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31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »
Second degré d’humilité : ne pas aimer sa volonté propre, ni l’accomplissement de ses désirs. Ou encore, s’unir à Jésus pour faire comme lui la volonté du Père : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». S’unir à Jésus, trouver notre unification en Lui. Voilà une voie sûre pour accéder l’humilité. Jésus qui n’a pas péché a eu à vivre un vrai travail intérieur en son humanité pour se mettre à l’écoute et pour faire la volonté de son Père. Ce travail apparait plus clairement aux approches de la Passion : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Ce combat intérieur qu’a dû traverser Jésus met bien en lumière le mystère de notre liberté humaine. Jésus nous révèle l’homme vraiment en relation avec son Dieu, dans une relation pleinement libre. Jésus parle à son Père, lui demande des choses (on peut penser à certains miracles). Et Jésus écoute, il cherche à faire la volonté de son Père. Jusqu’au bout, il reste en relation avec son Père, libre par rapport à ses propres peurs et par rapport à tous ses ennemis. Jusqu’à l’abandon total consenti de lui-même entre les mains de son Père. Jésus vraiment homme et vraiment humble. Il nous dévoile en Lui-même le chemin de notre liberté. Elle n’est pas dans le « faire ce que je veux, comme cela me chante ». Elle est dans l’écoute et dans la volonté de demeurer en relation vivante avec notre Père et avec nos frères. Cette volonté-là est vraiment libre, car détachée du souci d’elle-même.
Seulement à l’écoute du Père. Et cela nous en coute beaucoup de nous mettre vraiment à l’écoute dans la vie la plus quotidienne. Jésus nous assure que c’est la voie du bonheur, car c’est une voie vraiment humaine, sans illusion.
Marie que nous fêterons dès ce soir, nous le redit aussi à sa façon. Sa vie modeste a été traversée de bout en bout par son « fiat », par sa remise totale à la volonté du Père. Sa vie n’a consisté qu’en cela, et pourtant quelle densité et quelle fécondité !! Son Assomption nous révèle combien la vie de Dieu a transfiguré tout son être, jusqu’en son Corps d’humble servante.
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
La conclusion de ce 1° degré est austère. Elle peut nous laisser mal à l’aise par la vision d’un Dieu épiant notre vie dans ces moindres détails. Nous lisons en ce moment aux Vigiles, le prophète Ézéchiel. Là aussi, certains passages nous sont difficiles à entendre. Comment comprendre ce type de discours décapants qui prêtent à Dieu des propos dont on imagine difficilement qu’il puisse sortir de sa bouche ? Si Dieu est amour, peut-il tenir de tel propos ? Le prophète et l’auteur de la Rège qui cite souvent l’Écriture, en parlant « du prophète », disent des paroles au nom de Dieu. Leurs exhortations veulent moins nous donner un enseignement sur Dieu que nous exhorter à nous détourner de ce qu’il n’est pas. Les menaces d’extermination que prononce Ézéchiel veulent réveiller Israël et l’inviter à un retour vers son Dieu, le vrai. Chez les prophètes, les discours de menace et les objurgations sont souvent à la hauteur du mal dans lequel s’est enfoncé Israël, sans ne plus bien s’en rendre bien compte. Israël en vient souvent alors à confondre Dieu et les idoles, autrement dit à réduire Dieu à des représentations qui l’arrangent mais qui faussent la perception de son mystère.
De manière analogue, tout se passe dans ce 1° degré comme si Benoit invitait fortement ses moines à se souvenir que Dieu est Dieu. La crainte de Dieu qu’il propose est cette attitude de profond respect devant son mystère. Et Benoit indique le lieu où le moine peut approcher le mystère de Dieu : dans la purification de sa mémoire, de ses pensées, de ses volontés et de son désir. C’est dans la vérité de sa vie intime que le moine peut s’approcher ou non de Dieu. La pire des choses pour le moine serait de « faire comme si ». Aussi est-ce humilité d’accepter de se mettre avec tout ce que l’on est – pensée, désir, volonté – en recherche d’unification – avec nos erreurs, notre péché devant Dieu et sous son regard. Ce premier degré d’humilité nous permet de nous tenir en vérité comme nous sommes devant Dieu, sans peur qui nous fait fuir, sans duplicité qui nous ferait nous cacher nos pauvretés à nous-mêmes. En nous tenant tels que nous sommes devant Dieu, nous avons la voie pour le découvrir tel qu’il est.
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
Dans ce premier degré, Benoit poursuit son inventaire des lieux sensibles de notre vie humine en quête d’unification dans la crainte de Dieu. Après la mémoire, les pensées, la volonté, aujourd’hui le désir. Le ton de ce degré est assez interpellant. Comme pour réveiller d’une certaine torpeur afin de reprendre conscience de la grandeur de notre vie humaine sous le regard de Dieu.
En soi, consentir à regarder en face cette dichotomie que l’on peut reconnaitre dans nos pensées, noter volonté et notre désir est déjà une attitude d’humilité. Pouvoir reconnaître la distance qui sépare notre désir avec ses aspirations les plus hautes de notre désir blessé avec ses manifestations les plus mesquines ou animales est une attitude d’humilité. Nous sommes attirés par le meilleur et le plus beau et nous nous découvrons divisés, partagés, et parfois impuissants à avancer. Ici deux tentations nous guettent : nous dépiter sur nous-mêmes ou bien fuir en avant pour ne pas regarder notre difficulté. La crainte de Dieu, la remise de nous-mêmes sous le regard de Dieu est une voie salutaire pour avancer humblement et en vérité. La lumière de Dieu vient à la fois nous réveiller et à la fois nous encourager. Elle est suffisamment forte pour nous ouvrir les yeux et suffisamment douce pour ne pas nous accabler sur nous-mêmes. Sous cette lumière, nous pouvons craindre Dieu sans crainte, si l’on peut dire, en toute confiance. Il est avec nous pour éclairer nos pas pourvu que nous lui emboitions le pas en nous mettant sous le halot bienfaisant de sa lumière. Nous pouvons dire avec le psalmiste : « En toi est la source de la vie, par ta lumière nous voyons la lumière » (Ps 35.10).
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
Premier degré d’humilité toujours. Après l’unification de la mémoire en Dieu et l’unification de nos pensées en Dieu, voici un 3° champ à unifier en Dieu : notre volonté !
Mystère de notre volonté qui est promise à un destin étonnant : celui de s’unir à la volonté de Dieu. Dieu nous aime tellement, il nous fait tellement confiance qu’il nous propose de nous unir à Sa volonté de faire du bien au monde. Il nous invite à travailler à son dessein d’amour pour les hommes, dessein par lequel il veut que tout homme puisse vivre de sa vie pleinement, à commencer par nous-mêmes. Nous unir à la volonté de Dieu, faire sa volonté, cela nous attire car nous percevons bien que là est une source de joie profonde. Nous en faisons aussi l’expérience que nous nous mettons à l’écoute de sa Parole, quand nous nous abandonnons à Elle. Et cependant nous découvrons aussi en nous cette part de notre volonté qui s’accroche à autre chose qu’à faire la volonté de Dieu. C’est ce que Benoit appelle la volonté propre, cette part de notre volonté qui n’entre pas en synergie avec la volonté divine mais qui travaille pour soi. Cette part ne parvient pas à se laisser faire. Elle peine à faire telle chose demandé par un frère ou par le Règle. Elle sait trouver mille prétextes pour ne pas consentir à la parole d’un autre. Notre volonté propre souffre d’aveuglement. Elle ne croit pas ce qui est demandé par la cloche, par le Règle, par l’Abbé, par la communauté. Elle fait la volonté de Dieu et qu’elle participe à ce dessein qui récapitule tout dans l’amour humblement offert. Au mieux elle cherche des perfections humaines, mais elle n’entre pas vraiment dans le projet de Dieu qui est de se donner pour trouver la vie. Le psalmiste a compris cela quand il dit : « de toute perfection, j’ai vu la limite, tes volontés sont d’une ampleur infinie » (Ps 118.96).
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
Benoit poursuit l’exposé du 1° degré d’humilité : la crainte de Dieu. Il voit en elle le moyen efficace, non seulement de fuir l’oubli comme nous l’avons vu, mais aussi de veiller à ses pensées. Benoit voudrait éviter au moine le vagabondage des pensées. Premier degré d’humilité, la crainte de Dieu pour l’aider à unifier sa pensée, unifier ses pensées en Dieu ? Il ne s’agit pas de toujours penser à Dieu, mais il s’agit de conserver en nous les pensées qui supportent la lumière divine. Sans le dire, Benoit nous invite à un discernement continuel de ce qui nous traverse l’esprit et de ce que nous retournons dans notre cœur. Ces réflexions, ces ruminations ou ces imaginations peuvent-elles tenir sous la lumière de Dieu ? Sous sa vérité et son amour ? Un frère m’a dit une parole ou fait un geste qui m’a gêné ou offensé. Vais-je ruminer contre lui sans cesse en attendant l’occasion de lui décocher une flèche à mon tour ? Une mauvaise nouvelle ou un échec m’attriste, vais-je laisser cette pensée assombrir et peser dans mon cœur ou bien sais-je humblement la remettre dans la lumière du Seigneur ? Le désir de pouvoir posséder tel objet non permis m’occupe l’esprit, vais-je le laisser me conduire à avoir par tous les moyens ce que je veux. La pensée sexuelle m’obsède, vais-je l’entretenir ou au contraire la mettre sous la lumière de Dieu pour chercher en lui force et secours ?
C’est à une pareille vigilance sur nos pensées que nous convie Benoit. Humblement pouvoir les remettre sous la lumière de Dieu, dans la crainte aimante et confiante qu’Il habite notre cœur . Laissez les pensées obscures prévaloir en notre cœur conduit à nous couper en deux. Une part que nous nous réservons à nous-mêmes, et une autre que l’on réserve à Dieu. Mais nous le savons bien, nous ne pouvons tenir longtemps dans une telle dichotomie, elle est mortifère. Avec le psalmiste, il nous faut demander « unifie mon cœur pour qu’il craigne ton nom » Ps 85
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
1° degré : avoir devant les yeux la crainte de Dieu. La crainte de Dieu, sentiment du cœur saisi par Dieu et par son mystère au point que la vie en est transformée concrètement. Plus le cœur est saisi par Dieu, plus il est rempli de reconnaissance, de respect et d’amour pour Lui. En ce sens, la crainte de Dieu qui n’est pas la peur, unifie peu à peu tout l’être en Dieu ; cette unification touche la mémoire, nous dit Benoit, on fuit l’oubli de Dieu. Elle touche aussi les pensées, la volonté, le désir. Laisser notre mémoire, notre pensée, et notre désir s’unifier en Dieu, voilà l’œuvre de la crainte de Dieu.
Je m’arrêterai ce matin sur la mémoire. Nous chantons à Laudes dans un cantique de l’Ancien Testament tiré d’un Ps « Vers ton nom, vers la mémoire de toi, va le désir de l’âme » Is 26.8. Magnifique conviction spirituelle du prophète qui scrute le mystère de l’âme humaine. Au plus profond de son élan natif, l’âme, le cœur humain désire se souvenir de Dieu, ne pas l’oublier. Notre vie intime est là dans la familiarité aimante et confiante avec notre Père. Mais l’expérience nous montre que nous ne sommes pas toujours là et qu’il faut du temps et de la patience travaillé par la grâce pour nous tenir là. On y est, puis on semble en être loin.
Comment vivre sans oublier Dieu ? Comment retrouver cette mémoire heureuse de son Nom ? De même que celui qui apprend une langue étrangère ou une poésie s’exerce à mémoriser, de même nous pouvons nous exercer à grandir dans la mémoire du Nom de Dieu, les offices nous y aident bien sûr. Pour y bien entrer, prenons nous le temps de nous mettre en présence de Dieu, dans le respect et le reconnaissance de son mystère. Dans la journée, chacun peut trouver des moyens simples, non forcés, de se remettre en présence de Dieu : reprendre une phrase écrite lors de la lectio, ruminer un verset appris par cœur, s’arrêter quelques instants devant la croix, rendre grâce avant et ou après un travail. Humblement, car il peut nous en couter de faire ceci ou cela, nous remettre sous le regard de Dieu.
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
L’image de l’échelle proposée par Benoit comme allégorie de l’humilité et recherchée est riche et suggestive. Elle est tendue vers le haut, vers le ciel et vers Dieu, mais pour aller vers ce haut, il nous faut accepter de descendre au plus profond de notre être, en ce « bas-fond » où tout n’est qu’abandon dans les mains de notre Sauveur. De là, dans la glaise de notre pauvreté offerte, l’échelle prend son assise. L’humilité devient ascension alors qu’elle nous plonge en notre humanité à pleinement assumée pour apprendre à aimer en vérité. L’échelle poursuit Benoit : c’est notre vie ici-bas. L’humilité n’est pas atteinte parce qu’un jour on a fait une forte expérience ou que l’on a éprouvé un grand sentiment. Non l’humilité, c’est l’affaire de toute notre vie, de tout notre itinéraire sur cette terre. Elle touche tous les aspects de notre vie, notre relation à Dieu et aux autres. Long chemin avec des montées et des descentes tant il est difficile d’assumer notre vie « en vérité » devant Dieu pour tout recevoir de Lui avec confiance.
Enfin cette échelle a deux montants et des barreaux. Les montants sont l’âme et le corps et les barreaux sont les degrés d’humilité. Ce dernier détail de l’image de l’échelle est intéressant car il laisse entendre que les deux montants, l’âme et le corps, sont reliés entre eux grâce à l’humilité. L’unité de l’âme et du corps, l’unité de l’être humain n’est pas qu’un problème philosophique difficile à résoudre. Elle est aussi un défi de notre existence humaine sans cesse à relever. Nous n’en finissons pas de chercher notre unité intérieure, unité de notre corps et ses mouvements, avec notre âme et sa psychologie, avec notre cœur et notre désir. Entre toutes ces parts de nous-mêmes, Benoit nous propose l’humilité comme moyen d’unification et de consolidation, à la manière des barreaux qui relient les deux montants de l’échelle. Nous essaierons de lire ce chapitre dans cette lumière.
1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
Est-ce un hasard si ce chapitre de l’humilité occupe une si grande place dans la RB ? Est-ce encore un hasard, si ce mot « humilité » se trouve encore 16 fois dans le reste de la RB, le verbe « humiliare » 4 fois dans le reste de la RB, et l’adjectif « humilis » 2 fois en dehors du chapitre 7 sur l’humilité. Par comparaison, on trouve 16 fois le mot « caritas » dans toute la RB, 8 fois le mot « amor », 8 fois le verbe « amare » et 9 fois le verbe « diligere » qu’on peut traduire chacun par le verbe « aimer ».
Humilité et charité, deux mots qui ont du poids dans le langage de Benoit qui parle à ses moines. Non ce n’est pas un hasard si ces mots ont une telle importance. Dans notre vie cénobitique, chacun de nous est renvoyé continuellement sous le regard de Dieu à la relation aux autres et à soi-même. Continuellement, les paroles et les gestes de la vie quotidienne nous font toucher la réalité de l’humilité et celle de la charité. Il n’y a pas un jour où nous ne sommes pas appelés à poser un geste de charité un peu couteux ou à avoir une attitude d’humilité qui nous décentre de nous-mêmes. Passer à côté ou bien y être attentif ? C’est ce qui fait la différence et la qualité de nos vies humaines et spirituelles ? Benoit nous engage à prendre à bras le corps notre vie pour quelle devienne plus humble et plus aimante à la suite du Christ. Ici nous touchons le cœur où l’on peut tricher, ni avec nous-mêmes, ni avec les autres. C’est dans les méandres de notre cœur que va nous conduire ce chapitre sur l’humilité. Notre cœur porte en lui le désir renouvelé depuis notre baptême d’être comme un enfant docile sous la conduite de l’Esprit. Laissé à lui-même, notre cœur risque d’être toujours trop vieux, car trop plein de lui-même et de ses illusions. Dans la lumière du Christ humble, tous les événement de notre vie peuvent devenir des occasions de nous laisser conduire, vers plus de vérité, de simplicité, et de charité pour avoir un cœur toujours plus jeune et libre.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.
A Bosé, on trouve la représentation d’une chouette ou d’un hibou, symbole de la sagesse. Cette phrase y est inscrite : « Dans un vieux chêne, logeait un hibou. Plus il se taisait, plus il savait. Et plus il savait, plus il se taisait ». Merveilleux petit aphorisme de sagesse qui ouvre une belle voie pour apprendre le silence. Plus il se taisait, plus il savait. Plus il savait, plus il se taisait. Comme cela nous y invite, je vais me taire et en rester là pour ce matin.
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
Le chapitre a pour titre « de la taciturnité », mot à mot « de l’action de se taire, de ne pas parler ». Effectivement, la recommandation est mise sur «la retenue des paroles ». «J’ai placé une garde devant ma bouche ». Peut-on dire que ce chapitre traite du silence ? Il me semble qu’il y a tout un chemin entre la taciturnité et le silence. Se taire est une chose, faire silence en est une autre.
La proposition faite ici de se taire et de veiller à ses paroles veut rejoindre le disciple désireux avant tout d’écoute, que nous sommes tous. Écouter en priorité puis parler. Dans les rencontres entre nous, dans les groupes par exemple, dans l’accueil des hôtes, sommes-nous dans cette attitude d’écoute ou bien sommes-nous préoccupés de nous raconter, de placer notre réflexion ou notre bonne histoire ? Plus qu’à une discipline extérieure, ce chapitre finalement nous renvoie à une attitude intérieure qui peut se résumer par cette question : qu’elle est notre capacité d’écoute ? Avec quelle qualité d’attention, écoutons-nous ? Cette question n’est pas secondaire, car el le touche à notre être de disciple en construction, au service de Dieu et des autres. Il est toujours un peu triste de voir des personnes qui sont habitées par une sorte de besoin irrésistible de parler d’elle-même ou d’occuper le terrain, sans se dire vraiment. Pour nous moines, nous cherchons autre chose, nous cherchons à entrer en relation dans l’accueil mutuel les uns des autres ; accueil qui passe par l’écoute et la maitrise de la parole. Je crois que nos groupes sont ici une belle école de vie. Les animateurs ont un rôle discret mais réel afin d’aider ceux qui sont empressés de parler à se canaliser, et d’aider ceux plus discrets à oser leur propre parole. Car il n’y a rien de plus dommageable dans un groupe que la monopolisation de la parole par quelques uns. Cela tue la vie. Ensemble, apprenons les uns par les autres à mieux nous connaître dans nos mouvements spontanés afin d’être des hommes d’écoute.