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10. Aux heures du jour, celui qui n'arrivera pas à l'œuvre de Dieu après le verset et le gloria du premier psaume qu'on dit après le verset, ceux-là, suivant la loi que nous avons dite plus haut, se tiendront au dernier rang,
11. et ils ne se permettront pas de se joindre au chœur de ceux qui psalmodient, jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, à moins que l'abbé n'en donne permission en accordant son pardon,
12. non sans que le coupable fasse satisfaction, cependant.
13. A table, celui qui ne sera pas arrivé pour le verset, en sorte que tous disent ensemble ce verset, fassent l'oraison et se mettent tous à table au même moment,
14. celui qui ne sera pas arrivé par suite de sa négligence ou d'une faute, on le reprendra pour cela jusqu'à deux fois.
15. Si ensuite il ne s'amende pas, on ne lui permettra pas de partager la table commune,
16. mais on le séparera de la compagnie de tous et il prendra son repas seul, avec privation de sa ration de vin, jusqu'à satisfaction et amendement.
17. Même sanction pour celui qui ne sera pas présent au verset que l'on dit après avoir mangé.
Plusieurs fois dan les passages entendu ainsi que dans tout le chapitre, on parle de s’amender, d’amendement ou encore de se corriger. En latin, c’est le même mot qui est là : emendare, emendatio que l’on pourrait traduire mot à mot par « se détacher de la faute, ou sortir de la faute ».
A travers les mesures que Benoît propose pour les retardataires (mise à l’écart, remarques, séparation de la table commune) se fait jour fortement son souci de voir les frères progresser et de ne pas retomber toujours dans la même faute.
Notre vie monastique se présente en effet comme une pédagogie qui veut tous nous tirer vers le haut. Elle veut nous aider à sortir de nos défauts ou de nos difficultés que la vie commune se charge de mettre en évidence. Aussi avons-nous ce réflexe salutaire lorsque nous sommes pris en défaut (de retard, d’oubli ou de négligences diverses) de nous demander comment vais-je pouvoir me corriger ? Vouloir progresser et lutter contre nos défauts peut devenir pour chacun de nous un levier efficace de croissance spirituelle. Au lieu de nous endormir, nous nous tenons en éveil pour recueillir la grâce que Dieu offre toujours afin d’avancer. Et chemin faisant, on apprend à marcher dans une attention toujours plus fine à ce que nous sommes et à ce que l’Esprit nous invite à vivre. C’est une vraie joie de progresser. Et il n’y a pas à craindre l’orgueil d’être arrivé. Car ce n’est qu’une illusion. Plus on avance, plus on mesure l’écart qui nous sépare d’une vie d’amitié profonde avec le Christ.
Comment nous aider à avancer et à nous corriger ? Du point de vue communautaire, je vois deux moyens qu’il ne faut pas trop vite mépriser. Le premier est la chapitre des coulpes du vendredi. Un frère vraiment désireux de progresser par rapport à une difficulté, s’il s’en accuse, prend la communauté à témoin de son désir de se corriger. Cela peut être un vrai appui pour lui. Le second moyen est d’observer pour les retards notre coutume de rester à la porte de l’Eglise une fois les tintements du début de l’office commencés et de ne rejoindre sa place qu’après le « Dieu viens à mon aide ». De même au réfectoire, une fois le chant commencé, on reste à la porte jusqu’au coup de gong. Ces moyens très simples nous rappellent que notre retard trouble la communauté. Ils veulent nous faire sentir par le corps la gêne occasionnée. Ne les négligeons pas. (2011-07-26)
4. Celui qui, aux vigiles nocturnes, arrivera après le gloria du psaume quatre-vingt-quatorze, – que nous voulons qu'on dise, pour cette raison, à une allure tout à fait traînante et lente, – celui-là ne se tiendra pas à sa place au chœur,
5. mais il se tiendra le dernier de tous ou à l'endroit séparé que l'abbé aura assigné aux négligents de son espèce pour qu'ils soient vus de lui et de tous,
6. jusqu'à ce que, l'œuvre de Dieu achevée, il fasse pénitence par une satisfaction publique.
7. Or si nous avons décidé qu'ils devaient se tenir au dernier rang ou à part, c'est pour qu'ils soient vus de tous et qu'ils se corrigent au moins sous l'effet de la honte.
8. Si d'ailleurs ils restent hors de l'oratoire, il s'en trouvera peut-être un qui se recouchera et dormira ou qui s'assiéra dehors à l'écart, passera son temps à bavarder et donnera occasion au malin.
9. Mieux vaut qu'ils entrent au dedans, de façon à ne pas tout perdre et à se corriger à l'avenir.
Les retards à l’office. La manière soigneuse avec laquelle Benoît examine la question montre que ce problème n’est pas d’aujourd’hui. Il rejoint en nous, en chaque homme une résistance profonde. Nous peinons à marcher au pas de Dieu. Nous peinons à accorder notre vie à la sienne. Notre vie monastique radicalise cela en nous donnant des rendez-vous précis avec notre Dieu, afin d‘apprendre à vivre toute chose avec lui et en lui. L’exigence est forte, surtout à nos yeux d’hommes du 21° siècle qui révèrent tant l’efficacité et l’utilité. Les ruptures que les offices instaurent dans nos journées nous obligent à un profond changement de mentalité. Ce n’est plus nous qui imposons le rythme. Non nous apprenons à entrer dans le rythme d’une vie qui se reçoit de la Parole. Il y a une inversion des valeurs. La qualité de notre vie ne va plus dépendre du travail que « l’on abat » mais de notre disponibilité à la parole qui est semée à chaque office. Se « recevoir » de la parole, marcher au pas de Dieu en l’écoutant, c’est là que nos vies vont devenir vraiment fécondes. Nos retards, surtout quand ils sont répétitifs, mais aussi nos manières d’arriver toujours très justes manifestent notre résistance profonde à entrer dans cette dynamique d’écoute. On me dira : « Oui, mais le travail, il faut bien le faire et parfois cela ne peut pas attendre ». S’il y a parfois des urgences exceptionnelles, en temps normal le travail doit apprendre à s’organiser dans ce cadre. Et la question peut rebondir : comment est-ce que nous vivons le travail ? Le vivons nous comme si nous étions les seuls maitres à bord ou bien le vivons nous comme un don de nous-mêmes qui inclue une écoute de notre Dieu ? Pendant le travail, marchons nous aussi au rythme de Dieu, ou bien courrons nous en nous essoufflant pour abattre toujours plus de besogne. Le défi n’est pas facile à relever, surtout dans notre contexte actuel où les informations et les communications sont nombreuses. Mais je crois que c’est au prix de ce recentrement sur l’écoute et l’attention à notre Dieu dans le travail et nos rencontres, que nos vies vont trouver leur profonde assise et fécondité. Le temps de l’office sera la célébration de cela. Il en recueillera tous les fruits. (2011-07-22)
1. A l'heure de l'office divin, dès qu'on aura entendu le signal, on laissera tout ce qu'on avait en main et l'on accourra en toute hâte,
2. mais avec sérieux, pour ne pas donner matière à la dissipation.
3. Donc on ne préférera rien à l'œuvre de Dieu.
« Ne rien préférer à l’œuvre de Dieu » Nous sommes invités là, à visiter en profondeur nos inclinations et nos choix, nos consentements, nos préférences quand la cloche sonne, qu’est-ce qui se passe pour moi ? Qu’est-ce que j’entends ? Un signal gênant qui vient troubler mes activités ou bien un appel à entrer dans une autre manière de voir les choses ? Ce que je fais est important mais il est plus important d’être capable de s’arrêter pour se resituer dans la vérité du temps qui passe et dans la lumière de cette heure qui, célébrée à la gloire de Dieu, redonne au temps sa profonde dynamique d’une marche accompagnée. Nous arrêter, c’est nous remettre dans la juste mesure du temps, qui n’est pas un produit de consommation dont il faudrait consommer la moindre parcelle de seconde. Nous arrêter pour chanter Dieu, c’est reprendre souffle, respirer de nouveau au rythme de Dieu, au cas où les soucis de la vie nous auraient donné l’illusion que nous étions seuls sur la route et essoufflés de devoir toujours courir.
On le mesure bien, ne rien préférer à l’œuvre de Dieu, ce n’est pas seulement s’efforcer d’être à l’heure à l’office, mais c’est consentir de tout son être à vivre dans le temps, non pas en consommateur inassouvi ou en bolide qui fonce tête baissée, mais plutôt en marcheur qui se sait accompagné et guidé. Le sens de la marche, son goût, sa beauté ne se réduisent pas à ce que le temps soit complètement rempli, bouclé, mais à la qualité de la marche en présence de Dieu qui est à nos côtés par son Esprit Saint, en présence de nos frères aussi. Bienheureuse rupture de l’office qui peut nous apprendre à ouvrir les yeux sur la réalité de notre temps pour Dieu et avec Dieu. Bienheureuse rupture qui peut nous aider à nous recaler et à sortir de nos ornières pour de nouveau choisir, préférer la vie dans la lumière de Dieu. (2011-07-19)
5. Si c'est un jour de jeûne, une fois les vêpres dites, après un petit intervalle on passera à la lecture des Conférences, comme nous l'avons dit ;
6. on lira quatre ou cinq feuillets ou autant que l'heure le permettra,
7. tandis que tous se rassemblent grâce à ce délai de la lecture, si l'un ou l'autre était pris par une fonction à lui confiée, –
8. donc une fois que tous seront réunis, ils célébreront complies, et en sortant des complies, on n'aura plus désormais la permission de dire quelque chose à quiconque, –
9. si quelqu'un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère, ;-
10. sauf s'il survient une nécessité du fait des hôtes ou que l'abbé vienne à commander quelque chose à quelqu'un.
11. Cependant cela même devra se faire avec le plus grand sérieux et la réserve la plus digne.
En écoutant ces lignes, on pourrait se demander pourquoi une telle insistance sur le silence après complies ? A cause de la tradition sûrement. Pour éviter des tentations multiples aussi. Mais je pense qu’il y a une sorte de réflexe anthropologique à vouloir instaurer une telle limite. Une limite qui distingue nettement et sans ambigüité le temps du jour et celui de la nuit. Cette limite du point de vue physique peut être variable en fonction des saisons. Si elle peut être atténuée grâce aux lampes à huile et maintenant grâce à l’électricité, la prescription du silence total après l’office de complies vient la renforcer et l’établir sans équivoque. Cette limite inscrit fortement le moine dans le rythme cosmique et le fait entrer dans une perception des choses plus profonde. Il y a un temps pour faire des choses, et il y a un temps pour se reposer. Il y un temps pour être actif et un temps pour être passif. Il y a un temps pour parler et il y a un temps pour se taire et écouter davantage. Enter dans cette alternance en consentant à la limite, donne à notre vie une autre profondeur. En acceptant cette limite du grand silence, en acceptant de ne plus travailler après complies et de laisser les activités du jour, nous vivons concrètement le lâcher prise. Nous entrons dans une remise très concrète de notre vie à Dieu dans le silence, le repos, la prière. Nous acceptons de ne plus être les maîtres de notre vie. Cette limite consentie du grand silence transforme en un acte d’obéissance à Dieu, ce qui pourrait être qu’une machinale sujétion au rythme naturel. La limite ici nous oblige à saisir le sens de notre vie à une autre dimension. Notre vie ne change pas dans son rythme, mais prend toutes ces harmoniques.
Soyons heureux d’avoir de telles limites dans notre vie. Elles nous apprennent à nous ouvrir à une autre dimension de notre existence qui ne se réduit pas à ce qu’on dit ou ce qu’on fait. Elle est aussi comme une terre qui a besoin de repos, de silence pour que puisse se réaliser les germinations profondes. Ne méprisons pas ce temps de silence de la nuit ni les espaces et les temps de silence que nous propose notre rythme monastique. C’est à ce prix que notre vie trouvera peu à peu toute sa fécondité, sa belle profondeur. (2011-07-15)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
7. En carême, jusqu'à Pâques, le repas sera à vêpres.
8. Cependant les vêpres seront célébrées de telle façon que l'on n'ait pas besoin au repas de la lueur d'une lampe, mais que tout s'achève à la lumière du jour.
9. Et de même en tout temps, l'heure du souper ou du repas sera suffisamment tôt pour que tout se fasse à la lumière.
Ce chapitre parle des repas, de leur horaire, avec en filigrane la question du jeûne. N’ayant pas eu beaucoup de temps pour préparer, je reprends un chapitre déjà donné ; il y a quelques années, au sujet de notre manière de manger et notamment au libre service.
Je voudrai relever trois écueils. Manger, nous avons cela en commun avec les animaux et pourtant nous ne voulons pas manger comme les animaux. Toute l’éducation consiste dans cette humanisation de l’acte de manger. Et pourtant chemin faisant, de vieux réflexes reviennent parfois et l’on risque de « bouffer » au lieu de manger. Je vois trois tentations possibles, la tentation du chien, celle de l’écureuil et la tentation du sanglier !
La tentation du chien est celle de dévorer la nourriture, d’enfiler son repas sans lever la tête sans se soucier de ses voisins, d’ingurgiter le plus vite possible et parfois le plus possible. Contre cela, il est bon de lever la tête, de prendre de la distance par rapport à son assiette, d’être attentif à ses voisins et de s’attendre, de manger en rendant grâce à Dieu.
La tentation de l’écureuil est sensible au libre service surtout. Je me sers et je fais des réserves d’un bon plat parce que si j’attends, en aurai-je encore ? J’entasse, je prends beaucoup et peut en aurais-je trop, alors je remets un bout de fromage sur le chariot ou un fruit etc. Faire des réserves et remettre des aliments à moitié mangé. Contre cette tentation, peut-être est-il bon de manger en accueillant ce qui est proposé sans le retenir, ni l’accaparer. Apprendre être libre, accueillir avec action de grâce quand il y a et des bonnes choses et des moins bonnes.
La tentation du sanglier est encore autre. Le sanglier, on le sait, remue, retourne des champs pour y trouver des vers et des racines. En libre service, la tentation est là de remuer, retourner, fouiller dans la corbeille à pain ou dans le bac à salades pour y chercher (je n’espère pas des vers) mais de belles feuilles, ou dans le cageot de fruits pour choisir une belle pomme. Comme le sanglier, on fouille, plutôt que de prendre ce qui vient. Il est bon alors de penser au frère après moi qui n’a pas envie de manger ce que plusieurs ont tâté avant lui, comme moi-même je n’aime pas ce que d’autres ont fouillé.
Trois tentations qui nous ramènent à des réflexes de l’animal en nous et contre lesquels il nous est bon de savoir résister. Et quand nous nous sentons faibles, invoquons le Christ venu sauver des hommes malades. (2011-07-12)
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
7. puisque « le vin fait apostasier même les sages. »
8. Quand les conditions locales feront que l'on ne puisse même pas trouver la quantité indiquée ci-dessus, mais beaucoup moins ou rien du tout, les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas.
9. Car nous recommandons ceci avant tout : qu'on s'abstienne de murmurer.
« Les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas ». Bénir Dieu ou murmurer : telle est l‘alternative que Benoît envisage quand on ne pourra pas se procurer de vin pour le repas. Si le murmure apparait être le mouvement spontané qui monte au cœur, Benoit recommande vivement qu’on s’en abstienne et qu’on bénisse plutôt Dieu. Tout se passe comme si une position neutre était difficile sur un sujet aussi sensible que le vin. Dans ce couple « bénir –murmurer », nous avons une expression assez fréquente de notre combat intérieur quand surviennent des contrariétés, ou une difficulté ou une remarque : comment réagissons-nous ? Que le premier mouvement soit d’énervement ou d’impatience, cela n’a rien d’étonna nt quand la chose est importante et qu’elle engage la vie de la communauté, dans une situation ou une décision qui nous gêne, allons-nous résister et murmurer ? Ou bien allons-nous essayer de prendre de la hauteur en remettant tout cela sous le regard de Dieu ? Bénir Dieu, va même jusqu’à proposer Benoît. Entre les deux attitudes, nous mesurons bien la différence de couleur et de goût. D’un côté le murmure a un effet rongeur, il obscurcit le regard qui fait que l’on voit tout en noir et que tout devient matière à critique et contestation. Il recouvre notre quotidien d’une chape de tristesse et rend notre vie pesante. De l’autre côté, se placer dans la contrariété ou dans l’adversité, sous le regard de Dieu ne fait pas s’évanouir la difficulté, mais cette disposition du cœur et de foi nous aide à remettre les choses à leurs justes places : qu’est-ce que ne pas avoir ceci ou ne pas pouvoir faire cela au regard de la joie qu’il y a à chercher à faire la volonté de Dieu ? Se placer dans la contrariété sous le regard de Dieu, c’est lui remettre ce qui nous peine ou nous fait souffrir. Cette attitude de confiance et de prière nous libère de notre prétention secrète et tenace à être les maitres de notre vie. C’est le Seigneur qui nous conduit à travers la communauté, la Règle et notre vie monastique. C’est ainsi que nous avons choisi de le laisser nous guider, à travers les joies, mais aussi les contrariétés et adversités de toutes sortes. Qu’il nous vienne en aide !! (2011-07-07)
1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
Ce chapitre sur la boisson et la manière avec laquelle Benoît aborde la question, peut nous faire réfléchir sur le lien qu’il y a entre le don de Dieu et la pratique communautaire.
Benoît dit que chacun reçoit de Dieu un don particulier ; ainsi au sujet de la boisson, l’un aura un besoin plus ressenti alors qu’un autre pourra s’en passer. Cette manière spirituelle de voir les choses dans la lumière de Dieu est heureuse. Elle nous engage à ne pas juger selon des critères moraux, des façons différentes de se situer par rapport à la nourriture ou à la boisson. Dieu sait vraiment ce qu’il a donné à chacun.
En même temps, Benoît exprime une conviction ascétique qui veut que le vin ne convienne pas aux moines, car le risque est là de l’ivresse ou de la légèreté qui fait perdre aux moines leur propos de conversion. Soit positivement l’abstinence permet au moine d’acquérir une récompense particulière. Quelle pratique commune est dès lors possible ? Benoît accepte de prendre un profil bas par rapport à sa conviction ascétique, en permettant de boire le vin habituellement, mais sobrement. Semble-t-il à l’époque, une pratique commune en conformité avec l’idéal entrevu n’était pas possible. Ce constat peut nous aider à mieux considérer notre pratique actuelle sur le sujet. Habitant dans une région non viticole et héritier de la tradition du Père Muard, nous sommes portés par une pratique de consommation de vin, limitée aux jours de fête. Cette pratique façonne une manière d’être et de vivre en communauté dans laquelle nous nous retrouvons bien. Une vraie sobriété et en même temps une vraie joie de fête. La grâce de cette pratique communautaire est de nous tirer tous ensemble vers le haut. La sobriété des jours ordinaires nous redit que nous sommes en chemin, en marche pour chercher Dieu et son Royaume qui n’est pas de cette terre. Et la joie des jours de fête contribue à élargir notre action de grâce à Dieu notre Père qui désire le bonheur de ses enfant dès ici-bas. Nous pouvons nous réjouir d’être portés par cette pratique que nous recevons de nos pères qui allie sobriété et joie. Elle nous entraine dans notre faiblesse à demeurer tournés vers l’essentiel sans nous assécher. Elle nous prend chacun avec vos donc particuliers dans un même dynamisme humain et spirituel. (2011-07-06)
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Après l’insistance sur le « il suffit » de la première partie de ce chapitre, qui donne une norme commune, Benoît en vient à considérer les exceptions. Il ya celle dû à l’excès de travaux pour lequel l’abbé peut permettre une ration supplémentaire. Il y a ensuite la prise en compte des enfants d’âge tendre et des malades. A chaque situation, doit correspondre des adaptations appropriées du menu.
Ces dispositions de la Rège sont heureuses et pleines de sagesse. Elles disent l’attention de la communauté pour chacun. Elles peuvent nous aider, et à accepter les exceptions, et à recevoir ces régimes particuliers comme un don sans avoir à se servir soi-même.
Sans envie, ni jalousie, nous pouvons accepter les exceptions permises aux frères qui en ont besoin. La Règle veut permettre de répondre aux besoins vitaux sans favoriser les caprices. Les frères qui n’ont pas de besoins particuliers doivent surtout se réjouir d’être en bonne santé et pouvoir se contenter du régime communautaire.
Par ailleurs, ceux qui ont besoin de régimes doivent apprendre à tout recevoir comme un don. Autant ils doivent exprimer leur besoins autant ils le feront sans exigence exagérée. L’attention qui est requise ici est de ne pas prendre l’habitude de se servir soi-même. Il revient aux cuisiniers et à l’infirmier de veiller à ce que les frères aient ce qui est nécessaire. Je regrette de voir de temps en temps des frères se lever de table pour aller chercher telle ou telle chose qui leu r manque. Si cette chose est nécessaire elle devrait être prévue à l’avance avec les frères compétents. Si elle n’est pas nécessaire qu’on se contente de ce qui est donné. Mais qu’on évite de se lever pour se servir soi-même. Le repas commun n’est pas un libre-service. Il nous inscrit dans un vivre ensemble qui façonne très profondément notre être communautaire. Il nous donne de vivre de cette grâce par laquelle on se sert les uns les autres, et non en se servant soi-même. (2011-07-03)
1. Nous croyons qu'il suffit à toutes les tables pour le repas quotidien, qu'il ait lieu à sexte ou à none, de deux plats cuits, en raison des diverses infirmités,
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
« Il suffit » : cette parole de Benoît sonne étrangement à nos oreilles contemporaines si souvent habituées à entendre dans le contexte de notre société de consommation : « toujours plus » ou « jamais assez ». Si nous sommes un peu attentifs à notre ressenti, à ce que nous vivons, il n’est pas rare que nous percevions ce dilemme entre le « il suffit » et le « toujours plus – toujours mieux ». Le « il suffit » de la Règle nous engage sur une voie de sobriété, voire de renoncement à nos rêves de toute puissance et le « toujours plus – toujours mieux » qui régit notre société de consommation nous tire vers une course de plus en plus rapide pour posséder le dernier produit sorti. Il ne faut pas être surpris qu’il y ait un dilemme et que ce dilemme nous gêne, voire nous écartèle. Ne pas ressentir ce dilemme serait inquiétant. Cela signifierait que l’on a pris ses libertés avec notre Règle de vie et que l’on consomme sans scrupule. Notre Règle de vie nous pose en situation de résistance par rapport à l’esprit ambiant de notre société de consommation. Ce « il suffit » nous engage sans grand éclat de voix dans une attitude prophétique dans notre monde actuel. La Règle nous entraine à nous contenter de peu pour ne pas manquer de l’essentiel. Nous choisissons d’avoir des voitures bas de gamme. Nous ne recherchons pas le dernier ordinateur ou le dernier programme à la mode. Nous n’avons pas le réseau pour le téléphone portable et nous en sommes heureux. Nous choisissons de ne pas avoir tous les objets ou appareils à usage personnel mais de les mettre en commun (appareil photos, appareil audio etc)
Nous avons une nourriture partagée ensemble et nous ne faisons pas de réserve personnelle. Si nous avons besoin de quelque chose, nous le demandons, nous ne nous servons pas nous-mêmes. Voilà quelques aspects de ce que ce « il suffit » implique très concrètement dans notre vie quotidienne. Vivre cela, c’est demeurer dans cet esprit de liberté à l’égard des biens pour ne pas les accaparer ou les convoiter. A certains jours la tentation est là de prendre, de nous servir nous-mêmes, de faire comme tout le monde d’avoir toujours plus. Que l’appel de l’Evangile à être libres à la suite du Christ nous garde sous sa lumière et sous sa joie pour une vie sobre. (2011-06-25)
5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.
6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.
7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.
8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,
9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.
10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.
11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.
12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.
Benoît préconise le silence au réfectoire, comme à l’église. Le climat de recueillement doit être de même qualité, de même écoute. Le temps du repas durant lequel on entend une lecture ne nous sort pas de ce climat d’écoute dans lequel nous désirons demeurer. Nous en mesurons la chance et pour rien au monde, nous ne souhaiterions avoir un repas en parlant. Il est intéressant de voir qu’on cherche à promouvoir des « diners en silence ». La Croix de mardi 21 rapportait l’initiative proposée à de jeunes cadres « surbookés », très occupés, de diner en silence. Au-delà du côté un peu chic de la chose, on peut entendre une recherche pour une autre façon de vivre, plus profondément plus vraie. Le repas en silence permet une autre approche du fait de manger. L’article disait « On se surprend à prendre le temps de mâcher, de goûter chaque bouchée, chaque geste prend de l’importance ». Nous savons cependant que ce n’est pas automatique et que cela requiert un vrai silence intérieur. SI des pensées nous travaillent ou nous préoccupent, alors on ne goûte plus vraiment les choses. De même on n’écoute plus vraiment la lecture et on ne fait pas attention à ses voisins. Le silence extérieur a pour but de nous conduire à ce silence intérieur qui est ouverture et accueil. Si à l’intérieur, le roulement des pensées et des soucis captive notre attention, le silence espéré laisse place alors à un grand vacarme.
Ainsi le silence extérieur nous engage à un lâcher-prise, à un décentrement de nous-mêmes ou alors il nous laisse prisonnier de notre brouhaha et de notre cinéma intérieur. Au réfectoire, comme à l’église, les lectures sont des points d’appui pour ouvrir nos horizons intérieurs. Le récit d’histoires humaines, les témoignages de foi nous déplacent d’eux-mêmes. Si nous y consentons, nous pouvons faire l’expérience heureuse de nous élargir. Nous nous élargissons par les connaissances reçues, mais aussi par les multiples résonnances que la lecture trouve dans notre vie. Nous nous élargissons encore en communiant les uns avec les autres, mais aussi à travers notre présence les uns aux autres. Nos repas en silence sont alors de vrais moments de joie et de communion dans le fait de manger et d’écouter ensemble. (2011-06-25)