vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 48-50 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 18 avril 2024
Verset(s) :

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

Commentaire :

R.B. 4, 48-49 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Se surveiller soi-même, savoir qu’en toute chose Dieu nous regarde. On pourrait recevoir ces deux instruments en les considérant sous l’angle étroit d’une morale où il s’agit de « se tenir à carreau ». Donc pour cela, ne pas s’en relâcher pour soi-même et penser que Dieu fait de même, lui qui nous regarde en toute circonstance. Vision un peu courte et étroite de notre condition humaine appréciée selon le seul critère de la conformité à la norme. La position de ces instruments dans le chapitre juste après ceux sur le jugement, la vie éternelle et la mort peut suggérer une autre manière de les appréhender. Après les instruments nous tournant vers les réalités à venir, réalités transfigurées par la Résurrection du Christ, ces instruments peuvent nous aider à prendre au sérieux la dignité de notre vie humaine, désormais promise à la gloire avec le Christ. Je pense à cette strophe de l’hymne « N’allons plus nous dérobant » qui dit ceci : « N’allons à contrevoie de Celui qui nous entraine, le Seigneur est ressuscité. Dans sa chair monte soudaine l’éternité. Il rend leur poids aux jours aux semaines, les achemine vers la joie ». Oui depuis la résurrection du Christ, non seulement dans sa propre chair monte soudaine l’éternité, mais aussi dans son corps qu’est l’Eglise, et chacun des membres que nous constituons. Aussi nous faut-il prendre très au sérieux les jours, les semaines désormais chargés d’un poids sans pareil, car toute notre réalité humaine est investie de la vie du Christ ressuscité qui s’y déploie et veut s’y déployer toujours plus. En quelque sorte, il n’y a plus de temps à perdre pour donner à notre existence sa pleine mesure d’existence rachetée par le Christ. Car, comme l’affirme Paul, désormais « aucun ne vit pour soi-même, et aucun de meurt pour soi-même…Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur » (Rm 14, 7-8). Dans cette lumière, surveiller nos actes, c’est prendre au sérieux notre condition de disciples du Christ appelés à lui être toujours plus conforme. Rien dans nos vies n’est banal. Tout peut être transformé en amour et en don. De même, nous souvenir que Dieu nous regarde, c’est nous souvenir que depuis la mort et la résurrection du Christ, Dieu nous espère. Il n’a de cesse de rassembler le genre humain en un peuple de fils, en une assemblée de frères. Il nous regarde, non pour épier le moindre de nos écarts, mais pour nous attirer un peu plus par son Esprit dans la connaissance de son Amour. Il désire nouer une relation toujours plus intime avec chacun de nous. Soyons heureux d’être ainsi regardé, espéré et attendu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 47 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 17 avril 2024
Verset(s) :

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

Commentaire :

R.B. 4, 47 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Avoir chaque jour la mort devant ses yeux ». Le f. Jean-Noël me partageait récemment qu’il pensait souvent à la mort et que chaque soir, il priait plus particulièrement en pensant à sa mort possible…ruminant l’antienne : « je le crois, je verrai la bonté de Dieu sur la terre des vivants ». Merci au f. Jean Noël pour ce témoignage de foi en la vie qui l’attend au-delà de la mort. N’est-ce pas ce que nous cherchons tous à vivre : passer de la considération angoissée face à la mort au consentement à ce passage, confiant en notre Père qui nous attend au-delà du seuil. N’est-ce pas ce travail spirituel que sous-tend cet instrument ? Loin d’être une recommandation morbide qui nous enfoncerait dans la tristesse et la peur, elle se veut être pédagogique pour avancer debout vers ce passage. Comme le suggère l’Ecriture et l’expérience humaine, la mort est une épreuve, et à bien des égards l’épreuve humaine. Ben Sira le dit : « Une grande inquiétude est la part de tout homme, un joug pesant accable les fils d’Adam, depuis le jour où ils sortent du ventre de leur mère... L’objet de leurs réflexions, la crainte de leur cœur, c’est la pensée de ce qui les attend, c’est le jour de leur mort » (Si 40, 1-2). Ben Sira souligne encore que cette pensée est plus amère pour celui à qui tout réussit, que pour celui qui est dans le besoin ou qui souffre, la mort pouvant apparaitre alors à ce dernier comme une délivrance. Nous retrouvons en écho les débats actuels sur la fin de vie : quand on est dans la jouissance heureuse de la vie, on fait tout pour ne pas penser à la mort, et quand on traverse une situation où l’on perd son intégrité de santé physique et psychique, on désire hâter la mort pour ne pas faire perdurer une expérience qui parait intolérable. L’impasse où se trouve l’homme moderne apparait au grand jour : il veut vivre tellement dans l’oubli de la mort, et se prémunir de tout ce qui pourrait la rendre possible, que lorsqu’elle arrive avec la maladie, il se trouve complètement démuni pour l’affronter. Alors dans une sorte de fuite en avant, il préfère la provoquer sans l’assumer vraiment. L’instrument que nous propose Benoit peut à cet égard être très utile pour nous moines, marqués par notre culture ambiante terrorisée par la mort. Il voudrait nous accoutumer à cette réalité pour apprendre à la regarder en face et vivre avec son éventualité. Nous souvenir de notre mort à venir, permet de laisser venir au jour toutes nos peurs légitimes, toutes nos questions très normales. C’est encore laisser notre foi en Jésus qui a traversé la mort pour ressusciter, imprégner toutes nos fibres humaines. N’est-ce pas cela le travail de la foi : pas seulement croire avec notre tête, mais laisser descendre en notre cœur, en tout notre être cette Bonne Nouvelle de la Vie Promise à venir. Seigneur, apprends-nous à accueillir ta Présence de Ressuscité pour avancer avec confiance vers notre mort.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 46 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 16 avril 2024
Verset(s) :

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

Commentaire :

R.B. 4, 46 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Peut-être avez-vous remarqué qu’à la messe, chacune des oraisons de communion porte une évocation de la vie éternelle. Chaque eucharistie nous tourne résolument vers la vie en Dieu et avec Lui, dont l’accès nous est assuré par la résurrection de Jésus. Je cite pour l’exemple l’oraison que nous aurons ce jour : « Regarde avec bonté, Seigneur, nous t’en prions, le peuple que tu as rénové par tes sacrements ; accorde-nous de parvenir à la vie incorruptible lorsque notre chair ressuscitera dans la gloire » … Si nous croyons que ce don de la vie éternelle nous est généreusement offert depuis la Croix, par Jésus Ressuscité, la liturgie de l’Eglise cependant nous le fait demander chaque jour. « Accorde-nous de parvenir à la vie incorruptible ». Car si Dieu donne sans être aucunement avare, dans une prodigalité dont nous ne mesurons sûrement pas l’étendue, il nous revient pour accueillir ce don, de nous ouvrir, de lui faire une place dans notre vie, de le désirer. Qu’on se souvienne de la parabole des deux fils. C’est la prise de conscience de sa misère qui a permis au fils cadet de s’ouvrir à la tendresse de son Père, ce que le fils aîné ne réussit pas à faire. Dans l’aujourd’hui de la liturgie, l’Eglise nous entraine à demander, finalement à désirer, le don de la vie éternelle qui s’épanche sans discontinuer depuis la croix de Jésus. Elle nous apprend à reconnaitre, et notre indigence et la profusion du don. Elle enseigne par sa prière à aiguiser « notre convoitise spirituelle », pour reprendre les mots de Benoit afin de nous ouvrir, d’élargir notre cœur à la mesure du don de Dieu. La convoitise…en sa dimension charnelle, nous savons très bien à quoi elle peut ressembler : désir de jouissance des biens de la terre, des relations humaines, d’une félicité qui comble et qui nous remplit. Mais la caractéristique de cette concupiscence charnelle, c’est que plus on la met en œuvre, dans nos appétits de posséder, moins elle parvient à nous combler. Et cela peut nous rendre triste, ou bien inquiet, ou encore un peu plus vorace. A l’inverse, la convoitise spirituelle, sera ce désir de nous tourner vers les choses de l’Esprit. Elle nous conduira à nous mettre vraiment à l’écoute de la Parole de Dieu pour mieux le rencontrer et l’aimer. Comme la convoitise charnelle, la convoitise spirituelle nous laisse toujours insatisfait. Mais au lieu de nous en attrister, cela nous rend encore plus vivant pour chercher et pour aller à la rencontre de Celui dont nous avons entraperçu quelque chose de son mystère. Entre les deux convoitises, il y a comme des vases communicants que toute la tradition spirituelle a bien mis en évidence. A la mesure que nous acceptons de résister aux injonctions de nos appétits charnels, va pouvoir grandir et s’unifier notre désir le plus profond : celui de nous donner et d’aimer vraiment le Seigneur et les autres, dans l’espérance que cet Amour s’épanouira dans la Vie éternelle.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 44-45 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 13 avril 2024
Verset(s) :

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

Commentaire :

R.B. 4, 44-45 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Voilà deux instruments de notre trousse à outil que spontanément nous ne savons pas bien manier. Qu’en faire ? Le plus souvent, on les passe sous silence par gêne et par commodité. Si cette réalité du jugement final est bien présente chez Benoit, il s’appuie sur le nouveau testament qui contient cet horizon de la destinée humaine : celui d’un temps après la mort, où tous devront, pour reprendre les mots de Paul, « apparaitre à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien, soit en mal, pendant qu’il était dans son corps » (2 Co 5, 10 ; cf aussi Rm 2, 2-11). Il se passera quelque chose après la mort et lorsque tout sera récapitulé à la fin des temps, qui nous mettra tous et chacun dans notre vérité la plus profonde. Face aux citations de l’Ecriture qui atteste de l’avenir d’un jugement, j’en retiens une autre en Jean qui contraste : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit échappe au jugement…Et le jugement le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 17-19). Celui qui croit échappe au jugement, parce qu’il fait confiance à la lumière qu’est le Christ. Il a offert au Christ ses ténèbres, il ne s’est pas replié sur elles, par honte ou par peur. Cette citation m’invite à penser que lors du jugement où sera pleinement manifesté l’amour de Dieu et sa lumière, tout apparaitra dans sa vraie densité. Face à l’amour, ce qui n’est pas amour ne pourra tenir, de même que face à la lumière ce qui est ténèbres. Mais là où nous pourrions perdre pied, car nous serons nécessairement en deçà de l’amour et de sa vive lumière, il nous restera notre foi. La foi qui fait confiance et qui s’offre à l’amour et la lumière du Christ qui nous a sauvés et qui nous assure de son amour. C’est une récente discussion avec f. Alain qui veut développer cette conviction dans la 2de édition de son livre qui m’a ancré dans cette lecture du passage de Jean. Craindre le jugement nous dit Benoit, redouter la géhenne, cette impasse de l’enfermement sur soi comme disait le P. Germain, jouant sur les mots, enfer et enfermement. Ces deux instruments peuvent jouer le rôle d’un aiguillon pour réveiller la part de nous-même qui prendrait à la légère, et de manière désinvolte, la densité de l’existence humaine et la profondeur de la mémoire que nous avons de nos actes. Mais en aucun cas, ils ne doivent bloquer et tétaniser l’autre part de nous-mêmes, celle qui désire plaire au Seigneur (2 Co 5, 9), tout en étant consciente de sa faiblesse. Cette part de nous-même qui ne demande qu’à croitre est appelée à grandir dans la foi et la confiance en l’amour de Dieu toujours offert, cet amour dont rien ne peut nous séparer (Rm 8, 39).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 42-43 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 11 avril 2024
Verset(s) :

42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;

43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.

Commentaire :

R.B. 4, 42-43 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Ces deux instruments sont à manier avec prudence et discernement. Il pourrait y avoir un usage malsain qui consisterait à se dévaloriser systématiquement et à s’enfermer dans une culpabilité constante au regard de ses fautes ou même de ses limites. Comment donc en faire un usage utile pour notre vie quotidienne ?

Je crois qu’il faut prendre ces recommandations dans la lumière de Pâques et de l’œuvre de renouvellement que la grâce du Christ Ressuscité veut opérer en nous. Après la mort du Christ, le cœur de l’homme est apparu comme à découvert. La passion de Jésus a révélé l’incapacité foncière de l’homme à affronter par lui-même les forces du mal. Jésus avait pourtant enseigné durant trois ans la sagesse et la justice du Royaume. Mais il s’est retrouvé seul, abandonné de tous, et particulièrement de ses amis inexistants face à l’adversité. Chaque année, la célébration de la passion du Christ nous remet devant l’abime de notre propre cœur lorsqu’il est laissé à lui-même. Nous pouvons alors être capables du pire : la lâcheté, la cupidité, la peur, l’égoïsme, la trahison, l’aveuglement obstiné, l’orgueil…. Dans ce sens, l’instrument entendu ce matin : « quant au mal, savoir qu’on en est toujours l’auteur » sonne comme un rappel salutaire. Il voudrait nous garder de toute illusion sur nous-mêmes. Cette constatation n’est pas morbide ou mortifère. Non, elle est simplement une conviction ancrée depuis la résurrection de Jésus, que seulement par le don de l’Esprit nous pouvons être pleinement renouvelés et aptes à faire le bien au service du Royaume. Avec la résurrection de Jésus à laquelle nous prenons part depuis notre baptême, nous expérimentons que le bien que nous faisons est toujours une grâce, un cadeau. Ce que Dieu avait déjà modelé de bon dans le cœur de l’homme par son œuvre de création, qui est très bonne nous assure la Genèse, la résurrection de Jésus l’a parachevé et affermis. En Jésus Ressuscité, sous la conduite de son Esprit, nous devenons capables de faire toute sorte de bien. Mais nous sachant aussi capable du pire lorsque nous nous éloignons du Christ, il serait bien téméraire de nous attribuer quelque mérite à faire le bien. A ce titre, l’instrument « quand on voit quelque bien en soi, l’attribuer à Dieu, non à soi-même » n’est qu’un juste réalisme et bon sens qui n’enlève rien à notre joie d’être renouvelés pour d’agir de façon juste en Jésus vivant. Si nous faisons le bien, c’est de manière imméritée. Cultiver, avec ces deux instruments, la reconnaissance de notre faillibilité et celle de notre petitesse devant les dons de Dieu, ne peut que faire croitre en nous, et l’humilité et l’action de grâce envers Dieu de qui vient tout bien.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 41 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 10 avril 2024
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

Commentaire :

R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)

En relevant le lien entre foi et espérance, le P. B. se posait la question : au regard du sens de l’histoire, quelle est l’œuvre de Dieu ? Quel est son grand projet ? Le P.B. reprenant la parole de Jn 6 : « l’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez ». Dieu fait son œuvre en moi, en nous, en faisant grandir la foi, de telle sorte qu’en toutes circonstances, chaque génération croie et fasse confiance à Dieu. Non, en dehors de la réalité, mais au cœur de tout ce qui fait notre vie. Nos problèmes viennent souvent du fait que nous ne faisons pas confiance, ni à Dieu, ni aux autres. Nous nous méfions les uns des autres, nous avons peur de la différence de ce qui est autre. Or la joie de Dieu, c’est de créer de l’autre, des êtres différents, des hommes libres. Il prend le risque de la tristesse et que l’autre ne le reconnaisse pas. Mais c’est au prix de sa joie. Dieu veut se réjouir, et il met dans le cœur de l’homme de se réjouir lui aussi de la différence, du fait qu’il y ait de l’autre. L’œuvre de Dieu, c’est de croire que chaque jour les conditions sont là pour que Dieu se réjouisse.

Dans cette œuvre, il nous faut être attentif à nos petits refrains intérieurs sur la réalité qui n’est pas comme on voudrait : « bof, rien ne va plus, il y a toujours des problèmes ». Croire, c’est changer mon regard sur le réel et voir comment Dieu m’y attend. C’est aussi être attentif à toutes les paroles que je peux dire : comment je veille à toujours dire du bien. Car dire du bien est contagieux. L’œuvre de Dieu est là : celle d’une parole qui est toujours une parole de bénédiction sur l’humanité. Mais si nous, nous ne changeons pas, si nous cultivons les paroles négatives, nous semons la discorde et à grande échelle les guerres. Notre attention sera toujours : quel bien dire ? Comment croire en Dieu dont la parole est bonne et toujours créatrice, et comment faire confiance aux autres ?

A la question posée, comment nourrir en nous l’espérance, le P.B. nous invitait à être attentif à toutes les petites voix qui, en nous, insinuent la désespérance et fait baisser les bras, mais aussi à être attentif à nos manières de regarder la réalité. Mieux reconnaitre la désespérance qui m’habite pour me convertir et changer.

La vie religieuse est fondée sur la manière avec laquelle chacun porte et vit sa suite du Christ. Dans le dialogue spirituel, comment chacun apporte son écoute de la Parole ? L’important est le travail fait par chacun pour se laisser labouré par la Parole. Dans la vie commune, on se partage comment on est labouré.

Il s’agit de suivre le Christ à ma place, non à celle du Christ, en gardant la distance et l’altérité. Toujours rester du côté des disciples, des pauvres, et annoncer le Christ depuis notre place de disciple sauvé de nos péchés, et non de la place du Christ qui seul est le Sauveur.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 41 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 08 avril 2024
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

Commentaire :

R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)

La satisfaction n’est pas la joie. J’ai de la satisfaction par rapport à ce que je fais, par rapport à l’image que j’ai de moi. La joie est d’un autre ordre. Comme pour le paralytique qui entend la parole de Jésus et se remet debout, elle vient de la parole de Jésus que l’on entend et qui nous relève dans l’inattendu. La joie a à voir avec l’espérance, la satisfaction avec l’espoir.

La joie a à voir aussi avec le manque. Au cœur du manque, de la faim, il y a une nourriture qui vaut mieux que toutes les bombances. Il nous faut oser comprendre qu’il y a une pauvreté à recevoir de la main de Dieu, lequel ose croire que nous pouvons nous tenir là avec confiance. Dieu ose nous appeler à la pauvreté, et nous mettre à un endroit où nous pouvons être heureux, et d’où naitra la louange. La question nous est posée : comment vivons-nous nos manques ?

Pardon et espérance

Si on considère les récits d’apparition de Jésus Ressuscité aux disciples, le P.B. relevait l’importance du don de la paix par Jésus, qui est comme le sceau du pardon qu’il offre. Les disciples n’osent pas le croire vivant parce qu’ils sont peut-être tellement anéantis par le fait qu’ils l’aient tous abandonné ou trahi. Ils ne peuvent pas le croire vivant. La paix apportée par Jésus vient les assurer de son pardon et de sa miséricorde, dont ils se sentent si indignes. C’est dans ce lieu de leur misère que la miséricorde peut les rejoindre. Et c’est de ce lieu réconcilié que le Seigneur les envoie témoigner de sa résurrection. Le P. B avait cette belle expression : désormais, « les disciples sont vraiment compétents pour témoigner du Christ ressuscité et de son œuvre de pardon des péchés ». Ils sont compétents car les premiers, ils ont fait l’expérience de la totale gratuité du pardon et de la grâce à eux offerte. Le Seigneur Jésus fait de grands pécheurs, les gens les plus compétents pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Il en fait des témoins de l’espérance qui surgit de l’inouï, de l’improbable.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 41 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 05 avril 2024
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

Commentaire :

R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? (Espérance suite)

En reprenant le texte d’Is 60, 1-2 « Debout resplendis, Jérusalem…elle est venue ta lumière », le P. B se demandait comment dire ce texte aujourd’hui, alors qu’Israël est loin de l’alliance avec Dieu et que le cœur de l’homme est compliqué, comme la situation du conflit actuel entre Israël et le Hamas le révèle. Il nous faut accepter de nous retrouver au pied du calvaire, pour être au cœur du monde, tel qu’il est, mauvais du fait que tous ont trahi. Et à cet endroit, apprendre à lire l’amour de Dieu pour son peuple, car lui ne désespère pas. Il aime son peuple et croit à sa conversion, à tel point qu’il confie à des hommes incapables son Eglise. L’Eglise est comme Israël, capable du meilleur et du pire. Mais le Dieu d’Israël ne cesse pas de lui proposer son alliance. Paradoxalement, les errances d’Israël rendent gloire à Dieu, car à travers elles, Dieu peut manifester son Amour et sa Fidélité.

Dieu nous fait connaitre sa vérité. « Vous connaitrez la vérité » dit Jésus à ses disciples « et la vérité vous rendra libre ». La vérité de notre cœur et de ses complications. Combien nous avons peur que notre cœur soit mis à jour ! Si vous demeurez fidèle à ma parole, si vous venez à la Croix et au Calvaire, la vérité vous sera donnée par Celui qui est sur la Croix, non comme un jugement accusateur. Mais dans sa manière de nous dire la vérité, il nous libère. Avec les disciples d’Emmaüs qui désespèrent et considèrent que tout a échoué, il nous faut réentendre que Jésus marche avec nous, que la vie n’est pas un cul de sac. Avec eux, revenir au Calvaire, pour là, relire le signe, et entrer dans l’intelligence de ce qui s’est passé.

L’Eglise ne peut être un ilot de paix où tout le monde est beau et gentil. Elle doit au contraire témoigner que les chrétiens sont de la même humanité en souffrance, que nous en sommes, et que nous osons croire que Dieu nous en relève. Il s’agit d’oser être là devant le Crucifié, et seulement de là, nous pouvons témoigner de la Résurrection. Oser croire et dire que du lieu même de la blessure, il y a une porte étroite. Regarder le cœur du Christ, car à cet endroit se déploie une liberté, une joie, la joie de la source qui était ensablée.

Croire et espérer, ce n’est pas penser que tout va continuer comme avant. Ce n’est pas penser que nos grandes maisons, nos grands bâtiments sont appelés à durer. C’est là qu’intervient la différence entre « espoir et espérance ». Le monde a espoir que la maladie va reculer, que la crise écologique va être repoussée, et que la guerre va cesser. Mais ce n’est pas l’espérance. On peut regarder le monde sans être optimiste, car dès le début, l’homme met en doute la bonté. Le cœur de l’homme n’ose pas croire en la bonté. On se méfie du frère, on dit des paroles qui sèment le doute. Tous nous sommes dans un système où de paroles en paroles on sème le doute, la suspicion. De la sorte, nous avons tous notre part dans les guerres. Il faut regarder en face notre monde qui est dur, mais il est là pour qu’on se donne.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 41 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 04 avril 2024
Verset(s) :

41. Confier son espoir à Dieu.

Commentaire :

R.B. 4, 41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Pour commenter cet instrument, « confier son espoir à Dieu », je voudrais me faire l’écho sur plusieurs chapitres, de la rencontre animée par P. B. Régent pour les religieux(ses) de la Corref Dijon, à Rimont, sur le thème : « Dans la période de forts changements que traversent l’Eglise et la vie religieuse, comment nourrir notre espérance ? »

Pour situer son propos, le P. B. Régent a esquissé la vision de l’histoire qui l’habite : non pas une vision linéaire toujours en progression, mais plutôt celle où chaque génération et chaque personne a à revivre les origines de la Gn et la fin de l’Ap. Chaque génération doit affronter la question du mal et répondre à la question : qu’est-ce-que je fais ? Est-ce que je crois que Dieu m’accompagne, qu’il est bon et veut me partager sa vie ? En reprenant Rm 8, 19-25 : « pourtant la création a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libéré de l’esclavage de la dégradation », le P.B insistait sur le fait que l’espérance n’est pas une question pour demain. La vie éternelle commence dès maintenant. La fin du monde est déjà dans notre finitude, et l’origine du monde, nous renvoie non à 3 milliards d’années, mais à la source de la vie qu’est la parole de Dieu.

Reprenant l’expression de Paul, « espérant contre toute espérance » (Rm 4,18) il nous disait qu’espérer, c’est toujours espérer au-delà de toute espérance humaine, c’est oser être au bord du gouffre, et d’assumer ses responsabilités pour ne pas tomber dedans. Face au gouffre être responsable en apportant la réponse qu’il nous revient d’apporter, en nous donnant. Espérer qu’il y a une porte étroite et oser faire un pas. Les signes d’espérance ne sont pas ceux-là où se dessine un meilleur avenir possible. « Osons dire, affirmait-il, que la guerre en Ukraine est un signe d’espérance ». Dans le sens où, comme toutes les réalités humaines, elle nous engage à espérer. Nous n’avons pas de tri à faire : en toute circonstance, nous sommes convoqués à l’espérance.

Une certaine vision écologique de Gn 1 où tout le monde est beau et gentil n’est pas juste. Dès le début, la nature elle-même est appelée à se donner, à travers toutes les plantes qui donnent une semence pour que d’autres puissent naitre. Dès le début, tous sont appelés à se donner et à se perdre, à mourir pour que d’autres puissent vivre.

De même, il y aurait une fausse image de Gn 3 qui consisterait à voir Dieu qui punit l’homme et la femme en leur promettant qu’ils devront peiner pour travailler et enfanter. Non, de cette manière, Dieu confie à l’homme sa création pour qu’il s’y engage par le travail, et à la femme à travers tout son corps. Dieu fait confiance à l’homme et à la femme. Mais il y a à suer, à travailler dur.

Le serpent, lui, met en doute la bonté de la parole de Dieu. Dieu est bon depuis les origines jusqu’à la fin. Si nous voyons des signes de la guerre, au lieu de nous décourager, il nous faut espérer, garder vivante la conviction que Dieu est bon, et qu’il a voulu la création bonne. Face au mal, il nous revient de nous engager. Comment faire ? En toute circonstance, lutter intérieurement, ne pas laisser mourir notre cœur, plutôt que de vouloir à tout prix voir des signes du cœur vivant. On peut entendre en écho le psalmiste : « espère le Seigneur, sois fort et prend courage, espère le Seigneur » (Ps 26, 14).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 38-40 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 19 mars 2024
Verset(s) :

38. ni paresseux,

39. ni murmurateur,

40. ni médisant.

Commentaire :

R.B. 4, 38-40 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Comme je l’ai déjà fait, il y a avantage parfois à associer ensemble ces instruments enfilés comme des perles dans ce long collier que représente le chapitre 4. Paresse, murmure et médisance… peuvent s’éclairer mutuellement à partir de la paresse. Ce défaut ou peut-être faudrait-il dire cette déficience a un caractère basique. Comme l’orgueil, ou l’appétit de jouissance, elle est la manifestation du péché, d’une faiblesse que nous portons tous à des degrés divers. Faiblesse pour affronter la vie avec ses contrariétés, faiblesse pour aller au bout de ses exigences, faiblesse plus ou moins consentie qui fait baisser les bras et remettre à plus tard ce qu’on pourrait ou devrait faire maintenant. A la croisée de cette faiblesse, on va trouver assez facilement le murmure et la médisance. Nous murmurons contre la vie qui n’est pas comme elle devrait être, c’est-à-dire rêvée facile et toujours radieuse. Nous murmurons contre les autres qui nous agacent et qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous souhaiterions, ou qui ne font pas les choses comme nous imaginerions qu’elles doivent être faites. Alors, pourquoi nous en priver, nous disons du mal d’eux. Nous piquons ici ou là, et nous épinglons leur défaut de manière éventuellement humoristique pour mieux en rire ou en faire rire. Nous murmurons encore contre nous-mêmes, lorsque notre image idéale se brise sur la réalité de notre médiocrité ou de notre péché. Nous ressassons tel ou tel échec ou faux pas, comme une malédiction que nous n’avons méritée.

Tel peut-être notre cinéma intérieur, le mien parfois qui est là comme un écran dont il me faut veiller à ce qu’il ne devienne pas la toile de fond de mon quotidien. « Le champ du paresseux est rempli de mauvaises herbes », dit le proverbe. Il nous revient de travailler pour ne pas laisser notre champ intérieur se couvrir de ces mauvaises herbes que sont la médisance et le murmure. Deux vices qui, me retournant contre les autres, me détourne de moi-même. Au lieu de regarder en face le travail spirituel à accomplir, au lieu de me mettre courageusement à l’œuvre par l’attention et la vigilance sur moi-même, je m’occupe des défauts des autres. Illusion aussi tenace que futile. « Soyez forts, prenez courage, vous tous qui espérez le Seigneur », nous dit le psalmiste (Ps 30, 24). Avec lui, nous pouvons prier : « Mets une garde à mes lèvres Seigneur, veille au seuil de ma bouche » (Ps 141, 3).