Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
1. A la porte du monastère on placera un vieillard sage, qui sache recevoir et donner une réponse, et dont la maturité ne le laisse pas courir de tous côtés.
2. Ce portier doit avoir son logement près de la porte, afin que les visiteurs le trouvent toujours présent pour leur répondre.
3. Et aussitôt que quelqu'un frappe ou qu'un pauvre appelle, il répondra Deo gratias ou Benedic ,
4. et avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre avec la ferveur de la charité.
5. Si ce portier a besoin d'aide, il recevra un frère plus jeune.
« Avec toute la douceur de la crainte de Dieu, avec la ferveur de la charité ». Ainsi le portier est-il invité à répondre à toute personne qui frappe à la porte du monastère. On retrouve dans ces mots la même qualité de présence et de sollicitude que l’on a déjà rencontrée dans le chapitre sur l’accueil des hôtes. Benoit désire que ses moines fassent appel au meilleur d’eux-mêmes quand ils iront à la rencontre des hôtes. Et le meilleur ici n’est pas d’abord une question de politesse, ce meilleur se présente comme le trop plein d’un cœur qui est habité par la douceur de la crainte de Dieu et par la ferveur de la charité. Quand on lit ces lignes apparait nettement combien l’accueil s’intègre à la vie du moine. Il n’est que l’expression de sa vie profonde ou alors il n’est plus vraiment monastique. Benoit mentionne le risque de voir un portier qui courre de tous les côtés par manque de maturité. Accueillir les hôtes ou les personnes de passage requiert cette maturité humaine et spirituelle qui permet de répondre aux personnes avec discrétion, avec discernement. Le rôle du portier et des hôteliers a ceci de délicat qu’il leur demande à la fois d’être ouvert aux attentes des personnes et à la fois de savoir rester discret et prudent. Ouvert pour accueillir et discret pour éviter les bavardages et curiosités. Cette double attitude exige beaucoup de renoncement par rapport à soi-même. Etre là pour l’autre et rester en retrait par rapport à ses propres désirs de nouer des relations. Etre portier ou être hôtelier est un service de la communauté qui a donc ses exigences propres de don de soi et de renoncement. En remerciant nos frères qui assurent l’accueil des hôtes, à la porterie et à l’hôtellerie, nous les assurons de notre prière. Qu’ils trouvent dans leur propre recherche de Dieu, la juste attitude de présence et de discrétion. (2011-10-21)
11. Aussi nous semble-t-il opportun, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé règle à son gré l'organisation de son monastère.
12. Si faire se peut, c'est par des doyens que l'on organisera, comme nous l'avons établi antérieurement, tous les services du monastère, selon que l'abbé l'établira.
13. Ainsi, plusieurs en étant chargés, un seul ne s'enorgueillira pas.
14. Si le lieu l'exige ou si la communauté le demande raisonnablement avec humilité et que l'abbé le juge opportun,
15. l'abbé choisira qui il voudra avec le conseil des frères qui craignent Dieu, et il se l'ordonnera lui-même comme prévôt.
«Pour la sauvegarde de la paix et de la charité». Cette maxime pourrait être aisément considérée comme le fondement de toute action de l’abbé vis-à-vis de la communauté. Ici très spécialement à propos de l’ordination d’un prieur.
Une communauté est un milieu humain dont l’équilibre mérite toujours une particulière attention. On aimerait parfois pouvoir se reposer sur des acquis et n’avoir pas trop à se préoccuper afin que les choses aillent comme sur des rails. En vivant ensemble avec nos caractères différents et avec nos combats personnels propres, il ne faut pas être surpris si la vie commune exige de nous toujours une constante attention, un labeur qui ne finit pas. C’est la grâce, c’est à dire le don et l’exigence à la fois, d’une communauté d’élection. Ensemble, nous formons un corps rassemblé par l’Esprit Saint qui nous a tous attiré un par un. Nous sommes réunis pour réaliser cette œuvre dont Dieu seul connait vraiment la valeur et le prix. Lui seul peut dire ce qu’est vraiment notre communauté dans l’Eglise et comment elle coopère activement à son dessein de salut pour le monde. A nous il nous revient deux choses.
La première est de cultiver le regard de foi sur notre communauté surtout en cette période où les entrées sont peu nombreuses. Il nous faut être vigilant pour ne pas nous arrêter sur des considérations simplement humaines. Mais au contraire, cultivons le regard de foi qui nous rend disponible et ouvert pour travailler dans le champ de Dieu comme il veut. Il a besoin de notre confiance bien plus que de nos calculs humains. Cette communauté est son œuvre.
La seconde chose qu’il nous revient de tenir, c’est de garder la paix et la charité dans la vie quotidienne. Jour après Jour, par nos tâches très simples, par nos rencontres, par nos collaborations, par les services rendus, nous tissons la communauté. Ayons foi là encore, qu’à travers la modestie du quotidien, la paix et la charité nourrissent notre corps communautaire et à travers lui l’Eglise et le monde. A travers nous, Dieu veut répandre son amour. Il a besoin de nous. Soignons la qualité de nos rapports, et quand ils ne sont pas à la hauteur de nos espérances, soyons patients , soyons plus aimants encore. (2011-10-12)
1. Trop souvent il est arrivé que l'ordination d'un prévôt engendre de graves conflits dans les monastères.
2. Il en est en effet qui s'enflent d'un méchant esprit d'orgueil et qui, estimant être de seconds abbés, usurpent le pouvoir, entretiennent des conflits et mettent la dissension dans les communautés,
3. surtout dans les lieux où le prévôt reçoit l'ordination du même évêque et des mêmes abbés qui ordonnent l'abbé.
4. Combien cela est absurde, il est facile de s'en rendre compte : dès le début, dès son ordination, on lui donne matière à s'enorgueillir,
5. ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait à l'autorité de son abbé,
6. puisque « toi aussi, tu as été ordonné par les mêmes qui ont ordonné l'abbé. ;»
7. Il en résulte envies, disputes, médisances, rivalités, dissensions, destitutions,
8. et ainsi, abbé et prévôt étant de sentiments opposés, il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions,
9. et leurs subordonnés courent à leur perte, du fait qu'ils flattent leurs partisans.
10. La responsabilité de ce dangereux fléau pèse au premier chef sur ceux qui se sont faits les auteurs d'un tel désordre.
A travers ces lignes, on mesure combien Benoit croit fermement au bien fondé des institutions monastiques. Dans le cas présent, il leur attache même une importance particulière. Que le prieur soit ordonné par le même évêque que l’abbé ou qu’il le soit par l’abbé comme il l’indiquera plus loin, cela n’est pas indifférent. Dans le premier cas, l’institution risque de fragiliser les relations entre l’abbé et le prieur en éveillant des sentiments de jalousie ou d’envie. Dans le second cas, les relations pourront se vivre plus clairement puisque le prieur est en dépendance direct de l’abbé. Benoit entend établir une institution qui favorise la paix dans la communauté. Il va poser les relations entre l’abbé et le prieur d’une façon qui soit cohérente avec la conception de l’autorité dont la RB est porteuse. La manière de nommer le prieur doit correspondre à la façon de vivre l’autorité dans une communauté monastique, sous une règle et un abbé.
Ainsi apparait ici clairement, combien nos institutions, nos façons de régir nos relations et notre mode de vie ne sont pas indifférents. Elles veulent toujours nous aider à demeurer dans une perspective spirituelle juste, perspective spirituelle qui ne veut surtout pas faire fi de nos faiblesses humaines. Au contraire, nos institutions, nos règles sont là le plus souvent comme des repères et des appuis, parfois comme des protections pour nous aider à grandir. Nous savons que, laissés à nous-mêmes, nous sommes faibles, et personnellement et communautairement. A l’inverse, nous devons toujours veiller à ce qu’une règle ou une coutume ne produise pas l’effet inverse de celui qui est recherché. Nos règles et institutions veulent nous aider et non nous enfoncer, nous fortifier et non nous scléroser. Elles qui prennent en compte notre fragilité, peuvent devenir des leviers dans notre marche à la suite du Christ. (2011-10-11)
6. Quant au monastère, il doit être, si possible, construit de telle façon que tout le nécessaire, c'est-à-dire l'eau, le moulin, le jardin et les divers métiers, s'exerce à l'intérieur du monastère,
7. de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au-dehors de tous les côtés, car ce n'est pas bon du tout pour leurs âmes.
8. Nous voulons que cette règle soit lue souvent en communauté, pour qu'aucun frère ne s'excuse sur son ignorance.
«Le monastère doit être construit de telle façon ». Sans le savoir, Benoit énonce ici un principe d’architecture de base qui veut que l’architecture exprime ce qui se vit en un lieu. Oui la façon de construire un monastère n’est pas anodine au regard du projet de vie que l’on désire y mener. L’insistance porte ici sur le rapport intérieur – extérieur, comme si celui-ci était capital pour la vie du moine. Benoit précise : il n’est pas bon pour l’âme des moines que ceux-ci soient obligés de courir au dehors de tous les côtés. L’architecture du monastère doit donc délimiter un espace précis, un lieu de vie où le moine pourra se recueillir, au lieu de courir à droite, à gauche, où il pourra se recentrer plutôt que de se disperser. Cette insistance de Benoit sur l’intérieur et l’extérieur est importante. Elle est un trait majeur qui caractérise notre propos monastique. Quand le moine fait vœu de stabilité, il s’engage librement à habiter, à travailler, et à vivre dans un périmètre limité. Volontairement, nous avons choisi cette limitation pour mieux nous donner à Dieu dans la prière et à nos frères dans le service quotidien. Cette exigence, nous l’avons désirée et choisie et avec le temps qui passe, il nous faut la rechoisir et l’approfondir. Avec l’âge, nous ne la vivons pas nécessairement de la même manière qu’au début. On connait davantage de personnes par exemple et les relations sont plus nombreuses. Mai s ceux-ci nous engage à une vigilance plus grande : ces relations sont-elles importantes au regard de notre propos ou sont-elles trop mondaines ? Veillons par exemple à ne pas aller le dimanche sur la pace de l’Eglise, pour saluer toujours les mêmes personnes. Cela doit rester exceptionnel. De même, à l’égard de notre voisinage, les relations restent discrètes et on en parle. Frère Mathias fait le lien avec notre paroisse en notre nom à tous. Ces règles veulent nous aider à préserver la qualité de notre vie. Nous voulons chercher Dieu et centrer notre désir et notre énergie à son service. C’est un lent et patient labeur qui porte un fruit précieux pour qui le mène avec constance et profondeur. (2011-10-07)
7. Quant à l'abbé qui a été ordonné, il songera toujours à la charge qu'il a reçue et à celui auquel il devra « ;rendre compte de sa gestion ;».
8. Il saura qu'il doit plutôt « servir que régir ».
9. Il doit donc être « savant » dans la loi divine, pour savoir et avoir d'où « tirer le neuf et l'ancien », chaste, sobre, miséricordieux.
10. Et que « la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement », afin qu'il obtienne pour lui le même traitement.
11. « Qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères. »
12. Dans ses réprimandes même, qu'il agisse prudemment et « ;sans rien de trop », de peur qu'en voulant trop gratter la rouille, il ne brise le vase.
13. Il ne perdra jamais de vue sa propre fragilité, et se souviendra « ;qu'il ne faut pas écraser le roseau cassé. »
14. Nous ne voulons pas dire par là qu'il permettra aux vices de se développer, mais qu'il les retranchera prudemment et avec charité, suivant qu'il lui semblera opportun pour chaque individu, comme nous l'avons déjà dit.
15. Et il s'efforcera « d'être plus aimé que redouté ».
16. Il ne sera pas agité et inquiet, il ne sera pas excessif et obstiné, il ne sera pas jaloux et soupçonneux à l'excès, car il ne serait jamais en repos.
17. Dans les ordres qu'il donne, il sera prévoyant et réfléchi, et que l'œuvre qu'il commande soit selon Dieu ou selon le siècle, il usera de discrétion et de mesure,
18. en songeant à la discrétion de saint Jacob, qui disait : « Si je fais peiner davantage mes troupeaux à marcher, ils mourront tous en un jour. »
19. Prenant garde à ce texte et aux autres sur la discrétion, mère des vertus, il mettra de la mesure en tout, en sorte que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite.
20. Et surtout, qu'il garde en tous ses points la présente règle,
21. afin qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribua en son temps le froment à ses compagnons de service :
« La discretio est la mère des vertus. » Cette expression résume les conseils que donne Benoit au Père Abbé, dans les versets que nous venons d’entendre. Benoit reprend cette expression à Cassien. La discretio , c’est la vertu du discernement : elle vise la vie juste, entre les excès. Cassien se méfie autant des excès de vertu que des excès dans le vice ! Pour lui, la volonté humaine se trouve aux prises avec deux forces contradictoires. La fragilité de la chair, qui tend à toujours chercher la satisfaction, le plaisir, le repos. Et le désir de l’esprit, qui voudrait se lancer à corps perdu dans la recherche spirituelle. Pour Cassien, la voie royale du discernement, de la discretio , passe entre ces deux excès.
Le premier excès, celui de la chair, peut nous conduire à sombrer dans la tiédeur, et l’Apocalypse nous rappelle combien elle est détestable !
A l’inverse, le second excès, celui de l’esprit, risque de nous conduire à l’orgueil : le pire de tous les vices. Nous risquerions de nous croire arrivés, de nous imaginer que nous sommes de grands spirituels, et donc meilleurs que tous nos frères.
Pour Cassien, la voie moyenne n’est pas la voie de la médiocrité. Bien au contraire ! Elle est la voie de l’humilité : c’est pourquoi il l’appelle la voie royale . Dans cette voie, nous prenons conscience de nos limites, du désir qui nous habite, et que Dieu seul peut le combler. Nous acceptons d’avoir besoin d’être guidés par un Père Spirituel. D’être mauvais juges sur nous–mêmes.
A propos des excès de jeûne, Macaire le Grand disait ceci : Tu dois jeûner comme si tu devais vivre cent ans. Et tu dois pardonner comme si tu devais mourir demain ! Un trésor de discretio , de discernement. Jeûner est bon, mais que faisons-nous de la charité pour nos frères ? (2011-10-06)
3. Si même toute la communauté choisissait d'un commun accord une personne complice de ses vices, – ;à Dieu ne plaise ;! ;–
4. et que ces vices viennent tant soit peu à la connaissance de l'évêque au diocèse duquel appartient ce lieu et des abbés ou des chrétiens du voisinage,
5. ils empêcheront la conspiration des méchants de l'emporter, et ils institueront dans la maison de Dieu un administrateur qui en soit digne,
6. sachant qu'ils en recevront une bonne récompense, s'ils le font avec une intention pure et par zèle pour Dieu, de même qu'ils commettraient au contraire un péché, s'ils négligeaient de le faire.
Hier nous entendions les critères positifs dans le choix de l’Abbé. Le critère que nous venons d’entendre est plus que négatif : la complicité dans les dérèglements, la complaisance avec le vice ! Est-ce qu’il nous arrive d’être complices dans le vice ? Le vice, c’est l’habitude du mal. Il est rare que nous soyons volontairement les complices du vice ! Mais cette complicité peut consister à prendre son parti des habitudes mauvaises. Que faire lorsqu’une mauvaise façon d’agir est profondément enracinée ? Benoit dit un peu plus loin dans ce chapitre que l’Abbé doit « haïr les vices, mais aimer les frères. » Et cela se vérifie pour chacun de nous : nous avons besoin d’être aimés, et d’être aidés à nous convertir. Parfois fortement.
La voie indiquée par l’Evangile et par Benoit est un chemin difficile, qui passe entre 2 écueils : Le 1er écueil, c’est le découragement. On renonce, on fait semblant de ne pas voir. Le second consiste à assimiler le frère à sa faute. Ce qui est pire encore ! Comme si il n’y avait plus rien à espérer.
Il convient pourtant d’oser dire à un frère qu’il part sur un mauvais chemin. « Va trouver ton frère ! » Répéter les incitations à la correction. Au risque d’essuyer un refus, ou des insultes. Mais nous le faisons parce que nous avons foi en lui.
Surtout, il faut prier pour lui, car Dieu seul touche le cœur.
Toute charge, dans le monastère, pour être vécue paisiblement, doit s’enraciner dans la prière. Cela signifie que l’on accepte de ne pas être tout-puissant. Que c’est Dieu, en définitive, qui conduit la communauté.
Dans ce chapitre, Benoit envisage même l’intervention de l’évêque du lieu. A deux reprises, dans la Règle, Benoit parle du rôle de l’Evêque par rapport au monastère. Les deux fois dans un contexte disciplinaire. Au ch 62, à propos des prêtres admis dans la communauté, si cela se passe mal. Et ici, au sujet de l’élection de l’Abbé, si la communauté a choisi un frère « complice de ses dérèglements. » là encore, l’évêque a le devoir d’intervenir.
Donner sa confiance à un homme « complice de ses dérèglements », c’est mettre sa vie, et celle de la communauté, en danger. Les leviers de la vie monastique ne sont pas ceux du monde. Dans le monde, certains pensent avancement, profit, avantages… ce qui entraîne toutes les complicités. Le moine doit mettre son zèle au service de la Gloire de Dieu, et sa confiance dans ceux qui peuvent l’aider sur son chemin vers Dieu. (2011-10-05)
1. Dans l'ordination de l'abbé, on prendra toujours pour règle d'instituer celui que se sera choisi toute la communauté unanime dans la crainte de Dieu, ou même une partie de la communauté, si petite soit-elle, en vertu d'un jugement plus sain.
2. C'est pour le mérite de sa vie et la sagesse de son enseignement que l'on choisira celui qui doit être ordonné, même s'il est le dernier par le rang dans la communauté.
St Benoit nous donne ici les critères de discernement pour le choix de l’Abbé.
Le premier critère, la crainte de Dieu, nous concerne, nous, les frères qui avons à faire ce choix. Ce critère, Il n’est pas valable, seulement, lors de l’élection de l’Abbé. Pas seulement lors de toutes les élections.
Lors de toutes prises de paroles en communauté, quand elle est réunie pour chercher quelle est la meilleure décision à prendre. Est-ce que je cherche la volonté de Dieu, ou est-ce que je veux imposer mes idées, ma volonté propre ? Quel est le sens de ma prise de parole ? C’est ma capacité à écouter les autres, à me laisser déplacer par la parole de mes frères, qui m’indique où je me situe. Comment je me situe. Il nous arrive, heureusement de faire cette expérience, de sentir la communauté « unanime dans la crainte de Dieu », comme le dit Benoit. Nous avons vécu, parfois, ces moments où l’Esprit Saint était comme sensiblement présent au milieu de nous.
Les deux autres critères concernent le frère pour qui nous votons, celui que nous choisissons pour cette charge d’être l’Abbé de la Communauté. Que devons-nous considérer lors de notre choix ?
D’abord, dit Benoit, le mérite de sa vie : Comment le mesurer ? Peut-être la cohérence dans sa façon de vivre. Cohérence entre sa parole et sa vie. Une certaine harmonie aussi entre ce qu’il est, et la charge qui va lui être confiée.
Ensuite, la sagesse de son enseignement. Est-ce que cela peut signifier la façon dont sont utilisés parole et silence ? La sagesse suppose d’abord de savoir écouter. De savoir aussi dire une parole. Souvent, de savoir se taire.
L’élection du Père Abbé par la communauté n’est pas seulement un acte passé. C’est aujourd’hui que la communauté, que chacun d’entre nous, reçoit de Dieu son Père Abbé. L’unité entre l’Abbé et la communauté, entre la communauté et l’Abbé, n’est pas réalisée une fois pour toutes. Elle se scelle tous les jours. Nous avons à la vivre chaque jour, chacun pour notre part. Il n’y a jamais de situation réussie d’avance, ni réussie une fois pour toutes. Une communauté est toujours à faire. De chacun de nous dépend que le Règne de Dieu arrive, dans le monastère et dans le monde.
Je crois que nous avons tous conscience aussi que nous devons rendre grâce à Dieu pour le Père Abbé qu’il nous a donné. Nous avons le devoir, aussi, de prier pour lui. (2011-10-04)
10. Les jeunes honoreront leurs anciens, les anciens aimeront leurs inférieurs.
11. En ce qui concerne les noms dont on s'appellera, il ne sera permis à personne d'en appeler un autre par son nom tout court,
12. mais les anciens appelleront les jeunes du nom de frères, tandis que les jeunes donneront à leurs anciens le titre de nonni, qui signifie « ;Révérend Père ;».
13. Quant à l'abbé, puisqu'il apparaît comme le représentant du Christ, on lui donnera les titres de seigneur et d'abbé, non qu'il se les arroge de lui-même, mais pour l'honneur et l'amour du Christ.
14. Mais de son côté, il devra y songer et se conduire de façon à être digne d'un tel honneur.
Ce qui ressort de ces lignes, c’est la volonté fortement exprimée que la façon de s’appeler entre frères ou avec l’abbé soit bien précise. Visiblement Benoît porte le souci que l’ordre établi selon l’entrée soit une réalité vivante.
Ainsi le plus ancien appelle les plus jeunes frères , et le plus jeune s’adresse à l’ancien en l’appelant nonni » « révérend père .
De même à l’égard de l’abbé, les noms qu’on lui donne renvoient à sa fonction de représentant du Christ.
Cette codification offre ceci d’intéressant qu’elle engage les frères à se rapporter les uns aux autres en n’oubliant jamais ce qui les a fait venir ici : l’appel de Dieu. C’est par la volonté de Dieu qu’ils sont ici. C’est elle qui les constitue frère et qui établit leur ordre d’entrée.
De même l’abbé n’est tel que par la volonté de Dieu, exprimée à travers le vote des frères.
Ainsi dans leur façon de s’appeler, les frères se redisent sur quoi se fonde leur relation et sous quelle lumière divine, ils veulent la vivre.
Nous avons simplifié aujourd’hui les appellations. Mais nous tenons tout particulièrement à nous appeler frère . Par là nous nous signifions les uns aux autres notre fraternité. Celle-ci n’est pas naturelle. En entrant dans la vie monastique, nous devenons frères les uns des autres et nous apprenons à le vivre de façon plus étroite jour après jour.
Devenir frères dans le Christ est une réalité jamais évidente une fois pour toutes. Cela demande bien des ajustements du regard et du cœur pour parvenir à cette concordia caritatis que nous désirons tous.
La source de cette concorde fraternelle ne peut être qu’en Christ qui nous donne son Esprit d’Amour. Plus nous serons établis, enracinés, en Christ, plus notre fraternité sera forte. A la différence de l’amitié, la fraternité n’implique pas de réciprocité de sentiments. Nous sommes frères parce que nous apprenons à nous tourner ensemble vers le Christ. C’est lui qui fait grandir en nous et le désir et la conscience fraternelle.
Chez l’un cette conscience sera plus vive et plus sensible, chez l’autre moins. La fraternité voudrait en soi ne pas faire de différence entre les frères, parce qu’elle les regarde d’abord dans un regard de foi. C’est en ce sens que notre fraternité est toujours en chantier.
Soyons heureux d’œuvrer à ce chantier de notre fraternité en Christ, pour qu’elle soit toujours plus vraie et plus profonde.
(2011-09-29)
1. Au monastère, on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion et par le mérite de la vie, et comme en décide l'abbé.
2. Cependant l'abbé ne mettra pas le trouble dans le troupeau qui lui est confié, et il ne prendra pas de disposition injuste, comme s'il jouissait d'un pouvoir sans limite,
3. mais il songera toujours qu'il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et œuvres.
4. C'est donc suivant les rangs qu'il aura établis ou que les frères auront d'eux-mêmes, qu'ils iront recevoir la paix, communier, imposer les psaumes, et qu'ils se tiendront au chœur.
5. Et absolument partout, l'âge ne modifiera pas les rangs ni ne portera préjudice,
6. puisque Samuel et Daniel enfants ont jugé des anciens.
7. Donc à l'exception de ceux que l'abbé, comme nous l'avons dit, fera monter à bon escient ou fera descendre pour des raisons déterminées, tous les autres seront comme ils sont entrés en religion ;:
8. par exemple, celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité.
9. Cependant les enfants seront maintenus dans l'ordre par tous et en tout domaine.
Il y a quelques jours nous entendions le récit de l’Evangile de Luc dans lequel on relate la dispute entre les apôtres pour savoir qui est le plus grand. Dispute qui fait toujours un peu sourire et pourtant.
Notre vie quotidienne ne nous montre-t-elle pas à nos dépends combien ce genre de questions nous occupe et empoisonne nos relations humaines? Combien de fois ne nous surprenons nous pas en flagrant délit de murmure ou d’irritation parce qu’un frère ne nous a pas montré d’égard, parce que l’on nous a pris notre place ou que l’on nous a pris la parole etc.
Autant de situation où nous pensons que les autres ont empiété sur nos plates bandes ou qu’ils ont outre passé leurs droits. Histoires banales de rivalités où l’on prend ombrage de la position de l’autre.
Qui est le plus grand ? Cette question nous redit que la rivalité entre frères est et sera toujours là tant qu’il y aura des hommes. Car chacun estime avoir des droits, et mystérieusement peine à reconnaître ceux des autres.
Mystère de vue courte qui parvient difficilement à reconnaitre aux autres ce que l’on souhaite pour soi-même.
Mystère de notre pauvreté qui a un grand besoin de reconnaissance pour pouvoir à son tour reconnaitre l’autre en sa place. Nous touchons à un point très profond de notre humanité en son vivre ensemble. Les rivalités trouvent leurs racines toujours d’une manière ou d’une autre dans le manque de reconnaissance.
Chacun doit essayer de comprendre pour lui-même comment il fonctionne en ce domaine. En parler, pouvoir nommer son ressenti est un premier pas.
Benoit en ce chapitre invite à ne jamais perdre de vue le regard de la foi. S’il est d’un autre ordre, il a l’avantage de nous remettre dans l’ordre le plus profond : celui qui nous place sous le regard de Dieu. Dieu appelle chacun dans ce monastère à son heure. En vertu de cet appel, nous sommes invités à nous réjouir de cette place unique que nous avons aux yeux de Dieu.
Dans le cœur de Dieu, chacun de nous est un fils très aimé. Cet amour veut nous rendre cette juste estime de nous-mêmes qui nous fait grandir en aisance à nos propres yeux et dans l’accueil de nos frères.
(2011-09-28)
8. S'il se permet d'agir autrement, on ne le jugera pas comme prêtre, mais comme rebelle.
9. Et si, après de nombreux avertissements, il ne se corrige pas, on fera même intervenir l'évêque comme témoin.
10. Si même alors il ne s'amende pas, ses fautes devenant notoires, on le mettra à la porte du monastère,
11. si toutefois son obstination est telle qu'il ne veuille pas se soumettre ou obéir à la règle.
Voici des paroles sévères à l’encontre d’un prêtre jugé comme rebelle !!
Nous n’aimons pas trop entendre ce genre de propos qui tranchent. Et cependant la RB en comporte en plusieurs chapitres. Benoît n’hésite pas à rappeler les limites au delà desquelles la vie monastique commune n’est plus possible. Il propose à chaque fois des étapes pour permettre au frère de s’amender, et si rien ne change, cela peut aller jusqu’au renvoi.
A chaque fois où le renvoi est mentionné, on mesure combien Benoît l’envisage comme à reculons, comme contre son fils. Et dans le même temps, il considère comme une nécessité qui s’impose à lui. Si le renvoi est contre nature, il devient la seule issue possible pour préserver la vie et la communauté.
Notre vie commune n’est possible que si tous y apportent leur concours actif par le don d’eux-mêmes dans l’obéissance et la charité.
Si un frère se montre récalcitrant ou s’entête dans ses idées en prenant le contre-pied de ce qu’on lui demande, il est de fait en rupture avec le projet monastique. S’il n’obéit pas, il se met par le fait même hors de la communauté. Le renvoi ne fait qu’expliciter et confirmer une situation déjà existante.
Cette perspective ultime et triste du renvoi de la vie monastique nous replace tous devant le sérieux de notre engagement.
Accepter par obéissance de vivre la vie monastique n’est pas un chemin facile. Nous le savons. Bien souvent cela nous confronte à des choses qu’on n’aurait jamais pensé vivre. Cela nous révèle aussi parfois des parts dures en nous, des parts qui n’ont pas envie de s’ouvrir et de se donner.
La vie commune, l’obéissance, la prière pourraient alors être des aides très précieuses pour oser traverser ces passages difficiles, pour consentir à nous ouvrir.
Prions les uns pour les autres.
(2011-09-27)