vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 67-70 De l'humilité écrit le 29 septembre 2015
Verset(s) :

67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.

68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,

69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.

70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !

Commentaire :

Nous pouvons nous réjouir d'avoir entendu cette finale du long chapitre sur l'humilité. Elle résonne comme une promesse: promesse d'une vie réconciliée avec soi-même, avec les autres et avec Dieu ... L'humilité recherchée conduit à l'amour, amour de Dieu qui chasse la crainte et la peur de l'enfer, et amour du Christ qui transforme la course à sa suite en plaisir sans effort de faire le bien.

L'humilité conduit à l'amour. Cet amour se présente comme un don du Saint Esprit. Il est gratuit et il donne d'agir « sans effort ». Cet amour nous rend à nous-mêmes, pour faire le bien « comme naturellement, par habitude ». Il nous donne du «plaisir» à bien agir. St Benoit, à la différence du Maitre, voit cet état possible dès cette terre, non pas seulement au ciel. Il croit ainsi beaucoup en la grâce et beaucoup en l'homme. La grâce du St Esprit veut réaliser cela en l'homme, et ce dernier est capable d'accueillir et de consentir à cette grâce vivifiante et purifiante.

Au terme de ce long chapitre, il nous reste donc, non pas à retrousser nos manches, mais à croire en cette promesse d'amour offert. Croire en cette promesse, c'est croire, et en l'action de l'Esprit Saint et en notre désir le plus profond. Et celui-ci n'est pas d'accomplir de grandes choses, mais d'aimer vraiment comme le Christ, à sa suite. Notre désir le plus profond est de vivre le mystère pascal avec le Christ. Nos vies à la suite du Christ nous le font vivre et traverser. Un jour ou l'autre, nous sommes ou serons confrontés à des passages étroits et difficiles qui demandent de lâcher prise et d'accepter un apparent dépouillement. Passage par une forme de mort qui anticipe l'ultime passage que nous aurons à vivre. La grâce de l'humilité, accueillie et consentie, nous entrainera alors dans un amour plus profond du Christ et de son Père, dans l'Esprit Saint. Telle est la promesse que St Benoit nous laisse. Gardons-la précieusement comme un trésor qui donne sens à notre vie monastique. Il éclaire en retour nos vies humaines, et celles de nombreuses personnes qui nous entourent. « Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés! » (2015-09-29)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 62-67 De l'humilité écrit le 26 septembre 2015
Verset(s) :

62. Le douzième degré d'humilité est que, non content de l'avoir dans son cœur, le moine manifeste sans cesse son humilité jusque dans son corps à ceux qui le voient,

63. autrement dit, qu'à l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, partout, qu'il soit assis, en marche ou debout, il ait sans cesse la tête inclinée, le regard fixé au sol,

64. et se croyant à tout instant coupable de ses péchés, il croie déjà comparaître au terrible jugement,

65. en se disant sans cesse dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les yeux fixés au sol : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel. »

66. Et aussi avec le prophète : « Je suis courbé et humilié au dernier point. »

67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.

Commentaire :

12° ... Le moine réalise ce que le 1 er °posait comme un objectif: se tenir partout en présence de Dieu qui est toujours présent. Au 12°, l'adverbe important était « toujours» : être présent à Dieu qui est toujours présent à nous. Au 12°, l'adverbe important est « partout»: en tout lieu (à l'oratoire, aux champs, en voyage ... ), en tout ce qu'on fait, et surtout en toute sa personne, être présent à Dieu habité par la prière du publicain. Le travail de l'humilité a fait son œuvre. Le moine s'est laissé travailler par l'Esprit de Dieu. En tout son être, en toutes ses activités, il se tient en vérité sous le regard de Dieu. Sa conscience s'est aiguisée pour faire sienne en vérité la prière du publicain: « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel ».

Comment la forte conscience d'être pécheur peut-elle faire parvenir à « cet amour de Dieu qui est parfait et met dehors la crainte» ? Nous sommes devant un paradoxe qui défie la raison. Ici, il nous faut accueillir une expérience, celle transmise par les anciens moines, et que Benoit s'est appropriée. Une chose est sûre: s'il est vrai que la conscience d'être pécheur ouvre à l'amour parfait de Dieu, la conscience d'être pécheur n'a rien à voir avec la culpabilité mortifère ou un quelconque retour sur soi. Culpabilité mortifère et retour sur soi nous placent au centre dans le regret de ne pas avoir été à la hauteur de l'image que nous avons de nous. Le centre, c'est nous, et non plus Dieu. Se reconnaître pécheur, n'est-ce pas au contraire entrer dans la conscience aigüe de notre petitesse devant Dieu? Une conscience si grande qu'elle conduit à un abandon libérateur de tout notre être dans les mains de Dieu. Nous sommes si conscients d'être débiteur de l'amour, et si conscient de ne pas être capable de lui en rendre le centième, que nous nous abandonnons totalement à Dieu qui seul nous donne d'aimer. Le centre, c'est Dieu, le Père der toute miséricorde dans les bras duquel nous nous laissons étreindre. Le moine humble est celui qui sait demeurer là dans cette vive conscience de son être pécheur et débiteur. Une conscience qui est inséparablement confiance aimante et totale en Dieu notre Père. Que Celui-ci nous donne son Esprit pour éveiller en nous cette juste conscience de notre condition de pécheur, en même temps que la vive confiance en sa Miséricorde Infinie. (2015-09-26)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 60-61 De l'humilité écrit le 25 septembre 2015
Verset(s) :

60. Le onzième degré d'humilité est que, quand le moine parle, il le fasse doucement et sans rire, humblement, avec sérieux, en ne tenant que des propos brefs et raisonnables, et qu'il se garde de tout éclat de voix,

61. ainsi qu'il est écrit : « Le sage se reconnaît à la brièveté de son langage. »

Commentaire :

Plus on avance dans les degrés de l'humilité, plus la manière d'être devient expression de l'être profond. Peu à peu le moine devient ce qu'il est vraiment, plus en accord avec sa vérité profonde, plus lui-même. De moins en moins d'attitudes forcées ou convenues, mais on est là tel quel. Si au 6° et 7°, il Y avait une sorte de lutte intérieure dans l'acceptation de sa grande pauvreté: «je suis réduit à rien », ici au 11°, puis on le verra au 12°, l'humilité se reconnaît à l'insu du moine lui-même. Dans la manière de parler, « doucement », « humblement », « avec gravité », «par des propos brefs et raisonnables », « sans éclats de voix », l'humilité transparait.

Le piège pour nous serait de vouloir correspondre à cette description enviable, autrement dit de vouloir se créer un personnage. Je crois qu'il n'y a rien de plus éloigné au propos de St Benoit lorsqu'il propose les degrés de l'humilité. Il donne des indices, non un exemple. Ces degrés veulent davantage nous offrir des critères de discernement pour ne pas nous tromper sur l'humilité que des recommandations à imiter et auxquelles se conformer. Un petit apophtegme me semble à cet égard révélateur ... « Un frère qui partageait le logement avec d'autres frères demanda à Abba Bessarion: 'Que faire? ' Le vieillard lui répondit : 'Garde le silence et ne te mesure pas toi-même'(Bessarion 10) ». Le frère qui partageait son logement avec d'autres pouvait être tenté de se comparer aux autres. Si le jugement était en sa faveur, la tentation était peut-être pour le moine de se glorifier ou à l'inverse si le jugement était en sa défaveur de se dévaloriser tellement qu'il en perde le goût de vivre. Aussi la recommandation tombe nette: « Ne te mesure pas toi-même ». Je crois que cette recommandation est utile en ce Il ° : il s'agit d'être soi-même sans chercher à se mesurer pour savoir où nous en sommes de l'humilité. Nous ne sommes pas juge de nous-mêmes. C'est le Seigneur qui juge. « Ne le mesure pas toi-même» nous offre ainsi un garde-fou utile dans la quête de l'humilité. Cultiver le silence sur soi-même, sur les évaluations de toutes sortes qui peuvent nous habiter. .. pour s'en remettre au seul Seigneur qui sait, qui peut seul nous sauver et nous faire entrer dans la joie d'exister confiant, avec nos limites et nos forces, nos pauvretés et nos richesses sous son regard. (2015-09-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 59 De l'humilité écrit le 24 septembre 2015
Verset(s) :

59. Le dixième degré d'humilité est que l'on ne soit pas facile et prompt à rire, car il est écrit : « Le sot élève la voix pour rire. »

Commentaire :

De tous les degrés d'humilité, je trouve ce 10° le plus difficile à commenter. Il nous prend tellement à rebrousse-poil! Rire nous fait du bien le plus souvent. Que serait une vie sans rire? Le rire de l'enfant, le rire d'un groupe qui se trouve rassemblé dans la joie, le rire de l'ancien sur lui-même. Les anciens moines s'inscrivent dans la ligne de la bible qui n'aime pas le rire des ricaneurs. Ils se souviennent que Jésus a dit: «Malheur à vous qui riez maintenant (Le 6,25) ». La bible se tient à distance des railleurs impies qui se moquent de la loi de Dieu et encore de ceux qui en font une arme pour disqualifier leurs frères par la moquerie ou la dérision. Le rire devient alors synonyme de sottise et d'étroitesse d'esprit.

Comment comprendre dès lors ce 1 0° ? La citation du livre de Ben Sira faite par Benoit remise dans son contexte éclaire davantage son propos. Je la cite plus largement: « Le sot éclate de rire bruyamment. le rire de l 'homme de sens est rare et discret», et un peu plus loin: « Le sot se hâte de faire son entrée, l 'homme expérimenté prend une attitude modeste (Si 21, 20, 22). Ben Sira distingue le rire bruyant du rire discret, en parallèle avec l'assurance du sot et la modestie de l'homme expérimenté. St Benoit suggère également une mesure quand il recommande qu'on ne soit pas «facile» ni «prompt» à rire. L'humilité n'est dans le fait de ne pas rire, mais dans la manière avec ce rire est vécu. Est-ce un rire pour se mettre en avant, pour occuper le terrain, voire pour se moquer du frère? Ou bien est-ce un rire davantage reçu au gré de la vie, accueilli comme un cadeau, pour donner de la joie aux frères? Entre rire forcé ou recherché et rire accueilli et offert, peut-être là se trouve le chemin de l'humilité. Chacun de nous peut repérer parfois quand le rire est juste ou quand il ne l'est pas, quand il donne la joie et la paix ou quand il laisse un goût trouble et amer ... De prise de conscience en prise de conscience, le cœur s'affine et se purifie pour ne plus aller vers ce qui ne donne pas vraiment la paix et la joie. Car tel nous sommes sur le chemin de l'humilité, nous ne cessons de rechercher la paix et la joie. (2015-09-24)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 56-58 De l'humilité écrit le 23 septembre 2015
Verset(s) :

56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.

57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,

58. et que « l'homme bavard ne marche pas droit sur la terre ».

Commentaire :

Attendre qu'on nous donne la parole pour parler: 9° de l'humilité. Ici nous

reconnaissons la pédagogie des anciens, présente dans bon nombre de cultures et de religions.

La sagesse s'apprend en écoutant d'abord et en sachant retenir sa parole afin de mieux la

donner au moment opportun. Ainsi l'humilité consiste dans un premier temps à savoir écouter

avant de parler. .. afin de ne pas être comme un robinet qui déverse des flots de mots sans

prendre le temps d'écouter d'abord. Dans un second temps, l'humilité consiste à accepter

d'être attentif au moment opportun pour parler. Il s'agit d'être le plus possible en adéquation

avec la parole qui est en train de circuler, afin que les mots soient tout à fait à propos ... pas en

décalage. Rien de plus fatiguant que ces discussions où chacun reste sur ses rails, dans le désir

de placer son discours, ses idées ou ses bonnes histoires, sans se préoccuper ce qui est en train

de se dire sur le moment. L'expression « dialogue de sourds» est éloquente. L'humilité ici

consiste à n'être pas tant préoccupé de soi que de la qualité de l'échange du groupe.

Ce 9° intéresse tout particulièrement chacun de nous lorsque nous sommes en groupe

pour échanger. Vais-je chercher à tout prix à placer mes histoires, dans le souci inquiet d'être

entendu? Ou bien vais-je me rendre attentif à la circulation de la parole qui évolue et se

cherche, pour m'insérer dans la discussion au moment opportun? Cette attitude est humble

car elle ne me met pas au centre. Elle m'engage à me déplacer pour évoluer avec le groupe

dans sa recherche. Il pourra arriver alors que je renonce à dire quelque chose qui pouvait être

pertinent, il y a 2 minutes, mais qu'il ne l'est plus maintenant. Il me sera donné une autre

possibilité de paroles. Faire attention à cela, c'est prendre au sérieux de développement de la

parole qui circule entre nous. Celle-ci vécue dans l'écoute les uns des autres, pourra devenir

très féconde. Cette parole-là est belle parce que dégagée du souci de soi qui encombre parfois

nos échanges. Une autre expression de l'humilité en groupe sera de veiller à ce que les autres

puissent donner leur parole. C'est le rôle premier de l'animateur, mais pas uniquement. Si

chacun est attentif, non pas tant à « en placer une» comme dit l'expression familière, mais ~

ce que son frère parle, la qualité fraternelle de nos réunions s'en trouvera vraiment changée.

Cela aussi, c'est humilité: je fais passer le bien de l'autre avant le souci de « moi ».(2015-09-23)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 55 De l'humilité écrit le 19 septembre 2015
Verset(s) :

55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.

Commentaire :

8°, rien d'extraordinaire: faire ce que tout le monde fait et suivre les bons exemples des anciens. Nous lisions, il y a quelques jours, le coutumier. En quelques pages, sont décrites nos coutumes et nos façons de vivre aujourd'hui à la Pierre qui Vire. En l'écoutant, je me disais que nous avons là un bel outil pour progresser ensemble dans la vie monastique. Comme est précisé en conclusion: « Les pratiques de ce coutumier peuvent contribuer à créer un climat de paix, de confiance et de liberté entre nous, dans la mesure où elles seront acceptées par tous. Elles ont aussi pour but de nous aider à trouver aujourd'hui notre identité personnelle et collective, en nous enracinant dans une sagesse de vie patiemment éprouvée par les générations, au service d'une réelle vie monastique à la suite du Christ. » Climat de paix, de confiance et de liberté entre nous, dans la mesure où elles seront acceptées par tous. L'acceptation de ces coutumes requiert de notre part un acte d'humilité et d'obéissance. Mais en retour, elle produit immédiatement un fruit de paix, de confiance et de liberté dans la communauté. L'humilité consentie par chacun dans les multiples petits gestes de la vie quotidienne est autant de marque de charité et d'attention aux autres. Je ne pense plus ma vie à partir de moi-même, mais je la pense avec d'autres dans le désir d'être vraiment donné à Dieu. Pour l'un, il sera plus difficile de prévenir de ses absences à l'office, pour un autre de communiquer vraiment dans son emploi avec les frères, pour un autre de ne pas se réserver un dessert au libre-service, pour un autre d'attendre les autres durant le repas, ou de donner les cadeaux qu'il reçoit. .. Sans nous résigner à ces difficultés, laissons de côté, notre souci d'originalité ou notre petit confort. Faisons corps avec nos frères pour servir le Seigneur et aimer en vérité. Nos coutumes sont autant de rappels que la vie commune est une école d'amour, une sortie de soi pour faire attention aux autres. Soyons heureux d'être embarqués dans une telle aventure humaine qui a fait ses preuves. Soyons heureux d'être guidés par cette tradition reçue de nos anciens, elle nous permet de ne pas confondre nos petits désirs ou nos besoins, avec notre désir profond d'être tout au Christ. Quand cela bute, quand cela nous rabote un peu, ne fuyons pas. Regardons les anciens qui conservent leur joie profonde et la paix dans le don d'eux-mêmes à la vie commune. Ils nous laissent entrevoir que lorsque « la charité manque tout est vide, quand elle est là tout est plein ». (2015-09-19)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 49-50 De l'humilité écrit le 17 septembre 2015
Verset(s) :

49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,

50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »

Commentaire :

« Je suis toujours avec toi » ... Peut-être est-ce là la pointe de l'enseignement de ce 6° degré? Le moine se contente de ce qui est le plus vil ou le plus abject. Il est vraiment humble quand il ne s'en offusque pas. Est-ce qu'on lui propose un chandail usagé ou des chaussures qui ont déjà servies? Il n'en est pas humilié. Il a appris à mettre de la distance entre les choses qu'il utilise et la juste estime de lui-même. Trop souvent ne prenons-nous pas comme une insulte ou comme du mépris, de ne pas avoir ce que nous désirons, ou bien de ne pas être considéré comme nous le voudrions ... Sur le chemin de l'humilité, il nous faut apprendre à cultiver l'estime de nous-même au bon endroit... Elle n'est pas dans les choses ou les outils que nous utilisons. Elle n'est pas d'en le fait d'avoir telle chose, le dernier cri. Fondamentalement elle n'est pas dans ce que nous faisons ou ne faisons pas.

Où trouver et cultiver la juste estime de soi? Ce degré nous engage à aller à l'essentiel. Elle est à chercher dans le regard que le Seigneur pose sur nous, dans la certitude que nous sommes toujours avec lui, quoi qu'il nous arrive. Parce qu'Il est toujours avec nous. Le psalmiste du Ps 72 est ici un bon maitre. Dans l'adversité, devant l'apparent triomphe des impies orgueilleux, sa foi chancèle. Si rien ne semble sourire à ceux qui mettent leur confiance en Dieu. Celui-ci est-il encore présent si tout est difficile, si tout se lie contre nous? Mais le psalmiste découvre qu'au cœur de l'adversité, Dieu est toujours avec lui. Il peut entrer dans la confiance et demeurer avec Dieu. Heureux sommes-nous si nous gardons ainsi les yeux fixés sur le Seigneur qui est toujours là, même et surtout lorsque tout semble nous être enlevé, lorsque nous sommes réduits à rien à nos propres yeux. Qu'Il nous vienne en aide.

Je finis avec un apophtegme: « Abba Poemen demandait à un frère: 'Abba Nysteros, d'où tires-tu cette vertu que, s'il arrive un sujet d'affliction dans le cenobion, tu ne parles ni n'interviens ?' Comme Abba Poemen pressait beaucoup le frère, il dit: 'Pardonne-moi abba ; lorsque j'entrai pour la première fois au cenobion, je me dis en pensée: toi et l'âne, vous ne faites qu'un; en effet de même que l'âne, on le frappe sans qu'il parle, on l'injurie sans qu'il réponde, ainsi pour toi. Comme le dit le psalmiste: « Je suis devenu une bête de somme auprès de toi, et moi, je-suis toujours avec toi ». (2015-09-17)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 44-48 De l'humilité écrit le 16 septembre 2015
Verset(s) :

44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.

45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »

46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »

47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.

48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »

Commentaire :

Est-ce qu'on pourrait résumer ce degré ainsi: pas d'humilité sans liberté, pas de liberté sans ouverture du cœur. Cette formule un peu carrée résume un aspect majeur de la tradition monastique. Les pères ont fait rapidement l'expérience du bienfait de l'ouverture du cœur pour avancer avec liberté, joie et paix sur le chemin de la vie spirituelle. Si à leur époque, elle se confondait avec la confession des péchés, peu à peu avec le temps, elle s'en est distinguée pour devenir davantage de ce qu'elle est aujourd'hui: un exercice de liberté, en vue de devenir plus libre. La différence avec la confession des péchés mérite cependant d'être explicitée. La confession ou le sacrement de réconciliation veut d'abord célébrer la miséricorde offerte par notre Dieu, aux pécheurs que nous sommes. Dans l'assurance de son pardon, transmis par l'Eglise, nous déposons devant Dieu nos péchés, nos manquements et nos errances. Ce rite très simple nous relève dans la force du pardon de Dieu qui nous remet debout. L'ouverture du cœur est plus large. Elle est cette capacité à parler de soi pour mieux se connaître, mais aussi pour apprendre à mieux discerner les appels de l'Esprit Saint. On parlera de ses péchés peut-être, mais aussi de qui habite notre cœur, ce qui l'encombre comme ce qui le dilate, ce qui fait question comme ce qui réjouit. S'ouvrir à l'abbé ou à l'ancien spirituel est une manière de se tenir devant Dieu, en vérité, dans le désir d'être plus libre pour son service. Tant de pensées, tant d'illusions ou de fausses représentations de soi peuvent entraver le chemin. L'ouverture du cœur sera d'autant plus féconde qu'elle sera régulière et préparée. Car chemin faisant, non seulement nous disons ce qui nous habite, mais nous repérons mieux nos forces et nos points faibles, nous devenons plus attentifs à la Parole que le Seigneur ne cesse de semer dans notre quotidien. Comme la confession, mais peut-être davantage, l'ouverture du cœur est un exercice d'humilité et de confiance. En effet, rien n'oblige à s'ouvrir, si ce n'est le désir de vivre toujours plus dans la lumière, et le désir d'être plus libre. Chacun s'ouvre à un frère en croyant que son écoute, peut-être sa parole, sera un appui et un rempart pour sa vie. Même si ce frère a aussi ses pauvretés et ses défauts. Le Seigneur désire faire son œuvre de salut avec nos pauvres moyens humains. Le croire toujours et encore est notre force. (2015-09-16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 35-43 De l'humilité écrit le 15 septembre 2015
Verset(s) :

35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,

36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»

37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »

38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »

39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »

40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »

41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »

42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;

43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.

Commentaire :

En ce jour de Notre Dame des Douleurs, ce 4° degré prend un relief tout particulier. Toutes les références bibliques, à la forte résonnance pascale, conduisent à associer étroitement l'obéissance difficile du moine à la passion de Jésus. Ici la figure de Marie est éclairante. En effet plus qu'avec Jésus qui souffre physiquement en sa chair, c'est avec Marie, au pied de la croix, que le moine éprouvé peut s'identifier. Marie a enduré dans son cœur, ce que Jésus souffrait en son corps. Les insultes, les coups, le mépris et la mort affreuse de l'enfant de ses entrailles, elle les a reçus en plein cœur. Avec Jésus, elle a été humiliée dans son honneur et dans sa dignité de mère. Avec Jésus, elle a embrassé la patience. Elle est restée debout, supportant sans rien dire. En aimant? En priant? On peut le supposer. Cette présence de Marie au pied de la croix est une lumière sur le chemin de l'humilité que le moine est invité à parcourir. Au cœur des contrariétés qui ont atteint la limite du supportable, elle est demeurée là, fidèle et totalement présente. Entre Jésus, humble, aimant, et nous qui supportons difficilement toute contrariété et tout déshonneur, Marie est un pédagogue. Sans un mot, par sa seule attitude, elle nous enseigne. Dans l'adversité, elle met en lumière combien l'acceptation de l'injustice dans le silence et la patience, en communion avec l'obéissance du Christ, est une belle et noble manière de se tenir debout. Là debout, elle ne fait qu'un avec son fils, sans donner aucunement prise au mal.

Regardons Marie en ce jour, et apprenons d'elle à affronter avec force et humilité, les contrariétés, les épines de discordes, voire les injustices et le combat intérieur qui en découle. Il ne dépend pas de nous que la tempête se lève dans notre cœur quand nous sommes piqués ou bousculés. Mais il nous revient de ne pas déployer la voile de nos rancunes et de nos ressentiments qui donneront prise au vent. Demandons par l'intercession de Marie, la grâce de savoir faire silence, mais aussi la grâce de savoir parler à la bonne personne qui nous donnera une parole de paix. A notre manière, nous prenons part ainsi au mystère de la croix ... (2015-09-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 31-34 De l'humilité écrit le 10 septembre 2015
Verset(s) :

31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,

32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»

33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »

34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »

Commentaire :

Qui d'entre nous désirerait s'engager sur le chemin de l'humilité s'il ne s'agissait de suivre le Christ? Parler de l'humilité n'a de sens qu'au regard de celle du Christ. L'humilité est désirable, parce que Lui-même l'a vécue et en la vivant nous a offert la vraie Vie. L'humilité, inséparable de l'amour et du don total, devient source de vie pour qui s'y engage. Source de liberté et de vérité. Nous le mesurons dans toutes les fibres de notre être: chercher l'humilité nous donne d'avancer sur un difficile chemin de crête entre deux précipices: d'un côté, celui du découragement qui nous fait renoncer à l'effort, et de l'autre celui de l'entêtement volontariste qui nous laisse croire en nos seules forces. Comme nous y invite St Benoit, le Christ est le seul maitre en la matière. Puisqu'il s'agit de l'imiter et en l'imitant de lui ressembler toujours davantage, il nous faut tourner nos regards vers Lui.

Je voudrais le faire en m'appuyant sur un sermon d'Isaac de Ninive (l'actuelle ville de Mossoul, dont les chrétiens ont été expulsés) : «Je vais ouvrir la bouche, frères, et vous parler du très haut sujet de l 'humilité. Je suis rempli de crainte, comme quelqu'un qui comprend qu'il va devoir parler de Dieu dans la langue des hommes. Car l 'humilité est le vêtement de la Divinité. En effet en s'incarnant, le Verbe l'a revêtue, et par elle, il a vécu avec nous dans notre corps. Et quiconque s'en est revêtu s'est rendu semblable en vérité à celui qui est descendu de sa hauteur et a dissimulé la grandeur de sa magnificence ... En effet, comme un écrin précieux, il a caché sa magnificence sous le voile de sa chair, ... afin que, le voyant de notre race et vivant parmi nous, nous ne soyons pas terrifiés à son aspect» (Discours 20, 1,2) L'humilité est le vêtement de la Divinité ... Le Verbe revêtu d'humilité nous ouvre une fenêtre sur le mystère de notre Dieu qui ne craint pas de s'abaisser et de se faire tout proche de nous. Contempler Jésus humble, obéissant jusqu'à la mort, nous révèle le visage de notre Dieu humble quand il désire venir à notre rencontre. Le Dieu Amour peut-il être autre chose qu'humble quand Il nous aime et nous donne sa vie. On balbutie en disant cela. Amour et Humilité: en regardant Jésus, et en obéissant comme lui, c'est cette lumière que nous désirons mieux connaître ...(2015-09-10)