vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 31, v 1-9 Du cellérier du monastère, ce qu’il sera écrit le 31 octobre 2012
Verset(s) :

1. On choisira pour cellérier du monastère un membre de la communauté qui ait sagesse, maturité de caractère, sobriété ; qui ne soit pas grand mangeur, hautain, turbulent, injuste, lent, prodigue,

2. mais qui ait la crainte de Dieu. Il sera comme un père pour toute la communauté.

3. Il prendra soin de tout,

4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;

5. il observera les ordres reçus,

6. il ne fera pas de peine aux frères.

7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.

8. Il veillera sur son âme, en se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre : « Qui fait bien son service, se procure une belle place. »

9. Il prendra soin des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres avec toute sa sollicitude, sachant sans aucun doute qu'il devra rendre compte pour toutes ces personnes au jour du jugement.

Commentaire :

« Il veillera sur son âme ». Un peu rapidement parfois, on pourrait avoir tendance à classer le cellérier, voire tous les frères très impliqués dans la vie économique du monastère, comme des techniciens voués aux choses matérielles, en oubliant qu’ils sont aussi des moines en chemin. Chacun doit veiller à demeurer un chercheur de Dieu au cœur de ses activités. Et ce n’est pas facile. Plus les activités sont dispersantes, plus il faut veiller à tenir les moyens et les temps qui sont au contraire unifiant. Unifiant pour nous aider à nous rassembler sous le regard du Seigneur.

Mais Benoit propose ici au cellérier une voie d’unification au sien même de son service. Il la suggère, après lui avoir recommandé de « veiller sur son âme », en citant Paul « qui fait bien son service se procure une belle place ». Bien faire son service, c’est veiller sur son âme, car cela procure une belle place. Qu’est-ce que cette belle place? La phrase suivante le suggère : une belle place au jugement de Dieu. En effet, le cellérier devra rendre compte de son service auprès des malades, des enfants, des hôtes, et des pauvres au jugement de Dieu ; Benoit a certainement en arrière pensée « j’avais faim, j’avais soif, j’étais nu» , le jugement selon Matthieu. Pour résumer la pensée de Benoit, on peut dire que bien remplir son service, notamment auprès des petits, c’est assurément aussi veiller son âme, en la préparant à affronter le jugement de Dieu. Voilà une voie sure et profonde d’unification de sa vie offerte au cellérier, et finalement à chacun de nous. En nous donnant vraiment avec sollicitude aux autres, avec justesse et oubli de soi, on unifie notre vie, notre cœur et notre agir en Dieu. C’est lui que l’on sert. La prière au long des journées et la lectio seront comme des occasions de ressaisir tout cela. Notre regard s’élargit alors pour regarder un peu plus toute personne et toute réalité en Dieu. Lui le Seigneur de nos vies nous apprend à voir comme lui que tout est appelé à être récapitulé en Lui. (2012-10-31)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 30, v 1-3 Des enfants d’âge tendre, comment les corriger écrit le 30 octobre 2012
Verset(s) :

1. Tout âge et degré d'intelligence doit recevoir un traitement approprié.

2. Aussi chaque fois que des enfants et des adolescents par l'âge, ou des adultes qui ne peuvent comprendre ce qu'est la peine d'excommunication,

3. quand donc ceux-là commettent une faute, on les punira par des jeûnes rigoureux ou on les châtiera rudement par des coups, afin de les guérir.

Commentaire :

La question que nous laisse ce petit chapitre pourrait se formuler ainsi : comment corriger, comment se corriger ? Benoit prévoit pour les enfants en bas âge qui vivaient alors au monastère et pour les adultes incapables de comprendre, la peine des coups. Pédagogie virile qui sonne étrangement à nos oreilles. Reste la question comment corriger ou se corriger ? Le mot corriger signifie redresser, remettre droit, d’où améliorer, guérir.

Chacun nous apprenons à mieux nous connaitre pour mieux marcher droit et libre sous le regard du Seigneur. Mais voilà sur tel ou tel aspect, on fait l’expérience que cela ne va pas droit . Dans tel ou tel domaine, laissés à nous-mêmes, nous ressemblons à une voiture qui, si on lâche le volant, prend insensiblement une autre direction pour finalement aller dans le fossé. Aller doit, marcher droit, dans le sens de la justice et de la justesse, ne nous est pas spontané. On aime tellement parfois s’accorder du répit, faire des détours, s’octroyer des exceptions, vivre à son aise en sortant des clous. Mais certains détours peuvent avoir des conséquences qui ne pardonne pas, en termes de santé ruinée, de relations brisées, d’énergie gaspillée. La vie n’est pas un jeu.

Dans notre vie monastique, faibles que nous sommes, nous apprécions la règle commune car elle est une aide précieuse. Si elle vient déranger nos désirs trop spontanés de faire des détours, elle est un point d’appui pour redresser ce qui, en nous, va à la dérive. Elle est un rappel qui nous permet de replacer notre vie la plus quotidienne dans cette belle visée : vivre toute chose dans l’amitié de Dieu et des frères. Elle nous stimule à regarder avec toujours plus de hauteur notre existence. Car elle veut canaliser nos énergies vers le bien si précieux qui est d’aimer avec toujours plus de vérité et de liberté. N’ayons pas peur, soyons assez humbles pour nous laisser corriger, remettre droit par la règle et par notre vie commune. A travers ces corrections de la vie quotidienne, nous pouvons entendre cette parole : «Confiance lève-toi, debout, il t’appelle ». Mc 10.49 (2012-10-30)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 29, v 1-3 Si les frères qui sortent du monastère doivent être reçus de nouveau écrit le 27 octobre 2012
Verset(s) :

1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,

2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.

3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.

Commentaire :

« Pour éprouver par là son humilité ». Benoit se fait pédagogue toujours, même à l’égard des frères qui sont sortis, demandent à revenir. Le fait de revenir, si louable soit-il, ne suffit pas. Encore faut-il que le frère éprouve et que la communauté vérifie pour quoi il revient. Est-ce pour le Seigneur auquel cas il accepte de prendre la dernière place, celle que le Christ a choisi pour lui-même. Sinon il ne pourra rester, la dernière place assignée au frère qui revient n’est pas une punition, mais une pédagogie, rude certes, mais profondément vraie. Elle met en lumière, de façon crue, le vrai fondement de notre vie monastique : l’humilité pour et comme le Christ. On n’entre pas au monastère pour faire carrière, mais pour chercher Dieu et pour faire sa volonté. En se mettant à cette école de vie, au service de Dieu, on accepte d’être souple entre ses mains dans le désir d’être un petit instrument utile dans le grand dessein de son Amour. Chacun avec ce que nous sommes dans les mains de Dieu, nous acceptons de devenir ce que nous ne savons pas encore très bien. Nous acceptons de ne pas connaitre clairement ce que nous allons devenir. Les différents obédiences et charges qui nous sont demandées nous façonnent, sans que l’on sache bien comment. L’humilité profonde qui nous est demandée est celle-là : accepter de nous laisser façonner par la vie monastique et par la communauté. C’est en même temps de notre part un tel acte de foi en la Providence de Dieu qui se sert de tout pour le bien de ceux qu’il aime. Le frère qui est sorti a pu penser un moment qu’il devait reprendre lui-même sa vie en main pour devenir ce qu’il veut devenir. S’il revient, il doit humblement accepter de devenir ce que Dieu veut qu’il devienne à travers cette communauté concrète et à travers les événements qui la modèleront. C’est un bel acte de foi, c’est notre acte de foi au jour le jour. (2012-10-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 28, v 1-7 De ceux qui, souvent repris, ne veulent pas s’amender écrit le 26 octobre 2012
Verset(s) :

1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.

2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :

3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,

4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,

5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.

6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;

7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,

Commentaire :

On retrouve ici la mention de l’abbé médecin sagace qui figurait au début du chapitre précédent, lequel se finissait sur l’image du l’abbé pasteur. Ainsi l’image du médecin sagace entoure celle du pasteur pour suggérer l’action de l’abbé. Dans le texte, tout laisse à penser que l’image du médecin sagace (sapiens medicus) permet de décrire les différentes actions que l’abbé accomplira par étape envers le frère malade. Alors que l’image du pasteur tend à présenter l’attitude profonde de tendresse qui doit être celle de l’abbé. Autrement dit, les deux images ne s’opposent pas, mais sont là pour se compléter.

Medicus sapiens , cette expression donne au rôle de l’abbé une qualification presque professionnelle. Face à un frère malade est requise une démarche précise, une industrie dit Benoit qui en détaille les opérations en développant l’image, depuis les cataplasmes jusqu’à l’amputation. Mais pour Benoit, il ne s’agit pas seulement d’une démarche technique. Il prend soin de qualifier le médecin sapiens sage peut-on traduire. Mais le Père Adalbert a préféré traduire par sagace. Certainement parce que dans le chapitre précédent, il est question de la sagacitas et de l‘ industria de l’abbé, traduit par «savoir-faire» et «industrie». Sagace vient du latin « sagax » qui veut dire « celui qui a de l’odorat subtil». Autrement dit «avisé, clairvoyant, perspicace». L’abbé médecin est convié à affiner son diagnostique pour mieux rejoindre le frère malade et tenter de trouver les moyens de le guérir ; il sait cependant deux choses qu’il faut tenir ensemble : le Seigneur qui peut tout, peut procurer la santé au frère malade, invitation à prier avec confiance et le frère peut ne pas se rétablir de cette façon (d’autres façons doivent être trouvées). Et il faut alors accepter de renvoyer le frère. Devant le mystère d’un homme en chemin, il faut ainsi à la fois tenir la foi en l’action de Dieu et à la fois le réalisme, le frère pourra trouver ailleurs un autre chemin de Salut. (2012-10-26)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 38, v 1-4 Du lecteur hebdomadier écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.

2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.

3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »

4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.

Commentaire :

Du lecteur hebdomadier

« Il ne faut pas non plus que la lecture soit faite au hasard » Cette recommandation de Benoît souligne bien en elle-même l’importance de la lecture durant nos repas au réfectoire. Elle ne peut être faite au hasard ou au gré du lecteur. Comme le repas lui-même est préparé avec soin et pensé en fonction d’un menu qui veille à l’équilibre global de notre alimentation, les lecteurs au réfectoire n’obéissent pas au hasard. Nourriture de l’esprit et du cœur qui accompagnent la nourriture du corps, la lecture au réfectoire participe à notre édification personnelle et communautaire. Elle nous édifie, au sens premier de construction.

Lors de la rencontre des prêtres de Cîteaux l’un d’eux appartenant à la communauté des oratoriens qui vient d’arriver me disait qu’ils avaient cette lecture une partie du repas et ajoutait-il, il en mesurait le bienfait dans ce qu’elle permettait d’éviter de parler pour ne rien dire et dans les faits qu’elle favorisait ensuite des échanges entre eux en créant une écoute commune. C’est en effet un des premiers bénéfices de la lecture commune autour de sujets très variés pour favoriser une réflexion entre nous. Dans notre vie cloîtrée, la lecture et aussi un des lieux importants de notre information et de notre formation permanente. En disant merci au frère Mathieu pour le service de lecteur qu’il assume actuellement, nous pouvons mesurer la délicatesse de son rôle. Permettre de nous rassembler dans une écoute qui nous nourrit, nous informe, nous forme et nous ouvre des horizons autres. L’art est dans le dosage de ces différents pôles pour le bien de la communauté. Aucun livre ou article ne fera nécessairement l’unanimité des frères mais s’il est choisi dans un vrais soucis de formation et d’ouverture, il est utile pour la communauté. Je crois que ces lectures peuvent nous aider quand elles façonnent notre sentir ecclésial et quand elle forme en nous le discernement par rapport aux courants qui traversent notre monde ; Un sentire et in discernement qui voudraient être toujours plus selon l’Evangile et dans l’Esprit Saint.(2009)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 38, v 5-12 Du lecteur hebdomadier écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.

6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.

7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.

8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,

9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.

10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.

11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.

12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.

Commentaire :

Du lecteur hebdomadier

« Il se fera en silence complet » Le réfectoire n’est pas de soi un espace très silencieux.. pour qu’il le soit, il faut le vouloir et pour le vouloir, il faut goûter le silence. Nous entendons assez souvent combien il est difficile pour nos hôtes de garder le silence au repas du soir… surtout pour ceux qui viennent pour la première fois.. Etre ensemble en silence, est plus difficile à vivre qu’être en silence. Le silence donne tout d’un coup un relief inattendu aux gestes que l’on pose. Le silence donne une densité inhabituelle à la réalité vécue ensemble. Ainsi il n’est pas facile de goûter le silence car celui-ci se présente au premier abord avec un goût âpre.. Pas si agréable. La lecture écoutée ensemble va nous aider à habiter le silence, à l’apprivoiser en quelque sorte. Elle va nous apprendre à lui donner sa vraie finalité qui est de s’ouvrir pour être à l’écoute.. Le silence que l’on goûte n’est plus ce silence que l’on redoute, mais ce silence qui nous décentre de nous-même pour nous ouvrir à une vraie écoute des autres et de Dieu. Comme pour les hôtes au repas du soir, n’ayons pas peur de nous offrir cet espace de silence. Veillons au silence au réfectoire, pas seulement durant le repas, mais aussi après le repas. Il arrive que des frères parlent déjà alors qu’on est entrain de rassembler les couverts sur les chariots. Si on a besoin de parler, sortons sur les paliers en faisant signe… Sachons respecter le silence des autres frères. Tout, il nous faut être vigilant pour vouloir préserver le climat de silence dans un monastère… dans les lieux communs et aux heures définies. Ce silence est comme l’écrin de notre écoute en profondeur… Car nous ne désirons rien d’autre que d’être des hommes d’écoute… Ecoute dans l’intime du cœur pour être attentif au Christ qui veut demeurer en nous. Ecoute dans disponibilité aux frères qui peuvent demander quelque chose. Veillons à la qualité du silence, il veut nous apprendre la respiration profonde de l’être. La respiration selon l’Esprit Saint. (2009)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27, v 5-9 Combien l’abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.

6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.

7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »

8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;

9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.

Commentaire :

Ces jours-ci, nous nous réjouissons d’entendre au réfectoire le livre sur le Concile Vatican II de John O’Malley, livre remarquable pour nous faire saisir les enjeux de cet événement d’Église. A plusieurs reprises, il y est question du débat sur la manière de considérer le Concile : s’agit-il d’un Concile pastoral ou d’un Concile doctrinal ? Le débat rejoint la question sensible à l’époque et plus encore peut être aujourd’hui : comment l’Église se présente-t-elle au monde, comme une Mère qui va à la rencontre des hommes tels qu’ils sont, ou bien comme une institution soucieuse de défendre la vérité et de délimiter toujours précisément ceux du dehors et ceux du dedans ? Le discours inaugural de Jean XXIII a donné assurément le ton en souhaitant voir l’Église se rapprocher des préoccupations des hommes et en l’invitant à regarder les évolutions du monde avec toutes les questions que cela suscite dans le grand dessein providentiel de Dieu.

Ce chapitre la RB met lui aussi en avant la dimension pastorale du rôle de l’Abbé, à l’image du Christ Pasteur. Dans l’impasse dans laquelle se trouve le frère, la sévérité n’est plus de mise, mais seule la bonté du Bon Pasteur qu’est le Christ peut servir de repères à l’abbé. La finalité de la vie monastique, et donc le but de toute autorité, est de permettre aux frères, de vivre pleinement leur vocation chrétienne de fils de Dieu. Fils de Dieu aimé gratuitement avant tout. Peut être fait-il parfois aller au bout de ses propres impasses pour découvrir cela vraiment. Peut-être faut-il avoir atteint la limite de ses prétentions à vouloir conduire sa vie par soi-même pour se laisser toucher enfin par l’Amour offert de notre Père. La prévenance du Bon Pasteur qui prend sur ses épaules la brebis perdue, vient à la rencontre de chacun de nous dans sa liberté déboussolée. Nous sommes aimés comme nous sommes, car nous sommes plus grands que notre péché. Depuis que Dieu a posé sur nous son regard en Jésus, nous pouvons en être assurées, la dimension pastorale du ministère de l’abbé, comme celle du Concile Vatican II nous redit ce primat de l’Amour inconditionnel de notre Dieu pour les hommes que nous sommes, créés libres par lui, primat qui engage une même sollicitude et de l’abbé et de l’Église. (2012-10-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27, v 1-4 Combien l’abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés ? écrit le 24 octobre 2012
Verset(s) :

1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »

2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,

3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,

4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.

Commentaire :

« Que la charité s’intensifie à son égard et que tous prient pour lui ». Ce beau chapitre de la RB témoigne qu’au cœur de la douleur causée par le péché, la charité est appelée à avoir le dernier mot. Avec la prière, elle est l’ultime arme qui peut désarmer celui qui s’obstine dans l’errance.

Que la charité s’intensifie, mot à mot qu’elle soit plus ferme. Face à un frère qui s’obstine dans son bon droit contre tous, plus généralement face à un frère que l’on ne comprend pas, qui semble toujours faire autrement que les autres, la tentation est grande de juger, de critiquer ou de condamner. Il est difficile humainement de supporter ce qui apparait comme de la désobéissance ou de l’obstination. On a envie de secouer le frère ou de l’envoyer promener. Comme lui-même le laisse apparaitre dans son comportement, tout porte à le laisser à l’écart et à le rejeter. Mouvement humain bien naturel et immédiat. Mais Benoit, en prenant appui sur l’exemple du Christ, nous redit que telle n’est pas la vérité de notre vie monastique et fraternelle. Il nous faut aller plus loin que ces premier mouvements.

Au contraire, il faut intensifier la charité, chacun est alors invité à recueillir en lui une capacité à aimer plus profonde. Un amour gratuit qui n’attirera pas de contrepartie. Un amour humble qui, en regardant le frère blessé, n’oubliera pas ses propres limites et faiblesses. Voilà à quoi nous acculent les incompréhensions de la vie fraternelle, si nous ne voulons succomber au mal de la division. Nous affermir dans l’amour pour le frère et pas seulement une vague tolérance qui supporte du bout de ses doigts ou au bout des lèvres. Non c’est plutôt un engagement du cœur profond à changer notre regard sur le frère et notre attitude intérieure. Ce changement qui fait passer du jugement à l’accueil, nous ne pouvons le vivre que dans la prière. Prière pour le frère, inséparable de la prière pour nous-mêmes, pour que soit changé notre cœur de pierre. La prière fait tomber nos œillères sur les autres. Elle purifie le regard et le cœur quand nous nous tournons vers notre Père des Cieux, en portant ce frère, comme un frère. (2012-10-24)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26, v 1-2 De ceux qui entrent en rapport avec les excommuniés sans permission écrit le 23 octobre 2012
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

Ce petit chapitre met bien en lumière la logique de la peine d’excommunication et en conséquence aussi la logique de la communion. La peine d’excommunication demande que toute la communauté fasse bloc pour signifier au frère la gravité de sa faute et les conséquences qu’elle entraine pour la vie en communauté. Si tous jouent le jeu, le frère excommunié ressentira peut être le manque cruel que représente le fait de se couper de la communauté.

En conséquence, on mesure aussi l’importance et la profondeur de la communion. Ces lignes de la RB qui peuvent nous choquer aujourd’hui par leur rigueur, éclairent en contrepoint le bien de la communion. Une vie chrétienne et a fortiori une vie monastique entre frères est basée sur la communion, cette union des cœurs dans la liberté et le don de soi. Cette communion entre nous, nous la recevons comme un don d’abord et comme une exigence ensuite. Elle est d’abord un don que nous reconnaissons dans notre foi commune au Christ «lui qui est notre Paix » qui « par sa chair crucifié, a fait tomber le mur de la haine», Lui qui veut «rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul homme nouveau», comme nous l’entendrons ce matin à la messe dans la lettre de Paul aux Éphésiens (2 14-15). Oui notre communion nous la recevons du Christ qui nous unit par son sang en lui et qui a tué tous les germes de haine et de division entre les hommes. Ce don est offert en lui. Offerte, accessible en Christ, cette communion requiert notre pleine et entière adhésion. Dans une communauté chrétienne toujours concrète, dans une communauté monastique très concrète, jour après jour, nous nous engageons pour bâtir la communion. Elle ne se fera pas sans nous, notre attention à l’autre, notre patience devant telle attitude qu’on ne comprend pas, notre disponibilité dans le service, notre promptitude à demander pardon et à pardonner, sont autant de coups de boutoir dans tout mur de discorde qui serait tenté de surgir entre nous. Fondé en Christ sur la communion et tendu vers la communion toujours à réaliser concrètement, nous sommes des apprentis et des «éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu ». Que l’Esprit Saint soit notre souffle et notre force !! (2012-10-23)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25, v 01-06 Des fautes graves écrit le 20 octobre 2012
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

«Cet homme a été livré à la mort de la chair pour que son esprit soit sauf au jour du jugement » Benoit reprend cette sentence que Paul utilise à propos de l’homme coupable d’inceste (1 Co 5.5) . Paul leur parle plus explicitement de livrer « cet individu à Satan pour la perte de sa chair ». De quoi s’agit-il ? Dans la Bible de Segond, on dit en note que certains pensent à une exclusion de la communauté et que d’autres voient là un rituel de malédiction condamnant solennellement la personne. Benoit s’inscrit dans le 1° courant assez traditionnellement reçu. Il reprend à son compte cette sentence solennelle de Paul pour suggérer ce qui est en jeu dans l’excommunication d’un frère pour faute grave. Le frère exclu de la communauté aux moments importants de la table et de la prière, ne bénéficie plus du soutien spirituel des frères. Il est laissé à lui-même, sans le secours de la vie commune. Il est seul pour affronter Satan. Ce point est intéressant car il met en lumière combien pour Benoit la vie en communauté est porteuse de grâces. Elle est un soutien et un rempart pour affronter bien des difficultés et des tentations. Seul, nous sommes faibles, comme si nous luttions les mains nues contre le mal (et toutes ses manifestations). En suggérant que cette peine d’excommunication va conduire à la mort de la chair, Benoit laisse entendre son espérance en la conversion du Frère ? il espère que la chair – ici non le corps humain, mais l’attitude pécheresse de refus et d’obstination va être ébranlée et anéantie. Dans la solitude forcée, le mal est appelé à se rayer lui-même, comme une lampe sur laquelle on met un couvercle, manque d’oxygène et s’éteint. La Bible de Jérusalem note à propos de cette mesure d’exclusion en Paul qu’elle « suppose un certain pouvoir de la communauté sur ses membres ». C’est dans ce sens que Benoit propose une discipline stricte de tous à l’égard du frère excommunié. Il s’agit de l’aider à regarder en face son mal pour en mesurer la gravité et pour opérer un chemin de conversion. La question que l’on pourrait garder ce matin : comment nous aidons nous à regarder en face notre mal ? Comme nous laissons-nous regarder pour reconnaitre nos points aveugles qui peuvent peser sur les autres ? C’est un lieu délicat, mais certainement le plus profond de notre vie fraternelle qui veut nous aider chacun à progresser vers le Seigneur. (2012-10-20)