vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 60, v 1-9 Des prêtres écrit le 21 septembre 2011
Verset(s) :

1. Si quelqu'un de l'ordre des prêtres demande à être reçu au monastère, on n'y consentira pas trop vite.

2. Toutefois s'il persiste absolument dans cette supplication, il saura qu'il devra observer toute la discipline de la règle

3. et qu'on ne lui en relâchera rien, pour que ce soit comme dans l'Écriture ;: « ;Ami, pourquoi es-tu venu ;? ;»

4. Toutefois on lui accordera de se placer après l'abbé et de bénir ou de conclure les oraisons, si toutefois l'abbé l'y autorise ;;

5. sinon, il ne se permettra rien du tout, sachant qu'il est soumis aux sanctions de règle, et il donnera plutôt à tous des exemples d'humilité.

6. Et si jamais il est question au monastère de nominations ou d'autre chose,

7. il regardera comme sienne la place qu'il a de par son entrée au monastère, non celle qui lui a été accordée par respect pour son sacerdoce.

8. Quant aux clercs, si l'un d'eux, animé du même désir, veut être agrégé au monastère, on les placera à une place moyenne,

9. à condition toutefois qu'ils promettent eux aussi l'observation de la règle et leur propre persévérance.

Commentaire :

On retrouve dans ce chapitre la même réserve déjà observée au sujet de l’entrée du nouveau venu. Quand un prêtre demande à s’agréger à la communauté, « on n’y consentira pas trop vite ». Prudence donc, pour s’assurer des motivations de la personne qui a, par son sacerdoce, une place un peu à part. La prudence de Benoît est motivée par son souci de ne pas permettre une altération de l’esprit monastique. Ici il ne se situe pas d’abord au plan des observances à vivre même si elles sont bien prises en compte. Il est soucieux de sauvegarder avant tout l’esprit d’humilité, humilité du prêtre et humilité dans la communauté. Si le prêtre reçoit par respect pour son sacerdoce, une place plus honorable, il est invité à donner des exemples d’humilité. La vigilance apportée sur les questions de préséance montre combien Benoît souhaite qu’il n’y ait pas de confusion dans l’esprit des frères. L’essentiel n’est pas dans la place reçue par respect de son sacerdoce, mais dans la place que le prêtre doit occuper de par son entrée au monastère.

Ces notations nous redisent bien à chacun, que l’important n’est pas dans la place qui nous vient de nos fonctions ou de nos rôles dans la communauté. Non chacun est d’abord un disciple qui a été appelé par le Christ. C’est cet appel qu’il doit faire fructifier avant tout. S’il y a une valeur à ne jamais perdre de vue c’est celle-là. La valeur que nous donnent nos fonctions, le sacerdoce ou nos rôles peut nous bercer dans l’illusion si nous n’y prenons garde. Comme tout moine, chacun de nous doit demeurer à l’écoute de la Parole, l’oreille toujours tendue pour reconnaitre dans sa vie, la voix du Christ, et se laisser saisir par lui. « Ami pourquoi es-tu venu ? ». Oui c’est pour grandir dans l’amitié avec le Christ que nous avons choisi cette voie. (2011-09-21)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 59, v 1-8 Des fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts !! - écrit le 20 septembre 2011
Verset(s) :

1. Si un noble vient à offrir son fils à Dieu au monastère, si l'enfant est d'âge tendre, ses parents feront la pétition dont nous avons parlé plus haut,

2. et ils envelopperont cette pétition et la main de l'enfant dans la nappe de l'autel avec l'oblation, et ils l'offriront ainsi.

3. Quant à ses biens, ou bien ils promettront sous serment, dans la pétition en question, que jamais par eux-mêmes, ni jamais par le tuteur qu'ils auront désigné, ni d'aucune manière, ils ne lui donneront ni ne lui fourniront l'occasion d'avoir un jour quelque chose. –

4. ou encore, s'ils ne veulent pas faire cela et entendent offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur récompense,

5. ils feront donation au monastère des biens qu'ils veulent donner, en se réservant, s'ils le veulent, l'usufruit.

6. Et l'on coupera ainsi tous les ponts, de façon qu'il ne reste à l'enfant aucune idée qui puisse le séduire pour sa perte, ce qu'à Dieu ne plaise ! C'est ce que nous avons appris par expérience.

7. Ceux qui sont plus pauvres feront de même.

8. Quant à ceux qui n'ont rien du tout, ils feront simplement la pétition et offriront leur fils avec l'oblation devant témoins.

Commentaire :

Ce chapitre est apparemment obsolète, puisque nous n’accueillons plus d’enfants d’âge tendre comme au temps de Benoît. Mais il peut encore nous suggérer quelques réflexions concernant la place de nos familles dans notre engagement monastique.

Le rôle central que jouent les parents dans ce chapitre est à cet égard significatif. Nous les voyons faire eux-mêmes la pétition et envelopper celle-ci avec la main de l’enfant dans la nappe de l’autel avec l’oblation. Puisque l’enfant est encore trop jeune, ce sont les parents qui font l’acte d’offrande de leur fils.

Les recommandations au sujet des biens montrent jusqu’où doit aller le sacrifice consenti par les parents. Ils ne pourront plus avoir prise sur leur fils à travers un don ou un héritage qui lui reviendrait ensuite. Avec l’oblation de leur fils, ils doivent accepter que sa destinée leur échappe.

En vertu de cet engagement, l’enfant participe au même dynamisme spirituel que les moines adultes. Il va se recevoir totalement de Dieu à travers la communauté, et cela jour après jour !!

Sans vouloir calquer la situation décrite dans ce chapitre au sujet des parents, nous pouvons cependant dégager quelques similitudes.

Aujourd’hui le jeune adulte s’engage librement, qu’il ait reçu ou non le consentement de ses parents. Et pourtant, c’est un fait, les parents, les frères et les sœurs son impliqués dans notre profession. Notre engagement leur demande implicitement de consentir à la distance que notre vie demande, et d’accepter une nouvelle manière de vivre les relations.

S’ils y consentent, ils vont alors découvrir que la relation filiale ou fraternelle n’est pas rompue mais qu’elle peut trouver un autre visage, voire une autre profondeur reçue dans la foi.

S’ils n’y consentent pas, cela peut conduire à des ruptures (heureusement rares) souvent pénibles.

De même par rapport aux biens, aux cadeaux, ils doivent apprendre la distance et accepter que la famille qui subvient désormais à nos besoins, c’est le monastère, et que les cadeaux et dons appartiennent au monastère.

Nous le savons d’expérience, nos relations familiales se trouvent modifiées par notre profession. Nos familles sont amenées à faire un chemin qu’elles n’avaient pas imaginé.

Nous touchons là la force des paroles radicales du Christ sur les difficultés au sein de la famille que pourra rencontrer celui qui se met à sa suite.

(2011-09-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 24-29 De la façon de recevoir les frères - écrit le 17 septembre 2011
Verset(s) :

24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,

25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.

26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.

27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,

28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.

29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.

Commentaire :

Sans rien se réserver du tout .

Le rituel de profession se finit par le changement d’habit. Le jeune frère laisse ses vêtements et revêt les habits du monastère. Ce geste symbolise la renonciation à tout bien qu’il aura signifié auparavant par écrit, de telle manière qu’il ne se réserve rien du tout à lui. Ne rien se réserver .

Le coutumier rappelait, il y a peu, qu’on veille au libre –service à ne pas se réserver du dessert ou un plat, mais que l’on se serve au gré du repas. Tentation de faire des réserves, de retenir pour soi les bonnes choses, sans se soucier de ce qui restera aux frères.

Oui, tentation de capter, peut-être pour assouvir la peur de manquer ou bien la peur d’être démuni. Oui, le réflexe de la réserve qu’on accumule en nourriture, en papier, en vêtements, en objets de toute sorte est un réflexe de peur qui peut se transformer insensiblement en égoïsme quand tout se centre sur soi-même.

Mais pourquoi avoir peur ? Et de quoi avoir peur ?

En faisant profession, on lâche tout dans la belle confiance que Dieu, à travers la communauté, pourvoira. On accepte de se recevoir tout entier. Sans faire de réserve, on brûle tous ses vaisseaux.

Mais curieusement, la vie nous rattrape avec ses encombrements et la multiplicité des sollicitudes. Si nous n’y prenons pas garde, on se recrée un empire très personnel de choses, un monde à soi pour se protéger ?

Mais de quoi avoir peur ?

Pour ne pas nous laisser dominer par nos peurs ?

La Règle et nos coutumes nous entrainent à la vigilance. Et quand il faut remettre l’ancien en recevant du neuf, quand il faut rendre compte de ses dépenses et des choses que l’on reçoit. Oui nous devons nous exercer à la vigilance. Il serait dommage de vivre ces pratiques comme des brimades. Ce serait le signe que nous sommes devenus esclaves des choses, finalement prisonnier de nous-mêmes. Alors que nous sommes faits pour la liberté.

Oui ne laissons pas nous enlever la grâce de la liberté à laquelle veut nous conduire notre profession monastique.

(2011-09-17)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 9-16 De la façon de recevoir les frères - écrit le 15 septembre 2011
Verset(s) :

9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,

10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »

11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.

12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.

13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.

14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,

15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,

16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.

Commentaire :

Voici la loi sous laquelle tu veux servir dit Benoît en parlant de la Règle qui sera lue au novice plusieurs fois. Voici la loi .

Il y a deux jours aux Vigiles, nous entendions l’épître aux Galates nous rappelant que ce n’est pas la loi qui nous justifie, mais la foi en Jésus Christ crucifié. Benoît vit-il d’un autre évangile que celui de Paul ? Ou bien y a-t-il loi et loi ? Certainement le contexte dans lequel se situe Paul est il bien différent de celui de Benoît. Paul doit assurer le fondement de la foi en Jésus –Christ mort et ressuscité, fondement qui accomplit la loi de Moïse. Le croyant n’a plus besoin des pratiques.

Au niveau des fondations, Benoît entend offrir une proposition pour aménager le premier étage, pour poursuivre l’image de la maison. Sur les fondations de la foi en Christ peuvent se développer des maisons différentes dans leurs formes. La vie monastique est une de ces formes. Elle a son architecture propre, elle a donc une loi propre fondée sur la foi en Christ. Et cette loi ne vise à rien d’autres que de déployer les harmoniques de la foi.

Benoît utilise le mot militare quand il parle de vivre sous la loi de la Règle. C’est le langage militaire qui rappelle celui du prologue à propos des armes de l’obéissance.

Ce langage militaire place d’emblée notre vie monastique du côté du combat et de la lutte. Nous moines, nous choisissons de vivre notre vie chrétienne sous cette lumière là. La vie chrétienne comme un combat, combat de la foi, de la fidélité, combat de la charité, combat de l’Espérance. La Règle, notre loi, va nous aider à tenir dans ce combat. Elle va nous enseigner à nous donner vraiment et en même temps avec prudence. Elle nous laisse encore les armes à utiliser : l’obéissance, l’humilité, le service mutuel, mais aussi les instruments des bonnes œuvres.

Elle précise la manière de se comporter entre nous, avec l’abbé et entre frères.

Et Benoit insiste : vivre sous cette loi, si on la choisit vraiment c’est pour toujours. Si on a reconnu dans cette maison, le lieu où nous pouvons vivre notre foi, alors il faut persévérer. Car on ne joue pas avec sa vie chrétienne, c’est elle que l’ont veut déployer à travers la vie monastique. Vécue dans la lumière du combat, elle ne peut être exempte d’épreuves qui peuvent en retour nous apprendre la constance et la persévérance dans l’amour du Christ.

(2011-09-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 5-8 De la façon de recevoir les frères écrit le 14 septembre 2011
Verset(s) :

5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.

6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.

7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.

8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.

Commentaire :

En cette fête de la croix glorieuse, il est bon d’entendre ces lignes. En effet, le mystère de la croix et de la résurrection du Christ est la seule lumière qui permette de comprendre ce que nous dit Benoît.

Au nouveau venu, Benoît recommande que l’on ne transige pas avec la vérité de notre vie. Celle-ci comportera des choses dures et pénibles, pour celui qui cherche Dieu ; il ne peut en être autrement.

Les moines sont-il masochistes, à vouloir ainsi affronter des choses dures et pénibles ? Non ils veulent simplement être des disciples du Christ. Et le Christ nous montre que le chemin vers la vie passe par l’affrontement avec des forces de mort qui font obstacle, avec la souffrance et avec la mort.

Oui la croix du Christ, son combat pour demeurer fidèle jusqu’au bout, et sa résurrection fondent notre chemin monastique.

Si nous voulons chercher Dieu, c’est à la manière du Christ. Nous cherchons, non par curiosité, ni pour résoudre une énigme. Comme le Christ nous cherchons Dieu en écoutant sa Parole et en la laissant illuminer chacun de nos pas. Comme le Christ et en lui nous nous appliquons à l’œuvre de Dieu et à la prière, pour mieux nous tourner vers notre Père. Comme le Christ et en lui, nous nous appliquons à l’obéissance et aux pratiques d’humilité, dans le désir d’ajuster notre cœur à l’amour sans réserve qui nous est offert en premier.

Cette fidélité vécue avec le Christ et en lui nous fera nécessairement traverser des âpretés et des difficultés qui viennent le plus souvent de notre dureté de cœur ou de notre paresse. Nous peinons à être docile à la Parole et au souffle de l’Esprit. Mais dans la foi, nous savons que cette peine n’est pas vaine. Elle est chemin vers la vie, déjà là et déjà offerte à celui qui s’y laisse introduire pair le Christ.

Comme le dit la belle hymne des vêpres que nous chantons le dimanche. Le Christ nous introduit dans la vie, car il est celui en qui l’amour de Dieu se donne, espace ouvert, pays sans borne, mais dont la croix toujours marque l’entrée .

(2011-09-14)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, v 1-4 De la façon de recevoir les frères - écrit le 13 septembre 2011
Verset(s) :

1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,

2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»

3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,

4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.

Commentaire :

On pourrait résumer les propos de ce début de chapitre ainsi : surtout pas d’illusions !!

La volonté est forte en effet d e démasquer tout ce qui pourrait n’être qu’illusion dans le désir exprimé par le nouveau venu d’entrer au monastère. La méthode recommandée nous étonnera toujours. Les mauvais traitements infligés et les difficultés d’entrée . Dès le début une sorte de radicalité est posée sans état d’âme. Le nouveau venu est mis d’emblée face aux choses extrêmes qu’il pourra rencontrer plus tard s’il persévère. Ainsi on traduit en français par mauvais traitement, les injures dont parle le chapitre 7 au 4° degré !! Ce sont les injustices dont un jour ou l’autre, tout moine se voit ou se croit être l’objet. La pédagogie mise en œuvre ne consiste pas à éviter les injustices, mais à les provoquer pour éprouver où se situe le nouveau venu. Est-il de ceux qui ne se supportent pas et qui s’insurgent, ou est-il de ceux qui ont déjà perçus que, les injustices ne manquant jamais, la vie avec Dieu consiste à apprendre à les traverser dans l’humilité ?

Si aujourd’hui, nous ne nous sentons pas accordés à ce type de pédagogie musclée, nous devons cependant garder en vue la dynamique profonde.

Comment celui qui arrive fait-il face aux contrariétés ? Sur qui met-il son appui, en lui-même ou en Dieu, et dans l’ouverture au maitre des novices ?

Face aux difficultés, son désir de servir Dieu peut-il s’approfondir et s’enraciner dans un amour plus personnel du Christ ?

D’emblée le nouveau venu est engagé, hier comme aujourd’hui, dans une lutte sans complaisance avec tout cet imaginaire qui l’encombre. Les contrariétés et les difficultés viennent battre en brèche les images de la vie et les représentations qu’il se fait de lui-même.

La lutte ne fait que commencer et elle durera toute la vie.

Consentir à la réalité par amour du Christ, dans l’humilité et l’obéissance est le cœur de la pédagogie monastique et le moyen de progresser vers plus de liberté.

(2011-09-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 57, v 7-9 Des artisans du monastère - écrit le 10 septembre 2011
Verset(s) :

7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,

8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,

9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».

Commentaire :

Comment se garder de l’avarice, ce fléau qui peut s’insinuer facilement ? Benoît propose, à la suite du Maitre, une solution : vendre un peu moins cher nos produits que les séculiers.

Il est intéressant de voir que Benoît et le Maitre donnent ensuite de cette même pratique une justification différente. Le Maître dit que c’est par philanthropie que les moines consentent à ne recevoir qu’un prix inférieur à ce que requiert la justice (RM 85.5). Quant à Benoît, il invoque un motif plus théologique pour qu’ en tout Dieu soit glorifié . Ce motif est tiré de la première lettre de st Pierre (4,11) où l’expression est entendue dans un contexte plus large de service des autres fait au nom de Dieu, dans la conscience que la fin de toutes choses est proche (4,7).

Benoît semble vouloir dire : même dans ce domaine toujours délicat et ambigu du gain, Dieu doit être glorifié . C’est la marque que toute la vie du moine n’a pas d’autre préoccupation que de servir la gloire de Dieu et son honneur.

Ce rappel est bon à entendre pour nous aujourd’hui où nous avons l’habitude de distinguer les domaines avec leur logique propre : l’économie et sa logique, le spirituel et sa logique. Effectivement l’autonomie des domaines doit être maintenue pour une gestion saine de la réalité. Et en même temps, le souci de la gloire de Dieu, de son honneur et de la juste image que nous donnons de lui dans nos manières de vivre, doit rester comme une vive attention spirituelle pour chacun de nous. C’est lui avant tout que nous voulons servir.

Notre manière de nous rapporter aux autres, aux clients du magasin et aux hôtes de l’hôtellerie est elle empreinte de respect et de juste déférence ?

Notre manière de parler argent ou de négocier ou d’indiquer les prix fait-elle signe de notre liberté profonde ?

Finalement, en tout ce que nous vivons, donnons-nous à voir que l’essentiel qui nous habite le cœur, c’est la recherche de Dieu ?

Pour être sûr que nous sommes là, sachons éventuellement questionner nos frères qui travaillent avec nous, sur la justesse d’une parole ou d’une attitude. Sachons entendre les remarques qui sont faites.

Rechercher Dieu, c’est aussi cela : être toujours prêt à se remettre en question.

(2011-09-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, v 15-22 Des vêtements et de la chaussure des frères écrit le 31 août 2011
Verset(s) :

15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.

16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.

17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.

18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,

19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.

20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»

21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.

22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.

Commentaire :

On peut être surpris devant le ton que prend Benoît pour parler du vice de la propriété . Déjà au chapitre 33, il tonnait avec force sur le sujet.

Pourquoi une telle véhémence ?

Le parallèle de ce chapitre dans la Règle du Maître peut donner des pistes. Comme toujours le Maître développe chaque sujet en donnant des citations scripturaires et des arguments théologiques. A propos des moines qui sont tentés de dissimuler des objets et de s’approprier des biens, il cite l’exemple de Saphir et Ananie quand ils déposèrent tous leurs biens aux pieds des apôtres, ils furent jugés et condamnés à une mort subite à cause de ces possessions particulières qu’ils avaient frauduleusement soustraites (RM 82.21).

Dans une communauté où l’idéal est d’avoir tout en commun, la volonté de dissimuler un bien tout en simulant avoir tout donné était considéré comme une grave tromperie. On simule le don total, mais en fait on garde pour soi une partie. C’est une grave atteinte à la fidélité Dieu et à la confiance envers les frères.

En d’autres termes, le frère qui dissimule sous son lit des objets ou qui s’en procure par lui-même alors qu’il a promis par ses vœux de se donner et de se recevoir tout entier du monastère, n’est-il pas comme Saphir et Ananie, en train de tricher avec lui-même et de faire mentir sa profession ?

Cela est inacceptable, car cela blesse la confiance et fausse l’engagement fondamental de la vie monastique.

Celle-ci en effet, à la manière de la vie des apôtres et des premières communautés chrétiennes, veut être une sorte d’épiphanie de la communion fraternelle qui est le fruit de l’Esprit. Chaque frère s’engage par la profession à se donner et à se recevoir jour après jour.

Désormais tout est commun antre nous conclue le rituel de profession.

Ce qui est signifié le jour de notre profession doit être vécu et approfondi durant toute la vie. Avec le temps les tentations ne manquent pas de se ménager quelques arrangements par lesquels on peut tricher avec cette communion fraternelle.

Résister à ses tentations pour demeurer clair et limpide à l’égard des biens, creuse en nous une vraie liberté intérieure.

C’est la liberté des enfants de Dieu qui savent qu’ils se reçoivent tout entier de leur Père du Ciel !!

(2011-08-31)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, v 9-14 De la garde robe et de la chaussure des frères écrit le 30 août 2011
Verset(s) :

9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.

10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.

11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.

12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.

13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.

14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.

Commentaire :

« Ce qui est en plus, c’est du superflu ». La dernière fois, je soulignais un élément important de la pédagogie monastique qui est « d’apprendre à tout recevoir ». Aujourd’hui, les lignes entendues mettent en évidence un autre élément de notre pédagogie monastique « se libérer du superflu ». Le mot latin « superfluus » évoque ce qui est au dessus du flux, ce qui coule en abondance, ce qui déborde. Pour poursuivre l’image, le moine est appelé à demeurer léger dans le flux de la vie, sans se laisser encombrer par les choses, les objets et les préoccupations qui alourdissent inutilement sa marche. Etre des hommes du nécessaire pour demeurer toujours en quête de l’Unique nécessaire.

Chacun de nous doit veiller à ne pas laisser son espace s’encombrer au gré du flux et du reflux de la vie. Celle-ci se charge en effet de déposer, comme la mer sur une plage, quantité de choses. La recommandation de Benoît de rendre l’usagé quand on reçoit du neuf est précieuse. De temps en temps, faisons le vide pour ne pas thésauriser des choses du passé qui ne font plus vivre. S’il y a des documents ou des objets qui peuvent avoir un caractère d’archive, parlons en avec le frère archiviste, surtout s’il s’agit de choses qui concernent la communauté ou de pièces personnelles. Veillons au caractère sacré de notre cellule. Elle est le lieu de notre intimité avec nous-mêmes sous le regard de Dieu. Veillons à ne pas la laisser devenir un bazar ou un musée. Cet espace nous façonne et nous apprend à habiter avec nous-mêmes. S’il est trop désordonné ou encombré, il risque de n’être que le reflet de notre difficulté d’habiter avec nous-mêmes. C’est le signe qu’il y a là un combat à ne pas ignorer, mais plutôt à affronter.

La recherche de l’Unique nécessaire demande qui nous affrontions cette tendance récurrente à amasser. Elle voudrait faire de nous des hommes du flux, toujours bien en prise avec la vie qui se donne et non des hommes du superflu. (2011-08-30)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 55, v 1-8 De la garde robe et de la chaussure des frères écrit le 27 août 2011
Verset(s) :

1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,

2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.

3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.

4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –

5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –

6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.

7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.

8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.

Commentaire :



« Les moines ne s’en plaindront pas ». A propos du vêtement et des effets qu’il reçoit du monastère, le moine est appelé à être libre. Libre par rapport à des exigences de beauté ou de confort qui risquent de ne plus avoir beaucoup de rapport avec ce qu’il est venu chercher ici. Ces exigences que révèlent-elles ? Un désir de paraitre d’une certaine manière. Le désir d’être dans le vent, à la mode ou encore le désir de correspondre à telle image et pas à telle autre. Nous savons que l’exploitation de ces désirs est le ressort principal de la publicité. « Les moines ne s’en plaindront pas ». Là où le mouvement naturel nous porterait à nous plaindre, à avoir des exigences pour soigner notre image, la pédagogie monastique du « tout recevoir » est une école de liberté. Liberté à l’égard de cette illusion tenace du paraitre qui est sensible dans la tenue vestimentaire. Notre habit monastique dans sa simplicité, dans son uniformité aussi, veut nous sortir de ce souci illusoire d’un certain paraitre à la manière du monde. Sachons être accueillant à ce que nous propose le frère linger. Humblement nous renonçons à nous construire une image de nous-mêmes par les vêtements. Nous consentons à nous recevoir. Que nous sentions des résistances en nous n’a rien d’étonnant. Elles sont le signe de notre liberté encore en travail d’enfantement. Ne pas laisser nos résistances avoir le dernier mot nous rendra alors un peu plus libre. Quant à la tentation qui voudrait que l’on se débrouille par soi-même pour obtenir les vêtements que l’on désire, elle est une impasse qui nous laisse prisonnier de nos illusions de paraitre et d’autonomie. Faisons confiance à nos frères lingers, faisons confiance à notre pédagogie monastique du « tout recevoir ». Elle veut nous rendre libres !! (2011-08-27)