vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 73, v 1-7 Une règle pour débutant écrit le 16 novembre 2011
Verset(s) :

1. Si d’ailleurs nous avons écrit cette règle, c'est pour qu'en l'observant dans les monastères, nous fassions preuve au moins d'une certaine décence morale et d'un commencement de vie religieuse.

2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.

3. Quelle est en effet la page, quelle est la parole ayant Dieu pour auteur, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement droite pour la vie humaine ;?

4. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu'à ce que nous parvenions à notre créateur ;?

5. Et encore les Conférences des Pères et leurs Institutions et leurs Vies , ainsi que la Règle de notre saint Père Basile,

6. que sont-elles d'autre que les instruments des vertus donnés par les moines de bonne conduite et obéissants ;?

7. Mais pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite et négligents, il y a de quoi rougir de confusion.

Commentaire :

Chapitre 73, v 1-7

Cette fin de règle est touchante par son ton modeste. Benoit s’efface derrière d’autres enseignements, et surtout d’abord derrière l’autorité divine qu’il reconnait dans les Écritures. Il voit la différence entre la règle qu’il a écrite « pour faire preuve d’une certaine décence morale et d’un commencement de vie religieuse » et les autres enseignements. Ceux-ci sont présentés comme pouvant permettre assurément d’atteindre le but recherché : parvenir à notre Créateur, et mener une vie vraiment humaine. Un mot revient deux fois ; c’est l’adjectif « rectus - droit ». Tout se passe comme si aux yeux de Benoit, les Écritures offraient la norme vraiment sûre et directe. La norme droite par laquelle la vie humaine va pouvoir être vécue dans toute sa justesse et sa noblesse. Car dans ces Écritures, chacun peut entendre la parole qui a Dieu pour auteur. De même les Saints Pères catholiques vont permettre de « courir tout droit » pour parvenir à notre Créateur. Pouvoir mener une vie droite et pouvoir courir tout droit vers le Créateur, telles sont les vertus que Benoit reconnait et trouve dans les Écritures et les écrits des Pères. Par là, il indique deux tuteurs solides et sûrs entre lesquelles la vie du moine pourra s’élancer et s’épanouir sans se perdre ou s’enliser. Ils offrent une garantie à toute épreuve.

Que retenir pour nous aujourd’hui ? Qu’il y a une heureuse et féconde interaction entre la Rège de Benoit, les Écritures et les écrits des Père monastiques. Tous nous instruisent en s’éclairant mutuellement. Les Écritures se présentent comme la source de toute rencontre avec Dieu, par le Christ. Elles inspirent la Règle et les Écrits monastiques. Elles demeurent aussi pour chacun de nous dans la lectio et la liturgie le terreau quotidien dans lequel nous puisons, pour nourrir notre relation avec Dieu. Les écrits des Pères nous livrent des témoignages précieux sur la manière d’avancer à la suite du Christ dans la vie monastique. Ils nous redisent le but cherché : nous unir au Christ dans la prière. Mais aussi les écueils à éviter et les lieux de vigilance intérieure à avoir. La Règle de Benoit offre un cadre de vie cénobitique plein d’équilibre et de sagesse.

Sachons prendre appui sur ces trois tuteurs, Écritures, Règle et Pères, pour avancer droit et tout droit !! (2011-11-16)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 72, v 1-12 Du bon zèle que doivent avoir les frères écrit le 12 novembre 2011
Verset(s) :

1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,

2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.

3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:

4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;

5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;

6. ils s'obéiront à l'envi ;

7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;

8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;

9. avec amour ils craindront Dieu ;

10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;

11. « ils ne préféreront absolument rien au Christ. ;»

12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!

Commentaire :

Le zèle, c’est l’ardeur, la ferveur. Au chapitre 4, Benoit avait parlé du zèle mauvais, la jalousie. Arrivé à la fin de cette Règle, il veut réveiller notre ferveur, notre « amour fervent ». Pour nos frères, et pour le Christ.

Ce chapitre dit tout ce que nous voulons être. C’est dit avec tant de naturel et de simplicité qu’on pourrait presque n’y voir qu’une énumération d’évidences. Mais on peut comparer ce chapitre aux Béatitudes. Il nous arrive aussi de les entendre de cette façon-là, sans réaction, comme si nous les fréquentions au quotidien, comme si nous en vivions ! Comme si notre vie n’avait que ce langage-là pour se déchiffrer. D’ailleurs il y a autant de notes du bon zèle qu’il y a de Béatitudes, huit.

Pourtant, dans chacune de ces phrases nous trouvons un appel adressé par le Christ à chacun d’entre nous. Il veut habiter notre cœur. Redonnons-Lui notre vie, avec tout ce qu’elle comporte de richesses, de désirs, mais aussi de pauvreté et de misères. En nous redonnant au Christ, nous resserrons les liens qui nous unissent et font la communauté.

Concrètement, c’est l’attention aux autres, la patience entre nous, l’obéissance mutuelle, l’oubli de soi, la crainte d’amour pour Dieu. L’amour de notre Abbé. Cela implique de vérifier nos intentions, sous le regard du Christ. « Ne préférer absolument rien au Christ ». Il nous attend. Notre travail monastique est notre façon de servir Dieu et l’Eglise.

« Revenir à l’école de St Benoit, ce maître à qui nous avons prêté quelque chose de notre oreille intérieure, pour qu’il nous éduque à la vie de charité. » C’est ce que disait Christian de Chergé, dans son dernier commentaire de la Règle, le commentaire de ce chapitre 72, le 16 mars 1996. (2011-11-12)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 71, v 6-9 Que l'on s'obéisse mutuellement écrit le 11 novembre 2011
Verset(s) :

6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,

7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,

8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.

9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.

Commentaire :

Cette seconde partie du chapitre est un peu inattendue, car elle n’a pas été annoncée par le titre. Il y est question de la façon de recevoir les remarques, les reproches.

Ce que Benoit indique ici se rattache avec évidence, non seulement à cette charte des relations fraternelles, que sont les derniers chapitres de la Règle, mais encore aux deux chapitres précédents. Comme ceux-ci, ces lignes traitent de correction. Mais au lieu de l’excommunication et des coups mentionnés au chapitre précédent, il s’agit maintenant de simples réprimandes verbales. Après avoir refusé aux anciens le droit de punir, sauf mandat spécial, Benoit nous dit comment doit réagir celui qui est repris.

Car ce discours ne s’adresse pas aux anciens, mais aux plus jeunes. La Règle les invite à recevoir humblement toute réprimande de leurs aînés. En agissant ainsi, ils imiteront l’humilité des Pères du Désert que beaucoup d’Apophtegmes nous donnent en exemple. L’humilité est désarmante. Elle calme toutes les émotions de la colère.

Benoit met en scène un frère qui s’aperçoit qu’il a contristé un ancien. Aussitôt, il se jette à ses pieds pour obtenir une bénédiction. Certains d’entre nous ont gardé cet usage, quand ils perçoivent de la contrariété chez celui qui leur adresse la parole. Il m’est arrivé qu’un frère tombe à genoux parce que je m’étais emporté : le plus grand des deux était à genoux !

Pour Benoit, la voie de l’obéissance passe par ce grand respect de l’autre. C’est un chemin d’oubli de soi. L’obéissance n’est donc pas une conformité un peu raide à des ordres reçus d’une hiérarchie. Elle est plutôt une attention à ce qui n’est pas moi. Y compris aux émotions que je peux ressentir chez celui qui m’adresse la parole.

La vie de l’obéissance est donc bien un chemin d’amour. (2011-11-11)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 71, v 1-5 Que l'on s'obéisse mutuellement écrit le 10 novembre 2011
Verset(s) :

1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,

2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.

3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,

4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.

5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.

Commentaire :

Pour Benoit, l’obéissance est toujours un bien, indépendamment de la qualité de celui qui commande. Elle nous fait pratiquer le renoncement à notre volonté propre, l’humilité. Elle est le chemin pour imiter le Christ, pour apprendre la charité.

Les frères s’obéiront mutuellement, sachant que, par cette voie de l’obéissance, ils iront à Dieu . L’obéissance est la voie par laquelle on va à Dieu. C’est l’itinéraire qui était proposé au novice : « Les choses dures et âpres par lesquelles on va à Dieu. » C’est la perspective tracée au début du Prologue : Revenir par une obéissance laborieuse, à Celui dont on s’était écarté par une désobéissance paresseuse . Cette perspective immense et indéterminée, nous la voyons se concrétiser tout au long de la Règle, en une foule d’actes précis, qui remplissent toute la vie du moine.

Obéir en toute charité et empressement . Déjà Saint Basile avait invoqué ce motif, l’amour fraternel. Et il citait l’Ecriture : Il faut s’obéir mutuellement, disait-il, parce que le Christ nous en a donné l’ordre, et l’exemple . Celui qui veut être grand, parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Celui qui veut être le premier, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’Homme est venu, non pour être servi, mais pour servir . Mat 20/26-28. Basile renvoyait encore à l’Epitre aux Galates : Dans la charité du Christ, servez-vous les uns les autres . Gal 5/13. Obéir, c’est prendre l’attitude du serviteur. C’est l’attitude que le Christ nous a donnée en exemple à la dernière Cène. L’exemple de l’amour suprême.

A cette voie de l’obéissance qui mène à Dieu, Benoit oppose l’attitude du frère contestataire : Celui qui est pris à contester, on le réprimandera . v.5. Le mot traduit par contestataire signifie aussi obstiné, opiniâtre, ce désir farouche de vaincre, d’imposer sa manière de voir, ce mépris à l’égard d’autrui. Le chemin, pour sortir de cette attitude, c’est d’abord d’en prendre conscience. Car souvent, le frère qui agit ainsi ne s’en rend même pas compte. La 1ère étape consiste donc à sortir de cet aveuglement. Mais surtout prendre ce chemin de libération qu’est l’obéissance. Libération de soi-même, pour pouvoir donner notre vie à Dieu. (2011-11-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 70, v 1-7 Que l'on ne se permette pas de frapper à tort et à travers écrit le 09 novembre 2011
Verset(s) :

1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,

2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.

3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»

4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,

5. mais en toute mesure et raison.

6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,

7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»

Commentaire :

« Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui. » Saint Benoit nous le rappelle ce matin. Nous usons souvent d’une mesure différente, quand il s’agit de nous-même, et quand il s’agit des autres. Ce que nous commettons n’est pas si grave, et nous nous trouvons mille excuses. Par contre, si nous surprenons un frère en défaut, quel drame ! Surtout s’il s’agit d’un point auquel nous sommes sensibles. La vie du monastère est en jeu si on laisse faire cela !

Nous utilisons deux poids et deux mesures. Nous avons dans l’œil une poutre. Elle fausse notre appréciation de la paille qui est dans l’œil de notre frère. Alors, que faire ? Faut-il laisser aller ? En espérant que le désordre de l’un viendra contrebalancer celui de l’autre ? Ce n’est pas l’opinion de Benoit : Il encourage plutôt la correction fraternelle. C’est ce qu’il dit au verset 3 : « On reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. » Mais cela ne peut porter du fruit que dans un certain climat spirituel.

Sur ce climat ce chapitre donne trois indications :

D’abord, il n’est permis à personne de frapper, ni d’excommunier. Nous sommes tous frères. (v.2)

Ensuite, le bon ordre est à la charge de tous. (v.4)

Enfin, si on est irrité, en colère, mieux vaut s’abstenir. Rien de bon ne se fait sous l’emprise de la colère. (v.6)

A travers ces principes très simples, Benoit nous trace une ligne de conduite. Cela suppose que nous considérions toujours l’autre comme un frère. Que nous nous comportions tous comme responsables du bien commun. Que nous fassions passer l’amour et le respect de l’autre avant nos sentiments d’agacement. (2011-11-09)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 69, v 1-4 Qu’on ne se permette pas au monastère de défendre un autre. écrit le 08 novembre 2011
Verset(s) :

1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,

2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.

3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.

4. Si quelqu'un transgresse ce point, on le châtiera rigoureusement.

Commentaire :

La vigueur avec laquelle Benoit réagit dans ce chapitre pourrait nous surprendre. Car il y a une saine indignation. Face à l’injustice et à la méchanceté ! Nous pouvons même avoir le sentiment de trahir ce qu’il y a de plus noble et de plus authentique en nous, si nous ne prenons pas la défense du plus pauvre, du plus petit ! Qu’y a-t-il de répréhensible à prendre la défense d’un autre, surtout s’il est fragile et innocent ?

La Bible est pleine de la défense de la veuve et de l’orphelin, du pauvre opprimé et du juste persécuté. Jésus a été le premier à blâmer celui qui charge ses frères de pesants fardeaux, ceux qui condamnent sans appel les pécheurs. Au cœur du christianisme, il y a une résistance à l’injustice, à l’oppression, au mensonge. Une résistance qui demande souvent du courage, et un authentique don de soi. Il ne faudrait pas que la vie monastique émousse cette capacité d’indignation ! Elle devrait plutôt l’affiner et la développer.

Le but de Benoit, dans toute la Règle, est de guérir notre humanité blessée, de lui rendre sa dignité, sa beauté originelle. Il sait le péril qu’il y a à vouloir se poser en défenseur d’un frère. Je le protège, je me mets au-dessus de lui. Je le considère comme moins grand que moi. Je crois être le seul à savoir ce qui est bon pour lui. Mieux que le Père Abbé ! Nos relations fraternelles supposent l’égalité. Parce que c’est la vérité, devant Dieu. Un frère peut avoir besoin de moi, mais cela n’est juste que si je reconnais le lieu où, moi aussi, j’ai besoin de lui. Bien souvent, quand je défends un frère, ce sont mes propres opinions, mes intérêts que je défends. Ou ma relation avec lui.

Il faut beaucoup de courage pour aimer vraiment, pour aimer en vérité. Un courage qui suppose une profonde lucidité sur ce qui m’anime vraiment, au plus intime de moi-même. Et cette lucidité demande que je sois capable de prendre du recul, même vis-à-vis de ce qui m’indigne. (2011-11-08)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 49-50 De l'humilité 6° écrit le 05 novembre 2011
Verset(s) :

49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,

50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »

Commentaire :

« Etre content de tout» pourrait peut-être résumer ce 6°, même des choses les plus vils et abjectes. Un seul a vraiment vécu cela, c'est le Christ. Il a été content de tout jusque dans la souffrance injustement subie, non dans le sens d'une jouissance masochiste malsaine, mais dans le sens d'un consentement total à une réalité qui ne pouvait qu'être rebutante. Il n'a pas choisi le meilleur pour éviter le pire. Il ne s'est pas dérobé à l'épreuve qui peu à peu se dessinait de plus en plus clairement pour le conduire sur le calvaire. Il a été content de tout. Il a tout assumé pleinement de la réalité qu'il rencontrait, un jour après un autre jour. Mystère d'une vie pleinement prise à bras le corps, jusque dans ses aspects les plus « abjects et vils ». Lui seul, content de tout ce qui fait une vie d'homme, a pu donner à ces parts douloureuses et incompréhensibles de notre existence humaine, une autre dimension. Il a ouvert la voie d'une .obéissance et d'une offrande possible jusque dans ces lieux de défiguration de l'homme. Le Christ a ouvert la voie, et nombre de martyrs ou de chrétiens obscurs ont pu lui emboiter le pas. Nous faisions mémoire durant la vigile de la Toussaint de ces figures étonnantes qui, jusqu'au bout, ont assumé et offert leur vie au prise avec les plus grandes souffrances. Je pense à Edith Stein et à Maximilien Kolbe, mais aussi à Jeanne d'Arc, ou encore aux martyrs du Japon et du Vietnam. Dans l'Esprit du Christ, ces témoins ont pu donner, à leur tour, un sens à ce qui est profondément insensé. Le sens d'une offrande et d'un don inconditionnel.

Quand sur le chemin de l'humilité, St Benoit invite le moine à être content de tout, il l'entraine à vivre dans le quotidien le plus banal, ce que le Christ et les martyrs ont vécu de manière radicale. C'est le même engagement spirituel qui peut recouvrir la même intensité spirituelle. Nous sommes loin d'un masochisme malsain, mais plutôt sur les voies d'un renoncement radical à soi-même où nous est donné de nous abandonner totalement dans les mains du Père. Au moment, où je me contente du plus vil et du plus abject, je rejoins le Christ en son abandon total au Père. Que le Seigneur Jésus lui-même nous aide à entrer dans ce regard et dans cette attitude de foi . (2013-11-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 68, v 1-5 Si l’on en joint à un frère des choses impossibles. écrit le 29 octobre 2011
Verset(s) :

1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.

2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,

3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.

4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,

5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.

Commentaire :

Un frère me disait récemment qu’il avait l’impression que l’obéissance était en perte de vitesse dans la communauté, que la tendance était forte de faire ce que l’on veut et de s’arranger pour ne pas faire ce qui déplait ou parait plus difficile.

L’obéissance se refroidit-elle en communauté ? Ce chapitre sur l’obéissance dans les cas difficiles peut être l’occasion pour chacun d’examiner où il en est.

Qu’en est-il de mon désir d’obéir promis lors de mes vœux ? Est-ce que je subis le fait de devoir obéir ou bien est-ce que je vis cela comme un lieu spirituel pour grandir, pour avancer en maturité ?

Pour chacun de nous, vivre l’obéissance est une part principale de notre labeur spirituel. Avec elle, nous sommes situés devant cette question première : voulons-nous concrètement faire la volonté de Dieu ? Voulons nous devenir toujours plus disponible pour faire ce qui lui plait, dans les grandes comme dans les plus petites choses ? Est-ce cela avant toute chose qui nous tient à cœur ? C’sst alors que tout dans notre vie quotidienne peut devenir acte d’obéissance, comme abandon et remise de soi au dessein de Dieu qui s’exprime à travers la vie commune, les relations, les services échangés etc.. Entrer dans ce profond mouvement de vie peut faire mal au premier abord car cela nous arrache à nous-mêmes, à notre désir de tout maitriser, d’être notre maitre. Mais si nous consentons à lâcher prise, quelle libération !!! Oui l’obéissance à la volonté de Dieu, à travers la vie commune et l’abbé, veut nous sortir de nos étroitesses de vue et de cœur. Car le Seigneur a le désir de nous voir bien plus grand et plus aimant que nous nous imaginons nous-mêmes, ou nous sentons capable par nous-mêmes. Obéir, c’est alors consentir à prendre sa main et à le laisser le conduire vraiment nos vies. Oui ne laissons pas ce désir là se refroidir, «par charité, confiant dans le secours de Dieu ». (2011-10-29)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 67, v 1-7 Des frères envoyés en voyage écrit le 28 octobre 2011
Verset(s) :

1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,

2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.

3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire

4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.

5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.

6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.

7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

Commentaire :

Chapitre 67, Des frères envoyés en voyage

Hier je parlais du périmètre de la clôture comme espace structurant pour notre vie monastique. Mais cette clôture n’est pas enfermement. Les occasions de voyage ne manquent pas pour des courses rapides comme pour des plus longues. ? Ces voyages ne sont pas anodins dans notre vie très réglée. Ils marquent une rupture de rythme et une ouverture dont on peut tirer grand profit, de telle sorte qu’ils ne constituent pas une mise entre parenthèse de notre vie. En effet, le premier grand profit est de nous offrir la possibilité de nous affermir dans notre propos de chercheur de Dieu. Hors du cadre protecteur et stimulant du monastère, que devient mon propos monastique ? Qu’en est-il de ma fidélité à la prière ? Vais-je lui donner sa place, même si elle est vécue différemment, pour garder vivante ma relation avec le Seigneur ? J’entends encore plusieurs frères me dirent au retour de sortie qu’ils avaient profité d’un temps libre dans leur journée pour s’arrêter dans une église et prier assez longuement. Le Seigneur que nous cherchons au monastère nous accompagne dans nos sorties. Heureux sommes-nous de pouvoir poursuivre alors avec lui le dialogue dans la prière. Sachons alors nous organiser pour cela.

Les sorties sont aussi d’un grand profit pour ce qu’elles nous apportent par la formation reçue , par les rencontres et découvertes diverses. Ils sont souvent une occasion de voir les choses et de nous situer de manière autre. Nous pouvons parfois être déplacés, changés par ce que nous l’on vit et entend. Là encore, c’est la même recherche de Dieu que nous vivons. Dans tout cela, c’est notre propre conversion qui se poursuit dans le désir d’être toujours plus à l’écoute de son Esprit qui parle à travers les personnes et les évènements. Quand on revient au monastère, il peut y avoir un sentiment de contraste fort. L’important est de pouvoir relire tout ce qu’on a vécu. La rencontre avec le Père Abbé peut être un lieu favorable pour cela. Cette relecture et cette prise de parole vont nous aider à recueillir le fruit de cette sortie. Celle-ci ne sera pas alors une parenthèse extra-monastique, mais elle apportera sa contribution sur notre cheminement de chercheur de Dieu. (2011-10-28)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 65, v 18-22 Du prévôt du monastère écrit le 22 octobre 2011
Verset(s) :

18. Si ce prévôt se montre vicieux ou que, séduit par l'élèvement, il s'enorgueillisse, ou qu'il soit convaincu de mépris pour la sainte règle, on l'avertira verbalement jusqu'à quatre fois.

19. S'il ne s'amende pas, on lui appliquera la correction des sanctions de règle.

20. Si même alors il ne se corrige pas, on le destituera de son rang de prévôt, et l'on mettra à sa place un autre qui en soit digne.

21. Si même ensuite il n'est pas tranquille et obéissant en communauté, on ira jusqu'à le chasser du monastère.

22. Cependant l'abbé songera qu'il doit rendre compte à Dieu de tous ses jugements, de peur que le feu de l'envie ou de la jalousie ne brûle son âme.

Commentaire :

Dans la continuité de ce chapitre assez rude, ces dernières lignes énumèrent une liste abondante de défauts dans lesquels peuvent tomber le prieur ou l’abbé : vicieux, orgueilleux, mépris pour la Règle, non tranquille, désobéissant, envieux, jaloux ; Cette liste nous dit à sa manière le combat qui peut habiter le cœur d’un moine. Combat pour la paix, pour la vérité, pour l’obéissance aimante. Combat contre toutes les formes d’autosuffisance, contre les prétentions à avoir raison, contre le désir de dominer. Combat dans le cœur, mais aussi combat qui peut prendre la forme des violences dans les paroles et les attitudes. Notre vie monastique nous rend peu à peu tout particulièrement attentifs à ce combat. Nous sommes souvent à nos dépends un champ de bataille, une chose est sûre, dans ce combat le Christ est avec nous, à nos cotés. Il veut nous apprendre à lutter avec lui pour la Paix, la Vérité, l’Amour fraternel, dans notre communauté, dans le monde. Heureux sommes-nous quand nous savons faire de nos combats, de toutes ces contrariétés multiples qui s’affrontent en nous et nous opposent aux frères, des occasions de nous remettre dans la lumière du Christ pour y voir plus clair. Quand le trouble est là, quand la colère ou la tristesse nous habite, asseyons-nous avec le Christ, mettons nous à genoux pour lui demander sa lumière. Nous aurons de grande chance d’avancer, de trouver la paix si nous acceptons de voir ce qui ne va pas en nous, avant d’accuser ou de regarder les torts des autres. Pourquoi suis-je tellement atteint par cette parole ou par ce geste, ou par cette décision ? Pourquoi je bute toujours sur les mêmes difficultés qui me pèsent, qui me blessent ou qui me rendent difficile certaines relations ? Accepter dans la lumière du Christ de ce poser ces « pourquoi », c’est accepter humblement d’être en chemin. Nous restons et resterons toujours une énigme à nos propres yeux. Le Christ nous conduit à travers la prière, la méditation de sa Parole, à travers les frères, et la vie commune qui nous bousculent parfois. «N’ayez pas peur, je combattrai pour vous » disait déjà Dieu à Moïse avant de passer la Mer Rouge. (2011-10-22)