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1. Ils auront chacun un lit pour dormir.
2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.
3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.
4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.
5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,
6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.
7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.
8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.
« Ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l’œuvre de Dieu ». Dormir se lever, se hâter pour l’œuvre de Dieu…Jour après jour, nous revivons cette séquence, sans beaucoup de variantes. Pas de grasse matinée, ni de possibilité de veiller trop tard. Tout est ordonné pour que nous soyons dispos pour l’œuvre de Dieu. Apparemment nous n’y pensons plus, car nous avons épousé ce rythme. Et en même temps, combien de fois certains matins ne ressentons-nous pas que le lever est plus difficile, ou que l’office de nuit ou celui des laudes est plus peineux…Chaque jour porte avec lui une part de lutte pour sortir du sommeil et pour commencer la journée. On entend mieux ici la recommandation délicate de Benoit qui invite à « s’exhorter mutuellement » en se levant pour l’œuvre de Dieu.
Par ce rythme librement consenti et « re-choisi » chaque jour, nous sommes insérés dans la grande respiration des « êtres vivants qui chantent louange au Seigneur » (Ps 150). Notre premier souffle, les premiers mots que nous prononçons sont pour louer et glorifier Dieu. Unis à toute l’Eglise, nous manifestons ce grand corps de louange que l’humanité est appelée à devenir, dès maintenant et pour l’éternité. Nous manifestons et en même temps, nous apprenons, car laissés à nous-mêmes nous sommes parfois peu vaillants pour tenir le service de la louange. Grâce au soutien de nos frères, nous sommes tirés hors du sommeil, hors du souci de nous-mêmes pour nous émerveiller et rendre grâce à notre Père des Cieux. Oui, jour après jour, nous naissons à la vraie vie, celle qui est éternelle et qui sera louange, émerveillement et communion avec notre Père dans le Christ par l’Esprit. C’est d’un vrai travail d’enfantement dont il s’agit. C’est l’œuvre de Dieu à laquelle nous choisissons de prêter notre voix, notre corps et notre liberté. Et Dieu agit en nous, par nous, avec nous pour faire de nous des fils reconnaissants et confiants heureux de chanter leur Père. Tous ensemble, nous nous unissons au Fils, Premier Né du Père qui « sans cesse ranime, et maintient cette hymne émerveillée dès l’origine, devant l’ouvrage des mains du Père » (hymne O Père des siècles, de la Tour du Pin). C’est notre grâce d’y avoir part, c’est notre travail de nous laisser faire en prêtant nos voix, notre cœur et tout être…Alors, oui quand la cloche sonne pour la prière, soyons heureux d’être appelé à œuvrer à la louange divine, grâce et exercice : première étape de la louange qui n’aura pas de fin. (2014-01-17)
1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,
2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !
3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.
4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.
5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.
Benoit ne parle pas beaucoup de la prière. Il ne nous offre pas de grandes définitions ni de grands développements. On aimerait en savoir plus. Benoit reste discret…pour mieux respecter la liberté de chacun. Une règle n’est pas un traité de spiritualité. Avec ce chapitre, il se contente de nous donner les conditions de la prière silencieuse personnelle. De même que dans le chapitre précédent, il suggérait la manière de se tenir dans la psalmodie, là il indique la façon de se vivre l’oraison, cette prière personnelle plus silencieuse. Des mots ressortent : supplier, humilité, pure dévotion, pureté du cœur, larmes de la componction, brève, pure. Benoit va à l’essentiel. Il indique tout de suite le meilleur : une prière pure, aimante ce que signifie le mot « dévotion » ici ; une prière humble et consciente de sa misère devant Dieu, ce que suggère l’expression « larmes de la componction » ; une prière libre et brève, non encombrée par « l’abondance des paroles »… On le voit, en nous parlant de la prière, Benoit nous parle tout autant de notre cœur. L’oraison, prière de cœur, sera ce qu’est notre cœur. Ici les définitions ne servent pas à grand-chose, ni les traités sur la prière. Seul compte notre cœur, sa vérité et sa pureté devant Dieu. Seul notre cœur intéresse notre Dieu, lui le Seigneur de l’univers. N’est-ce pas lui « qui forme le cœur de chacun, qui pénètre toutes nos actions » ? Et en retour « la joie de notre cœur » ne vient-elle pas de lui, lui en qui nous mettons « notre confiance », pour reprendre les mots du Ps 32 ? Le Seigneur de l’univers n’attend pas que nous jouions un personnage devant lui, que nous fassions bonne figure. Non, il attend que nous soyons vrai, tel que nous sommes là maintenant, aujourd’hui…avec notre cœur tel qu’il est, avec le désir qui est le nôtre, mais avec par-dessus tout notre confiance en lui. La confiance en sa miséricorde, cette confiance qui fait que nous le regardons lui plutôt que nous-mêmes. C’est cet élan du cœur qui importe. Un cœur tourné vers son Seigneur. C’est cet élan et cette attitude de cœur que ce temps de l’Avent nous a enseigné avec toute l’Eglise…pour nous entrainer à crier : « Viens Seigneur Jésus », « Viens à notre aide ». Car « la joie de notre cœur vient de Lui »… (2013-12-21)
1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »
2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.
3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;
4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;
5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »
6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,
7. et quand nous nous tenons debout pour psalmodier, faisons en sorte que notre esprit concorde avec notre voix.
Quelle est la préoccupation de St Benoit dans ce chapitre ? On pourrait la résumer en cette formule laconique : être présent à la présence divine. Et comment réaliser cela ? Benoit donne trois indications. En croyant encore davantage en cette présence durant la prière de l’office. En nous tenant avec crainte et sagement devant Dieu et ses anges. En faisant concorder notre esprit avec notre voix lorsque nous psalmodions.
Etre présent à la présence divine est d’abord un acte de foi, nous dit Benoit. Nous croyons que Dieu est là, proche, au-dessus de nous autant qu’en nous. « Mettons-nous en présence de Dieu ». Un frère me disait combien cette recommandation entendue au collège au début d’une journée l’avait marqué. Oui, cet acte de foi en la présence de Dieu peut changer nos existences et nos journées. Il change aussi notre manière d’être à l’office. Nous nous situons devant un Autre. Nous nous adressons à Lui. Nous entrons en relation. Le « je crois en Dieu », est toujours un « je crois en toi ». Notre foi n’est pas croyance, mais elle est entrée en dialogue et en communion d’amour avec Dieu.
Etre présent à la présence divine, c’est aussi une manière de nous tenir… « Mettons-nous en présence de Dieu et adorons-Le » continuait la formule…Benoit dit « avec crainte et sagement ». Ici l’attitude corporelle est une aide précieuse. Par notre corps va s’exprimer ce que nos mots sont souvent impuissants à balbutier. Ainsi notre manière de nous incliner en entrant exprime notre adoration. Mais aussi notre manière de ne pas nous asseoir immédiatement, comme si nous arrivions au salon. Dieu est là en sa maison. Ou encore notre façon de nous asseoir sur nos chaises, non affalés, ni avec les jambes croisées. Dans une attitude d’écoute…Devant Dieu, notre manière de nous tenir soutient autant qu’elle exprime notre recherche de Celui de qui nous nous recevons tout entier et en qui nous demeurons des vivants.
Etre présent à la présence divine enfin, ce sera, lorsque nous psalmodions, être vraiment à ce que nous chantons. « Que notre esprit concorde avec notre voix ». Autrement dit, que l’esprit fasse cœur (con-corde) avec la voix…Ici on mesure que, ce qui se présente comme une exigence, est en fait une grâce. Chercher à être présent à Dieu devient la grâce d’être vraiment unifié, esprit, coeur et voix. Notre recherche de Dieu, en nous ouvrant au mystère divin nous fait entrer dans le même moment dans notre propre mystère, celui d’un être appelé à s’unifier en Dieu : esprit et cœur chantant la gloire de Dieu. (2013-12-19)
22. Par dessus tout, nous donnons cet avertissement : si quelqu'un n'aime pas cette distribution des psaumes, qu'il établisse une autre ordonnance, s'il la juge meilleure,
23. pourvu qu'il maintienne absolument la psalmodie intégrale des cent cinquante psaumes du psautier chaque semaine et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche,
24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,
25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !
« En l’espace d’une semaine »…La recommandation de Benoit de dire le psautier en une semaine est-elle de type moral ou bien fait-elle appel à un registre plus symbolique ? A priori le texte suggère la première solution, en insistant sur la nécessité, pour ne pas être trop « tiède », de la récitation hebdomadaire au regard de la récitation journalière réalisée une fois par les saints Pères…Mais on peut se demander s’il n’y a pas non plus une portée symbolique à cette mesure hebdomadaire.
Déjà Benoit parlait du « nombre sacré de 7 », pour établir les 7 offices par jour, en s’appuyant sur la citation de l’Ecriture : « Sept fois le jour, j’ai dit ta louange » (RB 16). N’est-il pas habité par le même souci d’établir la récitation du psautier en 7 jours ? Avec le récit de la création, les 7 jours de la semaine scandent le déroulement du temps. Et depuis la résurrection du Christ, cette division en sept jours s’organise, non plus autour du sabbat, mais du dimanche, devenu le premier jour de la semaine. St Benoit le suggère en parlant de la « reprise perpétuelle (du psautier) par le commencement aux vigiles du dimanche »…
Cette dimension symbolique peut-être suggestive pour une compréhension plus large de notre prière. Comme je le disais hier, le psautier peut être considéré comme un résumé de toutes les Ecritures. Les 7 jours de la semaine sont l’image de toute l’œuvre créatrice de Dieu en 6 jours, œuvre tendue vers son accomplissement dans le repos en Dieu, le 7° jour. Et depuis la résurrection du Christ, nous célébrons cet accomplissement réalisé dans le Christ entré dans sa gloire. Désormais, notre semaine chrétienne prend un sens différent. Elle est l’expression du déploiement des temps nouveaux désormais commencés. Fondée sur le dimanche et sur la résurrection du Christ, notre semaine est travail pour parachever l’œuvre de salut réalisée par le Christ. La parachever dans nos vies humaines, et en Eglise qui, par les sacrements, nous donne déjà en partage la vie dans le Christ. Toute notre semaine chrétienne se veut donc être sanctification du temps et des activités humaines, dans la lumière du Christ ressuscité et dans la force de son Esprit. Elle nous fait tendre vers le 8 ° jour, celui de la récapitulation de toute chose quand le Christ viendra tout réunir sous ses pieds.
Dans cette lumière, prier le psautier en une semaine est une manière symbolique de porter devant Dieu par la foi, toute la création en travail d’enfantement. Par nos lèvres, monte le sacrifice d’action de grâce pour toute l’histoire humaine en marche. Par nos voix, s’élèvent vers Dieu tous les cris de joie et de détresse des hommes, tous les désirs humains. De dimanche en dimanche, où nous puisons à la source de la vraie Vie, nous célébrons dans le Christ ce mémorial d’action de grâce des fils devant leur Père, sanctification du temps et des activités, service de dévotion pour tous leurs frères, dans l’attente du Jour sans déclin où le Christ viendra et où tout sera consommé dans la rencontre de tous en Lui, avec Lui et par lui. (2013-12-18)
12. Les vêpres seront chantées chaque jour en modulant quatre psaumes.
13. Ces psaumes commenceront au cent-neuvième et ils iront jusqu'au cent-quarante-septième,
14. excepté ceux d'entre eux qui sont réservés à d'autres heures, c'est-à-dire depuis le cent-dix-septième jusqu'au cent-vingt-septième, ainsi que le cent-trente-troisième et le cent-quarante-deuxième ;
15. tous ceux qui restent sont à dire aux vêpres.
16. Et comme il manque trois psaumes, on divisera ceux qui, dans la série susdite, sont plus importants, c’est-à-dire le cent-trente-huitième et le cent-quarante-troisième et le cent-quarante-quatrième.
17. Quant au cent-seizième, comme il est petit, on le joindra au cent-quinzième.
18. L'ordonnance des psaumes de vêpres étant ainsi disposée, le reste, c'est-à-dire la leçon, le répons, l'hymne, le verset et le cantique, sera exécuté comme nous l'avons prescrit plus haut.
19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.
20. L'ordonnance de la psalmodie du jour étant ainsi organisée, tous les autres psaumes qui restent seront répartis également entre les vigiles des sept nuits,
21. en partageant ceux d'entre ces psaumes qui sont plus longs, et en en mettant douze à chaque nuit.
St Benoit ne donne pas beaucoup de repère sur le choix des psaumes, et encore moins sur les raisons de ses choix pour tel office plutôt que pour tel autre. De même qu’il insistait pour que l’office des vigiles commence avec le Ps 20, il précise ici que les vêpres du dimanche commenceront avec le Ps 109…Ce choix n’est pas anodin. Dans ce Ps 109, les premiers chrétiens ont très tôt reconnu une prophétie du Christ en son mystère pascal. Lui le ressuscité est celui qui « siège à la droite » de Dieu. Après sa victoire sur la mort, par sa croix, il domine « jusqu’au cœur de l’ennemi ». Il « est prêtre à jamais »…Les discrètes notations données par Benoit sont donc comme des clefs de lecture pour tout notre office liturgique. Elles nous rappellent qu’en toute heure nous célébrons l’unique mystère du salut commencé depuis la création et accompli dans le Christ. Les psaumes, résumé de la bible, nous donnent d’entendre, et le grand désir de Dieu de sauver l’homme, et le désir béant de l’homme d’être sauvé. Désir de Dieu et désir de l’homme que le Christ a pleinement assumé dans sa venue en notre histoire. En ce sens, on peut comprendre que tous les psaumes nous parlent du Christ, lui l’homme abandonné mendiant le salut de son Père, et lui le Seigneur donnant la Vie et régnant sur toute créature.
En chantant ces psaumes, sachons prêter l’oreille de notre cœur, à ces résonnances christologiques. Sachons reconnaitre dans la voix du psalmiste, la voix du Christ ou la voix qui parle du Christ. Nous l’évoquions dimanche soir, à propos du Ps 128 : « sur mon dos, des laboureurs ont labouré » illustré par le f. Yves avec l’image du Christ flagellé. Ce regard christologique donne tout d’un coup un autre éclairage, et au Ps, et au mystère du Christ. La souffrance de l’homme anonyme, apparemment insensée, devient une figure de la souffrance salvatrice de Jésus, le Messie. Et en retour, la passion de l’homme Jésus assume et reprend la passion de tout homme, du passé, du présent et de l’avenir. On pourrait relever bien des notations où l’humanité du psalmiste fait signe de l’humanité du Christ, humanité du Christ qui reçoit en retour une nouvelle profondeur. Je pense au Ps 108, ce psaume qui nous est spontanément assez hermétique, qui contient de très suggestifs versets : « Pour prix de mon amitié, ils m’accusent, moi qui ne suis que prière »…Invitation à contempler le Christ accusé, l’ami de tous, incompris, lui qui n’est que prière. (2013-12-17)
1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.
2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,
3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.
4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.
5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.
6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.
7. Pour la synaxe vespérale, on se bornera à quatre psaumes avec antiennes.
8. Après ces psaumes, on récitera la leçon, puis le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.
9. Pour les complies, on se bornera à dire trois psaumes. Ces psaumes seront dits directement, sans antiennes.
10. Après quoi l'hymne de cette même heure, une leçon, le verset, Kyrie eleison , et par la bénédiction se fera le renvoi.
Les psaumes. Comment se fait-il que nous nous en lassions si peu ? Bien des visiteurs nous expriment à ce sujet leur étonnement…Inlassablement répétés, ils ne cessent de nourrir notre prière. Leurs mots ont ce pouvoir mystérieux de ne pas s’user. Prière inspirée par l’Esprit Saint qui murmure au cœur de l’homme en gémissements inexprimables. Prière aussi enracinée dans l’humus de notre humanité qui ose sans complexe se tourner vers son Créateur. Les psaumes sont d’inlassables pédagogues de la prière. Leur fraicheur et leur simplicité nous enseignent à être devant notre Père des Cieux comme si c’était la première fois. Les psaumes nous font ce beau cadeau de nous permettre de nous tenir toujours à nouveau frais en prière. Ils nous engagent à être nous-mêmes, sans tricher avec notre masque ou avec nos ombres…Et en même temps, la succession des psaumes nous entraine à ne pas nous arrêter sur notre ressenti du moment. Si nous sommes dans la tristesse, et donc bien en résonnance avec le psalmiste qui crie sa détresse, le psaume suivant qui sera plus de louange, nous déplace pour nous ouvrir à la reconnaissance envers le Seigneur. La récitation et le chant des psaumes nous apprennent cette dé maitrise. La prière est avant tout cri ou jubilation, prière donnée à Dieu, dont nous n’avons pas la maitrise. Elle sort de notre bouche pour entrainer notre cœur à la confiance filiale en Celui auquel il dit « Tu ». Sans cesse, convoqués à dire « Tu » à Dieu, à lui parler avec familiarité de notre vie et de celle des hommes, nous apprenons à prier. Nous entrons en prière. Heureux sommes-nous quand nous mesurons que les mots et que le « tu » dit à Dieu ont du poids et une saveur particulière. Ces moments de grâce et d’unification nous sont donnés comme des encouragements. Car demain, le combat sera peut-être plus rude, et l’attention très dispersée. Nous sommes en effet toujours des « apprenants ». Au début de chaque office, il nous faut consentir à mendier de nouveau la grâce : « Dieu viens à mon aide ». Car c’est l’Esprit qui, en nous, accorde le cœur et l’esprit à notre voix. C’est Lui qui prie en nous, et qui prie en notre communauté. Laissons-le nous entrainer, pour que les mots des psaumes deviennent vraiment nôtres, vraiment ceux de notre communauté, petite cellule d’Eglise, en veille pour toute l’humanité. (2013-12-13)
1. Comme dit le prophète : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »
2. Ce nombre sacré de sept, nous le réaliserons en nous acquittant des devoirs de notre service au moment du matin, de prime, de tierce, de sexte, de none, de vêpres et de complies,
3. car c'est de ces heures du jour qu'il a dit : « Sept fois le jour, j'ai dit ta louange. »
4. Quant aux vigiles nocturnes, le même prophète dit à leur sujet : « ;Au milieu de la nuit, je me levais pour te rendre grâce. »
5. C'est donc à ces moments que nous ferons monter nos louanges vers notre créateur « pour les jugements de sa justice » : à matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies ; et la nuit, « nous nous lèverons pour lui rendre grâce ».
Les lignes que nous venons d’entendre, nous font bien percevoir deux façons de considérer la prière de l’office, comme un service dont il faut s’acquitter et comme la louange offerte à Dieu. Dans le premier cas, Benoit parle de s’acquitter des « devoirs de notre service ». Et dans le second cas, il dit : « C’est donc à ces moments que nous ferons monter nos louanges vers notre créateur pour les jugements de sa justice ». D’un côté, la prière est envisagée comme une fonction (officia) à remplir, de l’autre côté, elle est considérée de point de vue de la relation nouée avec Dieu. Les deux aspects ne s’opposent ni ne s’annulent. Ils disent la réalité de notre prière monastique. Elle est vraiment un service, un service qui structure et sanctifie le déroulement de la journée. Toutes les trois heures, le moine est appelé à donner du temps, de l’attention, et de l’énergie pour sanctifier le temps par la prière. C’est son service d’honorer ces rendez-vous réguliers. Il est bon de nous le rappeler. Car parfois, il nous en coûte de nous arrêter dans notre travail, pour nous adonner à la prière de l’office. De même en voyage, cela nous demande une attention accrue pour ne pas laisser passer l’heure de la prière, afin de faire monter vers notre Créateur la louange qui lui rend gloire à ce moment précis de la journée. Car si la dimension de service est importante, elle ne doit pas occulter la finalité de notre prière tout au long de la journée : rendre gloire à Dieu. Nous ne sommes pas des fonctionnaires de Dieu. A travers le service régulier de la prière, nous voulons honorer son Nom de Père, chanter son action créatrice et faire mémoire de l’œuvre de Salut réalisée en Jésus. La prière liturgique est un acte de reconnaissance et d’amour. Elle tisse, fortifie et actualise la relation d’alliance entre Dieu et son peuple…Peu à peu, elle devient comme notre respiration profonde. D’heure en heure, nous nous laissons inviter. Nous entrons en alliance.
De service de la louange, la prière peut devenir conversation familière avec Lui, l’Amour qui nous a créés, et qui nous attend au terme de l’histoire. De serviteur de la prière, nous sommes appelés à devenir toujours plus des fils confiants et tournés vers leur Père. (2013-12-12)
1. De la sainte Pâque jusqu'à la Pentecôte, on dira alleluia sans interruption, aussi bien dans les psaumes que dans les répons ;
2. de la Pentecôte au début du carême, toutes les nuits, on le dira seulement aux nocturnes avec les six derniers psaumes.
3. Mais tous les dimanches, sauf en carême, les cantiques, les matines, prime, tierce, sexte et none seront dits avec alleluia, mais vêpres avec antienne.
4. Mais les répons ne seront jamais dits avec alleluia, si ce n'est de Pâques à la Pentecôte.
Ce petit chapitre est toujours un peu surprenant pour nous. Pourquoi s’arrêter sur ce mot, ce petit mot « alléluia » ? Si on l’avait oublié, il nous redit que la liturgie n’est faite que d’un ensemble de petits détails qui, mis en évidence ou au contraire omis, changent le sens d’une célébration. L’usage du mot « alléluia » en est un exemple significatif. Le mot exprime la joie et l’exultation pascale par excellence. C’est ainsi que les premiers chrétiens, enracinés dans la prière des psaumes, ont voulu exprimer leur foi, pleine d’allégresse en la résurrection du Christ. Au sortir des célébrations pascales, ils n’ont pas d’autres mots, pas d’autres cris de joie pour dire et répéter cette bonne nouvelle du Christ vivant et ressuscité. La liturgie surabonde alors en alléluia durant la semaine in albis et durant tout le temps pascal…La profusion semble être la seule manière adaptée pour crier l’inouï de la nouvelle.
Mais faut-il continuer toute l’année à chanter cette joie pascale ? Le choix et la répartition que Benoit propose est intéressant. A la fois il introduit une distinction qui valorise bien les temps ainsi que les jours. Durant le carême, on ne chantera pas l’alléluia, mais le dimanche (sauf en carême), tous les offices sont dits avec alléluia. A la fois, il donne une grande place à l’alléluia en dehors du carême. Tout se passe comme si durant l’année, notamment aux vigiles pour les psaumes du second nocturne, la répétition de l’alléluia venait rappeler cette note de joie et d’espérance ouverte à jamais par la résurrection du Christ. Le déjà là de la victoire est affirmé, prémices du Royaume à venir.
Notre office a perdu ce caractère aussi volontairement affirmé de chanter l’alléluia, à tous les offices du dimanche ou au 2d nocturne des vigiles de semaine…Certainement a prévalu l’option de mettre en valeur les psaumes par des antiennes appropriées. Peut-être aussi a-t-on voulu éviter la répétition machinale d’un alléluia qui ne se distingue pas d’un autre alléluia chanté d’un jour à l’autre…De ce chapitre de Benoit, il nous faut certainement garder la nécessaire note pascale qui doit marquer toute notre liturgie de Pâques au début du Carême, avec les nuances relevées. Nous célébrons le Christ vivant qui nous fait déjà participer à sa victoire. Il désire qu’en sachant mourir avec lui au péché, nous devenions plus vivant en Lui. (2013-12-11)
1. Cependant aux fêtes des saints et à toutes les solennités, on célébrera comme nous avons dit de célébrer le dimanche,
2. excepté qu'on dira les psaumes ou antiennes et leçons qui se rapportent à ce jour. Mais on gardera la mesure indiquée plus haut.
Si nous n’avions pas de fêtes ou de mémoires des saints, manquerait-il quelque chose à la liturgie ? Spontanément, on pourrait dire non. Effectivement, l’essentiel du mystère est célébré dans le mémorial de la mort et la résurrection du Christ, et dans toutes les fêtes qui actualisent et réalisent notre incorporation au Christ. Telle est la position protestante qui a estimé que ressortait mieux ainsi l’unicité du salut réalisé en Christ. Si on peut dire non, nous répondons en fait oui. Sans les fêtes et les mémoires des saints, il manquerait quelque chose à la liturgie. Celle-ci aime mettre en valeur la mémoire et les fêtes des saints. Se faisant, elle élargit notre compréhension du mystère du Christ que nous célébrons. Ce mystère s’est déployé dans le temps, à travers des hommes et des femmes qui en ont été tellement transformés qu’ils sont devenus comme des icônes vivantes du Christ, au milieu de leurs frères et sœurs. … « Heureux celui que ta présence a dépouillé, Seigneur Jésus, et dont la vie te laisse voir en transparence. » « Vivante icône où ton mystère est apparu sur nos chemins », chantons-nous pour une hymne de saint. A travers ces hommes et ces femmes dont nous nous souvenons, c’est l’action de l’Esprit-Saint que nous célébrons, et c’est un aspect du visage du Christ que nous contemplons. Merveille de la vie chrétienne que de nous laisser entrevoir, à travers les traits saillants et brillants des saints, quelques traits du visage du Christ que nos visages humains ne cessent de manifester au cœur de l’histoire. Aucun saint n’est le Christ, mais tous le montrent avec une fidélité unique. A travers les saints de chaque époque, nous glorifions Dieu qui nous dévoile la richesse inépuisable de ses dons si variés. Nous lui rendons grâce pour la lente maturation du Royaume qui vient dans les cultures humaines.
La liturgie sait ménager des degrés dans ces fêtes, celles de la Vierge Marie, la Mère de Dieu, celle de Jean le Baptiste, celles des Apôtres, des docteurs, des martyrs. Dans leur grande diversité, chacun à sa place, parce que chacun a joué un rôle unique pour le service de la gloire de Dieu. Cette multitude de visages aux caractères et aux origines humaines si diverses, nous rappellent, que nous avons tous un rôle à jouer dans l’Eglise. Tous, nous sommes appelés à entrer en sainteté, par notre baptême et par notre suite du Christ. Soyons heureux de pouvoir honorer les saints dans la liturgie, comme des frères ainés qui nous entrainent à aimer comme eux. Sachons recueillir au détour d’une oraison, d’une hymne, d’une préface ou d’une antienne le trait de leur vie qui stimulera notre propre vie de disciple du Christ. (2013-12-10)
12. Assurément, la célébration matinale et vespérale ne s'achèvera jamais sans que, en dernier lieu dans l'ordonnance de l'office, l'oraison dominicale soit dite d’un bout à l’autre par le supérieur, de façon à être entendue par tous, à cause des épines de disputes qui ont accoutumé de se produire.
13. Ainsi l'engagement pris par cette oraison qui leur fait dire : « ;Pardonne-nous comme nous pardonnons nous-mêmes », les mettra en demeure de se purifier de cette sorte de vice.
14. Quant aux autres célébrations, on y dira la dernière partie de cette oraison, en sorte que tous répondent : « Mais délivre-nous du mal. ;»
Mais délivre-nous du mal . Je ne sais pas si vous avez remarqué récemment comme moi, une intention de prière demandée par une soeur. Elle nous recommandait de prier pour une des employées d’un de leurs établissements dont le mari avait pendu leurs deux petits enfants…Il est devenu fou…La soeur concluait : le mal est bien là, celui dont nous demandons d’être protégé chaque soir à Complies …
Ce rapprochement entre un fait divers monstrueux et la liturgie quotidienne est touchant. Il nous invite à poser un regard très lucide sur la réalité humaine, mais à le faire dans la lumière de la foi, appuyé sur la prière du Seigneur. Oui le mal est là. Souvent sournois, il se laisse entrevoir sous la figure de la tentation, des duretés, des trahisons ou des lâchetés dont nous pouvons être complices nous aussi. Mais il peut se manifester tout d’un coup à visage découvert quand il semble dicter sa loi aux personnes ou aux évènements, à travers les guerres et les violences infligées aux autres…Il apparait alors dans toute sa puissance destructrice des relations et des êtres eux-mêmes.
St Benoit invite donc ses moines à conclure l’office par la dernière formule du Notre Père : mais délivre-nous du mal . De cette manière, il les invite à prendre au sérieux leur propre conversion en demandant la grâce d’être délivré du mal, notamment du mal de la division ou de l’endurcissement dans des querelles fraternelles… les épines de disputes … Par cette formule qui scande notre prière quotidienne, mais qui ressort avec un relief particulier, chez nous, avant d’entrer dans la nuit, nous nous rappelons que nous sommes solidaires de ce grand combat contre le mal. Par la prière, ce combat trouve sa juste place. Car c’est fondamentalement le Seigneur qui mène ce combat et qui nous délivre du mal. Depuis la Croix et la résurrection du Christ, nous savons la victoire acquise. Mais nous savons aussi que nous y sommes associés étroitement. Sous la conduite de l’Esprit, nous devenons instruments pour participer en Christ à l’établissement de son Règne de justice et de paix. En ce temps de l’Avent, la prière délivre nous du mal devient un cri d’espérance en Celui qui vient et qui va définitivement tout ressaisir dans son amour et son pardon. Toi qui viens pour tout sauver, fait lever enfin ton jour de la paix dans ton amour, toi qui viens pour tout sauver …
07/12/2013