos vies humaines. Faute grave, culpabilité, cela nous renvoie à notre manière d’être bien ajusté ou non à la vie proposée, ici la vie monastique. Celle-ci veut offrir un chemin qui aide à grandir les pécheurs que nous sommes tous. Elle est faite pour les pécheurs, non pour les hommes parfaits. La RB prévoit donc que les pécheurs que nous sommes peuvent tomber et retomber. Et même que l’on peut s’endurcir, s’entêter dans ses positions. C’est cela semble-t-il que vise le terme « faute grave ». C’est l’obstination qui fait camper sur ses positions sans vouloir entendre raison, après avoir été averti deux fois comme prévu au chapitre 23 déjà lu. L’accent ne porte pas sur l’objet de la faute ou du manquement, ni sur son poids moral. Non, l’accent porte sur la manière de se situer par rapport à cette fonction et à ce manquement. Va-t-on reconnaitre humblement et repartir ou bien va-t-on s’obstiner dans son bon droit jusqu’à se fermer à toute parole fraternelle ? Autrement dit, la faute grave ici envisagée, est d’abord une rupture de communion. Les pécheurs que nous sommes tous ne sont pas en danger parce qu’ils tombent mais parce qu’ils se coupent de la communauté par obstination. Le péché réel est là : il rend aveugle et isole. Il enferme sur soi le pécheur. Nous savons ici combien nous touchons un terrain délicat où s’entremêlent conscience du péché, plus ou moins bien éclairée, sentiment de culpabilité et désir de sauver la face. Ce sont souvent ces trois ingrédients qui, en nous, durcissent notre cœur et l’isole de la communauté, et finalement de Dieu. Le péché peut devenir alors un poison mortel en nous coupant des frères et de la vie. Comme antidote pour ne pas laisser ce poison nous atteindre au cœur, nous pouvons associer au bien commun : « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu », un « ne jamais désespérer de la fraternité de la communauté », auquel on peut ajouter « ne jamais désespérer de soi-même, de sa capacité à progresser ». La communion avec Dieu et avec nos frères n’a pas de prix. (2011-04-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24, v 1-7 Gravité de l’excommunication écrit le 08 avril 2011
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

Hier, je soulignais que la communauté était un lieu de grâce et de réconciliation. C’est là sa réalité la plus profonde en christianisme. Mais elle est aussi un lieu d’épreuve, épreuve qui se vit à plusieurs niveaux.

Le premier niveau est lié à l’organisation qu’elle doit nécessairement promouvoir pour que la vie soit possible à plusieurs. C’est ainsi que naissent les règles, règlements et constitutions. Autant de dispositions qui veulent donner des repères pour rendre possible le vivre ensemble. Dans la vie monastique, la règle a un rôle important dans ce sens, mais pas seulement. En effet, la règle n’est pas seulement un instrument commode d’organisation de la vie commune. Elle veut proposer une pédagogie spirituelle qui informe tous les domaines de la vie pratique. La manière de manger, d’être en relation, de se situer par rapport aux biens, la manière de prier, de travailler. La règle va loin dans les détails dans le but d’aider chacun à orienter vraiment toute sa vie pour Dieu. C’est ici que la vie communautaire est une épreuve. Car nous devons lutter pour vivre selon la discipline proposée par la règle. Selon son étymologie, cette discipline veut faire de nous des disciples. Mais la vie quotidienne nous révèle nos limites, nos difficultés et nos résistances pour entrer vraiment dans cette vie de disciple. C’est l’épreuve que nous avons choisi de courir, convaincus qu’elle est porteuse de vie, si nous vivons avec et pour le Christ. Parfois, nous ne sommes pas à la hauteur, nos manquements, nos fautes, nos résistances nous éprouvent. Mais confiés à la miséricorde de Dieu et des frères, reconnus humblement ils peuvent être des occasions de rebondir en prenant appui sur le pardon de Dieu et des frères.

Le second niveau d’épreuve de notre vie communautaire est le vivre ensemble d’hommes si différents de caractères, d’histoires et de sensibilités. A la fois nous nous soutenons et nous nous portons les uns les autres, et c’est le plus important. Et à la fois nous sommes éprouvés les uns par les autres sans qu’on le veuille le plus souvent. Des gestes de notre part, des attitudes et des paroles de notre part, peuvent gêner, froisser, voir agresser nos frères. La vie quotidienne est alors une rude école où il nous faut apprendre à demander pardon, et à pardonner. Elle est une école de vie qui nous apprend à mieux nous connaître. Si nous avons été attentifs à tout ce que nous renvoie les frères et les situations, nous pouvons faire de grands progrès. Cela c’est une chance pour ne pas rester enfermés dans nos difficultés. Mais c’est aussi une épreuve pour notre orgueil. Cela nous demande d’accepter humblement ce que les autres nous révèlent de nous-mêmes et que nous ne voyons pas. Savoir demander pardon au besoin, pardonner seront toujours nos atouts et notre force pour avancer. (2011-04-08)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 23, v 1-5 De l’excommunication pour fautes écrit le 07 avril 2011
Verset(s) :

1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,

2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.

3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.

4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.

5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.

Commentaire :

Nous commençons ce matin, le code pénitentiel, avec ces huit chapitres. Austères par bien des aspects, ces chapitres nous redisent combien la communauté chrétienne et monastique est un lieu de réconciliation capital. Car elle est un groupe d’hommes pécheurs qui ne se résout pas à se laisser dominer pour le péché, ni à laisser un frère s’isoler dans le péché. La vie en communauté nous permet d’apprendre à conjuguer ensemble amour et vérité. Amour en accueillant chacun avec tout ce qu’il est, avec ses limites et ses qualités, avec son péché. Et vérité en aidant chacun à faire la lumière dans sa vie pour progresser sur son chemin. Rassemblée sous le regard d’amour du Père, unie par l’Esprit du Christ, la communauté poursuit pour chacun de ses membres l’œuvre de réconciliation opérée par le Christ. En elle, chaque frère est atteint et renouvelé par le pardon du Christ. Nous le vivons de manière très significative dans les deux célébrations pénitentielles annuelles, mais aussi au cours du sacrement de la réconciliation vécu plus personnellement, au cours de chaque eucharistie. La communauté ne cesse d’être ce lieu où le Christ offre sa grâce de réconciliation. Peut-être est-ce le premier regard qu’il nous faut avoir les uns sur les autres : nous avons de la chance de nous retrouver entre pécheurs, entre personnes boiteuses et bancales, car c’est à nous tous qu’est offerte la grâce d la réconciliation, pas aux bien portants, Bonhoeffer a cette phrase étonnante dans la Vie Communautaire : « Tout péché individuel est un fardeau et une accusation qui pèse sur l’ensemble de la communauté ; c’est pourquoi l’assemblée trésaille de joie pour chaque nouvelle douleur et pour chaque nouveau fardeau qu’elle subit par la faute de ses membres, car elle se voit ainsi jugé digne de porter et de pardonner les péchés » (Vie communautaire, Labor et Fides 2007, p.89) La communauté se réjouit pour chaque nouveau fardeau lié au péché des frères car cela va lui permettre de pardonner. Magnifique perspective qui nous oblige à changer de regard et à laisser vivre ce dynamisme de réconciliation dont toute communauté chrétienne est porteuse. Le péché des frères, le nôtre, nous provoque à revenir à cette réalité de grâce qui est première. Nous sommes tous sauvés par le Christ et tirés par lui de la mort et de tous nos esclavages. Cette grâce est une grâce déjà là qui ne demande qu’à se déployer en chacun. Voilà l’objet profond de tous les chapitres qui viennent maintenant. (2011-04-07)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 22, v 1-8 Comment les moines dormiront écrit le 06 avril 2011
Verset(s) :

1. Ils auront chacun un lit pour dormir.

2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.

3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.

4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.

5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,

6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.

7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.

8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.

Commentaire :

Dans la règle, ce chapitre vient le premier pour aborder une question pratique et quotidienne. Le premier point de la vie quotidienne abordé est donc celui du sommeil, pas celui de la nourriture ou celui du travail. Faut-il voir un lien avec le fait que lorsque Benoît présente le code liturgique, il commence par les Vigiles. Le sommeil pour la vie concrète, Vigiles pour la vie de prière. Le moine de Benoît est dans l’ordre, d’abord celui qui veille dans la prière, et puis un dormeur. Et quand il se lève, c’est pour se hâter à l’œuvre de Dieu, nous dit encore ce chapitre.

Dans nos vies humaines, environ un tiers du temps est consacré au sommeil, qui se voudrait être un sommeil réparateur. Deux tiers de temps éveillé où l’on dépense beaucoup d’énergie pour le travail, les relations, l’organisation de la vie communautaire et la prière. Un tiers du temps vécu dans le lâcher-prise inconscient et deux tiers vécu dans l’activité consciente qui porte la vie. L’alternance de ces temps dans nos vies est nécessaire et nous offre en soi un enseignement. Notre vie humaine a besoin de cet équilibre entre lâcher prise et maitrise. Équilibre biologique qui est une école de vie. Quand cet équilibre se rompt, soit du fait des insomnies ou de la suractivité, soit du fait de l’excès de repos qui entraine une sorte d’indolence ou de léthargie globale, notre être humain souffre.

En apprenant par notre activité monastique à être des veilleurs pour le Christ, nous apprenons à garder le juste équilibre entre sommeil est activité, entre lâcher prise et maitrise. En effet, nous voulons rester en éveil pour le Christ, que ce soit dans le sommeil comme dans l’activité, dans le lâcher prise comme dans la maitrise. Ces deux faces de notre vie humaine s’équilibrent et s’éclairent l’une l’autre dans cette visée ultime : notre désir d’être au Christ, nuit et jour. C’est ce désir de vivre éveillé et uni à lui qui va nous aider à réguler ce que notre sommeil pourrait avoir de plombant ou ce que notre activité pourrait avoir d’excessif et d’encombrante. Comme nous le chantons dans une hymne des Vigiles, nous pouvons demander cette grâce de veille : apprends nous à veiller Seigneur Ressuscité, apprends nous à prier sans jamais nous lasser. (2011-04-06)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21, v 1-7 Des doyens du monastère écrit le 05 avril 2011
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Ces doyens seront choisis de telle manière que l’abbé puisse, en toute sécurité, partager avec eux son fardeau » Partager avec eux son fardeau, l’abbé du monastère de Benoît, comme l’abbé de nos monastères contemporains ne porte pas seul la vie de la communauté. Ce qui ne serait ni bon pour lui, ni bon pour la communauté. Il partage donc son fardeau de responsabilité et de gouvernement. Les doyens, le conseil des anciens, les officiers au temps de Benoît secondaient l’abbé. Aujourd’hui, ce sont les responsables de groupes dont le rôle peut recouper en partie celui des doyens de la RB, c’est le conseil des doyens, ce sont les prieurs, sous-prieurs, cellériers et les différents responsables d’emplois et de commissions. Avec chacun de ces frères, l’abbé partage le souci du bien commun, du bien de tous. A ces frères, est confiée la responsabilité d’un groupe de frères ou d’un secteur de la vie de la communauté. Quelle est fondamentalement cette responsabilité ? Je dirai : celle d’écouter les personnes, mais aussi la réalité (par exemple le travail) pour mieux faire passer la vie. Que la vie circule pour le bien de tous dans le cadre donné par notre vie monastique et selon son orientation spirituelle. Avec le Père Abbé, chacun des frères responsables porte le souci de la vie des autres et du domaine à lui confié. Concrètement, avoir souci des autres voudra dire assez souvent faire passer le souci de mon propre confort et de mes aises en second. Il ne s’agit pas non plus de toujours se sacrifier mais c’est une loi de la responsabilité : le souci de soi s’efface devant le souci des autres, pour que la vie circule vraiment. Cela veut dire écouter plutôt qu’occuper le terrain par sa parole, accueillir le frère tel qu’il est plutôt que comme je voudrais qu’il soit, servir obscurément sans réclamer de reconnaissance, donner son temps et veiller à ne pas le faire perdre aux autres. Etre responsable d’un groupe de frères ou d’un secteur, d’un domaine de la vie de la communauté est toujours un appel à se donner et par là à faire grandir son humanité, sa capacité d’être en relation. C’est la loi du don qui toujours enrichit ceux qui se donnent vraiment au nom du Christ. (2011-04-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 20, v 1-5 De la révérence dans la prière écrit le 25 mars 2011
Verset(s) :

1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,

2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !

3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.

4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.

5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.

Commentaire :

Trois mots reviennent plusieurs fois dans ce court chapitre : humilité, pureté et bref. Chacun nous introduit dans une manière de prier que Benoît recommande à ses moines, une manière de prier en quête de justesse et de vérité.

Humilité. A ce mot, Benoît associe celui de révérence. Devant Dieu, le Seigneur de l’Univers, le moine priant est appelé à se tenir avec révérence, avec humilité. Attitude qui voudrait traduire sa conscience de plus en plus affinée de sa condition toute entière redevable de Celui devant lequel il se tient. Lui qui a tout créé et qui porte l’univers. Mais à humilité, Benoît associe aussi le mot de dévotion. Ce mot peut équilibrer ce que la révérence mal comprise pourrait suggérer de soumission. Dans la conscience de sa petitesse le moine ne s’aplatit pas devant Dieu. Mais dans un profond respect, il se donne tout entier avec amour. Il se voue totalement au service de Dieu. Ce n’est pas la peur qui caractérise sa prière devant le Dieu de l’Univers, mais le désir de se donner.

Pureté ou pure. Ces mots reviennent à trois reprises. L’insistance s’inscrit dans la tradition de la prière reçue de Cassien qui axe toute la quête du moine sur la pureté du cœur. Ici pureté du cœur est associée à la componction des larmes. Un cœur pur est un cœur « piqué » « percé » par la Parole de Dieu. Touché par la parole, le cœur se reconnaît tel qu’il est avec ses pauvretés mais aussi sauvé par le pardon de Dieu. De ce cœur piqué par la Parole, naissent des larmes de repentir et des larmes de joie. « Viennent les larmes et le Fils renaît, joie du retour au Père ». Chantons-nous en ce temps de Carême. C’est à cette vérité de fils devant son Père qu’une prière toujours plus pure voudrait nous conduire.

Bref ou brève. Denier qualificatif de la prière selon Benoit. Bref s’oppose ici au flot de paroles qui pourrait occuper tout le champ. Comme déjà Jésus le recommande, la prière ne consiste pas dans le rabâchage de mots. Rabâcher devant Dieu, c’est s’adresser non pas à un Père désireux de nouer une relation avec ses enfants. C’est plutôt le considérer comme une idole qu’il faudrait à tout prix se concilier. La brièveté voudrait nous garder de cette contrefaçon de la prière. En ce temps de Carême, où Benoit nous invite à nous appliquer à la prière avec larmes, à la componction du cœur, demandons la grâce d’une prière plus vraie et plus filiale. « Seigneur apprends-nous à prier ». (2011-03-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 19, v 1-6 De la tenue dans la psalmodie écrit le 22 mars 2011
Verset(s) :

1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »

2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.

3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;

4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;

5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »

6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,

Commentaire :

« Psalmodiez sagement ». Cette citation du Ps 46 est l’une des citations scripturaires utilisée par Benoît pour argumenter de la nécessité d’être bien présent à ce que l’on fait lorsqu’on psalmodie. Que serait l’opposé de « psalmodier sagement » ? « Psalmodier bêtement » ou plutôt « psalmodier machinalement », de façon mécanique ? Ce petit chapitre voudrait nous réveiller si nous avons tendance à ronronner à l’office par la force de l’habitude. Il nous rappelle que l’office n’est pas un exercice quelconque, mais qu’il nous met en présence de Dieu, qu’il nous introduit à une rencontre avec lui.

« Psalmodiez sagement » peut s’entendre de plusieurs façons. Psalmodiez avec intelligence, avec toute cette présence d’esprit qui fait reconnaitre la particularité des psaumes. L’invitation est ici à être sensible au caractère du psaume : le Ps 118 n’est pas le Ps 50, ceux des montées ne sont les Ps 148-150 etc. Avec notre intelligence, nous gagnons beaucoup à repérer ces notes particulières des psaumes pour mieux nous couler dans leur dynamique spirituelle. De ce point de vue, tout ce qui nous informe sur les psaumes, des lectures, des conférences (par exemple celle de F.Sébastien) ne peut qu’affiner notre intelligence.

Psalmodiez avec sagesse peut encore s’entendre comme un appel à psalmodier avec toute notre épaisseur humaine, notre vérité. Sous cet aspect, on peut inclure beaucoup de choses : nos expériences de vie, nos expériences spirituelles, nos épreuves, nos approches du mystère de Dieu. Autant de réalités qui peuvent permettre de nous unir plus étroitement aux mots que nous disons. Je pense, par exemple, à la prise de conscience émerveillée que nous pouvons avoir de dire « Tu » à Dieu et cela sous tous les modes. Nous sommes un « Je » qui ose se tourner vers Celui devant qui, nous ne sommes que poussière, et qui, cependant nous permet et nous offre d’entrer en dialogue avec Lui. Nous nous adressons à lui en un « Tu » tantôt assuré, tantôt balbutiant, en un « Tu » qui est toujours cherché, jamais saisi. Apprendre à se tenir ainsi dans cet émerveillement étonné, cela aussi c’est psalmodier sagement avec saveur. (2011-03-22)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18, v 24-25 En quel ordre dire les psaumes. écrit le 19 mars 2011
Verset(s) :

24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,

25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !

Commentaire :

Prier avec les psaumes nous demande toujours d’accepter de nous déplacer, de quitter une certaine prière trop personnelle pour nous couler dans la prière du peuple juif, de l’Eglise et de l’humanité. Mystérieusement, en vivant ce déplacement notre prière personnelle, loin d ‘être diluée s’en trouve fortifiée et enrichie. Mais cela nous demande une vigilance active pour être bien là.

Ce matin, je voudrais relever un autre déplacement que cette prière peut nous donner de vivre. En priant les psaumes nous entrons dans la prière du Christ. Prière du Christ, on peut entendre ici d’abord Christ dans son sens premier de Messie. Oint du Seigneur, figure centrale dans l’AT. André Chouraqui a dit que le « Messie est la pierre angulaire de l’enseignement des psaumes ». Les psaumes parlent du Messie à venir, comme figure qui accomplit la « Voie du Juste » pour reprendre l’expression d’André Chouraqui. Ainsi la figure du Messie à venir est-elle en creux dans tout le psautier. La prière du juste en lutte contre l’impie et les ennemis porte en elle, celle du Messie qui vient pour instaurer la justice de Dieu.

Les Premiers chrétiens seront fortement conscients de la place importante du psautier pour éclairer le mystère de Jésus Messie et Fils de Dieu. Les citations et allusions du psautier reprises dans le NT sont à ce titre très éloquentes. Les psaumes parlent du Messie reconnu en Jésus de Nazareth.

En reprenant les psaumes dans sa prière, l’Eglise, Corps du Christ s’unit au Christ Tête et à sa prière. Cette prière du Corps et de la Tête trouve tout son sens : elle est prière de l’humanité en chemin, en quête de salut. Elle est prière du Christ Jésus qui a traversé la mort et qui nous offre déjà la victoire.

Quand nous prions les psaumes, nous pouvons tirer grand profit en les associant au Christ qui les dit avec nous, son Corps. Cela peut nous permettre de méditer sur son mystère. Certains versets peuvent nous faire communier à la prière du Christ en sa vie terrestre, dans son enseignement, dans sa lutte contre ses ennemis qui lui tendent des pièges, dans sa passion et finalement dans sa Résurrection. Mettre ainsi les mots du psalmiste dans la bouche de Jésus, et les prier avec lui peut nous ouvrir un vrai chemin de communion avec le Seigneur Jésus le Christ. (2011-03-19)