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11. Aussi nous semble-t-il opportun, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé règle à son gré l'organisation de son monastère.
12. Si faire se peut, c'est par des doyens que l'on organisera, comme nous l'avons établi antérieurement, tous les services du monastère, selon que l'abbé l'établira.
13. Ainsi, plusieurs en étant chargés, un seul ne s'enorgueillira pas.
14. Si le lieu l'exige ou si la communauté le demande raisonnablement avec humilité et que l'abbé le juge opportun,
15. l'abbé choisira qui il voudra avec le conseil des frères qui craignent Dieu, et il se l'ordonnera lui-même comme prévôt.
Avec précaution, Benoît expose les conditions de la nomination d’un prieur. Elles manifestent le bel équilibre dans les paramètres pris en compte : le lieu, la communauté et le conseil des frères qui craignent Dieu. Il peut arriver que le lieu fasse qu’un prieur soit nécessaire : peut-être pense-t-on ici à une situation éloignée du monastère qui rende longs les déplacements et du coup aussi les absences de l’abbé. La communauté peut souhaiter avoir un prieur. La communauté peut avoir des requêtes qui, présentées avec humilité, doivent être écoutées par l’abbé. Enfin l’abbé prend conseil des frères qui craignent Dieu dans le choix du prieur. On voit bien ici à l’œuvre l’articulation entre réalité extérieure (lieu, ce pourrait être aussi le temps, ou autres conditions) entre la communauté qui porte des désirs et aussi le conseil de quelques uns pour aider l’abbé dans son discernement. Tout est appelé idéalement à se faire dans la paix et la charité. Ce qui requiert humilité de la part de la communauté et écoute de la part de l’abbé. Nous retrouvons ici les caractéristiques de ce climat qui est celui d’un monastère bénédictin. Seul ce climat fait d‘humilité et d’écoute va permettre d’agir avec justice dans les décisions.
Le prieur nommé est appelé à demeurer dans ce climat. S’il vient à s’enorgueillir, il se met « de facto » hors cadre et hors jeu. De nouveau ici on peut admirer le souci de prudence et d’équilibre de Benoît. Ce n’est qu’au bout du 7° avertissement qu’est envisagé le renvoi. Entre temps, des mesures progressives seront prises pour tenter de ramener à une attitude juste ce moine « convaincu de mépris de la Sainte Règle » et « désobéissant ». Ici je veux remercier F.Yvan qui tient avec tact et engagement cette place importante et délicate du prieur. Une place qui demande attention aux frères et service de la communauté, ce qui implique toujours oubli de soi. Merci encore au F.Yvan
(2013-05-25)
1. Trop souvent il est arrivé que l'ordination d'un prévôt engendre de graves conflits dans les monastères.
2. Il en est en effet qui s'enflent d'un méchant esprit d'orgueil et qui, estimant être de seconds abbés, usurpent le pouvoir, entretiennent des conflits et mettent la dissension dans les communautés,
3. surtout dans les lieux où le prévôt reçoit l'ordination du même évêque et des mêmes abbés qui ordonnent l'abbé.
4. Combien cela est absurde, il est facile de s'en rendre compte : dès le début, dès son ordination, on lui donne matière à s'enorgueillir,
5. ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait à l'autorité de son abbé,
6. puisque « toi aussi, tu as été ordonné par les mêmes qui ont ordonné l'abbé. ;»
7. Il en résulte envies, disputes, médisances, rivalités, dissensions, destitutions,
8. et ainsi, abbé et prévôt étant de sentiments opposés, il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions,
9. et leurs subordonnés courent à leur perte, du fait qu'ils flattent leurs partisans.
10. La responsabilité de ce dangereux fléau pèse au premier chef sur ceux qui se sont faits les auteurs d'un tel désordre.
Dans les lignes entendues, un mot revient souvent, c’est celui d’ « ordination » auquel fait écho le verbe « ordonner ». Le sens de ces mots n’a pas la valeur sacramentelle que nous lui connaissons aujourd’hui. Ici on n’élève pas au sacerdoce ou au diaconat, mais on met plutôt de l’ordre dans la communauté. En désignant un prévôt ou un prieur, ce que Benoît semble faire un peu à reculons, il s’agit de contribuer à ce que la vie de la communauté se déroule en ordre dans la paix. Comme corps constitué, la communauté est régie par une manière de vivre les relations et le rapport à l’autorité. Elle vit selon un certain ordre où l’abbé a une place centrale. En recommandant à l’abbé de désigner le prieur, Benoît veut rendre plus lisible l’ordre selon lequel la communauté s’organise sous l’autorité de l’abbé. Rendre l’ordre plus lisible va contribuer à la paix de la communauté. Les relations d’autorité sont précisées, et avec elles, les droits et les devoirs de chacun. Nous touchons ici du doigt combien le droit est essentiel à notre vie en société. Il nous rappelle que nous sommes situés les uns par rapport aux autres, non de manière indifférenciée. A nous qui avons choisi une manière précise de vivre, sous une règle et des Constitutions de « modes relationnels » qui nous façonnent. Ce n’est pas pour rien qu’au moment de la profession, nous nous engageons à vivre nos vœux selon la Règle et aussi selon nos Constitutions. Ce droit veut favoriser un ordre, une qualité de vie qui permettra à chacun et à la communauté de chercher et de servir Dieu dans la paix. Discret et modeste le droit, fruit des expériences passées, est un vrai facteur de communion dans nos communautés. Il nous faut donc savoir le reconnaître et l’apprécier à sa juste valeur. (2013-05-22)
16. Il ne sera pas agité et inquiet, il ne sera pas excessif et obstiné, il ne sera pas jaloux et soupçonneux à l'excès, car il ne serait jamais en repos.
17. Dans les ordres qu'il donne, il sera prévoyant et réfléchi, et que l'œuvre qu'il commande soit selon Dieu ou selon le siècle, il usera de discrétion et de mesure,
18. en songeant à la discrétion de saint Jacob, qui disait : « Si je fais peiner davantage mes troupeaux à marcher, ils mourront tous en un jour. »
19. Prenant garde à ce texte et aux autres sur la discrétion, mère des vertus, il mettra de la mesure en tout, en sorte que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite.
20. Et surtout, qu'il garde en tous ses points la présente règle,
21. afin qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribua en son temps le froment à ses compagnons de service :
22. « En vérité, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens. »
« En songeant à la discrétion de saint Jacob ». Effectivement Jacob rencontre Ésaü, lors de son retour en Canaan, s’exprime ainsi : « Monseigneur sait que les enfants sont délicats et que je dois penser aux brebis et aux vaches qui allaitent : si on les surmène un seul jour, tout le bétail va mourir ; pour moi je cheminerai doucement au pas du troupeau que j’ai devant moi et au pas des enfants ». Très belle image pastorale. Jacob pasteur, figure de l’abbé pasteur qui marche au pas de la communauté, et des plus petits particulièrement.
A l’abbé, Benoît recommande la discrétion et la mesure comme manière concrète de cheminer au pas de la communauté. Il lui revient de veiller à ce que chacun soit heureux dans sa marche et trouve la bonne mesure de son pas. Ni trop peu pour ceux qui peuvent plus, ni trop pour ceux qui peuvent moins. Benoît pointe ici le lieu du désir comme le lieu où chacun peut s’éprouver. Il s’agit de demeurer vivant dans son désir de marcher. Ne pas s’endormir et ne pas s’effrayer. Dieu seul connait la mesure de notre désir de nous donnes à lui, et à quelle profondeur il s’enracine en nous. La vie quotidienne nous aide à mesurer nos lieux de résistance et nous révèle nos illusions. Nous pensions avoir un grand désir de nous donner et nous butons sur des détails. Heureux sommes-nous si les difficultés rencontrées, loin de nous abattre ravive notre désir d’avancer, et de nous donner. Nous pouvons demander au Seigneur avec le psalmiste qu’il « allonge notre foulée, notre pas, sans que faiblisse nos chevilles » (Ps 17.37). (2013-05-21)
7. Quant à l'abbé qui a été ordonné, il songera toujours à la charge qu'il a reçue et à celui auquel il devra « ;rendre compte de sa gestion ;».
8. Il saura qu'il doit plutôt « servir que régir ».
9. Il doit donc être « savant » dans la loi divine, pour savoir et avoir d'où « tirer le neuf et l'ancien », chaste, sobre, miséricordieux.
10. Et que « la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement », afin qu'il obtienne pour lui le même traitement.
11. « Qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères. »
12. Dans ses réprimandes même, qu'il agisse prudemment et « ;sans rien de trop », de peur qu'en voulant trop gratter la rouille, il ne brise le vase.
13. Il ne perdra jamais de vue sa propre fragilité, et se souviendra « ;qu'il ne faut pas écraser le roseau cassé. »
14. Nous ne voulons pas dire par là qu'il permettra aux vices de se développer, mais qu'il les retranchera prudemment et avec charité, suivant qu'il lui semblera opportun pour chaque individu, comme nous l'avons déjà dit.
15. Et il s'efforcera « d'être plus aimé que redouté ».
Après avoir parlé de l'élection de l'Abbé, Benoit dresse une liste de
conseils à celui qui a été élu par ses frères. Ce nouveau portrait de
l'Abbé est différent de celui du ch 2. Le premier venait en grande partie
de la Règle du maître. Celui-ci s'inspire d'Augustin et de l'Ecriture. Avec
une forte insistance sur la miséricorde.
L'idéal tracé est placé très haut. Qui pourrait penser y répondre?
Moïse et Elie, ces deux grands témoins que le Christ a pris comme
compagnons de sa Transfiguration, tous les deux ont tremblé devant la
responsabilité que Dieu voulait leur confier. Après avoir épuisé les
objections, Moïse finit par dire: « De grâce, Seigneur, envoie quelqu'un
d'autre ». Ex 4/13. Envoie qui tu voudras, mais pas moi! Elie, découragé
par l'hostilité du Roi et du peuple d'Israël, se couche, épuisé, dans le
désert. " souhaite mourir et ne plus se relever. 1R 19/4.
Cette faiblesse si humaine des deux plus grands élus de Dieu peut nous
aider à comprendre le poids de cette responsabilité spirituelle. Nous
aider aussi à percevoir quelque chose de l'expérience intérieure de
l'Abbé d'un monastère. Les tentations d'angoisse et de découragement
ne lui sont peut-être pas plus épargnées qu'aux chefs et aux prophètes
du Peuple de Dieu.
A partir de là se dessine pour nous un devoir de prière et de soutient
discret et confiant.
L'exigence de ce chapitre nous le redit: nous n'avons qu'un seul
Pasteur, le Christ. C'est à sa suite que l'Abbé a mission d'entraîner le
troupeau. Aux moines, ce qui demandé, c'est la Foi. Alors l'Abbé, cet
homme, avec ses limites et ses charismes, devient transmetteur de
grâces. Le Bon pasteur agit à travers lui.
Ce chapitre est pour nous l'occasion de remercier Dieu pour le Père
Abbé qu'il nous a donné. Le rechoisir aujourd'hui, le recevoir de Dieu. Et
prier pour lui.
Ce jour avant la Pentecôte, c'est aussi le moment pour demander la
venue de l'Esprit Saint sur tous ceux qui ont charge de pasteur dans
l'Eglise, sur le Pape François. (2013-05-18)
1. Dans l'ordination de l'abbé, on prendra toujours pour règle d'instituer celui que se sera choisi toute la communauté unanime dans la crainte de Dieu, ou même une partie de la communauté, si petite soit-elle, en vertu d'un jugement plus sain.
2. C'est pour le mérite de sa vie et la sagesse de son enseignement que l'on choisira celui qui doit être ordonné, même s'il est le dernier par le rang dans la communauté.
3. Si même toute la communauté choisissait d'un commun accord une personne complice de ses vices, – ;à Dieu ne plaise ;! ;–
4. et que ces vices viennent tant soit peu à la connaissance de l'évêque au diocèse duquel appartient ce lieu et des abbés ou des chrétiens du voisinage,
5. ils empêcheront la conspiration des méchants de l'emporter, et ils institueront dans la maison de Dieu un administrateur qui en soit digne,
6. sachant qu'ils en recevront une bonne récompense, s'ils le font avec une intention pure et par zèle pour Dieu, de même qu'ils commettraient au contraire un péché, s'ils négligeaient de le faire.
Au début de ce chapitre sur l'Abbé, Benoit nous donne des critères qui
peuvent nous aider dans tout processus de discernement. Il énonce
deux catégories de critères : Trois critères positifs, et un critère négatif.
Les critères positifs : La crainte de Dieu, le mérite de la vie, la sagesse
de l'enseignement.
La communauté unanime dans la crainte de Dieu . Devant une
question de communauté, que cherchons-nous ? Est-ce la Volonté de
Dieu ? Ou surtout imposer notre point de vue, notre volonté propre ?
Cherchons-nous ce qui est le mieux ? Sommes-nous assez libres pour
être ouvert à ce que Dieu veut ?
Ensuite, pour le choix de l'Abbé, Benoit parle du mérite de sa vie. On
peut entendre là la cohérence dans la façon de vivre. Une certaine
harmonie entre la vie et la charge qui est confiée, le service qui est
demandé.
Enfin la sagesse de son enseignement. C'est. peut-être la manière dont
sont utilisés la parole et le silence. La sagesse suppose de savoir
écouter. De savoir dire une parole. Mais aussi souvent de savoir se
taire.
Quand au critère négatif, Benoit l'appelle la complaisance au vice. Cette
complicité peut consister simplement à prendre son parti des habitudes
mauvaises. Que faire lorsqu'une telle habitude est profondément
enracinée ?
Ce chapitre nous met en garde centre ce type d'unité qui
s'appuie sur les vices et non sur le bien. Le mot vice est fort, mais il y a
cette tendance au laisser aller, au plus facile, au moins fatiguant. C'est
étrange, mais il est plus simple d'être complice de la médiocrité que de
s'unir pour le bien. Et la tentation peut être grande de ne plus se
reprendre, de laisser faire. Pour avoir un semblant d'unité. C'est ceci
que Benoit dénonce dans ce passage.
Devant l'unanimité apparente de la médiocrité, il faut du courage pour
oser s'opposer, pour corriger.
Benoit croit que la véritable communauté évangélique est bâtie sur le
meilleur de nous-mêmes. Sur ce désir de Dieu qui nous habite au plus
intime de notre cœur.
(2013-05-17)
15. Chaque fois que les frères se rencontrent, le plus jeune demandera la bénédiction de l'ancien.
16. Au passage d'un supérieur, l'inférieur se lèvera et lui offrira le siège où il était assis. Et le plus jeune ne se permettra pas de se rasseoir avant que son ancien ne le lui commande,
17. pour faire ce qui est écrit : « Prévenez-vous d'honneurs mutuels. ;»
18. Les petits enfants et les adolescents, à l'oratoire et aux tables, garderont leur rang en bon ordre.
19. Mais au dehors et partout, ils seront surveillés et maintenus dans l'ordre, jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'âge où l'on comprend.
A propos de l'ordre dans la communauté, c'est une charte des relations
fraternelles que Benoit nous donne. La Règle du Maître ne disait rien de
semblable : Elle établissait une structure hiérarchique. Ce qui importait
seulement, c'était la relation du moine à Dieu. Ici Benoit, comme dans
les derniers chapitres de la Règle, veille à ce que les moines soient en
relation les uns avec les autres. Il veut que nous soyons une
communauté de frères.
Respect de la part des plus jeunes, amour de la part des anciens :
Pour Benoit, ni l'honneur ni l'amour ne sont unilatéraux. Ils sont
réciproques. Les anciens donnent aux plus jeunes le nom de frère. Pas
celui de fils, qui correspondrait à leur propre nom de père. Et quand il
demande aux plus jeunes d'appeler les anciens: père, l'affection se
mêle au respect. Il veut cette réciprocité: Se prévenir d'honneurs
mutuels .
C'est vrai, la Règle met quand même l'accent sur le respect des plus
jeunes pour les anciens. Aujourd'hui elle nous indique deux de ces
marques d'égard: Demander la bénédiction, céder sa place.
Demander la bénédiction. Vieille comme la Bible, cette attitude
suppose que l'on voit en tout homme un être béni, un porteur de la
grâce divine. Les hôtes aussi peuvent donner cette bénédiction aux
frères. Benoit le rappelait au ch 53.
Se lever de son siège et céder sa place. C'est toujours une joie quand
nous sommes témoins de cette marque de respect pour un inconnu
dans un transport public.
Se prévenir d'honneur mutuel : C'est plus qu'un code de politesse et de
convenances mondaines. Cette affection délicate et respectueuse
manifeste une présence. Présence de Dieu. Présence du Christ honoré
et aimé dans chacun de nos frères. Benoit concrétise cela dans des
rapports respectueux et fraternels. Respecter et honorer le Christ en
chacun de nos frères, en tout homme, surtout le plus pauvre.
(2013-05-16)
10. Les jeunes honoreront leurs anciens, les anciens aimeront leurs inférieurs.
11. En ce qui concerne les noms dont on s'appellera, il ne sera permis à personne d'en appeler un autre par son nom tout court,
12. mais les anciens appelleront les jeunes du nom de frères, tandis que les jeunes donneront à leurs anciens le titre de nonni, qui signifie « ;Révérend Père ;».
13. Quant à l'abbé, puisqu'il apparaît comme le représentant du Christ, on lui donnera les titres de seigneur et d'abbé, non qu'il se les arroge de lui-même, mais pour l'honneur et l'amour du Christ.
14. Mais de son côté, il devra y songer et se conduire de façon à être digne d'un tel honneur.
Je retiens la dernière phrase entendue. Elle concerne l’abbé que Benoît invite à songer au titre qu’on lui donne par honneur du Christ abbé et à veiller à se conduire de façon à être digne d’un tel honneur. Plusieurs fois, dans la règle, l’abbé est ainsi invité à songer à ce qu’il fait et à la portée de ses actes, notamment au regard du jugement de Dieu. Songer traduit le verbe latin cogitare . On pourrait traduire simplement penser . L’abbé est donc inviter à penser, à réfléchir sur la portée de ses actes et de ses paroles, dans la mesure où cela aura toujours une incidence sur la vie de la communauté ou des frères. Comme la question des rangs, de la juste répartition des vêtements, ou des objets selon le besoin des frères (RB 55,22), le fait de savoir discerner en fonction des frères (RB 64.18).
Il ne s’agit pas d’une pensée qui se complait en elle-même, au risque d’être submergée devant la difficulté. L’abbé est invité à penser devant Dieu à la charge qui lui est confiée.
C’est la seule manière de ne pas errer : se mettre sous la lumière de la Parole de Dieu à l’écoute de l’Esprit et des frères, pour réfléchir et chercher à demeurer au plus juste. Seule cette lumière divine reçue dans la prière et par la médiation des frères va permettre d’avancer avec prudence.
Benoît invoque souvent le jugement de Dieu à qui l’abbé devra rendre des comptes. Manière d’apprendre à l’abbé à suspendre tous ses jugements au jugement de Dieu.
Dieu seul sait et connait ce qui se passe dans le cœur de chacun. Apprends-moi à bien saisir, à bien juger, je me fie à tes volontés .
Je me confie à votre prière.
(2013-05-11)
1. Au monastère, on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion et par le mérite de la vie, et comme en décide l'abbé.
2. Cependant l'abbé ne mettra pas le trouble dans le troupeau qui lui est confié, et il ne prendra pas de disposition injuste, comme s'il jouissait d'un pouvoir sans limite,
3. mais il songera toujours qu'il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et œuvres.
4. C'est donc suivant les rangs qu'il aura établis ou que les frères auront d'eux-mêmes, qu'ils iront recevoir la paix, communier, imposer les psaumes, et qu'ils se tiendront au chœur.
5. Et absolument partout, l'âge ne modifiera pas les rangs ni ne portera préjudice,
6. puisque Samuel et Daniel enfants ont jugé des anciens.
7. Donc à l'exception de ceux que l'abbé, comme nous l'avons dit, fera monter à bon escient ou fera descendre pour des raisons déterminées, tous les autres seront comme ils sont entrés en religion ;:
8. par exemple, celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité.
9. Cependant les enfants seront maintenus dans l'ordre par tous et en tout domaine.
Entre ordre et désordre, Benoît n’hésite pas une seconde. Du premier découle la paix et du second le trouble. Une communauté ne peut pas vivre sans ordre.
Benoît semble redouter les effets d’un ordre inconscient, celui voulu par la société d’alors : l’ancienneté selon l’âge physique. Il veut à tout prix l’éradiquer pour lui préférer l’ordre d’entrée au monastère ou celui du mérite de vie. Celui-ci n’est pas non plus sans inconvénient. Il peut à la longue réinstaurer une hiérarchie forte entre les frères et faire perdre de vue la charité ou la liberté.
Le fait de ne plus avoir de rang a été perçu comme une chance pour plus de mixage des relations communautaires, pour aller vers plus d’aisance mutuelle. Mais je me demande si, à la longue, ne se remet pas en place un autre ordre inconscient ou non dit. Je remarque que des frères se mettent souvent aux mêmes places au chœur ou à table. Peu à peu se crée des habitudes d’être ici ou là auprès des mêmes frères parce qu’on va soi-même toujours au même endroit. Je voudrais alerter sur le possible danger de figer de nouveau les choses.
Notre façon de ne pas avoir de rang nous invite à une grande liberté et il faut aller au bout de cette liberté, c’est à dire de mettre à des places sans calculer ; un jour là, un autre ailleurs. Car le risque est fort en calculant d’éviter telle place pour éviter tel frère ou de chercher une bonne place où l’on voit tout etc..
A l’eucharistie, veillons y particulièrement car à trop calculer on peut éviter de vouloir s’asseoir auprès d’un frère à qui il faudrait donner le baiser de paix par exemple.
La grande valeur de notre système c’est de nous rendre libre d’aller n’importe où, c’est de travailler à demeurer vraiment libre sur ce point.
Allons donc au bout de cette liberté sans a priori sans peur. L’Esprit nous appelle à la liberté.
(2013-05-10)
5. Si par la suite il veut se fixer définitivement, on ne s'opposera pas à cette volonté, surtout que l'on a pu apprécier sa vie au temps où il recevait l'hospitalité.
6. S'il s'est montré exigeant ou vicieux au temps où il recevait l'hospitalité, non seulement il ne faut pas l'agréger au corps du monastère,
7. mais encore on lui dira poliment de s'en aller, de peur que sa misère ne vicie encore les autres.
8. S'il ne mérite pas d'être mis dehors, non seulement, s'il le demande, on le recevra et on l'agrégera à la communauté,
9. mais encore on le persuadera de rester, pour que son exemple instruise les autres,
10. et parce qu'en tout lieu on sert le même Seigneur, on est au service du même roi.
11. Si même l'abbé voit qu'il en est digne, il pourra le mettre à une place un peu plus élevée.
12. D'ailleurs ce n'est pas seulement le moine, mais aussi ceux de l'ordre des prêtres et de celui des clercs dont il a déjà été question, que l'abbé peut établir à une place supérieure à celle de leur entrée, s'il voit que leur vie en est digne.
13. Mais l'abbé se gardera de jamais recevoir à demeure un moine d'un autre monastère connu, sans le consentement de son abbé ou sans lettre de recommandation,
14. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
En tout lieu, on sert le même Seigneur, on est au service du même roi
Il est intéressant de voir que Benoît ici ne considère l’éventuelle admission d’un moine étranger que du point de vue de la communauté qui accueille. Même s’il a le soin de recommander à l’abbé de parler avec le supérieur du monastère d’origine du moine. Benoît ne se place pas du point de vue du moine lui-même. Il ne considère pas ici l’ambigüité que peut représenter un changement de stabilité trop facile. Que signifie ce désir d’aller dans une autre communauté ?
Quels en sont les mobiles ?
Par la facilité d’intégration du moine étranger, Benoît semble passer un peu vite sur l’enjeu spirituel de ce changement vécu par le moine lui-même. S’agit-il de la part du moine d’une fuite inavouée ou bien d’une vraie recherche spirituelle. Ici l’argument en tout lieu, on sert le même Seigneur, on est au service du même roi peut se retourner et devenir une tentation pour le moine lui-même.
Ainsi Evagre présent-t-il en des termes analogues la tentation qui peut arracher un moine à la stabilité de sa cellule. Le moine éprouvé par la tentation de l’acédie ou du dégoût spirituel en vient à désirer d’autres lieux, où il pourra trouver facilement ce dont il a besoin, et exercer un métier moins pénible et qui rapporte davantage . Il en vient à penser finalement que plaire au Seigneur n’est pas une affaire de lieu : partout en effet est-il dit, la divinité peut être adorée . (Traité pratique 12).
On le voit l’argument servir le Seigneur en tout lieu, car on peut lui plaire en tout lieu est à double tranchant. Il ne peut être utilisé qu’avec discernement, car le service de Dieu s’il est possible en tout lieu ne portera vraiment du fruit, qu’à travers l’épreuve du temps, en un lieu.
Et la tentation consistera toujours à nous pousser à chercher ailleurs pour nous éviter la confrontation avec le réel.
Et le réel, c’est ici et maintenant.
(2013-05-04)
1. Si un moine étranger arrive de provinces lointaines, s'il veut habiter au monastère en qualité d'hôte
2. et se contente de la coutume locale telle qu'il la trouve, sans troubler le monastère par ses vaines exigences,
3. mais en se contentant simplement de ce qu'il trouve, on le recevra aussi longtemps qu'il le désire.
4. S'il fait quelque critique ou remarque raisonnable, avec une humble charité, l'abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l'aurait pas envoyé précisément pour cela.
Ces lignes de Benoît sont d’un bon sens tel que nous pouvons les adopter presque à la lettre. Les qualités demandées à un moine faisant un séjour prolongé veulent préserver la paix et la vie commune. Il est invité à se contenter de la coutume locale, à ne pas troubler le monastère par des vaines exigences et à se contenter simplement de ce qu’il trouve. Bref on attend de lui qu’il se comporte comme un moine. Le moine fait profession de se convertir à travers la vie très concrète d’une communauté en un lieu et en un temps précis. Le moine étranger en s’arrêtant pour un séjour prolongé fait le choix de s’adapter à cette communauté précise qui l’accueille. C’est une chance pour lui et pour la communauté. Pour lui parce qu’il élargit sa propre expérience monastique en tenant compte d’accents nouveaux. Une chance pour la communauté aussi, car elle est encouragée dans son propos monastique.
Benoît souligne bien cet aspect en engageant l’abbé à examiner si ce moine n’aurait pas été envoyé par le Seigneur, éventuellement pour lui faire une remarque ou une correction. Le moine étranger est une chance pour la communauté qui est provoquée à l’ouverture et à l’écoute. Nous en faisons l’expérience lors de divers passages de frères, ou bien dans la durée avec nos frères André, Dominique et Michel du Vietnam. Nous nous réjouissons de ce que nous vivons avec eux et recevons à travers leur manière de vivre. Je me demande si nous ne pourrions pas davantage aller à la rencontre de leur tradition vietnamienne et de la vie de leur Eglise. Par des lectures au réfectoire par exemple, pour mieux saisir la richesse de ce monde d’où ils viennent. C’est la chance de ces séjours, d’offrir l’opportunité d’un échange plus réel. (2013-05-03)