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8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
« Ils pratiqueront la charité fraternelle chastement ». Dans la suite des recommandations déjà entendues pour nous exercer au bon zèle, cette cinquième sentence nous engage à être en alerte sur notre manière de vivre la charité fraternelle. Il ne suffit pas d’en avoir le désir et d’essayer de la vivre, il faut encore vérifier comment nous la vivons. Vivons-nous la charité fraternelle de manière chaste ? Comment ce mot « chaste » porte en lui la notion de « pureté », de « justesse », de « respect », finalement de « liberté ». Ainsi le vœu de chasteté fait par les religieux et assumé par les moines dans le vœu de conversion des mœurs englobe bien plus que la seule continence sexuelle. Il nous engage dans une recherche jamais achevée de la justesse de nos relations entre hommes aussi bien qu’avec les femmes. Justesse de nos attitudes et de nos gestes certes, mais plus encore justesse de nos intentions et de notre désir. Le contraire d’une attitude chaste tiendrait dans le désir de capter l’autre, de vouloir l’attirer à soi et pour soi, de mettre la main sur lui en quelque sorte. La charité est alors détournée de son but et se trouve défigurée en familiarité malsaine ou en pression qui ne laisse pas libre. Aimer chastement sera peut-être paradoxalement plus difficile à l’égard de ceux avec lesquels nous sommes d’emblée en sympathie. Est-ce que je cherche le bien de l’autre ? Est-ce que je désire ce qui est le meilleur pour lui avant ce qui est bon pour moi ? Une bonne manière d’apprendre à aimer chastement ne serait-elle pas de s’exercer à aimer, à nous tourner aussi vers ceux qui nous sont d’un abord difficile pour devenir plus libre ? Aimer chastement participe vraiment de ce bon zèle que Benoît souhaite pour ses moines. Il nous décentre de nous-mêmes pour nous donner à l’autre humblement et pour accueillir ce qui nous est donné dans la relation sans rien refuser ni rechercher pour soi. « Accorde nous Seigneur de pouvoir t’adorer sans partage et d’avoir pour tout homme une vraie charité » (Oraison du 4° dimanche du Temps Ordinaire). (2013-06-25)
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
« Personne ne cherchera ce qu’il juge être son avantage, mais plutôt celui d’autrui ». Voici la quatrième recommandation de Benoît qui nous excite au bon zèle. Dans la ligne des précédentes, et de façon plus explicite, elle nous engage à placer le bien de l’autre avant le mien propre. Pas d’abord mon avantage, mais celui de l’autre. Un frère me demande un service je l’écoute et j’essaie de voir ce que je peux faire. Si je ne peux pas, je cherche comment l’aider dans son besoin, sans l’envoyer promener parce que je ne sais pas comment faire. Ce qui lui est utile avant ce qui m’est utile. Un frère me fait part d’une difficulté ou d’une gêne à mon égard. Est-ce que je vais prendre cela comme une agression ou bien est-ce que je vais essayer de comprendre ce qui lui est utile ?
Cette recommandation de Benoît va loin car elle me demande de laisser pour un temps le souci de moi, et la préoccupation par rapport à mes affaires. Est-ce trop ? Est-ce juste ? Nous touchons la beauté et la profondeur du bon zèle qui décentre toujours plus de soi, pour se tourner vers les autres. C’est la sève de la vie évangélique qui, peu à peu, nous habite et nous transforme. Nous sommes moins soucieux de nos affaires, moins centré sur notre univers, mais plus présent et plus accueillant aux autres. C’est le Saint Esprit lui-même qui nous conduit à ce changement d’attitude et de regard. Car je découvre que ma vie donnée est bien plus riche et vivante que ma vie gardée. En servant joyeusement mes frères, en accueillant leurs questions et leurs besoins, je ne me perds pas, je grandis et m’élargis. Demain lors de la célébration du jubilé de F.Rémi, nous entendrons la Parole de Jésus : « Qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera (Lc 9.24). Que le Christ qui a accompagné notre F.Rémi durant ces 50 ans nous entraine dans le secret de ce qui « perd gagne ». (2013-06-22)
6. ils s'obéiront à l'envi ;
« Ils s’obéiront à l’envie ». L’expression est belle et suggestive. Benoît ne donne pas un ordre ou une règle à appliquer. Il fait davantage. Il encourage à aller au delà de la règle et du sentiment d’être quitte une fois la chose accomplie. Dans le chapitre précédent, il demandait qu’on s’obéisse mutuellement en élargissant déjà beaucoup le cadre de l’obéissance due au supérieur. Ici il suggère davantage en invitant à se stimuler, même à lutter pour être le plus obéissant. C’est le sens de l’adverbe « certatim » qu’on peut traduire « à qui mieux mieux », adverbe dérivé du verbe « certo » qui signifie « lutter dans le jeu, rivaliser ». Dans la recherche du bon zèle, Benoît offre un chemin de grande liberté : celui de rivaliser dans l’obéissance les uns par rapport aux autres. Nous sommes à l’extrême opposé de l’attitude repliée sur soi d’un frère qui se ferme à toute demande ou à tout service (telle l’huitre qui se ferme dès qu’on l’approche). Ici rien de tel, le moine loin d’être peureux ou soucieux de préserver sa tranquillité cherche à obéir. Il désire obéir à son frère. Ce désir n’est pas superficiel ou affaire de convenance. Il part du cœur et d’une compréhension de l’obéissance comme une manière de vivre. L’obéissance n’est pas seulement une attitude momentanée que l’on remise au placard une fois la chose accomplie. Mais elle devient une attitude profonde d’écoute où je ne me soucie pas d’abord de moi et de mon confort, mais de celui de mes frères, prêt à aider, à rendre service, à écouter. Nous avons déjà parmi nous des frères qui vivent de cette attitude d’ouverture et de don aux autres, prêts à obéir à leurs frères. Laissons-nous enseigner par leur vie qui parle plus que des paroles. Notre vie communautaire s’en trouvera fortifiée. (2013-06-21)
5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;
Il y a quelques jours, nous avions cette parole de Jésus : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous, que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5.46) Nous pourrions entendre ce matin dans cette lumière la recommandation de Benoît : « Ils supporteront sans aucune impatience leurs inimitiés corporelles et morales ». On pourrait paraphraser la parole de Jésus : « Si vous ne supportez pas ceux qui vous supportent, que faites vous d’extraordinaire, les païens n’en font-ils pas autant ». Dans la ligne de l’Evangile, Benoît nous exhorte à un surcroit d’amour. Plutôt que « Supporter » qui a acquis avec le temps une connotation négative d’endurer à contrecœur, on pourrait dire « porter » patiemment les infirmités corporelles et morales. On retrouve ce que Paul demandait aux Galates : « Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ ». Oui vivre en frères, c’est nous porter les uns les autres. On est spontanément d’accord pour vivre entre frères, quand tout va bien, quand les affinités sont en consonances, quand les tempéraments s’accordent. Mais cela les païens n’en font-ils pas autant ? Notre vie fraternelle ne sera vraiment chrétienne que dans la mesure où nous nous portons avec nos infirmités, nos faiblesses et nos épines. Si nous nous émouvons trop vite devant une contrariété, si l’infirmité morale ou physique nous indispose au point que nous faisons tout pour l’éviter, ne nous faisons pas trop vite illusion sur notre capacité à vivre une vie fraternelle chrétienne. Accepter tel frère tel qu’il est, porter dans la patience ses manières d’être et de faire qui nous déplaisent, demeurer toujours ouvert et près à dialoguer avec lui. Voilà la vie fraternelle à laquelle il nous faut œuvrer. Cela demande un gros travail intérieur, en même temps que la reconnaissance de notre faiblesse. Mais si nous acceptons de ne pas nous prendre pour la norme, si nous nous engageons dans cette lutte avec la grâce de Dieu, nous pourrons bâtir une vie fraternelle vraiment chrétienne. (2013-06-20)
4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;
Je vais commenter un à un les versets de ce chapitre sur le bon zèle. En effet, Benoît énonce ici des recommandations qui se présentent à la manière des instruments des bonnes œuvres. Ces huit recommandations pourraient d’ailleurs constituer comme la conclusion du chapitre 4 sur les instruments de l’art spirituel. On pourrait même y voir une forme d’inclusion avec les premiers instruments. Ceux qui reprenaient le décalogue, la Loi. Et ceux-là, tous empreints de sève évangélique manifestent la Loi d’Amour qui élargit, qui fait éclater tous les cadres habituels.
« Il se préviendront d’honneurs mutuels ». Se prévenir, venir au devant, prendre les devants. Ce verbe porte en lui un élan, une hâte qui consonne bien avec le mouvement de la RB qui veut que le moine se hâte. Qu’il se hâte de façon générale vers le Royaume, mais aussi qu’il se hâte pour aller à l’office (on retrouve le même verbe praevenire en RB 22,6, quand il s‘agit de se stimuler les uns les autres au lever), et ici qu’il se hâte pour honorer son frère. Benoît souhaite voir parmi les moines cette belle émulation fraternelle qui veut qu’on se respecte et qu’on rivalise d’honneur les uns pour les autres. Ici rien d’hypocrite ou de forcé, mais un élan qui peut s’appuyer sur la parole de Paul : « Ne brisez pas l’élan de votre générosité ». Elan du cœur qui « regarde les autres comme plus méritants » pour reprendre encore des mots de Paul (Rm 12.10). Comment cultiver cet élan profond ? Certainement, en faisant taire les critiques ou le regard qui juge spontanément, pour se reconnaitre la belle part qui est en chacun. Développer un regard positif sur mes frères, être à l’écoute du meilleur. Eviter d’entrer dans des conversations qui jugent ou jaugent les autres. Ensemble, les uns par les autres, nous avons mieux à faire : Il nous faut les uns par les autres nous révéler le Christ, honorer en chacun le Christ qui est à l’œuvre en chacun de nous et qui façonne en chacun son visage. (2013-06-19)
1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
Autrefois on appelait le sous-maître, le « zélateur », celui qui stimule le zèle des novices, le bon zèle. Nous sommes ainsi faits qu’effectivement, nous avons besoin d’être stimulés pour toujours aller au meilleur de nous-mêmes. C’est certainement une des fonctions de ces chapitres du matin : nous tenir en éveil et en alerte pour que le bon vin vieillisse bien et ne tourne pas en vinaigre. Dans une cave, on surveille le vinification. On tourne les bouteilles avec minutie pour éviter les dépôts. Le zélateur au noviciat, le maitre des novices et le père Abbé lors du chapitre veulent nous aider chacun à se tourner et à se retourner pour demeurer vivant dans sa vie monastique, sans faire de mauvais dépôts d’aigreur ou de paresse. Notre vie monastique, mais finalement toute vie humaine digne de ce nom, veut nous tirer dans ce sens vers le haut et le meilleur. Et ce meilleur est pour nous la vie en Dieu avec des frères aimés et servis, une vie intimement au Christ dans son Esprit. Sur la route du Royaume, le Saint Esprit, notre zélateur intérieur nous entraine à être toujours plus généreux jusqu’au bout avec le Christ. Il ne nous demande pas de faire des exploits, encore moins des choses éclatantes. Non, le bon zèle qu’il insuffle est un ardent élan qui trouve de plus en plus de joie à se donner et à se donner dans le secret. Car le bon zèle ne puise pas son énergie dans le regard des autres ou dans leur louange. Non il trouve sa force dans la Parole du Christ et dans la confiance qu’il nous fait. Le Seigneur Jésus ne nous appelle à rien d ‘autre, comme ce matin, qu’à « être parfait comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Il déplace sans cesse les bornes de notre zèle, car il le sait capable de beaucoup dans l’Esprit Saint qu’il nous donne. Avec l’oraison de cette 11° semaine du Temps Ordinaire, demandons « le secours de sa grâce » pour « vouloir et agir de manière à répondre à son amour ». (2013-06-18)
1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,
2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.
3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,
4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.
5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.
6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,
7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,
8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.
9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.
Ce matin Benoît nous invite à l’obéissance comme notre bien commun, notre bien à tous. Dans notre vie commune, c’est peut-être ce bien là qui est le plus précieux à mettre en commun. Nous détacher des biens matériels, renoncer à disposer de son compte personnel, tout recevoir du monastère, ceci nous le faisons au début de notre vie monastique. S’il nous faut être vigilant pour ne pas reprendre quelques réflexes de vieux garçons, cette mise en commun là des biens est assez simple à envisager et à comprendre.
La mise en commun du bien de l’obéissance est quelque chose qui mérite plus d’attention de notre part. Car ce n’est pas un bien palpable, ou un bien tellement circonscrit que nous pouvons être quitte une fois pour toutes. Et Benoît insiste, ce bien n’est pas seulement dû aux supérieurs, ce qui n’est pas facile toujours, mais aussi ce bien est dû les uns aux autres. Il m’arrive qu’un frère doive m’obéir en raison de ma charge et je peux quelque temps après lui obéir en raison de sa charge quand il me demande quelque chose. Chacun de nous sent très bien quand il est en position de devoir être obéi, que c’est rude à vivre si le frère rechigne ou se dérobe ou conteste. Il y a quelque chose qui coince !!
C’est en ce sens que l’obéissance est un bien mis en commun et cela très quotidiennement. Il constitue l’espace d’échange qui nous relie très souvent les uns aux autres. Ainsi tour à tour, je dois obéir et susciter l’obéissance. Je dois obéir sans délai, sans faire sentir au frère que sa demande n’est pas formulée comme il faut, sans faire peser un droit excessif pour protéger ma susceptibilité, à la manière des princes !!
Un autre jour, je devrais susciter et recevoir l’obéissance sans être dur ou me comporter comme un petit chef, ni faire sentir mon autorité.
Dans notre vie commune, c’est ce changement de rôle qui est beau, libérant, et en même temps qui est délicat à vivre. Car il n’y a pas comme à l’armée un général et des militaires du rang dans une relation à sens unique, immuable pour toujours. Mais nous vivons des relations entre frères qui se reconnaissent tour à tour dans leur charge respective et dans leurs responsabilités mutuelles, sans l’identifier à leur rôle. Le Père Abbé obéira au maître de chœur et le maître de chœur au Père Abbé, chacun dans son domaine respectif.
Cela nous invite à intérioriser ce bien de l’obéissance et à travailler ce qui en moi est raide ou susceptible ou grincheux. Il nous faut alors apprendre auprès du Christ, l’obéissance du cœur que fut la sienne, souple, ouverte à l’égard de son Père, mais aussi à l’égard des évènements et des rencontres des personnes : la cananéenne, Jaïre etc .. (2013-06-14)
1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,
2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.
3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»
4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,
5. mais en toute mesure et raison.
6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,
7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
Une communauté monastique ne peut pas être régie par la loi du plus fort, nous dit en substance ce chapitre. Les relations entre frères seront faites de mesure et de raison et non vécues sous la pression ou sous une quelconque violence. Benoît veut couper court à toute présomption d’imposer un diktat aux autres. Cette clarification est bonne à entendre car elle nous redit à quelle qualité de relation nous devons tendre entre nous. Une relation qui serait basée sur la domination de quelques uns et la soumission des autres n’est pas admissible. Une relation faite de chantage verba l ou affectif n’est pas admissible. Nos relations seront vraiment fraternelles si elles sont le fait d’hommes libres et surtout libres d’eux –mêmes. Si la tentation d’imposer un point de vue ou une manière de faire nous guette, elle fait signe que nous ne sommes pas complètement libres. Nous nous cherchons nous-mêmes et non la volonté de Dieu. De même pour le chantage. Nous sommes si peu assurés en nous-mêmes que nous forçons le passage au lieu de cheminer avec les frères.
Nos groupes de communauté sont de bons lieux pour apprendre à vivre cela au quotidien. Quand par exemple, on prépare une promenade, le fait de s’écouter et d’écouter ensemble vers quoi on peut se rallier est une heureuse expérience de vie fraternelle. Chacun apporte sa pierre à l’édifice mais ne l’impose pas, ni ne rejette a priori celle apportée par le voisin. Rien de plus destructeur ici qu’une parole du genre : « Si on fait ça, moi je ne viendrai pas ». Chantage qui paralyse tout le groupe. A l’inverse rien de plus constructif qu’une parole du genre : « Je ne suis pas très favorable à ce choix, mais si c’est le choix du groupe, je m’y rallie ». Cette parole vraie n’est pas une parole de soumission, mais au contraire une parole de liberté. Le frère sait être libre par rapport à lui-même et ne bloque pas le groupe.
Si nous sommes attentifs, nous découvrirons que la vie nous place souvent dans des situations de ce genre. Par nos paroles qui s’imposent ou par nos paroles qui se proposent, le climat fraternel est fragilisé ou au contraire fortifié. « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui ». (2013-06-13)
1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,
2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.
3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.
4. Si quelqu'un transgresse ce point, on le châtiera rigoureusement.
La vigueur avec laquelle Benoit réagit dans ce chapitre peut nous
surprendre. Car il y a une indignation qui est bonne et saine. Face à
l'injustice, à la méchanceté, nous pouvons même avoir le sentiment de
trahir ce qu'il y a de plus noble et de plus authentique en nous, si nous
ne prenons pas la défense du plus pauvre, du plus petit. Qu'y a-t-il de
répréhensible à prendre la défense d'un autre, surtout s'il est fragile, et
victime d'injustice?
La Bible parle souvent de la défense de la veuve et de l'orphelin, du
pauvre, de l'opprimé, du juste persécuté. Jésus a été le premier à
blâmer celui qui charge ses frères de pesants fardeaux, celui qui
condamne sans appelles pécheurs. Au cœur du christianisme, il y a une
résistance à l'injustice, à l'oppression, au mensonge. Une résistance qui
demande souvent du courage, et un authentique don de soi. Il ne
faudrait pas que la vie monastique émousse cette capacité
d'indignation! Elle devrait plutôt l'affiner et la développer.
Mais le but de Benoit, dans la Règle, c'est de guérir notre humanité
blessée, de lui rendre sa dignité, sa beauté originelle. Il sait le péril qu'il
ya à vouloir se poser en défenseur d'un frère: « Je le protège. » Je me
mets au-dessus de lui. Je le considère comme moins grand que moi. Je
crois être le seul à savoir ce qui est bon pour lui. Mieux que le Père
Abbé et le reste de la communauté!
Nos relations fraternelles supposent l'égalité. Parce que c'est la vérité,
devant Dieu. Un frère peut avoir besoin de moi, mais cela est juste si je
reconnais le lieu où, moi aussi, j'ai besoin de lui. Bien souvent, quand je
prends la défense d'un frère, ce sont mes propres opinions, mes
intérêts que je défends. Ou ma relation avec lui, une complicité peut-
être.
Il faut beaucoup de courage pour aimer en vérité. Un courage qui
suppose une profonde lucidité sur ce qui m'anime vraiment, au plus
intime de moi. Cette lucidité demande que je sois capable de prendre
du recul, même vis-à-vis de ce qui m'indigne. (2013-06-01)
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
Frère Adalbert soulignait la beauté littéraire de ce chapitre: Sa
structure est claire. Trois phrases, chacune commence par une
hypothèse et finit par une directive. On voit ainsi se dérouler un drame
en trois actes: L'ordre pénible et sa réception; le constat
d'impossibilité et l'ouverture au supérieur. Le maintien de l'ordre, et
son exécution. A chaque étape, Benoit indique la manière de penser et
d'agir. L'ensemble est remarquablement agencé.
Benoit décrit ici un moment privilégié de notre vie. Un temps de plus
grande lucidité sur soi. Suis-je vraiment libre. Ma vie est-elle donnée à
Dieu et à mes frères? Il Y a des événements qui viennent cogner ce que
nous vivons, pour vérifier que cela sonne juste. Que derrière le
quotidien un peu répétitif, il y a un cœur qui aime, un homme qui
cherche Dieu, qui veut le servir et faire ce qu'il attend. Ce don de soi,
nous en sommes mauvais juges sur nous-mêmes. C'est plus facile de le
voir chez les autres. Il n'est pas rare d'entendre dire d'un frère: « Sa vie
est vraiment donnée ». Et lui-même n'en a peut-être pas conscience,
pris dans les combats des jours.
Nous dépensons souvent beaucoup d'énergie pour éviter certaines
situations, certaines rencontres, certains événements. Dans cet
interminable combat de Jacob, Dieu peut sembler, à première vue,
avoir le dessous. Nous pensons lui imposer notre volonté, éviter le
choc, faire semblant d'obéir tout en imposant notre volonté.
Mais il arrive aussi que ce que nous pensions impossible, intolérable, se
présente à nous. Nous pouvons être tentés de tout laisser tomber. Ou
nous soumettre de mauvais gré, tomber dans l'amertume. Mais parfois
nous découvrons avec surprise que l'impossible devient possible, avec
l'aide de Dieu. Nous découvrons alors que Dieu a si bien travaillé notre
cœur que les murs que nous avions dressés pour nous protéger sont
devenus inutiles. Ce long travail de dépouillement, c'est la voie royale,
le chemin de la liberté intérieure. (2013-05-31)