Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
44. Craindre le jour du jugement,
45. redouter la géhenne,
R.B. 4, 44-45 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Voilà deux instruments de notre trousse à outil que spontanément nous ne savons pas bien manier. Qu’en faire ? Le plus souvent, on les passe sous silence par gêne et par commodité. Si cette réalité du jugement final est bien présente chez Benoit, il s’appuie sur le nouveau testament qui contient cet horizon de la destinée humaine : celui d’un temps après la mort, où tous devront, pour reprendre les mots de Paul, « apparaitre à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien, soit en mal, pendant qu’il était dans son corps » (2 Co 5, 10 ; cf aussi Rm 2, 2-11). Il se passera quelque chose après la mort et lorsque tout sera récapitulé à la fin des temps, qui nous mettra tous et chacun dans notre vérité la plus profonde. Face aux citations de l’Ecriture qui atteste de l’avenir d’un jugement, j’en retiens une autre en Jean qui contraste : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit échappe au jugement…Et le jugement le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 17-19). Celui qui croit échappe au jugement, parce qu’il fait confiance à la lumière qu’est le Christ. Il a offert au Christ ses ténèbres, il ne s’est pas replié sur elles, par honte ou par peur. Cette citation m’invite à penser que lors du jugement où sera pleinement manifesté l’amour de Dieu et sa lumière, tout apparaitra dans sa vraie densité. Face à l’amour, ce qui n’est pas amour ne pourra tenir, de même que face à la lumière ce qui est ténèbres. Mais là où nous pourrions perdre pied, car nous serons nécessairement en deçà de l’amour et de sa vive lumière, il nous restera notre foi. La foi qui fait confiance et qui s’offre à l’amour et la lumière du Christ qui nous a sauvés et qui nous assure de son amour. C’est une récente discussion avec f. Alain qui veut développer cette conviction dans la 2de édition de son livre qui m’a ancré dans cette lecture du passage de Jean. Craindre le jugement nous dit Benoit, redouter la géhenne, cette impasse de l’enfermement sur soi comme disait le P. Germain, jouant sur les mots, enfer et enfermement. Ces deux instruments peuvent jouer le rôle d’un aiguillon pour réveiller la part de nous-même qui prendrait à la légère, et de manière désinvolte, la densité de l’existence humaine et la profondeur de la mémoire que nous avons de nos actes. Mais en aucun cas, ils ne doivent bloquer et tétaniser l’autre part de nous-mêmes, celle qui désire plaire au Seigneur (2 Co 5, 9), tout en étant consciente de sa faiblesse. Cette part de nous-même qui ne demande qu’à croitre est appelée à grandir dans la foi et la confiance en l’amour de Dieu toujours offert, cet amour dont rien ne peut nous séparer (Rm 8, 39).
42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;
43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.
R.B. 4, 42-43 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Ces deux instruments sont à manier avec prudence et discernement. Il pourrait y avoir un usage malsain qui consisterait à se dévaloriser systématiquement et à s’enfermer dans une culpabilité constante au regard de ses fautes ou même de ses limites. Comment donc en faire un usage utile pour notre vie quotidienne ?
Je crois qu’il faut prendre ces recommandations dans la lumière de Pâques et de l’œuvre de renouvellement que la grâce du Christ Ressuscité veut opérer en nous. Après la mort du Christ, le cœur de l’homme est apparu comme à découvert. La passion de Jésus a révélé l’incapacité foncière de l’homme à affronter par lui-même les forces du mal. Jésus avait pourtant enseigné durant trois ans la sagesse et la justice du Royaume. Mais il s’est retrouvé seul, abandonné de tous, et particulièrement de ses amis inexistants face à l’adversité. Chaque année, la célébration de la passion du Christ nous remet devant l’abime de notre propre cœur lorsqu’il est laissé à lui-même. Nous pouvons alors être capables du pire : la lâcheté, la cupidité, la peur, l’égoïsme, la trahison, l’aveuglement obstiné, l’orgueil…. Dans ce sens, l’instrument entendu ce matin : « quant au mal, savoir qu’on en est toujours l’auteur » sonne comme un rappel salutaire. Il voudrait nous garder de toute illusion sur nous-mêmes. Cette constatation n’est pas morbide ou mortifère. Non, elle est simplement une conviction ancrée depuis la résurrection de Jésus, que seulement par le don de l’Esprit nous pouvons être pleinement renouvelés et aptes à faire le bien au service du Royaume. Avec la résurrection de Jésus à laquelle nous prenons part depuis notre baptême, nous expérimentons que le bien que nous faisons est toujours une grâce, un cadeau. Ce que Dieu avait déjà modelé de bon dans le cœur de l’homme par son œuvre de création, qui est très bonne nous assure la Genèse, la résurrection de Jésus l’a parachevé et affermis. En Jésus Ressuscité, sous la conduite de son Esprit, nous devenons capables de faire toute sorte de bien. Mais nous sachant aussi capable du pire lorsque nous nous éloignons du Christ, il serait bien téméraire de nous attribuer quelque mérite à faire le bien. A ce titre, l’instrument « quand on voit quelque bien en soi, l’attribuer à Dieu, non à soi-même » n’est qu’un juste réalisme et bon sens qui n’enlève rien à notre joie d’être renouvelés pour d’agir de façon juste en Jésus vivant. Si nous faisons le bien, c’est de manière imméritée. Cultiver, avec ces deux instruments, la reconnaissance de notre faillibilité et celle de notre petitesse devant les dons de Dieu, ne peut que faire croitre en nous, et l’humilité et l’action de grâce envers Dieu de qui vient tout bien.
41. Confier son espoir à Dieu.
R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)
En relevant le lien entre foi et espérance, le P. B. se posait la question : au regard du sens de l’histoire, quelle est l’œuvre de Dieu ? Quel est son grand projet ? Le P.B. reprenant la parole de Jn 6 : « l’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez ». Dieu fait son œuvre en moi, en nous, en faisant grandir la foi, de telle sorte qu’en toutes circonstances, chaque génération croie et fasse confiance à Dieu. Non, en dehors de la réalité, mais au cœur de tout ce qui fait notre vie. Nos problèmes viennent souvent du fait que nous ne faisons pas confiance, ni à Dieu, ni aux autres. Nous nous méfions les uns des autres, nous avons peur de la différence de ce qui est autre. Or la joie de Dieu, c’est de créer de l’autre, des êtres différents, des hommes libres. Il prend le risque de la tristesse et que l’autre ne le reconnaisse pas. Mais c’est au prix de sa joie. Dieu veut se réjouir, et il met dans le cœur de l’homme de se réjouir lui aussi de la différence, du fait qu’il y ait de l’autre. L’œuvre de Dieu, c’est de croire que chaque jour les conditions sont là pour que Dieu se réjouisse.
Dans cette œuvre, il nous faut être attentif à nos petits refrains intérieurs sur la réalité qui n’est pas comme on voudrait : « bof, rien ne va plus, il y a toujours des problèmes ». Croire, c’est changer mon regard sur le réel et voir comment Dieu m’y attend. C’est aussi être attentif à toutes les paroles que je peux dire : comment je veille à toujours dire du bien. Car dire du bien est contagieux. L’œuvre de Dieu est là : celle d’une parole qui est toujours une parole de bénédiction sur l’humanité. Mais si nous, nous ne changeons pas, si nous cultivons les paroles négatives, nous semons la discorde et à grande échelle les guerres. Notre attention sera toujours : quel bien dire ? Comment croire en Dieu dont la parole est bonne et toujours créatrice, et comment faire confiance aux autres ?
A la question posée, comment nourrir en nous l’espérance, le P.B. nous invitait à être attentif à toutes les petites voix qui, en nous, insinuent la désespérance et fait baisser les bras, mais aussi à être attentif à nos manières de regarder la réalité. Mieux reconnaitre la désespérance qui m’habite pour me convertir et changer.
La vie religieuse est fondée sur la manière avec laquelle chacun porte et vit sa suite du Christ. Dans le dialogue spirituel, comment chacun apporte son écoute de la Parole ? L’important est le travail fait par chacun pour se laisser labouré par la Parole. Dans la vie commune, on se partage comment on est labouré.
Il s’agit de suivre le Christ à ma place, non à celle du Christ, en gardant la distance et l’altérité. Toujours rester du côté des disciples, des pauvres, et annoncer le Christ depuis notre place de disciple sauvé de nos péchés, et non de la place du Christ qui seul est le Sauveur.
41. Confier son espoir à Dieu.
R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)
La satisfaction n’est pas la joie. J’ai de la satisfaction par rapport à ce que je fais, par rapport à l’image que j’ai de moi. La joie est d’un autre ordre. Comme pour le paralytique qui entend la parole de Jésus et se remet debout, elle vient de la parole de Jésus que l’on entend et qui nous relève dans l’inattendu. La joie a à voir avec l’espérance, la satisfaction avec l’espoir.
La joie a à voir aussi avec le manque. Au cœur du manque, de la faim, il y a une nourriture qui vaut mieux que toutes les bombances. Il nous faut oser comprendre qu’il y a une pauvreté à recevoir de la main de Dieu, lequel ose croire que nous pouvons nous tenir là avec confiance. Dieu ose nous appeler à la pauvreté, et nous mettre à un endroit où nous pouvons être heureux, et d’où naitra la louange. La question nous est posée : comment vivons-nous nos manques ?
Pardon et espérance
Si on considère les récits d’apparition de Jésus Ressuscité aux disciples, le P.B. relevait l’importance du don de la paix par Jésus, qui est comme le sceau du pardon qu’il offre. Les disciples n’osent pas le croire vivant parce qu’ils sont peut-être tellement anéantis par le fait qu’ils l’aient tous abandonné ou trahi. Ils ne peuvent pas le croire vivant. La paix apportée par Jésus vient les assurer de son pardon et de sa miséricorde, dont ils se sentent si indignes. C’est dans ce lieu de leur misère que la miséricorde peut les rejoindre. Et c’est de ce lieu réconcilié que le Seigneur les envoie témoigner de sa résurrection. Le P. B avait cette belle expression : désormais, « les disciples sont vraiment compétents pour témoigner du Christ ressuscité et de son œuvre de pardon des péchés ». Ils sont compétents car les premiers, ils ont fait l’expérience de la totale gratuité du pardon et de la grâce à eux offerte. Le Seigneur Jésus fait de grands pécheurs, les gens les plus compétents pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Il en fait des témoins de l’espérance qui surgit de l’inouï, de l’improbable.
41. Confier son espoir à Dieu.
R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)
En reprenant le texte d’Is 60, 1-2 « Debout resplendis, Jérusalem…elle est venue ta lumière », le P. B se demandait comment dire ce texte aujourd’hui, alors qu’Israël est loin de l’alliance avec Dieu et que le cœur de l’homme est compliqué, comme la situation du conflit actuel entre Israël et le Hamas le révèle. Il nous faut accepter de nous retrouver au pied du calvaire, pour être au cœur du monde, tel qu’il est, mauvais du fait que tous ont trahi. Et à cet endroit, apprendre à lire l’amour de Dieu pour son peuple, car lui ne désespère pas. Il aime son peuple et croit à sa conversion, à tel point qu’il confie à des hommes incapables son Eglise. L’Eglise est comme Israël, capable du meilleur et du pire. Mais le Dieu d’Israël ne cesse pas de lui proposer son alliance. Paradoxalement, les errances d’Israël rendent gloire à Dieu, car à travers elles, Dieu peut manifester son Amour et sa Fidélité.
Dieu nous fait connaitre sa vérité. « Vous connaitrez la vérité » dit Jésus à ses disciples « et la vérité vous rendra libre ». La vérité de notre cœur et de ses complications. Combien nous avons peur que notre cœur soit mis à jour ! Si vous demeurez fidèle à ma parole, si vous venez à la Croix et au Calvaire, la vérité vous sera donnée par Celui qui est sur la Croix, non comme un jugement accusateur. Mais dans sa manière de nous dire la vérité, il nous libère. Avec les disciples d’Emmaüs qui désespèrent et considèrent que tout a échoué, il nous faut réentendre que Jésus marche avec nous, que la vie n’est pas un cul de sac. Avec eux, revenir au Calvaire, pour là, relire le signe, et entrer dans l’intelligence de ce qui s’est passé.
L’Eglise ne peut être un ilot de paix où tout le monde est beau et gentil. Elle doit au contraire témoigner que les chrétiens sont de la même humanité en souffrance, que nous en sommes, et que nous osons croire que Dieu nous en relève. Il s’agit d’oser être là devant le Crucifié, et seulement de là, nous pouvons témoigner de la Résurrection. Oser croire et dire que du lieu même de la blessure, il y a une porte étroite. Regarder le cœur du Christ, car à cet endroit se déploie une liberté, une joie, la joie de la source qui était ensablée.
Croire et espérer, ce n’est pas penser que tout va continuer comme avant. Ce n’est pas penser que nos grandes maisons, nos grands bâtiments sont appelés à durer. C’est là qu’intervient la différence entre « espoir et espérance ». Le monde a espoir que la maladie va reculer, que la crise écologique va être repoussée, et que la guerre va cesser. Mais ce n’est pas l’espérance. On peut regarder le monde sans être optimiste, car dès le début, l’homme met en doute la bonté. Le cœur de l’homme n’ose pas croire en la bonté. On se méfie du frère, on dit des paroles qui sèment le doute. Tous nous sommes dans un système où de paroles en paroles on sème le doute, la suspicion. De la sorte, nous avons tous notre part dans les guerres. Il faut regarder en face notre monde qui est dur, mais il est là pour qu’on se donne.
41. Confier son espoir à Dieu.
R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Pour commenter cet instrument, « confier son espoir à Dieu », je voudrais me faire l’écho sur plusieurs chapitres, de la rencontre animée par P. B. Régent pour les religieux(ses) de la Corref Dijon, à Rimont, sur le thème : « Dans la période de forts changements que traversent l’Eglise et la vie religieuse, comment nourrir notre espérance ? »
Pour situer son propos, le P. B. Régent a esquissé la vision de l’histoire qui l’habite : non pas une vision linéaire toujours en progression, mais plutôt celle où chaque génération et chaque personne a à revivre les origines de la Gn et la fin de l’Ap. Chaque génération doit affronter la question du mal et répondre à la question : qu’est-ce-que je fais ? Est-ce que je crois que Dieu m’accompagne, qu’il est bon et veut me partager sa vie ? En reprenant Rm 8, 19-25 : « pourtant la création a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libéré de l’esclavage de la dégradation », le P.B insistait sur le fait que l’espérance n’est pas une question pour demain. La vie éternelle commence dès maintenant. La fin du monde est déjà dans notre finitude, et l’origine du monde, nous renvoie non à 3 milliards d’années, mais à la source de la vie qu’est la parole de Dieu.
Reprenant l’expression de Paul, « espérant contre toute espérance » (Rm 4,18) il nous disait qu’espérer, c’est toujours espérer au-delà de toute espérance humaine, c’est oser être au bord du gouffre, et d’assumer ses responsabilités pour ne pas tomber dedans. Face au gouffre être responsable en apportant la réponse qu’il nous revient d’apporter, en nous donnant. Espérer qu’il y a une porte étroite et oser faire un pas. Les signes d’espérance ne sont pas ceux-là où se dessine un meilleur avenir possible. « Osons dire, affirmait-il, que la guerre en Ukraine est un signe d’espérance ». Dans le sens où, comme toutes les réalités humaines, elle nous engage à espérer. Nous n’avons pas de tri à faire : en toute circonstance, nous sommes convoqués à l’espérance.
Une certaine vision écologique de Gn 1 où tout le monde est beau et gentil n’est pas juste. Dès le début, la nature elle-même est appelée à se donner, à travers toutes les plantes qui donnent une semence pour que d’autres puissent naitre. Dès le début, tous sont appelés à se donner et à se perdre, à mourir pour que d’autres puissent vivre.
De même, il y aurait une fausse image de Gn 3 qui consisterait à voir Dieu qui punit l’homme et la femme en leur promettant qu’ils devront peiner pour travailler et enfanter. Non, de cette manière, Dieu confie à l’homme sa création pour qu’il s’y engage par le travail, et à la femme à travers tout son corps. Dieu fait confiance à l’homme et à la femme. Mais il y a à suer, à travailler dur.
Le serpent, lui, met en doute la bonté de la parole de Dieu. Dieu est bon depuis les origines jusqu’à la fin. Si nous voyons des signes de la guerre, au lieu de nous décourager, il nous faut espérer, garder vivante la conviction que Dieu est bon, et qu’il a voulu la création bonne. Face au mal, il nous revient de nous engager. Comment faire ? En toute circonstance, lutter intérieurement, ne pas laisser mourir notre cœur, plutôt que de vouloir à tout prix voir des signes du cœur vivant. On peut entendre en écho le psalmiste : « espère le Seigneur, sois fort et prend courage, espère le Seigneur » (Ps 26, 14).
38. ni paresseux,
39. ni murmurateur,
40. ni médisant.
R.B. 4, 38-40 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Comme je l’ai déjà fait, il y a avantage parfois à associer ensemble ces instruments enfilés comme des perles dans ce long collier que représente le chapitre 4. Paresse, murmure et médisance… peuvent s’éclairer mutuellement à partir de la paresse. Ce défaut ou peut-être faudrait-il dire cette déficience a un caractère basique. Comme l’orgueil, ou l’appétit de jouissance, elle est la manifestation du péché, d’une faiblesse que nous portons tous à des degrés divers. Faiblesse pour affronter la vie avec ses contrariétés, faiblesse pour aller au bout de ses exigences, faiblesse plus ou moins consentie qui fait baisser les bras et remettre à plus tard ce qu’on pourrait ou devrait faire maintenant. A la croisée de cette faiblesse, on va trouver assez facilement le murmure et la médisance. Nous murmurons contre la vie qui n’est pas comme elle devrait être, c’est-à-dire rêvée facile et toujours radieuse. Nous murmurons contre les autres qui nous agacent et qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous souhaiterions, ou qui ne font pas les choses comme nous imaginerions qu’elles doivent être faites. Alors, pourquoi nous en priver, nous disons du mal d’eux. Nous piquons ici ou là, et nous épinglons leur défaut de manière éventuellement humoristique pour mieux en rire ou en faire rire. Nous murmurons encore contre nous-mêmes, lorsque notre image idéale se brise sur la réalité de notre médiocrité ou de notre péché. Nous ressassons tel ou tel échec ou faux pas, comme une malédiction que nous n’avons méritée.
Tel peut-être notre cinéma intérieur, le mien parfois qui est là comme un écran dont il me faut veiller à ce qu’il ne devienne pas la toile de fond de mon quotidien. « Le champ du paresseux est rempli de mauvaises herbes », dit le proverbe. Il nous revient de travailler pour ne pas laisser notre champ intérieur se couvrir de ces mauvaises herbes que sont la médisance et le murmure. Deux vices qui, me retournant contre les autres, me détourne de moi-même. Au lieu de regarder en face le travail spirituel à accomplir, au lieu de me mettre courageusement à l’œuvre par l’attention et la vigilance sur moi-même, je m’occupe des défauts des autres. Illusion aussi tenace que futile. « Soyez forts, prenez courage, vous tous qui espérez le Seigneur », nous dit le psalmiste (Ps 30, 24). Avec lui, nous pouvons prier : « Mets une garde à mes lèvres Seigneur, veille au seuil de ma bouche » (Ps 141, 3).
35. ni adonné au vin,
36. ni grand mangeur,
37. ni ami du sommeil,
R.B. 4, 35-37 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Dans ces trois instruments, je perçois un risque lorsqu’on les entend. C’est celui de voir assez spontanément ce défaut chez les autres. L’instrument destiné à l’édification de chacun peut alors se retourner en instrument de jugement sur mon frère. Or en ces domaines, la boisson, la nourriture et le sommeil, nous touchons des aspects de notre humanité tellement basiques et tellement complexes en leur équilibre, qu’il est bien prétentieux de vouloir porter un jugement sur les autres. Il n’y a qu’à considérer notre propre expérience et l’instabilité de nos équilibres en matière de nourriture, de boisson et de sommeil pour nous en convaincre. Nous sommes souvent en recherche de cet équilibre entre le trop et le pas assez. Le trop qui mobilise beaucoup notre désir en quête d’avoir toujours plus et le pas assez qui peut préoccuper l’esprit dans la crainte de ne pas avoir assez. Ces instruments sont donc d’abord pour chacun des rappels utiles pour chercher la mesure qui est la nôtre, et qui ne sera pas celle du voisin. Pour l’un, l’attention se portera davantage sur la nourriture, pour un autre il s’agira de veiller à la mesure de la boisson, et un autre sur le sommeil. Ces instruments veulent nous aider à ne pas nous laisser enfermer dans une dépendance telle que nous perdons une certaine maitrise de nous-mêmes. Si dans la vie spirituelle, celle-ci n’est pas la fin en soi, mais bien la pureté du cœur et la charité, apprendre à demeurer libres en nos appétits et notre désir de repos, nous garde cependant davantage éveillés pour le combat spirituel et tournés vers les autres. Cette attention est un travail spirituel, comme cette période de carême nous le fait expérimenter. Si ce travail n’est que préoccupation humaine, il court le risque en nous centrant sur nous-mêmes, de perdre son but de nous libérer justement de nous-mêmes. Ce travail est à vivre dans un dialogue avec le Seigneur. C’est Lui qui peut nous aider à trouver la bonne mesure qui est la nôtre en matière de jeûne et de veille. C’est Lui qui peut nous inspirer telle vigilance et alors il nous en donnera la force. Il y a notre pratique communautaire qui s’offre comme une proposition de base pour un exercice commun, un entrainement fraternel à sortir chacun de notre zone de confort. Ensemble, nous allons au désert dans lequel nous choisissons de nous laisser conduire par l’Esprit, sûr qu’à l’instar de Jésus, des anges vont nous servir, ce pain du ciel ou ce breuvage spirituel que les Hébreux ont aussi eu en partage. N’ayons pas peur de manquer. Ecoutons l’Esprit qui nous entraine à lâcher nos sécurités pour nous faire découvrir de nouvelles capacités à aimer, à nous donner.
34. Ne pas être orgueilleux,
R.B. 4, 34 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
« Ne pas être orgueilleux ». Il est presque surprenant que l’on trouve cet instrument dans la trousse à outil du moine, tant l’orgueil est présenté dans toute la tradition monastique comme le péché par excellence, voire la source de tous les autres. Était-ce vraiment nécessaire de recommander de « ne pas être orgueilleux » ?
Après l’étonnement, nous pouvons essayer de comprendre cette insistance. Le psalmiste qui loue la joie de goûter et d’être illuminé par la loi du Seigneur, demande à la fin : « Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil qu’il n’ait sur moi aucune emprise. Alors je serai sans reproche pur d’un grand péché » (Ps 18, 14). Peut-être le psalmiste fait-il l’expérience souvent mise en valeur par les anciens moines : celle d’une intimité heureuse avec son Seigneur dont il pressent cependant le risque de s’en attribuer quelque origine, alors qu’elle est un don du Seigneur qui lui-même inspire la crainte et qui illumine son serviteur. L’orgueil a cette caractéristique de s’immiscer de manière subtile pour gâcher le meilleur en nous donnant de penser que nous en sommes l’auteur. Le psalmiste le laisse bien entendre lorsqu’il demande « Qu’il n’ait sur moi aucune emprise ». Oui, ces mots nous entrainent à la vigilance face à ce mal qui nous fait sortir d’une dépendance heureuse du Seigneur dont nous recevons tout, souvent à travers les autres, pour nous placer dans cette illusion de nous suffire nous-même, avec nos propres forces. Orgueil de la pensée qui s’estime supérieure et qui juge facilement ; orgueil de la chair qui s’illusionne de sa propre force ou puissance et qui méprise les plus faibles ; orgueil de la situation sociale qui oublie que ce qu’elle a est reçu et qui se replie sur ses richesses ; orgueil du pauvre qui s’enferme dans sa misère dans l’amertume et la révolte, orgueil du pécheur qui se refuse au pardon dans la difficulté de reconnaitre sa faute… En quelque sorte, de tous les côtés, l’orgueil peut venir piquer et nous prendre dans son filet, pour nous détourner de notre Dieu et de nos frères. Je conclurai avec ces mots du Pseudo-Macaire, un moine du 4°-5°s : « Si quelqu’un dit : ‘je suis riche, je suis mon maitre, j’ai fait fortune et je n’ai plus besoin de rien’, celui-là n’est pas chrétien, mais objet de mépris et instrument du diable. En fait dans la rencontre de Dieu, il n’y a pas de satiété ; plus on le goûte, plus on le découvre, et plus on est affamé et pris par une ardente passion pour Dieu ; plus on s’efforce de progresser dans cette rencontre, plus on se sent pauvre, démuni et privé de tout ; et l’on dit : ‘Je ne mérite pas que le soleil brille sur moi’. Voilà le signe du chrétien, voilà le signe de l’humilité » (Homélie 15, 37).
29. Ne pas rendre le mal pour le mal,
30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,
31. aimer ses ennemis,
32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,
33. souffrir persécution pour la justice.
R.B. 4, 29-33 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?
Ne pas rendre le mal pour le mal…supporter l’injustice…bénir au lieu de maudire, aimer ses ennemis. Avec ces instruments, nous sommes au cœur de l’évangile et de sa logique d’amour qui brise la logique du mal. Comme nous l’entendons tous ces midis, à travers la lecture des Routes de la Soie, la logique du mal est comme une spirale qui n’a d’autres fins que l’anéantissement de l’ennemi. On a reçu un coup, on va en donner deux fois plus. L’illusion de cette logique, son aveuglement profond est de croire qu’on peut exterminer le mal et la violence par le mal et la violence. Illusion mortifère qu’il faut souvent malheureusement, pour s’en débarrasser, pousser jusqu’au paroxysme de la violence et des destructions, pour enfin comprendre que tout ceci est vain. La seconde guerre mondiale avec ses destructions massives nous l’avait montré. Mais il semble que cette compréhension rationnelle ne suffise pas pour changer les cœurs des générations futures, et leur éviter d’entrer dans la même spirale de la violence, comme nous le voyons sous nos yeux aujourd’hui encore. Sommes-nous des idéalistes, nous chrétiens, et particulièrement nous les moines, pour vouloir tenir cette logique évangélique de rendre le bien pour le mal et de supporter l’injustice plutôt que de vouloir nous faire nous-même justice ? Non, car il y va du fondement de notre foi : en Jésus, le mal a été vaincu par l’amour. Mais comment est-il possible d’avoir une telle ligne de conduite ? Pour ne pas nous faire illusion nous-mêmes, la première chose est de reconnaitre que, laissés à nos seules forces, nous en sommes incapables. Cette logique évangélique n’est pas le fruit de nos réflexions et de notre bonne volonté. Que nos réactions immédiates à la moindre petite parole ou geste qui nous dérange ou nous blesse, suffisent à nous en convaincre. Nous sommes si susceptibles et si peu enclins à supporter l’offense ! Cette logique évangélique qui veut et fait du bien à celui qui ne nous en a pas fait, est un don à demander à Celui-là seul qui en ouvert le chemin. De Jésus Vivant qui a vaincu le mal par son amour sur la Croix, de Lui seul peut nous venir la force d’aimer nos ennemis et de leur faire du bien. Si nous voulons entrer dans la spirale qui répond au mal par le bien, il nous faut beaucoup contempler Jésus et le prier pour recevoir ce qui ne peut venir que de son Esprit Saint. Lui seul peut nous donner de transformer l’offense, et toutes les amertumes qu’elle génère, en énergie d’amour qui retourne la situation et ouvre une voie de pardon. La question qui nous est posée est peut-être : avons-nous le désir d’entrer sur cette voie ? En ces jours de carême, demandons à l’Esprit de nous guider à travers la faiblesse reconnue de notre cœur. Laissons-le libérer en nous de nouvelles forces d’aimer.