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40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »
41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »
42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;
43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.
Que faire en cas d’injustices subies ? Comment réagir ? Par la patience répond Benoit, la patience évangélique.
Au 5° siècle, ,l’abbé Zosime, moine à Tyr en Phénicie, disait à ses moines : « Si quelqu’un conçoit du ressentiment contre celui qui l’afflige, qui lui fait du tort, qui le calomnie, ou qui lui fait un mal quelconque, s’il trame des pensées contre lui, il se dresse à lui-même une embûche comme le feraient les démons (Que dis-je, il trame). S’il ne se souvient pas de celui-là (le frère qui le calomnie) comme d’un médecin il se fait à lui-même la plus grande injustice. Tu dois te souvenir de celui-là comme d’un médecin qui t’a été envoyé par le Christ » (Entretiens 3).
Cette parole de l’abbé Zosime nous ouvre une manière concrète de vivre la patience dans l’adversité : considérer le frère ou la personne qui nous importune, voire qui nous afflige, nous calomnie, comme un médecin. Cette offense ou cette épreuve peut devenir l’occasion de guérir quelque chose en nous ; notre conscience d’être quelqu’un, notre vaine gloire, notre jugement des autres etc.. A l’inverse si, à la suite de l’offense, on se met à ruminer, à concocter une vengeance, on se fait mal à soi-même car on s’enferme dans les pensées troubles de la violence et de l’injustice.
Le chemin de l’humilité est rude et il dure jusqu’à la fin de nos jours. Benoit et l’abbé Zosime nous proposent de tirer parti, comme St Paul ce dimanche, des obstacles et des adversités. Par la patience, par ce regard positif qui voit un médecin dans le frère qui m’offense, me blesse ; nous pouvons grandir dans l’humilité du cœur qui ne compte plus sur ses propres forces, mesurant trop bien sa faiblesse. Chemin Christique, que le Christ a ouvert pour notre salut. Béni soit-il , qu’il nous prenne en pitié !
35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,
36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»
37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »
38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »
39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »
4° degré - De nouveau l’attention se porte sur l’attitude intérieure. Dans les adversités de toutes sortes, voire dans les injustices, le moine est invité à « embrasser la patience silencieusement dans la conscience ». Si tout se rue contre nous extérieurement, surtout ne pas perdre patience intérieurement, supporter pour le Seigneur ces contrariétés. L’humilité devient ici patience et la patience exprime l’humilité au creuset des épreuves et des contradictions. C’est impressionnant de voir combien cette échelle de l’humilité nous conduit à travers l’obéissance (hier) et à travers les contrariétés et les choses dures, au niveau des sentiments les plus intimes. Dans de telles situations, comment réagissons-nous ? Que disons nous et que faisons-nous ? Allons-nous nous indigner ou monter sur nos grands chevaux pour faire valoir nos droits ? Ou bien allons-nous entrer en humilité ? Supporter dans la patience… Chacun, nous pressentons, combien ce chemin ne nous est pas naturel. Il nous prend à rebrousse poil. Le nombre de citations présentés par Benoit, pour reconnaitre dans l’Écriture cette attitude, montre que ce n’est pas évident à comprendre, ni évident à vivre. Cette attitude d’humilité nous introduit un peu plus dans le mystère pascal du Christ, comme le suggère les citations « Pour toi, nous sommes mis à mort chaque jour ». Patience, Humilité. Mystère Pascal du moine, sauf exception, il ne nous est pas demandé de donner notre vie jusqu’au sang versé. Mais certainement par la patience jour après jour et accueillie, nous partageons les souffrances du Christ. En supportant les offenses et les rebuffades, en ne ruminant pas contre notre frère indélicat, en pardonnant un geste ou une parole blessante, nous sommes mis à mort dans cette part orgueilleuse de nous-mêmes. Insignifiante et souvent cachée, la patience est une voie spirituelle sûre. Que le Seigneur Jésus nous prenne en pitié, qu’il nous aide à comprendre la fécondité d’une telle voie à sa suite.
34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »
Ce 3° degré de l’humilité marque un palier dans l’échelle. Les deux premiers degrés considéraient davantage le travail intérieur à vivre. Ce 3° degré introduit un élément concret : l’obéissance et la soumission à un supérieur. Ici l’humilité est moyen et fruit de l’unification entre l’intime du cœur et l’engagement concret dans une attitude d’obéissance. Le moine en son intime désire l’humilité par amour de Dieu. Au cœur de ce même amour, il s’engage dans l’obéissance vis-à-vis d’une personne concrète. Entre l’intime conviction et sa réalisation dans un agir concret, nous savons que le fossé peut être grand. Si on n’y prend garde, il peut conduire à une sorte de duplicité, on dit et on pense des choses et on en vit d’autres. Aucun de nous n’est à l’abri de ce décalage. Seul Dieu est indissociablement parole et agir, amour et vérité. L’humilité veut nous introduire dans cette quête laborieuse d’unification de notre être. Jésus lui-même « tout fils qu’il était » est entré dans ce chemin. « Il a appris l’obéissance par » et jusque dans la « souffrance » et la mort. En lui, par son obéissance, la parole a porté tout son fruit d’amour pour Dieu et pour les hommes. De manière forte et presque surprenante, Benoit associe le fait d’obéir à un supérieur à l’obéissance de Jésus jusqu’à la mort. Spontanément, on peut penser que c’est exagéré. Mais chacun de nous sait bien reconnaitre la part de mort en lui-même dans le simple fait de renoncer à ses options ou idées pour se soumettre à celles d’un autre. Sur le moment, on peut éprouver ou ressentir comme une mort à soi-même. Et Benoit ne nie pas la chose. Il invite à la mettre sous la lumière du Christ. En vivant ces morts, non dans la résignation, mais dans la foi et par amour de Dieu, nous participons au dynamisme pascal du Christ. Avec lui, nous mourrons, avec lui nous revivons à une vie nouvelle …
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »
Second degré d’humilité : ne pas aimer sa volonté propre, ni l’accomplissement de ses désirs. Ou encore, s’unir à Jésus pour faire comme lui la volonté du Père : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». S’unir à Jésus, trouver notre unification en Lui. Voilà une voie sûre pour accéder l’humilité. Jésus qui n’a pas péché a eu à vivre un vrai travail intérieur en son humanité pour se mettre à l’écoute et pour faire la volonté de son Père. Ce travail apparait plus clairement aux approches de la Passion : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Ce combat intérieur qu’a dû traverser Jésus met bien en lumière le mystère de notre liberté humaine. Jésus nous révèle l’homme vraiment en relation avec son Dieu, dans une relation pleinement libre. Jésus parle à son Père, lui demande des choses (on peut penser à certains miracles). Et Jésus écoute, il cherche à faire la volonté de son Père. Jusqu’au bout, il reste en relation avec son Père, libre par rapport à ses propres peurs et par rapport à tous ses ennemis. Jusqu’à l’abandon total consenti de lui-même entre les mains de son Père. Jésus vraiment homme et vraiment humble. Il nous dévoile en Lui-même le chemin de notre liberté. Elle n’est pas dans le « faire ce que je veux, comme cela me chante ». Elle est dans l’écoute et dans la volonté de demeurer en relation vivante avec notre Père et avec nos frères. Cette volonté-là est vraiment libre, car détachée du souci d’elle-même.
Seulement à l’écoute du Père. Et cela nous en coute beaucoup de nous mettre vraiment à l’écoute dans la vie la plus quotidienne. Jésus nous assure que c’est la voie du bonheur, car c’est une voie vraiment humaine, sans illusion.
Marie que nous fêterons dès ce soir, nous le redit aussi à sa façon. Sa vie modeste a été traversée de bout en bout par son « fiat », par sa remise totale à la volonté du Père. Sa vie n’a consisté qu’en cela, et pourtant quelle densité et quelle fécondité !! Son Assomption nous révèle combien la vie de Dieu a transfiguré tout son être, jusqu’en son Corps d’humble servante.
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
La conclusion de ce 1° degré est austère. Elle peut nous laisser mal à l’aise par la vision d’un Dieu épiant notre vie dans ces moindres détails. Nous lisons en ce moment aux Vigiles, le prophète Ézéchiel. Là aussi, certains passages nous sont difficiles à entendre. Comment comprendre ce type de discours décapants qui prêtent à Dieu des propos dont on imagine difficilement qu’il puisse sortir de sa bouche ? Si Dieu est amour, peut-il tenir de tel propos ? Le prophète et l’auteur de la Rège qui cite souvent l’Écriture, en parlant « du prophète », disent des paroles au nom de Dieu. Leurs exhortations veulent moins nous donner un enseignement sur Dieu que nous exhorter à nous détourner de ce qu’il n’est pas. Les menaces d’extermination que prononce Ézéchiel veulent réveiller Israël et l’inviter à un retour vers son Dieu, le vrai. Chez les prophètes, les discours de menace et les objurgations sont souvent à la hauteur du mal dans lequel s’est enfoncé Israël, sans ne plus bien s’en rendre bien compte. Israël en vient souvent alors à confondre Dieu et les idoles, autrement dit à réduire Dieu à des représentations qui l’arrangent mais qui faussent la perception de son mystère.
De manière analogue, tout se passe dans ce 1° degré comme si Benoit invitait fortement ses moines à se souvenir que Dieu est Dieu. La crainte de Dieu qu’il propose est cette attitude de profond respect devant son mystère. Et Benoit indique le lieu où le moine peut approcher le mystère de Dieu : dans la purification de sa mémoire, de ses pensées, de ses volontés et de son désir. C’est dans la vérité de sa vie intime que le moine peut s’approcher ou non de Dieu. La pire des choses pour le moine serait de « faire comme si ». Aussi est-ce humilité d’accepter de se mettre avec tout ce que l’on est – pensée, désir, volonté – en recherche d’unification – avec nos erreurs, notre péché devant Dieu et sous son regard. Ce premier degré d’humilité nous permet de nous tenir en vérité comme nous sommes devant Dieu, sans peur qui nous fait fuir, sans duplicité qui nous ferait nous cacher nos pauvretés à nous-mêmes. En nous tenant tels que nous sommes devant Dieu, nous avons la voie pour le découvrir tel qu’il est.
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
Dans ce premier degré, Benoit poursuit son inventaire des lieux sensibles de notre vie humine en quête d’unification dans la crainte de Dieu. Après la mémoire, les pensées, la volonté, aujourd’hui le désir. Le ton de ce degré est assez interpellant. Comme pour réveiller d’une certaine torpeur afin de reprendre conscience de la grandeur de notre vie humaine sous le regard de Dieu.
En soi, consentir à regarder en face cette dichotomie que l’on peut reconnaitre dans nos pensées, noter volonté et notre désir est déjà une attitude d’humilité. Pouvoir reconnaître la distance qui sépare notre désir avec ses aspirations les plus hautes de notre désir blessé avec ses manifestations les plus mesquines ou animales est une attitude d’humilité. Nous sommes attirés par le meilleur et le plus beau et nous nous découvrons divisés, partagés, et parfois impuissants à avancer. Ici deux tentations nous guettent : nous dépiter sur nous-mêmes ou bien fuir en avant pour ne pas regarder notre difficulté. La crainte de Dieu, la remise de nous-mêmes sous le regard de Dieu est une voie salutaire pour avancer humblement et en vérité. La lumière de Dieu vient à la fois nous réveiller et à la fois nous encourager. Elle est suffisamment forte pour nous ouvrir les yeux et suffisamment douce pour ne pas nous accabler sur nous-mêmes. Sous cette lumière, nous pouvons craindre Dieu sans crainte, si l’on peut dire, en toute confiance. Il est avec nous pour éclairer nos pas pourvu que nous lui emboitions le pas en nous mettant sous le halot bienfaisant de sa lumière. Nous pouvons dire avec le psalmiste : « En toi est la source de la vie, par ta lumière nous voyons la lumière » (Ps 35.10).
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
Premier degré d’humilité toujours. Après l’unification de la mémoire en Dieu et l’unification de nos pensées en Dieu, voici un 3° champ à unifier en Dieu : notre volonté !
Mystère de notre volonté qui est promise à un destin étonnant : celui de s’unir à la volonté de Dieu. Dieu nous aime tellement, il nous fait tellement confiance qu’il nous propose de nous unir à Sa volonté de faire du bien au monde. Il nous invite à travailler à son dessein d’amour pour les hommes, dessein par lequel il veut que tout homme puisse vivre de sa vie pleinement, à commencer par nous-mêmes. Nous unir à la volonté de Dieu, faire sa volonté, cela nous attire car nous percevons bien que là est une source de joie profonde. Nous en faisons aussi l’expérience que nous nous mettons à l’écoute de sa Parole, quand nous nous abandonnons à Elle. Et cependant nous découvrons aussi en nous cette part de notre volonté qui s’accroche à autre chose qu’à faire la volonté de Dieu. C’est ce que Benoit appelle la volonté propre, cette part de notre volonté qui n’entre pas en synergie avec la volonté divine mais qui travaille pour soi. Cette part ne parvient pas à se laisser faire. Elle peine à faire telle chose demandé par un frère ou par le Règle. Elle sait trouver mille prétextes pour ne pas consentir à la parole d’un autre. Notre volonté propre souffre d’aveuglement. Elle ne croit pas ce qui est demandé par la cloche, par le Règle, par l’Abbé, par la communauté. Elle fait la volonté de Dieu et qu’elle participe à ce dessein qui récapitule tout dans l’amour humblement offert. Au mieux elle cherche des perfections humaines, mais elle n’entre pas vraiment dans le projet de Dieu qui est de se donner pour trouver la vie. Le psalmiste a compris cela quand il dit : « de toute perfection, j’ai vu la limite, tes volontés sont d’une ampleur infinie » (Ps 118.96).
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
Benoit poursuit l’exposé du 1° degré d’humilité : la crainte de Dieu. Il voit en elle le moyen efficace, non seulement de fuir l’oubli comme nous l’avons vu, mais aussi de veiller à ses pensées. Benoit voudrait éviter au moine le vagabondage des pensées. Premier degré d’humilité, la crainte de Dieu pour l’aider à unifier sa pensée, unifier ses pensées en Dieu ? Il ne s’agit pas de toujours penser à Dieu, mais il s’agit de conserver en nous les pensées qui supportent la lumière divine. Sans le dire, Benoit nous invite à un discernement continuel de ce qui nous traverse l’esprit et de ce que nous retournons dans notre cœur. Ces réflexions, ces ruminations ou ces imaginations peuvent-elles tenir sous la lumière de Dieu ? Sous sa vérité et son amour ? Un frère m’a dit une parole ou fait un geste qui m’a gêné ou offensé. Vais-je ruminer contre lui sans cesse en attendant l’occasion de lui décocher une flèche à mon tour ? Une mauvaise nouvelle ou un échec m’attriste, vais-je laisser cette pensée assombrir et peser dans mon cœur ou bien sais-je humblement la remettre dans la lumière du Seigneur ? Le désir de pouvoir posséder tel objet non permis m’occupe l’esprit, vais-je le laisser me conduire à avoir par tous les moyens ce que je veux. La pensée sexuelle m’obsède, vais-je l’entretenir ou au contraire la mettre sous la lumière de Dieu pour chercher en lui force et secours ?
C’est à une pareille vigilance sur nos pensées que nous convie Benoit. Humblement pouvoir les remettre sous la lumière de Dieu, dans la crainte aimante et confiante qu’Il habite notre cœur . Laissez les pensées obscures prévaloir en notre cœur conduit à nous couper en deux. Une part que nous nous réservons à nous-mêmes, et une autre que l’on réserve à Dieu. Mais nous le savons bien, nous ne pouvons tenir longtemps dans une telle dichotomie, elle est mortifère. Avec le psalmiste, il nous faut demander « unifie mon cœur pour qu’il craigne ton nom » Ps 85
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
1° degré : avoir devant les yeux la crainte de Dieu. La crainte de Dieu, sentiment du cœur saisi par Dieu et par son mystère au point que la vie en est transformée concrètement. Plus le cœur est saisi par Dieu, plus il est rempli de reconnaissance, de respect et d’amour pour Lui. En ce sens, la crainte de Dieu qui n’est pas la peur, unifie peu à peu tout l’être en Dieu ; cette unification touche la mémoire, nous dit Benoit, on fuit l’oubli de Dieu. Elle touche aussi les pensées, la volonté, le désir. Laisser notre mémoire, notre pensée, et notre désir s’unifier en Dieu, voilà l’œuvre de la crainte de Dieu.
Je m’arrêterai ce matin sur la mémoire. Nous chantons à Laudes dans un cantique de l’Ancien Testament tiré d’un Ps « Vers ton nom, vers la mémoire de toi, va le désir de l’âme » Is 26.8. Magnifique conviction spirituelle du prophète qui scrute le mystère de l’âme humaine. Au plus profond de son élan natif, l’âme, le cœur humain désire se souvenir de Dieu, ne pas l’oublier. Notre vie intime est là dans la familiarité aimante et confiante avec notre Père. Mais l’expérience nous montre que nous ne sommes pas toujours là et qu’il faut du temps et de la patience travaillé par la grâce pour nous tenir là. On y est, puis on semble en être loin.
Comment vivre sans oublier Dieu ? Comment retrouver cette mémoire heureuse de son Nom ? De même que celui qui apprend une langue étrangère ou une poésie s’exerce à mémoriser, de même nous pouvons nous exercer à grandir dans la mémoire du Nom de Dieu, les offices nous y aident bien sûr. Pour y bien entrer, prenons nous le temps de nous mettre en présence de Dieu, dans le respect et le reconnaissance de son mystère. Dans la journée, chacun peut trouver des moyens simples, non forcés, de se remettre en présence de Dieu : reprendre une phrase écrite lors de la lectio, ruminer un verset appris par cœur, s’arrêter quelques instants devant la croix, rendre grâce avant et ou après un travail. Humblement, car il peut nous en couter de faire ceci ou cela, nous remettre sous le regard de Dieu.
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
L’image de l’échelle proposée par Benoit comme allégorie de l’humilité et recherchée est riche et suggestive. Elle est tendue vers le haut, vers le ciel et vers Dieu, mais pour aller vers ce haut, il nous faut accepter de descendre au plus profond de notre être, en ce « bas-fond » où tout n’est qu’abandon dans les mains de notre Sauveur. De là, dans la glaise de notre pauvreté offerte, l’échelle prend son assise. L’humilité devient ascension alors qu’elle nous plonge en notre humanité à pleinement assumée pour apprendre à aimer en vérité. L’échelle poursuit Benoit : c’est notre vie ici-bas. L’humilité n’est pas atteinte parce qu’un jour on a fait une forte expérience ou que l’on a éprouvé un grand sentiment. Non l’humilité, c’est l’affaire de toute notre vie, de tout notre itinéraire sur cette terre. Elle touche tous les aspects de notre vie, notre relation à Dieu et aux autres. Long chemin avec des montées et des descentes tant il est difficile d’assumer notre vie « en vérité » devant Dieu pour tout recevoir de Lui avec confiance.
Enfin cette échelle a deux montants et des barreaux. Les montants sont l’âme et le corps et les barreaux sont les degrés d’humilité. Ce dernier détail de l’image de l’échelle est intéressant car il laisse entendre que les deux montants, l’âme et le corps, sont reliés entre eux grâce à l’humilité. L’unité de l’âme et du corps, l’unité de l’être humain n’est pas qu’un problème philosophique difficile à résoudre. Elle est aussi un défi de notre existence humaine sans cesse à relever. Nous n’en finissons pas de chercher notre unité intérieure, unité de notre corps et ses mouvements, avec notre âme et sa psychologie, avec notre cœur et notre désir. Entre toutes ces parts de nous-mêmes, Benoit nous propose l’humilité comme moyen d’unification et de consolidation, à la manière des barreaux qui relient les deux montants de l’échelle. Nous essaierons de lire ce chapitre dans cette lumière.