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1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.
2. Ainsi tu reviendras, par ton obéissance laborieuse, à celui dont tu t'étais éloigné par ta désobéissance paresseuse.
3. À toi donc, qui que tu sois, s'adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Seigneur Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l'obéissance.
4. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection,
5. afin que lui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n'ait jamais à s'attrister de nos mauvaises actions.
6. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu'il met en nous, de sorte que non seulement, père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils,
7. mais aussi que, maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.
« Ecoute. Prête l'oreille de ton cœur. Reçois cette instruction. Mets-la
en pratique effectivement. » Ces quatre attitudes, que Benoit énumère
au premier verset du Prologue, résument à elles seules l'ensemble du
chemin spirituel qui va être développé tout au long de la Règle.
Il ne suffit pas que l'enseignement touche les oreilles du moine. Il faut
encore que son cœur s'ouvre à cette parole, pour qu'elle puisse y
prendre racine. Il faut qu'elle soit vraiment accueillie, et qu'elle soit
mise en pratique.
Ecouter, être attentif, disponible à Dieu, ouvert, offert. Toute la vie du
moine a pour but d'apprendre à écouter. Ecouter la voix de Dieu. Etre
disponible à l'Esprit de Dieu qui parle sans cesse à notre cœur. Ce
« travail de l'obéissance », pour Benoit, c'est le chemin du retour à
Dieu. C'est aussi le chemin de la liberté intérieure qui commence par la
libération de nous-mêmes, de nos peurs, de nos doutes, et aussi de nos
illusions.
Ce matin, ce texte nous invite à nous réveiller. Dieu nous appelle. Ce qui
importe, c'est notre réponse à Dieu aujourd'hui. Christ nous a donné
comme consigne d'attendre, d'être prêts à l'accueillir. Attente des
serviteurs, qui savent mettre à profit le moment présent, car c'est dans
cet instant que Dieu nous donne de l'entendre, de le rencontrer.
Que Lui-même nous aide à demeurer attentifs à sa visite: Il est là et il
frappe à notre porte. (2013-07-19)
8. Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l'aide du Christ cette toute petite règle pour débutants que nous avons fini d'écrire ;;
9. et alors seulement tu parviendras, grâce à la protection de Dieu, à ces sommets plus élevés de doctrine et de vertus que nous venons de mentionner. Amen.
Nous arrivons au terme de la Règle. C'est peut-être le moment de se
demander: A quoi tient que ce texte, si modeste, continue d'attirer?
D'être le guide pour des hommes et des femmes, un peu partout dans
le monde, encore en ce début du 21 ème siècle.
Benoit ne fait pas de théories sur la vie monastique. Il nous offre un art
de vivre spirituel. Des moyens concrets pour changer notre vie. Il ne fait
pas de grandes phrases sur l'expérience de Dieu. Il montre un chemin
qui y conduit. Le monastère qu'il décrit est un atelier. Il nous indique
des instruments que nous pouvons utiliser pour changer notre cœur.
C'est ce dont nous avons besoin.
Depuis 15 siècles, malgré la prolifération d'écrits spirituels de tous
genres, la Règle est toujours là. Sans prétention. Dans sa simplicité, elle
a quelque chose d'étrange, même de provoquant. Elle a amené tant
d'hommes et de femmes à la sainteté qu'elle est devenue
véritablement crédible.
Comme le dit St Paul, « C'est vous qui êtes ma lettre » 2Co 3/2. Ce sont
ceux qui vivent de la Règle qui en témoignent. La Règle a prouvé son
authenticité en conduisant des générations de moines « à ces hauts
sommets de doctrine et de vertu » sur lesquels nous a laissés le dernier
verset de ce dernier chapitre.
Tu parviendras . Benoit ne s'adresse pas aux communautés, mais aux
personnes. A tous ceux qui se hâtent vers la perfection. Vers la patrie
céleste. A chacun d'entre nous qui voulons suivre le Christ, qui essayons
de ne rien préférer à l'amour du Christ. (2013-07-18)
1. Si d’ailleurs nous avons écrit cette règle, c'est pour qu'en l'observant dans les monastères, nous fassions preuve au moins d'une certaine décence morale et d'un commencement de vie religieuse.
2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.
3. Quelle est en effet la page, quelle est la parole ayant Dieu pour auteur, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement droite pour la vie humaine ;?
4. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu'à ce que nous parvenions à notre créateur ;?
5. Et encore les Conférences des Pères et leurs Institutions et leurs Vies , ainsi que la Règle de notre saint Père Basile,
6. que sont-elles d'autre que les instruments des vertus donnés par les moines de bonne conduite et obéissants ;?
7. Mais pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite et négligents, il y a de quoi rougir de confusion.
Plusieurs fois, dans la Règle, Benoit a demandé que ce texte soit lu aux
frères. Le chapitre 66, sur les portiers du monastère, se terminait par
cette recommandation de la lire fréquemment en communauté. C'est à
cette conclusion primitive que se rattache sans doute ce chapitre 73,
qui est l'épilogue de la Règle. Les chapitres 67 à 72 semblent avoir été
insérés ensuite.
Dans ce dernier chapitre de la Règle, Benoit explique pourquoi il l'a
écrite. Il la situe à l'intérieur de la littérature chrétienne. Et il nous
éclaire sur le sens de la vie monastique: elle n'est rien d'autre que la
mise en œuvre de la Parole de Dieu, dans l'un et l'autre Testament. La
mise en pratique de ce qu'enseigne l'Ecriture. Elle est l'épanouissement
de l'Evangile dans une Tradition.
« Quelle est la page, quelle est la Parole ayant Dieu pour auteur, dans
l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement
droite pour la vie humaine? » Ce chapitre tout entier est une
recommandation de lire l'Ecriture, guide de notre vie. Elle est placée
avant tous les livres des Pères: ceux-ci ne font que répéter et expliciter
ses enseignements.
En face de la Parole de Dieu, et des écrits des saints, Benoit présente sa
Règle comme un petit opuscule, qui ne mène pas loin! Observer la
Règle procure seulement « une certaine décence morale et un
commencement de vie religieuse ».
Ce chapitre est aussi pour nous l'occasion de nous demander quelle
place a la Parole de Dieu dans notre vie? Quel temps je lui donne? Est-
elle ma nourriture quotidienne? Nous avons cette chance de l'entendre
dans la liturgie. Mais savons-nous l'écouter? Lire à l'avance le texte qui
sera entendu permet de mieux l'écouter. Ruminer chaque jour un
verset. L'entendre comme la Parole que Dieu m'adresse aujourd'hui. (2013-07-16)
12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!
« Que le Christ nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ». De cette belle
finale du chapitre sur le bon zèle, je retiens les deux mots « tous ensemble». Tout le bon zèle
conduit chacun à apprendre à se décentrer de lui-même pour s'ouvrir aux autres, pour faire passer
l'intérêt de son frère avant le sien propre. Dès lors entre frères ne peut que grandir la conscience
de ce « tous ensemble ». Comme le disait ce beau slogan du Secours Catholique, « désormais ce
n'est plus chacun pour soi, mais c'est chacun pour tous ». Le bon zèle dispose les cœurs à ce
regard et à cette attention qui ne voudrait oublier personne. Et en même temps, nous savons que
cela ne peut être que l'œuvre du Christ et de sa grâce. Lui seul peut nous rassembler vraiment en
lui «tous ensemble ». C'est par lui, avec lui et en lui que se réalise cette belle unité de la
communauté toute orientée vers le Père et la vie éternelle en Lui. Paul le dit en des mots proches
aux Ephésiens : « En vivant dans la vérité de l'amour, nous grandirons dans le Christ pour nous
élever en tout jusqu'à lui, car il est la Tête. Et par lui, dans l'harmonie et la cohésion, tout le
corps poursuit sa croissance, ... selon l'activité qui est à la mesure de chaque membre ... » (Ep 4,
15-16). Le bon zèle que vivent les moines est le ferment de l'harmonie et de la cohésion de tout
le corps communautaire. Mais en faisant vivre la communauté monastique, il contribue aussi à la
vie de l'Eglise. On pressent ici combien est étroit le1ien entre la communion vécue entre les
moines et la communion à l'œuvre dans l'Eglise. C'est le même dynamisme d'amour dans
l'Esprit. De ce point de vue, la communauté monastique est une manifestation vivante de
l'Eglise. Notre vie fraternelle intéresse au plus haut point l'Eglise qui a besoin de ce signe. Et les
hôtes qui nous côtoient ne s'y trompent pas. En nous voyant vivre, il mesure la difficulté que cela
représente de vivre ainsi « chacun pour tous» et non pas pour soi d'abord. Il n'y a pas à faire
semblant comme si c'était simple. Il n'y a pas non plus à noircir la chose comme si elle relevait
de l'exploit. Il y a à vivre surtout en se donnant aux autres et en s'oubliant soi-même dans la
conviction que ce don de soi est précieux pour la vie de la communauté. Là est aussi le secret de
la vraie joie, pelle qui ne fait pas de bruit, mais qui nourrit le cœur et le fait vivre. Cette joie-là
nul ne peut nous la ravir, car elle porte des semences de vie éternelle. Que le Christ, berger
puissant, nous entrai ne sur le chemin de cette joie. (2013-07-12)
«Ils ne préfèreront absolument rien au Christ ». Nous pouvons être
reconnaissants à St Benoit de nous avoir laissé cette sentence forte, claire et stimulante.
Au terme de la règle, elle nous replace devant l'essentiel: l'amour du Christ. Non pas
l'amour d'hier, celui a pu ébranler notre cœur pour le mettre en route à sa suite, mais
l'amour d'aujourd'hui, celui que nous vouons toujours au Christ. Nous aimons raconter
nos vocations, et il est important de le faire à l'occasion, car c'est notre histoire sainte.
Mais si cela nous conduit à conjuguer l'essentiel de notre relation au Christ au passé, il y a
quelque chose qui ne va pas. Aussi la phrase de St Benoit entendue ce matin peut-elle
nous aider à conjuguer cette relation au présent. C'est aujourd'hui après 5 ans, 10 ans, 25
ans, 40 ans, 50 ans, 60 ans, 70 ans qu'il nous faut approfondir notre préférence du Christ.
Lui, le Verbe de Dieu fait chair qui veut récapituler en lui tous les êtres, appelle chacun à
une relation unique avec lui. Comme le suggère Paul dans la lettre aux Ephésiens, nous
n'avons pas fini de le connaitre, de l'aimer, et surtout d'accueillir son amour pour nous et
pour les hommes. « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi, restez enracinés dans
l'amour, établis dans l'amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les
fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur ... Vous connaitrez
l'amour du Christ qui surpasse tout ce qu'on peut connaitre (3,17-18) ».
Et comment vivre cette préférence? Fondamentalement c'est le travail secret de
chacun. Le cœur à cœur unique dans la prière mais aussi dans l'engagement quotidien.
Notre vie monastique se veut être une pédagogie pour favoriser en toute chose cette
préférence du Christ. La préférence de l'office par rapport aux autres activités qu'on laisse
sans tarder pour se rendre à l'Eglise. La préférence de la lectio dès le matin, avant tout
autre chose pour mettre toute notre journée sous la Parole. La préférence du frère plus
pauvre ou du nécessiteux qui resitue nos relations fraternelles selon une hiérarchie
évangélique. La préférence du silence et du recueillement sur le bavardage et la
dispersion. Jour après jour, nous apprenons à préférer le Christ, à lui donner la première
place dans notre vie. Nous le savons, ce n'est pas qu'affaire de sentiment intérieur, mais
bien plutôt de choix très concret. Alors que la cloche sonne, vais-je m'attarder à lire le
journal, ou vais-je vouloir finir mon travail? Alors qu'un frère me demande un service,
vais-je le faire attendre? Le matin, vais-je me mettre avant toute chose devant ma table
pour faire lectio ou aller à l'église pour prier? De ces choix, va dépendre en bonne part le
dynamisme de notre vie monastique. Choisir de vivre pour le Christ ou choisir de vivre
mollement à mon compte, en suivant mes humeurs ... C'est là que se joue notre préférence
pour le Christ. Comme nous sommes faibles, demandons-lui son Esprit Saint, cet Esprit
qui l'a accompagné, guidé et fortifié durant sa vie terrestre. (2013-07-06)
10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;
Il n'est pas facile pour le P. Abbé de commenter la 7° recommandation de ce chapitre:
«Es affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ». Mystère d'une relation dans
laquelle lui-même est impliqué. Relation humaine avec tout ce que cela signifie de paroles
échangées, d'attention, d'attente, de gestes ... Et relation qui voudrait toujours être fondée dans le
Christ, puisque cette relation entre le frère et son abbé est une des médiations, offerte par la
pédagogie monastique, dans l'apprentissage de la relation au Christ.
Je retiendrai deux mots de l'expression de Benoit: « charité et humilité ». Deux mots•
parmi les plus importants de la Règle. Deux mots qui disent le but recherché en toute chose: la
charité, et le moyen privilégié pour l'atteindre: l'humilité. Dans ces deux mots, est contenue
presque toute notre vie monastique.
Charité, si elle n'est pas là dans la relation vécue entre le frère et l'abbé, cette relation
perd sa raison d'être profonde. Elle restera peut-être à un niveau formel impeccable de correction
et de respect, mais elle manquera l'essentiel. La charité n'est pas ici la sympathie, ni l'amitié
spontanée. Elle est ce don de Dieu accueilli et sans cesse recherché, par le frère et par l'abbé pour
vivre toute chose sous son regard, dans le désir de faire sa Volonté. Il pourra y avoir des moments
difficiles, des conflits peut-être et des incompréhensions. Mais la charité ne sera pas perdue dès
lors que, de part et d'autre, on cherche à faire la Volonté de Dieu. C'est le Christ qui est au centre
de la relation. Devant lui, nous sommes des serviteurs, serviteurs de la Charité répandue dans nos
cœurs par l'Esprit Saint. Charité si nécessaire à chacune de nos vies, comme à celle de la
communauté et de l'Eglise.
Humilité. C'est l'humilité qui va permettre à la charité de demeurer vivante. Humilité qui
décentre et l'abbé et le frère: l'abbé pour mieux accueillir chaque frère en son mystère et le frère
pour mieux se mettre à l'écoute d'une autre parole qui peut le déplacer. De nouveau, c'est ~
Christ qui est au centre. A travers son humilité, il nous enseigne que par-là se réalise la vraie Vie,
que par-là s'opère le salut. L'humilité est comme une force cachée qui va rendre fécondes toute
nos relations. D'elle, nous apprenons le vrai respect et la délicatesse. D'elle, nous apprenons la
vérité dans la relation et la simplicité qui est bien plus belle que tous les artifices avec lesquels
nous voudrions cacher nos misères.
« Amour et vérité se rencontrent» dit le Ps 84, on pourrait sans se tromper dire « amour et
humilité se rencontrent» et fécondent nos relations fraternelles, et à un titre tout particulier la
relation entre le frère et l'abbé. (2013-07-02)
9. avec amour ils craindront Dieu ;
« Avec amour; ils craindront Dieu». Que veut nous dire ici St Benoit? Au chapitre 4,
il a offert comme premier instrument le premier commandement:« aimer le Seigneur ton
Dieu, de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces» (4,1). Ferait-il moins ici, en
recommandant la crainte de Dieu, qui à nos yeux parait se situer à un degré inférieur de
qualité de relation? Ou bien au contraire, ne nous offre-t-il pas un instrument très utile sur le
chemin de l'amour de Dieu. En effet, qui peut prétendre savoir aimer Dieu, de cet amour qui
chasse la crainte, comme nous le laisse entrevoir la finale du chapitre sur l'humilité (7, 6~) ?
Cet amour-là demande beaucoup d'humilité, et un total décentrement de soi que nous avons
peine à imaginer, tant il n'est pas à notre portée et ne peut -être que l' œuvre de la grâce. Par
ailleurs, la crainte de Dieu n'est jamais vue de manière négative par Benoit. Il la considère
même comme une vertu nécessaire pour le cellérier (31,2) et l'infirmier (36,7), et plus
globalement pour les frères auprès de qui il faut prendre conseil (65, 15). Elle est cette
disposition du cœur qui, plaçant le moine dans une juste attitude de respect à l'égard de Dieu,
le met dans une position juste à l'égard de ses frères, faite d'accueil et de charité.
« Avec amour, ils craindront Dieu» peut donc se comprendre comme une invitation à
ne pas se tromper de crainte à l'égard de Dieu. Surtout pas la peur. Oui Dieu est Dieu, et
devant lui nous nous situons comme ses créatures et ses enfants qui ne peuvent prétendre à
rien, se recevant tout entier de lui. En ce sens, nous le craignons. Nous ne venons pas
n'importe comment devant, pas avec désinvolture. Nous savons qu'il est tout et que nous ne
sommes rien par nous-mêmes. Mais en rester là pourrait nous faire passer à côté de notre
Dieu, le Vrai Dieu Celui que nous a révélé Jésus-Christ. La finalité de la relation avec son
Père et notre Père n'est pas la crainte, mais l'amour. Et l'amour, le vrai, est plus profond que
la crainte. Il vient transfigurer la crainte en la faisant passer du respect à l'abandon, de la
distance à l'offrande. Passage qui est don de l'Esprit Saint, car nous ne savons pas bien aimer.
Passage qui de nouveau nous décentre de nous-mêmes, de nos peurs comme de nos illusions
sur notre capacité à aimer.
Dans cette journée, nous pourrions être attentifs à notre manière de nous présenter
devant Dieu, à l'office ou à l'eucharistie, dans la prière personnelle et la lectio. Venons-nous
devant un Père? L'oraison de cette 12° semaine peut nous aider à trouver la juste attitude:
« Fais-nous vivre, à tout moment (à tout moment), dans l'amour et le respect de ton saint
nom, toi qui ne cesses jamais de guider ceux que tu enracines solidement dans ton amour ». (2013-06-27)
8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
« Ils pratiqueront la charité fraternelle chastement ». Dans la suite des recommandations déjà entendues pour nous exercer au bon zèle, cette cinquième sentence nous engage à être en alerte sur notre manière de vivre la charité fraternelle. Il ne suffit pas d’en avoir le désir et d’essayer de la vivre, il faut encore vérifier comment nous la vivons. Vivons-nous la charité fraternelle de manière chaste ? Comment ce mot « chaste » porte en lui la notion de « pureté », de « justesse », de « respect », finalement de « liberté ». Ainsi le vœu de chasteté fait par les religieux et assumé par les moines dans le vœu de conversion des mœurs englobe bien plus que la seule continence sexuelle. Il nous engage dans une recherche jamais achevée de la justesse de nos relations entre hommes aussi bien qu’avec les femmes. Justesse de nos attitudes et de nos gestes certes, mais plus encore justesse de nos intentions et de notre désir. Le contraire d’une attitude chaste tiendrait dans le désir de capter l’autre, de vouloir l’attirer à soi et pour soi, de mettre la main sur lui en quelque sorte. La charité est alors détournée de son but et se trouve défigurée en familiarité malsaine ou en pression qui ne laisse pas libre. Aimer chastement sera peut-être paradoxalement plus difficile à l’égard de ceux avec lesquels nous sommes d’emblée en sympathie. Est-ce que je cherche le bien de l’autre ? Est-ce que je désire ce qui est le meilleur pour lui avant ce qui est bon pour moi ? Une bonne manière d’apprendre à aimer chastement ne serait-elle pas de s’exercer à aimer, à nous tourner aussi vers ceux qui nous sont d’un abord difficile pour devenir plus libre ? Aimer chastement participe vraiment de ce bon zèle que Benoît souhaite pour ses moines. Il nous décentre de nous-mêmes pour nous donner à l’autre humblement et pour accueillir ce qui nous est donné dans la relation sans rien refuser ni rechercher pour soi. « Accorde nous Seigneur de pouvoir t’adorer sans partage et d’avoir pour tout homme une vraie charité » (Oraison du 4° dimanche du Temps Ordinaire). (2013-06-25)
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
« Personne ne cherchera ce qu’il juge être son avantage, mais plutôt celui d’autrui ». Voici la quatrième recommandation de Benoît qui nous excite au bon zèle. Dans la ligne des précédentes, et de façon plus explicite, elle nous engage à placer le bien de l’autre avant le mien propre. Pas d’abord mon avantage, mais celui de l’autre. Un frère me demande un service je l’écoute et j’essaie de voir ce que je peux faire. Si je ne peux pas, je cherche comment l’aider dans son besoin, sans l’envoyer promener parce que je ne sais pas comment faire. Ce qui lui est utile avant ce qui m’est utile. Un frère me fait part d’une difficulté ou d’une gêne à mon égard. Est-ce que je vais prendre cela comme une agression ou bien est-ce que je vais essayer de comprendre ce qui lui est utile ?
Cette recommandation de Benoît va loin car elle me demande de laisser pour un temps le souci de moi, et la préoccupation par rapport à mes affaires. Est-ce trop ? Est-ce juste ? Nous touchons la beauté et la profondeur du bon zèle qui décentre toujours plus de soi, pour se tourner vers les autres. C’est la sève de la vie évangélique qui, peu à peu, nous habite et nous transforme. Nous sommes moins soucieux de nos affaires, moins centré sur notre univers, mais plus présent et plus accueillant aux autres. C’est le Saint Esprit lui-même qui nous conduit à ce changement d’attitude et de regard. Car je découvre que ma vie donnée est bien plus riche et vivante que ma vie gardée. En servant joyeusement mes frères, en accueillant leurs questions et leurs besoins, je ne me perds pas, je grandis et m’élargis. Demain lors de la célébration du jubilé de F.Rémi, nous entendrons la Parole de Jésus : « Qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera (Lc 9.24). Que le Christ qui a accompagné notre F.Rémi durant ces 50 ans nous entraine dans le secret de ce qui « perd gagne ». (2013-06-22)
6. ils s'obéiront à l'envi ;
« Ils s’obéiront à l’envie ». L’expression est belle et suggestive. Benoît ne donne pas un ordre ou une règle à appliquer. Il fait davantage. Il encourage à aller au delà de la règle et du sentiment d’être quitte une fois la chose accomplie. Dans le chapitre précédent, il demandait qu’on s’obéisse mutuellement en élargissant déjà beaucoup le cadre de l’obéissance due au supérieur. Ici il suggère davantage en invitant à se stimuler, même à lutter pour être le plus obéissant. C’est le sens de l’adverbe « certatim » qu’on peut traduire « à qui mieux mieux », adverbe dérivé du verbe « certo » qui signifie « lutter dans le jeu, rivaliser ». Dans la recherche du bon zèle, Benoît offre un chemin de grande liberté : celui de rivaliser dans l’obéissance les uns par rapport aux autres. Nous sommes à l’extrême opposé de l’attitude repliée sur soi d’un frère qui se ferme à toute demande ou à tout service (telle l’huitre qui se ferme dès qu’on l’approche). Ici rien de tel, le moine loin d’être peureux ou soucieux de préserver sa tranquillité cherche à obéir. Il désire obéir à son frère. Ce désir n’est pas superficiel ou affaire de convenance. Il part du cœur et d’une compréhension de l’obéissance comme une manière de vivre. L’obéissance n’est pas seulement une attitude momentanée que l’on remise au placard une fois la chose accomplie. Mais elle devient une attitude profonde d’écoute où je ne me soucie pas d’abord de moi et de mon confort, mais de celui de mes frères, prêt à aider, à rendre service, à écouter. Nous avons déjà parmi nous des frères qui vivent de cette attitude d’ouverture et de don aux autres, prêts à obéir à leurs frères. Laissons-nous enseigner par leur vie qui parle plus que des paroles. Notre vie communautaire s’en trouvera fortifiée. (2013-06-21)