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2. Nous croyons donc que ces deux occupations seront bien réparties selon les temps dans l'horaire que voici :
3. de Pâques aux Calendes d'octobre, depuis le matin en sortant de prime ils travailleront, là où c'est nécessaire, presque jusqu'à la quatrième heure.
4. De la quatrième heure jusqu'à l'heure où ils célébreront sexte, ils vaqueront à la lecture.
5. Après sexte, en sortant de table, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet, ou si quelqu'un veut lire pour son compte, il lira de façon à ne déranger personne.
6. On célébrera none à l'avance, au milieu de la huitième heure, et ils se remettront au travail qui est à faire jusqu'aux vêpres.
7. Si les conditions locales ou la pauvreté exigent qu'ils s'occupent de rentrer les récoltes par eux-mêmes, ils n'en seront pas fâchés,
8. car c'est alors qu'ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les apôtres.
9. Cependant tout doit se faire avec mesure à cause des faibles.
Comme le rappelait le 1er verset, les 2 occupations dont parle ici Benoit sont : le travail manuel, et la lectio divina.
Pacôme et Cassien parlaient seulement du travail, pas de la lectio. Mais Augustin réserve déjà 3 heures par jours à la lectio. Et à sa suite toutes les Règles monastiques d'Occident prévoiront un temps pour la lecture de la Parole de Dieu. Cette mesure donne quand même une place importante au travail manuel, dans la vie du moine. C'est une réaction contre le monachisme gaulois primitif, celui de St Martin, où les frères disposaient de la journée entière pour prier. Cette conception messalienne, purement priante, de la vie monastique est venue d'Orient. Mais elle a été vigoureusement combattue par Basile, par Augustin et par Cassien. C'est vrai : « il faut prier sans cesse », comme le dit la lere lettre aux Thessaloniciens. Mais Paul parle aussi de l'obligation de travailler, de gagner sa vie. Et cela nous vaut la très belle formule de Benoit : « C'est alors qu'ils seront vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos pères et les apôtres. » Le moine de Benoit travaille donc, pendant la plus grande partie du jour, en unissant, quand cela est possible, la prière à l'activité manuelle.
La prière de l'homme est une réponse à Dieu. Pour parler à Dieu, il faut avant tout l'écouter. De là le besoin de lire et d'apprendre l'Ecriture. La prière qui accompagne le travail du moine suppose des temps où le moine ne travaille pas, mais lit et mémorise la Bible.
Sur le rapport entre la prière et le travail, la prière pendant le travail, chacun fait ce qu'il peut. Cela dépend beaucoup du travail que nous faisons. Peu d'emplois permettent de ruminer la Parole de Dieu en travaillant. Un libraire, un cuisinier, un frère devant son ordinateur, peuvent difficilement ruminer la Parole de Dieu pendant leur travail ! L'hôtelier doit accueillir l'hôte comme le Christ : c'est une autre façon de prier sans cesse. C'est aussi valable pour l'infirmier quand il prend soin des frères malades. Ce qui peut tous nous aider dans cette recherche du prier sans cesse, c'est le choix d'un verset d'écriture chaque jour : le retrouver dès que possible, dans les déplacements, tous les moments vides. C'est une façon d'être à l'écoute de Dieu, de rester en relation avec le Christ, de s'imprégner de sa Parole. De le rejoindre tout au long du jour. (2011-08-11)
1. L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils être occupés en des temps déterminés au travail manuel, et à des heures déterminées aussi à la lecture divine.
« L’oisiveté est ennemi de l’âme ». Quand Benoît pense l’organisation des activités du moine, travail et lecture, il les pense dans cette visée spirituelle : le bien de l’âme. Être occupé par un travail manuel et s’adonner à la lecture sont deux activités durant lesquelles l’âme, le cœur du moine va pouvoir grandir devant Dieu. Dans les deux cas le moine se donne. Il ne fait pas que s’occuper mais il se donne.
D’une part, il se donne à la communauté par le travail il sert ses frères et il prend sa part de la charge communautaire ; d’autre part, il se donne à Dieu dans la lecture, dans l’écoute de la parole de Dieu et dans l’étude afin de mieux le connaître et le servir. Je dirai volontiers que l’opposé de l’oisiveté n’est pas s’activer pour s’activer, mais c’est de se donner. Là est le vrai critère de discernement de nos activités au monastère. Est-ce que je me donne ou est-ce que je me recherche moi-même ? Effectivement la suractivité peut se révéler petite sœur de l’oisiveté. Être très actif d’une manière fébrile qui rend les relations difficiles avec les frères parce que tout est expédié, est une situation qui mérite tout autant d ‘attention que l’oisiveté. D’un côté comme de l’autre, il y a risque d’être à la recherche de soi, au lieu de se donner aux autres en vérité. Recherche de soi dans l’activité, dans un faire qui me plait, dans lequel je me laisse engloutir plus ou moins consciemment. On recherche de soi en s’économisant, en faisant le strict minimum, en s’esquivant dès que possible d’un travail ou d’un service. Être sur actif ou être oisif : deux tendances que l’on rencontre tous un jour ou l’autre, avec pour chacun une propension à se situer plus d’un côté que de l’autre.
Comment veiller à garder l’équilibre, afin de vivre toute chose en se donnant aux frères et à Dieu ? Pour cela, soyons attentifs aux clignotants qui s’allument : du côté suractivité ce sera le stress ou l’énervement pour des petites choses. Si cela devient fréquent, il faut consentir à vérifier son fonctionnement personnel pour y voir plus clair. Du côté de l’oisiveté, ce sera les remarques des frères qui s‘interrogent sur une absence d’un service ou sur les retards au travail. Ayons le courage de prendre au sérieux ces clignotants. Ils peuvent nous aider à déjouer les pièges dans lesquels on peut si souvent tomber, plus ou moins inconsciemment. Il n’est pas facile de se donner de façon juste et vraie. C’est là notre travail pour les frères et pour Dieu. (2011-08-09)
1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.
2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.
3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.
4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.
« Quant à chanter et lire, on ne s’y risquera pas si l‘on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs ». Pour Benoît, lire et chanter c’est plus qu’une tâche, c’est un office et une fonction « officium ». Dans son vocabulaire, cet office se range parmi ceux du cellérier, du cuisinier, de l’hôtelier, pour lesquels on emploie le même mot. Cela peut nous paraitre surprenant, mais cette fonction de lecteur-chanteur revêt cette importance pour deux raisons.
La première est que tous ne savaient pas lire, ni n’étaient assez assurés pour lire en public. La deuxième mentionnée dans le passage entendu est liée au but recherché : il s’agit d’édifier les auditeurs. Ce mot « édifier » est intéressant, quand Benoît l’utilise, c’est toujours dans le sens figuré de : favoriser la croissance des auditeurs, soit dans la liturgie, soit au réfectoire. Le sens figuré est ainsi devenu courant dans le latin ecclésiastique, au regard du sens propre de « construire une maison » (aedificare= aedes-facere). Ce glissement entre le sens propre du mot édifier (construire une maison) au sens figuré (favoriser la croissance morale ou spirituelle d’une personne ou d’un groupe) révèle la vive conscience que l’on a, en milieu chrétien, de l’importance de la parole pour la construction de la communauté. C’est la parole de Dieu entendue dans la liturgie qui nous constitue communauté chrétienne et corps du Christ, Temple de l’Esprit. C’est la parole de Dieu entendu qui édifie en chacun l’être spirituel. Tout ceci peut nous aider à savoir la raison pour laquelle Benoît insiste tant sur cette édification des auditeurs. La parole entendue construit la communauté et chacun de ses membres. Et nous savons combien cela est vrai. Quand un lecteur ne lit pas assez fort, ni assez distinctement, quand il lit trop pour lui-même, ou trop vite, l’écoute s’en trouve difficile, voire perturbée. Et la parole ne peut faire son œuvre en profondeur. Il nous faut alors nous aider et accepter humblement les remarques de nos frères, même si on a l’’impression de bien faire. Chacun de nous doit accepter de se dépasser, ne pas s’arrêter « moi je suis comme ça ». Car lire à l’office n’est pas un privilège, mais c’est vraiment un office, une fonction pour que la parole de Dieu puisse toucher les cœurs et construire la communauté. (2011-08-06)
1. Si quelqu'un, en travaillant à n'importe quel travail, à la cuisine, au cellier, au service, au pétrin, au jardin, à quelque métier, ou n'importe où, commet quelque manquement
2. ou brise ou perd quoi que ce soit ou tombe dans quelque autre faute où que ce soit,
3. et ne vient pas de lui-même aussitôt faire satisfaction spontanément devant l'abbé et la communauté et avouer son manquement,
4. si on l'apprend par un autre, il sera soumis à une pénitence plus sévère.
5. Mais s'il s'agit d'un péché de l'âme dont la matière est restée cachée, il le découvrira seulement à l'abbé ou à des anciens spirituels,
6. qui sachent soigner leurs propres blessures et celles des autres, sans les dévoiler et les publier.
Deux vérités sont importantes dans ce chapitre « commettre un manquement », une faute et avouer. C’est une évidence pour Benoît, tout manquement ou faute commise appel un aveu, une reconnaissance. Cela vaut pour les manquements dans la vie communautaire comme pour ceux plus secrets. Les premiers pourront être plus connus ayant touchés le déroulement de la vie de la communauté. Les seconds resteront dans le secret de la relation avec l’abbé ou le père spirituel. Pourquoi cette insistance sur l’aveu ? Benoît est-il désireux de tout savoir ou en quête d’une certaine transparence ? La mention finale concernant l’ancien « capable de soigner ces propres blessures » et celle des autres nous oriente vers sa préoccupation profonde : celle de permettre la guérison du frère. C’est une donnée anthropologique commune que l’être humain peine à porter seul le poids d’une faute, d’un manquement. Ce poids encombre sa conscience et souvent ronge ses énergies vitales. Un jour ou l’autre, il a besoin de parler avec quelqu’un afin de déposer ce fardeau. A cette donnée humaine très commune, s’ajoute ici une sorte d’impératif, lié à notre propos de conversion monastique. Benoît nous engage à prendre en main notre vie et à ne pas laisser caché quelque part, une faute ou un manquement qui risquent de freiner, voir d’affaiblir notre « élan spirituel. C’est une tentation dangereuse que de garder pour soi des fautes ou des manquements. Ils peuvent à longue nous tenir enchainer et nous refermer sur nous-mêmes en nous empoisonnant la vie. Nous sommes faits pour la liberté et la vérité, qui sont ici d’autres synonymes de l’humilité. Soyons vigilants pour demeurer des vivants désireux de vivre dans la clarté. Mettons à profit des instruments qui sont à notre disposition le chapitre des coulpes, l’ouverture du cœur à l’abbé ou à un ancien, le sacrement de la réconciliation. (2011-07-30)
1. Si quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, et s'il ne s'humilie pas sur place et devant tous par une satisfaction, il subira une punition plus sévère,
2. pour n'avoir pas voulu réparer par l'humilité le manquement qu'il avait commis par négligence.
3. Quant aux enfants, pour une faute de ce genre ils seront battus.
Comme ces lignes le laissent entendre, Benoît prend très au sérieux les fautes à l’office, en demandant au moine qui s’est trompé de faire un geste d’humilié. Pour bien comprendre cette insistance, il faut garder en mémoire les chapitres 19 et 20 sur la tenue et la révérence à avoir lorsque l’on est à l’office. S’il est vrai que le moine doit garder à l’esprit qu’il se tient alors en présence de Dieu, sa manière d’être et de prier ne peut être désinvolte ou superficielle. L’humilité dans la prière, dans l’attitude appellera l’humilité lorsqu’on se trompe. Dans le service de la louange de Dieu être négligent est le signe que l’on n’est pas bien conscient profondément de ce que l’on fait. Et effectivement, ce n’est pas facile de demeurer présent à la présence divine. Ce n’est pas facile de laisser à la porte de l’Eglise les activités que l’on est en train de faire. La question que nous renvoie ce chapitre, à nous qui passons trois ou quatre heures à l’Eglise, pourrait se formuler ainsi : Comment ne pas s’habituer aux erreurs que l’on fait ? Comment ne pas s’installer dans les distractions qui nous tirent très loin de la prière ? Comment revenir et se ressaisir ? Nous n’avons plus la pratique de la satisfaction par laquelle on se mettait à genoux ou l’on faisait une inclination en signe de désir de conversion. Comment donc ne pas s’habituer aux erreurs et aux distractions ? Je pense que notre manière d’être à l’office dépend beaucoup de notre manière d’être devant le temps qui l’a précédé. Si nous arrivons essoufflé, tendu, énervé, une bonne partie, sinon tout l’office, se passera à régler les problèmes, voire peut être à retrouver un peu de paix. Mais si nous savons couper avec nos activités au moment de la cloche pour nous préparer et nous acheminer tranquillement vers l’Eglise, nous vivrons ce temps davantage comme un temps de présence à Dieu. Pour ne pas nous habituer aux manques d’attention et aux distractions, habituons nous à nous préparer tranquillement à l’office. Venons-y non en courant pour nous en acquitter. Venons-y plutôt en nous préparant à une rencontre. Le Seigneur nous attend pour nous offrir sa parole et nous partager sa présence. (2011-07-29)
1. Celui qui est excommunié pour faute grave de l'oratoire et de la table, au moment où l'on achève de célébrer l'œuvre de Dieu à l'oratoire, se prosternera devant la porte de l'oratoire et demeurera ainsi sans rien dire,
2. mais seulement la tête contre terre, couché sur le ventre aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire.
3. Et il fera ainsi jusqu'à ce que l'abbé juge qu'il a donné satisfaction.
4. Quand, sur l'ordre de l'abbé, il viendra, il se jettera aux pieds de l'abbé, puis de tous, afin que l'on prie pour lui.
5. Et alors, si l'abbé l'ordonne, on l'admettra au chœur, à la place que l'abbé aura décidée,
6. mais sans qu'il ait le droit d'imposer à l'oratoire un psaume, une leçon ou autre chose, si l'abbé à nouveau ne lui en donne l'ordre.
7. Et à toutes les heures, lorsque s'achève l'œuvre de Dieu, il se jettera à terre à l'endroit où il se tient,
8. et il fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé à nouveau lui ordonne de mettre fin à cette satisfaction.
9. Quant à ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, ils satisferont à l'oratoire jusqu'à un ordre de l'abbé.
Comme nous le savons bien, dans la Règle, l’excommunication est une mesure pédagogique à des fins thérapeutiques. Elle veut réveiller le frère par un éloignement imposé afin qu’il prenne conscience de la distance qui s’est creusée entre lui et la communauté à la suite de fautes et d’entêtements répétés. Le rituel entendu ce matin déploie tout un cérémonial qui engage l’excommunié sur une voie de repentir. Celui qui a troublé la communauté et qui s’est éloigné d’elle par ses fautes doit manifester concrètement son désir de conversion Il doit pour cela « faire satisfaction ». Une expression un peu étrange à nos oreilles qui entre en résonnance avec une autre expression « faire réparation ». Nous savons comment ces expressions se sont chargées de pratiques et d’attitudes qui nous semblent peu pertinentes pour notre mentalité. Davantage qu’à des pratiques, nous sommes attachés à l’attitude profonde du cœur sous l’effet de la grâce. Chacun est renvoyé à ce profond travail de conversion qui se joue au niveau de son cœur. Personne ne peut le faire à sa place. Nous pouvons nous interpeller, nous poser des questions, nous faire des remarques pour permettre à un frère d’ouvrir les yeux sur son comportement. Mais nous savons que la prise de conscience de ce qui bloque sa vie et de ce qui le coupe de ses frères, ne pourra venir que de la grâce. Réveillé, illuminé de l’intérieur, alors le frère aura le goût et le désir de revenir en communion avec ses frères. Mystérieux chemin qui demande beaucoup d’humilité. Humilité de la communauté devant un frère qui peine et avec lequel on souffre sans bien savoir comment le rejoindre. Humilité du frère qui doit accepter de laisser tomber les nombreuses, autojustifications derrière lesquelles il pense être à l’abri. Humilité du frère qui accepte de revenir en assumant et en se donnant tel qu’il est. Chemin de grâce, d’une grâce qui coûte à chacun : humilité et prière, beaucoup de prière !! (2011-07-28)
18. Et que personne ne se permette de prendre à part aucun aliment ou boisson avant l'heure prescrite ou après.
19. De plus, si le supérieur offre quelque chose à tel ou tel, et que celui-ci refuse de le prendre, quand il désirera ce qu'il a d'abord refusé ou autre chose, il ne recevra absolument rien jusqu'à ce qu'il s'amende comme il faut.
Cette fin de chapitre semble quitter le sujet des retards abordés jusqu’alors. On pourrait aisément lui donner comme sous-titre : « à temps et à contretemps ». En effet Benoît rappelle qu’on ne prend pas de nourriture avant ou après l’heure prescrite des repas. On observe le temps du repas, sauf exception pour les malades ou les anciens en accord avec l’abbé ou l’infirmier, disons-nous aujourd’hui. Et Benoît ajoute encore l’invitation à vivre « à temps » et non « à contretemps ». Ainsi si on propose quelque chose à un frère qui le refuse. Ce dernier ne pourra le réclamer ensuite. Ces deux situations décrites par Benoît peuvent faire échos à bien d’autres que nous rencontrons ou vivons dans la vie quotidienne. Ces situations manifestent combien il ne nous est pas facile de vivre « à temps », dans le tempo de la vie. E qu’il n’est pas rare que nous soyons surpris à vivre « à contretemps ». Contretemps quand nous devançons ou retardons les choses à faire, ce qui nous met en décalage avec nos frères. Contre temps quand nous opposons un refus, par principe, au lieu de consentir à une demande qui nous bouscule peut-être, mais qui nous entraine dans la vie et la charité. Tristes contretemps qui non seulement irritent les frères mais nous enferment sur nous-mêmes, nous replient.
Oui le temps est maitre de vie. Il nous enseigne à vivre doublement selon son temps : par l’horaire et les heures fixes qui structurent nos appétits pour le repas et notre rythme de veilleur pour les temps de prière. Mais le temps nous enseigne aussi la vie par tous les imprévus qui viennent bousculer nos prévisions, nos plans. Savoir être docile, non rigide mais ouvert pour saisir l’opportunité de la charité est une grâce à demander et à recueillir. C’est plus encore la joie de vivre toujours plus comme un vivant, un enfant de Dieu sous la conduite de l’Esprit de son Père. (2011-07-27)
10. Aux heures du jour, celui qui n'arrivera pas à l'œuvre de Dieu après le verset et le gloria du premier psaume qu'on dit après le verset, ceux-là, suivant la loi que nous avons dite plus haut, se tiendront au dernier rang,
11. et ils ne se permettront pas de se joindre au chœur de ceux qui psalmodient, jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, à moins que l'abbé n'en donne permission en accordant son pardon,
12. non sans que le coupable fasse satisfaction, cependant.
13. A table, celui qui ne sera pas arrivé pour le verset, en sorte que tous disent ensemble ce verset, fassent l'oraison et se mettent tous à table au même moment,
14. celui qui ne sera pas arrivé par suite de sa négligence ou d'une faute, on le reprendra pour cela jusqu'à deux fois.
15. Si ensuite il ne s'amende pas, on ne lui permettra pas de partager la table commune,
16. mais on le séparera de la compagnie de tous et il prendra son repas seul, avec privation de sa ration de vin, jusqu'à satisfaction et amendement.
17. Même sanction pour celui qui ne sera pas présent au verset que l'on dit après avoir mangé.
Plusieurs fois dan les passages entendu ainsi que dans tout le chapitre, on parle de s’amender, d’amendement ou encore de se corriger. En latin, c’est le même mot qui est là : emendare, emendatio que l’on pourrait traduire mot à mot par « se détacher de la faute, ou sortir de la faute ».
A travers les mesures que Benoît propose pour les retardataires (mise à l’écart, remarques, séparation de la table commune) se fait jour fortement son souci de voir les frères progresser et de ne pas retomber toujours dans la même faute.
Notre vie monastique se présente en effet comme une pédagogie qui veut tous nous tirer vers le haut. Elle veut nous aider à sortir de nos défauts ou de nos difficultés que la vie commune se charge de mettre en évidence. Aussi avons-nous ce réflexe salutaire lorsque nous sommes pris en défaut (de retard, d’oubli ou de négligences diverses) de nous demander comment vais-je pouvoir me corriger ? Vouloir progresser et lutter contre nos défauts peut devenir pour chacun de nous un levier efficace de croissance spirituelle. Au lieu de nous endormir, nous nous tenons en éveil pour recueillir la grâce que Dieu offre toujours afin d’avancer. Et chemin faisant, on apprend à marcher dans une attention toujours plus fine à ce que nous sommes et à ce que l’Esprit nous invite à vivre. C’est une vraie joie de progresser. Et il n’y a pas à craindre l’orgueil d’être arrivé. Car ce n’est qu’une illusion. Plus on avance, plus on mesure l’écart qui nous sépare d’une vie d’amitié profonde avec le Christ.
Comment nous aider à avancer et à nous corriger ? Du point de vue communautaire, je vois deux moyens qu’il ne faut pas trop vite mépriser. Le premier est la chapitre des coulpes du vendredi. Un frère vraiment désireux de progresser par rapport à une difficulté, s’il s’en accuse, prend la communauté à témoin de son désir de se corriger. Cela peut être un vrai appui pour lui. Le second moyen est d’observer pour les retards notre coutume de rester à la porte de l’Eglise une fois les tintements du début de l’office commencés et de ne rejoindre sa place qu’après le « Dieu viens à mon aide ». De même au réfectoire, une fois le chant commencé, on reste à la porte jusqu’au coup de gong. Ces moyens très simples nous rappellent que notre retard trouble la communauté. Ils veulent nous faire sentir par le corps la gêne occasionnée. Ne les négligeons pas. (2011-07-26)
4. Celui qui, aux vigiles nocturnes, arrivera après le gloria du psaume quatre-vingt-quatorze, – que nous voulons qu'on dise, pour cette raison, à une allure tout à fait traînante et lente, – celui-là ne se tiendra pas à sa place au chœur,
5. mais il se tiendra le dernier de tous ou à l'endroit séparé que l'abbé aura assigné aux négligents de son espèce pour qu'ils soient vus de lui et de tous,
6. jusqu'à ce que, l'œuvre de Dieu achevée, il fasse pénitence par une satisfaction publique.
7. Or si nous avons décidé qu'ils devaient se tenir au dernier rang ou à part, c'est pour qu'ils soient vus de tous et qu'ils se corrigent au moins sous l'effet de la honte.
8. Si d'ailleurs ils restent hors de l'oratoire, il s'en trouvera peut-être un qui se recouchera et dormira ou qui s'assiéra dehors à l'écart, passera son temps à bavarder et donnera occasion au malin.
9. Mieux vaut qu'ils entrent au dedans, de façon à ne pas tout perdre et à se corriger à l'avenir.
Les retards à l’office. La manière soigneuse avec laquelle Benoît examine la question montre que ce problème n’est pas d’aujourd’hui. Il rejoint en nous, en chaque homme une résistance profonde. Nous peinons à marcher au pas de Dieu. Nous peinons à accorder notre vie à la sienne. Notre vie monastique radicalise cela en nous donnant des rendez-vous précis avec notre Dieu, afin d‘apprendre à vivre toute chose avec lui et en lui. L’exigence est forte, surtout à nos yeux d’hommes du 21° siècle qui révèrent tant l’efficacité et l’utilité. Les ruptures que les offices instaurent dans nos journées nous obligent à un profond changement de mentalité. Ce n’est plus nous qui imposons le rythme. Non nous apprenons à entrer dans le rythme d’une vie qui se reçoit de la Parole. Il y a une inversion des valeurs. La qualité de notre vie ne va plus dépendre du travail que « l’on abat » mais de notre disponibilité à la parole qui est semée à chaque office. Se « recevoir » de la parole, marcher au pas de Dieu en l’écoutant, c’est là que nos vies vont devenir vraiment fécondes. Nos retards, surtout quand ils sont répétitifs, mais aussi nos manières d’arriver toujours très justes manifestent notre résistance profonde à entrer dans cette dynamique d’écoute. On me dira : « Oui, mais le travail, il faut bien le faire et parfois cela ne peut pas attendre ». S’il y a parfois des urgences exceptionnelles, en temps normal le travail doit apprendre à s’organiser dans ce cadre. Et la question peut rebondir : comment est-ce que nous vivons le travail ? Le vivons nous comme si nous étions les seuls maitres à bord ou bien le vivons nous comme un don de nous-mêmes qui inclue une écoute de notre Dieu ? Pendant le travail, marchons nous aussi au rythme de Dieu, ou bien courrons nous en nous essoufflant pour abattre toujours plus de besogne. Le défi n’est pas facile à relever, surtout dans notre contexte actuel où les informations et les communications sont nombreuses. Mais je crois que c’est au prix de ce recentrement sur l’écoute et l’attention à notre Dieu dans le travail et nos rencontres, que nos vies vont trouver leur profonde assise et fécondité. Le temps de l’office sera la célébration de cela. Il en recueillera tous les fruits. (2011-07-22)
1. A l'heure de l'office divin, dès qu'on aura entendu le signal, on laissera tout ce qu'on avait en main et l'on accourra en toute hâte,
2. mais avec sérieux, pour ne pas donner matière à la dissipation.
3. Donc on ne préférera rien à l'œuvre de Dieu.
« Ne rien préférer à l’œuvre de Dieu » Nous sommes invités là, à visiter en profondeur nos inclinations et nos choix, nos consentements, nos préférences quand la cloche sonne, qu’est-ce qui se passe pour moi ? Qu’est-ce que j’entends ? Un signal gênant qui vient troubler mes activités ou bien un appel à entrer dans une autre manière de voir les choses ? Ce que je fais est important mais il est plus important d’être capable de s’arrêter pour se resituer dans la vérité du temps qui passe et dans la lumière de cette heure qui, célébrée à la gloire de Dieu, redonne au temps sa profonde dynamique d’une marche accompagnée. Nous arrêter, c’est nous remettre dans la juste mesure du temps, qui n’est pas un produit de consommation dont il faudrait consommer la moindre parcelle de seconde. Nous arrêter pour chanter Dieu, c’est reprendre souffle, respirer de nouveau au rythme de Dieu, au cas où les soucis de la vie nous auraient donné l’illusion que nous étions seuls sur la route et essoufflés de devoir toujours courir.
On le mesure bien, ne rien préférer à l’œuvre de Dieu, ce n’est pas seulement s’efforcer d’être à l’heure à l’office, mais c’est consentir de tout son être à vivre dans le temps, non pas en consommateur inassouvi ou en bolide qui fonce tête baissée, mais plutôt en marcheur qui se sait accompagné et guidé. Le sens de la marche, son goût, sa beauté ne se réduisent pas à ce que le temps soit complètement rempli, bouclé, mais à la qualité de la marche en présence de Dieu qui est à nos côtés par son Esprit Saint, en présence de nos frères aussi. Bienheureuse rupture de l’office qui peut nous apprendre à ouvrir les yeux sur la réalité de notre temps pour Dieu et avec Dieu. Bienheureuse rupture qui peut nous aider à nous recaler et à sortir de nos ornières pour de nouveau choisir, préférer la vie dans la lumière de Dieu. (2011-07-19)