Homélies
Liste des Homélies
Année A - Corps et Sang du Christ - 25 mai 2008
Dt 8 2-3; 1 Co 10 16-17; Jn 6 51-58
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Il faut bien le reconnaître : les paroles de Jésus dans l’évangile selon St Jean que nous venons d’entendre sont rudes et elles ont de quoi nous choquer, comme elles avaient choqués les auditeurs de Jésus en son temps. L’idée que le Christ nous donne sa chair (ou son corps) à manger comme nourriture, et son sang à boire comme boisson ne peut que nous gêner, voire nous scandaliser. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? L’eucharistie serait-elle un rite religieux tellement bizarre, « la chose la plus étrange », comme le titrait il n’y a pas si longtemps un livre du Père Maurice Bellet ?
J’aimerais vous raconter une histoire rapportée par une dame catéchiste préparant des enfants à leur première communion. Elle se heurte bien sûr à la difficulté de leur faire comprendre comment le simple pain déposé sur l’autel peut devenir le Corps du Christ. A bout d’arguments elle interroge les enfants : « que dit le prêtre à la messe ? ». Un enfant alors répond en se trompant : au lieu de dire : Jésus a pris du pain et l’a donné à ses disciples en disant : prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous, il dit « Jésus a pris son corps et a dit à ses amis : prenez et mangez, ceci est mon pain donné pour vous ».
En inversant les mots du récit de l’Institution, cet enfant, sans le savoir, leur donnait un sens profond. Et il avait raison. Le soir du Jeudi Saint, Jésus prend dans ses mains toute sa vie, sa vie de chair et de sang, toute sa personne, toutes ses énergies de relation et de communion et en disant : ceci est mon corps, c’est tout cela qu’il met sur la table. Et il le donne à ses disciples. Et il nous le donne à chaque eucharistie. Le pain qu’il donne, qu’il partage pour que nous puissions nous en nourrir et être en communion avec lui, c’est bien toute sa vie.
Dans un passage voisin du même évangile, Jésus dit encore : « ma vie, nul ne peut me la prendre, mais c’est moi qui la donne », et à Pilate, trop sûr de son pouvoir de vie et de mort sur les condamnés, Jésus dira au cours de son procès : « tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en-haut ».
La chair que Jésus donne à manger, et le sang qu’il verse comme une boisson sont alors à comprendre dans un tout autre sens que ceux d’une viande de boucherie ou d’un sang cruellement répandu. Ce sont la chair et le sang au sens de l’anthropologie biblique, c’est-à-dire de la réalité humaine dans sa fragilité, sa vulnérabilité et même sa pauvreté, jusque dans la mort.
L’eucharistie, et la fête que nous célébrons aujourd’hui, rejoint ainsi le mystère de l’Incarnation et de la Croix dans leur extrême abaissement. Le mystère de la Sainte Trinité aussi que nous fêtions dimanche dernier. Le Verbe de Dieu vient partager notre humanité, il se fait chair. De riche qu’il était auprès de son Père, il vient se faire pauvre, pour nous enrichir de sa pauvreté. Et cette pauvreté offerte se donne à lire dans les humbles signes du pain et du vin apportés et partagés dans un repas de communion : le repas du Seigneur qui fait l’unité de ceux qui le partagent. Comme nous le rappelle la seconde lecture, par la bouche de Saint Paul : «la coupe d’action de grâce que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ, le pain que nous rompons n’est-il pas communion au Corps du Christ ? Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul Corps, car nous avons tous part à un seul pain. »
Ainsi, frères et sœurs, cette fête du Corps et du Sang du Christ, la fête du Saint Sacrement, doit nous faire entrer plus profondément dans le mystère de la vie et de la mort de Jésus, et de sa Résurrection aussi, bien sûr. Cette fête est une invitation à entrer dans la Vie éternelle de Dieu, car tout se tient dans la théologie chrétienne.
A notre tour, et à la suite de Jésus, notre Maître, nous avons, comme le disait si bien l’enfant du catéchisme, à prendre notre vie à bras le corps et à en faire du bon pain afin de l’offrir par amour, à Dieu Notre Père et à la donner à nos frères, nous aussi comme le Christ. (2008-05-25)
Année A - 3° Dimanche de Pâques - 6 Avril 2008
Ac 2 14, 22-28; 1 Pet 1 17-21; Lc 24 13-25
Homélie du F.Servan
" ... et Il marchait avec eux "
D'emblée, dans ce récit vivant, nous pouvons relever l'importance de la ROUTE (Jérusalem-Emmaüs, aller-retour) et de la marche, lente ou rapide, morose ou avec le cœur ardent.
C'est nous rappeler, s'il en était besoin, que notre foi (et sans doute aussi la non-foi), ce n'est pas une affaire réglée une fois pour toutes, mais un chemin, avec des hauts et des bas, des rencontres (en duo, en trio, en communauté). Voici donc, une page d'évangile pleine de mouvement, de fraîcheur, de finesse psychologique, bien dans la manière de Luc, réputé bon conteur.
Un récit familier aux croyants de tous les temps qui y reconnaissent les deux Tables, où dimanche après dimanche, ils viennent offrir, nourrir et renouveler leurs vies, rencontrer le Seigneur.
- table de la Parole où le Christ lui-même nous partage les Ecritures : « Gloire à Toi, Seigneur! »
- table de la bénédiction sur le Pain, puis de sa fraction, pour être partagé.
Sans oublier le sacrement de la communauté : l’assemblée des frères et sœurs avec leurs expériences de vie et de foi.
De Rembrandt à Arcabas, les peintres ont aimé représenter la scène de la reconnaissance, si furtive, le soir, autour de la table (pour le partage de l'Ecriture. Je m’excuse de vanter mon clocher, mais nous connaissons au monastère une image de F.Yves choisie par le Père Abbé Luc pour sa bénédiction abbatiale). N'oublions pas les poètes, par exemple Didier Rimaud que nous aimons chanter dans nos communautés :"
« Regarde où nous risquons d'aller tournant le dos à la cité de ta souffrance ! Explique-nous le Livre ouvert à coup de lance » ou encore : « Jésus, qui m'a brûlé le cœur au carrefour des Ecritures ».
Donc, aux dernières heures du jour si long de la Résurrection, voici deux disciples qui s'en retournent tout tristes (l'encéphalogramme de leur espérance est complètement plat) - (permettez-moi d'imaginer que ces deux-là pouvaient faire partie des soixante-douze que (dans ce même évangile de Luc) Jésus avait envoyé deux par deux sur les routes pour un exercice de mission. Alors, ils étaient revenus tout feu tout flamme. « Seigneur, c'est formidable, même les démons nous sont soumis en ton nom ». Mais maintenant d’un seul coup, ils ont vieilli de cinquante ans ; et les voici qui se traînent sur la route, évoquant ce qui s'est passé (et mal passé), ils l'ont crucifié!
L'un de ces deux-là s'appelait Cléophas, l'autre n'a pas de nom, pour permettre à chacun de nous de se mettre à sa place ; et bien sûr en ce jour, nous laissons cette place au F.Orsise notre bon compagnon de route depuis cinquante ans et plus.
Ces deux-là, c’est à dire nous tous à certains jours, Jésus les rejoint, pour les sortir de leur désespérance, mais à sa façon bien à lui, marquée par la discrétion envers l'homme libre et par l'intelligence du cœur. Déjà, au cours de sa vie publique, avant d'enseigner ou de dire telle parole d'autorité, il aimait questionner.
Ici aussi il questionne : « De quoi causiez-vous donc ? » puis il écoute un peu longuement les deux redire leur découragement, mais aussi leur foi trop naïve, leur espérance trop seulement humaine : « Et nous qui espérions! » ; (dans notre récit, cette écoute prend un bon tiers du texte).
Il écoute -' un peu comme font ou devraient faire de mieux en mieux ceux et celles qui par fonction sont amenés, à encourager et aider les autres sur le chemin de la vie : le frère infirmier, le médecin, le père ou la mère spirituelle, ceux ou celles qui accueillent les hôtes venant au monastère.
Ensuite, 'Jésus intervient et sur le chemin, leur explique les Ecritures et alors ils n'ont pas vu le temps passer, si bien que le soir tombe, à l'entrée du village. Le Ressuscité allume peu à peu leur foi en soufflant sur les braises des Ecritures, avec en son centre la figure du Serviteur souffrant; donnant sa vie « pour » (antithèse du libérateur triomphant à la manière trop humaine). « Il fallait » c'est dire le dessein de Dieu: ouvrir aux hommes, à la suite de ce Serviteur, le chemin de la Gloire et du vrai bonheur, à travers le quotidien de leur vie.
Captivés, les deux en ont oublié de prendre des notes sur cette lectio unique! Sans doute est-ce encore une marque de discrétion, pour permettre aux chrétiens, prédicateurs et exégètes, d'exercer leurs modestes talents depuis bientôt deux mille ans ?
Jésus « fait ensuite semblant d'aller plus loin » pour nous laisser l'initiative de cette belle parole. « Reste avec nous ! ». Peut-être que lorsque nous entrons à l'église pour un temps de rencontre personnelle. Comme le dit Saint Benoît : « Qu’il entre simplement et qu’il prie ». Après avoir plus ou moins longtemps, soupiré sur notre fardeau, lui redisons-nous ce « reste avec nous »? - « Si quelqu'un m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper ».
Enfin, à peine reconnu au geste familier de la fraction du pain, il disparaît, les
laissant reprendre la route en sens inverse, en pleine nuit mais le cœur brûlant, vers la communauté des autres disciples.
Retenons : tout comme la puissance créatrice de Dieu, la Seigneurie du ressuscité est
en fait une "DISCRETION", une présence voilée par une absence qui accompagne parfois,
réchauffe le cœur, mais ne contraint pas, ne s'impose pas, et ne fait pas les choses à notre place. « SEIGNEUR RESTE AVEC NOUS - MARCHE AVEC NOUS » ! (2008-04-06)
Année A - Carême 4° dimanche - 2/03/2008
1Sam 16, 1-13a ; Ephésiens 5,8-14 ; Jean 9, 1-41
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Avec l’évangile de la Samaritaine que nous avons entendu dimanche dernier et celui de la résurrection de Lazare que nous aurons dimanche prochain, celui de l’aveugle-né, lu aujourd’hui, marque une étape importante dans le cheminement des catéchumènes vers le baptême qu’ils recevront à Pâques.
A bien écouter ce texte, nous découvrons une progression en 3 temps dans la confession de foi de ce pauvre mendiant aveugle.
D’abord, après avoir eu accès à la vue, il reconnaît Jésus comme un prophète, ensuite dans son dialogue avec les pharisiens il dit que jamais en Israël un homme n’a pu faire un tel miracle : il est donc plus qu’un prophète. Enfin, dans sa rencontre finale avec Jésus, il atteste que ce dernier est bien le Fils de l’homme, Celui que Dieu avait annoncé dans les Ecritures pour le salut d’Israël. La samaritaine, elle, avait reconnu Jésus comme le Messie de Dieu, Celui qu’on appelle Christ, et Marthe, la sœur de Lazare, l’amie de Béthanie, reconnaitra aussi Jésus comme Messie, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde.
Le catéchumène, mais aussi tout baptisé qui chemine avec lui, est donc appelé à s’identifier au cours du Carême, à ces différents personnages de l’évangile de Jean et parvenir aux mêmes confessions de foi.
Revenons, si vous le voulez bien, sur quelques traits de ce bel évangile riche à bien des points de vue.
Ma première remarque concerne la guérison de l’aveugle, qui à vrai dire n’est pas une, car cet homme n’est pas malade. C’est un infirme, un handicapé de naissance. On ne peut pas dire qu’il ait « perdu » la vue et qu’il la recouvre : il ne l’a jamais eue. Jésus, par ses gestes et ses paroles le fait accéder à la lumière et à la vue pour la 1ère fois. C’est donc pour lui une nouvelle naissance, mieux une re-création. Car Jésus refait, avec de la salive et de la boue, les gestes mêmes du Créateur qui avait modelé Adam, à partir de la glaise du sol. De plus le nouveau-né à la lumière est envoyé par Jésus à la piscine de Siloé, dans un acte baptismal. Saint Augustin commente admirablement : « L’aveugle lava ses yeux dans la piscine, et il fut baptisé dans le Christ ».
Notons que tout cela a lieu un jour de Sabbat. Jésus, en rupture avec la tradition juive, montre qu’il travaille comme le Père, au jour de la création de l’homme, avant même l’institution du jour du Sabbat. Avec ce geste, il s’agit bien de l’achèvement de la 1ère création par le Christ, aux 2 premiers chapitres de la Genèse.
En seconde remarque, je note dans cet évangile la forte opposition entre le voir et le savoir. L’aveugle est présenté comme un mendiant, un pauvre, un bon à rien, mais aussi comme un ignorant, qui ne sait rien. Ce n’est pas un exclu, à proprement parler, comme l’étaient les lépreux ou les païens ou les schismatiques (les samaritains entre autres), mais il vit à la marge de la communauté, et les pharisiens chercheront à l’expulser, à le jeter dehors. Ces pharisiens qui eux, sont assurés de leur savoir, en tant qu’interprètes authentiques de la Loi de Moïse.
Le récit vient apporter une subversion dans cette assurance du savoir. L’aveugle qui voit désormais n’est pas démuni de bon sens, ni même d’humour. C’est un réaliste et non un intellectuel. Il sait à partir de ce qu’il constate, de ce qu’il expérimente en lui-même. Il renvoie alors les sages à leurs contradictions, à leurs fausses certitudes. « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. Or il m’a ouvert les yeux. Qu’en dites-vous ? Comment expliquez-vous la chose ? Voulez-vous devenir ses disciples ? » A entendre ce dialogue surprenant entre un mendiant et ces pharisiens, sans oublier les échanges avec les voisins et les parents, j’ai pensé à ce qu’avait pu vivre Sainte Bernadette, en 1858, à Lourdes, avec les apparitions de la Vierge Marie à la grotte. Elle, qui était ignorante et pauvre a du faire face à l’incrédulité de ses proches et des autorités ecclésiales de l’époque. Mais elle a tenu bon et su faire preuve d’une totale assurance. On pourrait citer bien d’autres exemples de saints. Tous confirmeraient ce que dit Saint Paul dans sa 1ère lettre aux Corinthiens : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. Ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant Dieu. »
Enfin ma 3ème et dernière remarque soulignera, qu’au-delà de l’opposition entre le voir et le savoir, ce texte veut marquer une opposition encore plus profonde : celle entre le voir et le croire. Cette opposition traverse tout l’évangile de Jean. Jésus est venu dans le monde pour une remise en question, un renversement des situations, des manières de voir et de croire. Si bien que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient (ou plutôt prétendent voir) deviennent aveugles. Et tandis que la cécité de naissance du mendiant n’était pas due à son péché ni à celui de ses parents, l’aveuglement de celui qui refuse de croire, lui, plonge dans le péché et y fait demeurer.
La conclusion de l’épisode est donc assez terrible, pour ne pas dire terrifiante. Jésus condamne-t-il sans appel ses adversaires, et en tout premier lieu, les pharisiens ? Une lueur d’espérance existe pourtant dans le récit. Il nous est dit que tous ne pensaient pas de la même manière. Ils étaient divisés sur le sens à donner à l’évènement. Jean ne place donc pas tous les pharisiens dans une même condamnation : on sait qu’il mentionne très positivement l’un d’entre eux, Nicodème, au début et à la fin de son évangile.
Que retenir alors frères et sœurs de cet évangile de l’aveugle-né pour notre chemin de Carême ? Nous sommes tous à la fois ce mendiant, un voisin, un parent, un pharisien et nous n’avons pas à avoir peur de nous identifier à l’un ou à l’autre. La pédagogie évangélique de ce temps liturgique est là pour nous aider à nous convertir et à accueillir Jésus qui vient à notre rencontre pour nous guérir et nous apporter le salut.
Aujourd’hui, avec sa grâce et comme « l’aveugle re-né », confessons-le comme la lumière de notre vie, la lumière du monde !
(2008-03-02)
PRESENTATION DU SEIGNEUR 02.02.2008
Ml 3, 1-4; Lc 2, 22-40
Pre Abbé Luc
Frères et soeurs,
« Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples » s’écrie Syméon. Oui, les yeux usés d’un homme avancé en âge ont reconnu dans cet enfant porté par ses parents pour accomplir les rites de la Loi, « le salut offert par Dieu, la Lumière des nations et la Gloire d’Israël »…Syméon, homme juste et religieux, avait certainement beaucoup usé ses yeux à la lecture des Ecritures. Reprenant le psaume 118 (81-82), il a dû redire bien des fois la prière du psalmiste : « Usé par l’attente du salut, j’espère encore ta parole. L’œil usé d’attendre tes promesses, j’ai dit : ‘Quand vas-tu me consoler ?’ » Syméon attendait la Consolation d’Israël, nous dit St Luc…Il a scruté les Ecritures, il a cherché, il a veillé et attendu dans la prière. Aujourd’hui, il voit, et il reconnaît celui qu’il attendait avec beaucoup d’autres, Anne et tous les pauvres du Seigneur comme lui.
Avec Syméon et Anne, St Luc nous place au cœur de la recherche du peuple d’Israël en ce qu’elle a de plus profond : l’attente amoureuse du salut promis par les prophètes. Peuple de veilleurs qui usent ses yeux et son cœur dans le service de son Dieu. Et ce service n’est pas servile. Non, nous sommes en présence de personnes très libres. Syméon sait se mettre en marche vers le Temple, d’un pas qui n’est peut-être plus tellement assuré, pour être fidèle à l’inspiration de l’Esprit-Saint. Il se laisse conduire par un Autre, car toute sa vie lui est consacrée. Et Anne, elle, est remplie de la louange de Dieu. Elle est pleine de cette allégresse, si souvent présente dans les Ps : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête (15, 9) ».
Oui, la venue de Jésus dans le Temple, met en mouvement ces anciens et leur fait donner le meilleur d’eux-mêmes. Toute leur attente aimante et patiente s’exprime en paroles de louange et de reconnaissance pour Dieu qui est toujours fidèle à ses promesses.
Et en même temps, ces anciens pétris par leur expérience spirituelle et par leur méditation des Ecritures peuvent aussi déjà entrevoir l’épaisseur de ce salut qui va se déployer en cet enfant. « Ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division »…Annonce douloureuse de l’incompréhension dont sera l’objet Jésus en sa mission. Tous ne le reconnaîtront pas comme ces deux anciens. Il sera même rejeté. Le salut passe par cette contradiction, il en constitue même la traversée victorieuse dans l’Amour que Jésus offrira par sa vie donnée. Sans bien le savoir, les parents de Jésus en venant au Temple avec leur enfant, participent déjà à cette offrande que Jésus fera de sa vie pour le salut de tous.
Ce matin, avec Syméon et Anne, ouvrons nos yeux et notre cœur à cette venue de Jésus lumière pour nos vies ; avec Marie et Joseph consentons à faire de nos actes quotidiens, tous nos devoirs d’état, une offrande unie à celle de Jésus, comme nous le célébrons maintenant dans cette eucharistie. (2008-02-02)
Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2008
Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
2008
Frères et soeurs,
Quel contraste dans les textes que nous venons d’entendre, entre le prophète Isaïe et l’évangile de Matthieu ! D’un côté, une lumière et une gloire éclatante, de l’autre une étoile à peine reconnue. D’un côté une foule qui monte à Jérusalem avec des chameaux en grand nombre, de l’autre trois sages qui cherchent presque secrètement, et avaient-ils des chameaux ? D’un côté, on voit une Jérusalem radieuse, de l’autre une Jérusalem anxieuse…Seul trait d’union qui unit vraiment ces deux textes : la mention de l’or et de l’encens que de part et d’autre on apporte. Que veut nous dire la liturgie en rapprochant ces deux textes si différents, le premier qui est une promesse de consolation au peuple récemment rentré d’Exil, et le second un récit, celui l’adoration des mages devant l’enfant Jésus ? Par ce rapprochement, la liturgie veut, comme souvent, nous apprendre à éclairer les textes des Ecritures, les uns par les autres, pour essayer d’approcher le mystère de Dieu et du Christ qui se déploie dans toute la Bible, d’une façon symphonique plus que rationnelle ou linéaire.
Si on regarde l’évangile à travers le texte d’Isaïe, la scène modeste et presque secrète de l’humble adoration des mages se trouve comme placée sous un fort projecteur. Elle est toute illuminée de ce que le prophète suggérait de l’exultation, de la profusion et de l’éclat de l’honneur rendu à Jérusalem. Les trois mages deviennent les représentants de toutes les nations dont il était question. Leur adoration devient celle de tout homme. Quand à l’identité du nouveau-né, elle se trouve manifestée et chargée d’une gloire immense. Il est la lumière qui s’est levée sur Jérusalem…
A l’inverse, si on projette sur le texte d’Isaïe, le discret éclairage de l’évangile, on mesure alors que la Gloire attendue ne s’est pas manifestée dans la profusion entrevue. Celui qui est toute Lumière, et toute Gloire a choisi de voiler sa présence, de la tenir cachée et discrète. Seuls quelques uns la reconnaissent. La Gloire éclatante que le prophète entrevoyait a brillé d’un autre éclat que celui qu’il avait imaginé. La joie que les mages éprouvent à la vue de l’étoile, apportent un autre éclairage à l’exultation et à l’exubérance promise par Isaïe. La gloire annoncée se manifeste et se perçoit d’une façon autre, cachée presque secrète.
Tout se passe donc, comme si d’un côté le fort éclairage du texte du prophète sur l’évangile nous assurait qu’effectivement, la venue de Jésus est bien celle qui apporte la Lumière et la Gloire que l’on attendait ; et de l’autre côté le modeste éclairage donné par l’évangile sur le texte d’Isaïe nous dit que Dieu a une manière à lui, très discrète, de se révéler. A la fois, c’est la même lumière divine, et à la fois, cette lumière n’est pas comme celle qu’on pouvait imaginer.
Frères et sœurs, comme déjà Noël, cette fête de l’épiphanie nous redit la profondeur du mystère de notre foi chrétienne. Le Dieu auquel nous croyons est vraiment le Dieu de Gloire, mais dans sa manifestation, en Jésus le Christ son Fils, il se dévoile dans la discrétion et la pauvreté de notre vie humaine.
Autrement dit, il désire que nous allions à sa rencontre, comme les mages, humblement, au gré de nos recherches humaines, pour l’adorer en Jésus notre Seigneur, et pour le servir dans nos frères. Dans l’Eucharistie que nous célébrons maintenant, c’est le même mystère qui est à l’œuvre. Le Seigneur Jésus Ressuscité se donne à nous sous les modestes signes du pain et du vin. Et sa Vie offerte veut faire de nous des Vivants de son Esprit. (2008-01-06)
SAINTE MARIE, MERE DE DIEU 1er janvier 2008
Nb 6, 22-27 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2, 16-21
Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
En célébrant ce matin, la Mère de Dieu, c’est toujours le même mystère de Noël que nous contemplons, en rendant grâce à Dieu pour celle qui a porté et mis au monde le Fils de Dieu. Je disais que nous aimons chanter Marie comme celle qui est pour nous la Porte du Ciel, mais pour Dieu, elle est la Porte de la Terre. Il a suffi qu’elle s’ouvre à l’œuvre de l’Esprit pour laisser grandir en elle, puis à ses côtés, ce Fils venu de Dieu. Marie est Mère car elle est toute ouverture à Dieu qui se fraye à travers elle un passage dans notre pâte humaine. Ce petit de Dieu, et ce petit d’homme, elle va le conduire des balbutiements de l’enfance à la sagesse de l’âge adulte. Oui, le Fils de Dieu a eu besoin d’une mère.
En regardant, la Mère de Dieu, nous aimons surtout regarder celle qui a accepté de tenir son rôle dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit. L’évangile nous montre en Marie une figure de mère qui n’est en rien imbue de son rôle ou de ses prérogatives. Elle s’est laissé conduire par les évènements médités en son cœur. Elle a appris peu à peu à obéir à la Parole de son Fils, jusqu’à consentir au pied de la Croix à élargir son cœur à d’autres fils. En regardant Marie, on entrevoit mieux le mystère de toute maternité, mais aussi de toute paternité. C’est un mystère d’accueil de la vie, d’écoute de la vie, et finalement d’obéissance à la vie. Elle est peu à peu devenue la Mère de Dieu, en découvrant tout du début à la fin, ce que cela pouvait signifier. De l’Annonciation jusqu’à la Pentecôte, elle a appris à être là, bien présente et disponible, au bon moment et au bon endroit. Marie est devenue vraiment la Mère de Dieu, puis des hommes, car elle a accepté de rester toujours la servante et la fille de Dieu. C’est dans cette disposition du cœur humble et filial qu’elle a appris à être Mère. Ainsi quand Elisabeth s’émerveille de recevoir la Mère de son Seigneur , Marie ne sait que confesser les merveilles de Dieu pour son humble servante.
En ce temps de Noël, nous ne cessons de chanter le merveilleux échange , celui du Fils de Dieu qui se fait l’un de nous pour faire de nous des fils , comme nous le rappelait Paul. Dieu prend notre nature pour que nous prenions part à sa nature divine. Et en ce jour, le mystère de ce merveilleux échange s’élargit en incluant Marie dans son mouvement. Comme nous l’avons chanté dans l’hymne d’entrée, le Verbe en se donnant nous donne une mère . Le Verbe venu dans la chair fait de Marie la Mère de Dieu. Et inséparablement en faisant de nous des fils, il nous donne sa Mère pour accompagner notre propre devenir de fils de Dieu. Et tout homme en la priant, se sait l’enfant de Dieu , poursuit notre hymne. C’est le merveilleux échange initié par le Verbe de Dieu et qui passe par Marie.
Nous n’avons pas fini de scruter, de méditer les choses de Dieu. Marie est là toute simple à nos côtés pour nous apprendre à le faire avec elle. Elle est Mère de Dieu, elle est notre Mère…N’ayons pas peur de la prier, ne nous tourner vers elle, en la priant, nous nous saurons enfant de Dieu.
(2008-01-01)
Année A – Dimanche Sainte Famille - 30 décembre 2007
Si 3 2-16 ; Col 3 12-21 ; Mt 2 13-23
Homélie du F.Servan
Cette célébration de la sainte Famille aux lendemains de Noel a été instituée dans les années
1890 ,à la fin du XIXe siècle pour encourager et soutenir les familles qui certes sont porteuses d'un bel idéal, mais dont la réalité, comme chacun sait, est plus contrastée: tissée de lumière et d'ombre, de joies et d'épreuves, de liens forts mais aussi de disputes et de blessures, lieu de vie mais parfois d'enfermement. Les sciences humaines analysent ses évolutions: de la famille patriarcale à la famille nucléaire, adoptive, recomposée, monoparentale etc. Probable que Dieu, par-delà les étiquettes sociales ou canoniques, s'intéresse plus aux personnes et à leurs relations dans une histoire (qui inclut pardons et redéparts, retrouvailles, pacification).
De nos jours, un certain nombre de familles aiment faire leur généalogie, en consultant les archives départementales (on arrive à remonter à Napoléon, plus difficilement jusqu'à François 1er). La Bible aussi aime les généalogies (celle de Jésus, par exemple, plus ou moins catholique d'ailleurs !), mais ce n'est pas tant pour se replier sur un passé plus ou moins idéalisé, que pour ouvrir ce passé à une nouveauté, une promesse, à la vie pour aller « plus avant» !
Déjà, au début de la Bible, il était dit « l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme (pour fonder une nouvelle famille) ». .A la fin de la révélation biblique, Jésus ira plus
loin: « Toi, quitte ton père et ta mère et va annoncer la Royaume! ». Certes, il rappelle la parole du décalogue sur l'honneur dû aux parents, mais il l'ouvre à une communauté de frères et de sœurs dans la foi qui témoignent du Royaume qu'il est venu inaugurer. « Et qui est ma mère? Femme, voici ton fils ! Les disciples de Jésus étaient en prière avec Marie sa mère et avec ses frères ».
Sainte famille ! A ce sujet, deux images se présentent à mes yeux ! Toutes deux d'ailleurs des
années 1890, du temps de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de mes arrière-grands-mères. Fleurissaient alors ces images pieuses bordées de dentelles, avec un enfant Jésus bien sage et bien gentil entre Joseph et Mari, autre image, qu'il me soit permis de préférer: un tableau de van Gogh, à la fin de sa vie intitulé « les premiers pas » . Un couple d'humbles paysans, un enfant que sa mère envoie vers le père qui en face lui ouvre les bras. « Va vers ton père risque toi, apprends la vie! » C'est plus vivant et dynamique que la première image.
Mais laissons les images, pour revenir brièvement sur les lectures entendues. Elles nous donnent motifs de louange et aussi intentions de prière. L'évangile a souligné la fonction de protection de l'enfant (Matthieu soulignant sur ce point le rôle majeur de Joseph: « Lève-toi; prends l'enfant et sa mère! »)
La lettre de l'apôtre a évoqué l'éducation à la louange et à la prière au sein de la famille: c'est d'abord de ses parents que Jésus l'enfant juif apprend les psaumes et les hymnes d'Israël, son peuple. On y parle aussi de ce beau concours où l'on s'entraîne à la soumission réciproque (le
concours reste ouvert: vous pouvez y participer) ! « Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis ».
Du passage tiré du livre du sage Ben Sirac nous pouvons enfin retenir ces paroles: « Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, même si son esprit l'abandonne »,car cela nous fait penser à l'importance aujourd'hui du souci et de la prise en charge des parents âgés, vu l'allongement de la vie ! Pour tous ces motifs, que le Seigneur vienne en aide aux familles et les bénisse ! (2007-12-30)
Année ABC - Messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2007
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14;
Homélie du Père Abbé Luc
2007
Frères et sœurs,
Comme chaque année, des frères ont réalisé la crèche de l’Eglise. Celle que vous avez sous vos yeux a été faite par nos trois frères vietnamiens arrivés parmi nous durant l’année. C’est l’habitude de confier aux derniers venus, étudiants ou postulants, le soin de faire la crèche. Ainsi d’année en année, la confection de la crèche a donné lieu à une belle créativité et une variété de styles et de situation.
De la crèche vietnamienne, africaine, sud américaine ou malgache, à la crèche située dans un décor zen, dans la rue St Denis, à Paris, sur un chantier de construction ou encore dans une maison sur pilotis…Une étonnante variété qui veut exprimer à travers les décors la conviction de notre foi chrétienne que Dieu ne rechigne à s’approcher d’aucune de nos réalités humaines, et qu’Il vient encore tout près de nous aujourd’hui même…
La crèche, les textes entendus, et la liturgie que nous célébrons maintenant veulent chacun avec des accents différents nous faire entrer dans le mystère d’une rencontre…La rencontre de Dieu avec les hommes, et celle de l’homme avec Dieu, en Jésus.
Quand Dieu vient à la rencontre de l’homme, il va jusqu’à choisir de se faire l’un de nous et de naitre comme un enfant. Dieu échange les prérogatives de sa majesté, et sa gloire pour prendre notre faiblesse et pour être au milieu de nous comme l’un des nôtres, sans rien qui le distingue des autres. C’est ainsi que sans s’en rendre compte, l’empereur Auguste a compté parmi ses sujets recensés le Dieu de l’univers… !
Etonnant mystère que nous ne cessons depuis 2000 ans de méditer à la lumière de la vie de Jésus. Car la vie de Jésus est tout aussi étonnante que sa naissance, jusqu’à sa mort infâme sur une croix, et sa résurrection dans la discrétion au matin de Pâques. Chaque année, nous fêtons Noël pour nous familiariser davantage avec ce mystère de Dieu, le Tout Autre qui peut se faire si proche. Oui, il nous faut sans cesse quitter nos manières spontanées de penser Dieu, un Dieu qui serait ailleurs et Tout puissant, qui serait toujours surplombant voire inquiétant.
En cette nuit de Noël, Dieu nous laisse entrevoir dans cet enfant fragile qu’il est tout proche, et toujours à nos côtés…Lui le Créateur de toute chose nous rejoint au plus intime de nos vies, au plus fragile et aussi au plus banal pour faire un bout de chemin avec nous…
En regardant ainsi Jésus, et à travers lui Dieu, venir à notre rencontre, nous pouvons nous aussi mieux apprendre comment aller à la rencontre de notre Dieu, sans peur, sans méfiance aussi. A-t-on peur d’un enfant, ou d’un homme sur une croix ? Un enfant, ou un homme blessé demande d’abord le respect, l’humble respect envers un être unique et plein de dignité. Dans la rencontre des plus démunis face à la vie, nous trouvons une voie royale pour aller au devant de Dieu.
Un enfant ou un homme blessé par la vie, demande que l’on sache prendre du temps pour l’écouter et l’accueillir vraiment. Dans ce temps passé avec ceux qui croisent nos chemins, dans cette écoute patiente et aimante, nous sommes assurés de croiser le regard de Dieu. Sur ce chemin de rencontre, il n’est pas toujours aisé de marcher. Il nous faut sans cesse demander la grâce.
L’Eucharistie que nous poursuivons maintenant, va nous donner d’aller avec confiance à la rencontre avec notre Dieu. En rappelant la mort et la résurrection de Jésus, le sacrifice qu’il a fait de sa vie pour nous, nous accueillons en échange la Vie de Dieu qui nous est largement offerte, car Il veut venir encore parmi nous, en nous aujourd’hui.
(2007-12-25)
Année A - 3° Dimanche de l'Avent - 12 décembre 2010
Is 35 1-10; Jacq 5 7-10; Mt 11 2-11
Homélie du F.Servan
La JOIE - la PATIENCE (la patience éprouvée ; la patiente espérance). Deux mots (à retenir ce dimanche) et qui disent ce qu'est notre vie chrétienne, telle que vécue et ressentie par nous.
GAUDETE - « Soyez dans la joie du Seigneur toujours! » - c'était une consigne de saint Paul pour notre chant d'entrée.
Et Esaïe (annonçant la joie d'une libération, d'un retour d'exil). « Qu'il se réjouisse ! Le pays aride, qu'il exulte et crie de joie !" le désert et la terre de la soif. Et, dans la prière que j'ai dite en votre nom au début, nous avions cette expression un peu curieuse : « Dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère » (notre joie humaine et chrétienne).
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Le Messie bien sûr, que nous allons célébrer dans quinze jours à Noël (et je crois savoir que les plus jeunes viendront) : la venue parmi les hommes de Dieu lui-même ("il vient lui-même
et va vous sauver "), petit enfant pour nous sauver et nous conduire aux chemins de la vie.
Et, selon la double visée du temps de l'Avent, ce Messie c'est, au-delà ! La joie de
l'humanité délivrée se pressant dans la Jérusalem du ciel pour acclamer debout le
Fils de l'homme: « Ils reviendront les captifs rachetés par le Seigneur, ils arriveront à
Jérusalem dans une clameur de joie ».
La joie donc et l'orgue qui accompagne et encourage nos liturgies, sait produire
des notes heureuses, légères, joyeuses, mais il peut avoir aussi un jeu et des notes
plus graves, nous rappelant qu'ici-bas, joie va avec patience éprouvée.
Dans le bref passage de la Lettre de Jacques, le mot de patience est revenu quatre fois
(Endurance, patience, être ferme, pas gémir) avec l'image bien de saison de la
graine semée en automne dans les champs ou les jardins et qui, avant de germer et
de sortir au printemps, a bien un peu froid dans le sol gelé: « voyez le cultivateur »
Quant au prophète Esaïe, n’oublions pas qu’il annonce la joie, à un peuple en exil, à des gens humiliés, opprimés qui peuvent rêver de vengeance, aux mains défaillantes aux genoux qui fléchissent, qui s'affolent, se découragent...: l'épreuve!
Dans l'évangile, enfin, nous voyons Jean Baptiste dans l'épreuve, dans un cachot obscur de
la citadelle de Machéronte, au-dessus de la mer morte, et qui est pris de doute (le doute de la foi) et de découragement: « Es-tu Celui qui doit venir? Me suis-je trompé sur ton compte ? ». Jean annonçait un Messie justicier par le feu, messager en quelque sorte de la colère et de la revanche de Dieu.
Or, la pratique de Jésus nous révèle le visage de miséricorde du Père : en son nom il accueille les pécheurs, partage leurs repas, accueille tout homme et toute femme de désir...Réponse de Jésus : « La Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ! » c'est-à-dire à chacun de nous avec ses pauvretés, ses limites, ce qui l'humilie, ce que chacun connaît et que nous confions au Sauveur en ce temps de l'Avent.
Nous revient aussi la tâche de porter cette Bonne Nouvelle aux plus petits et plus pauvres. Mais cette Bonne Nouvelle n’est pas seulement aide et secours, c’est aussi le don d’une joie profonde et imprenable dira Jésus à la Cène, celle qui se cache sans doute dans la dernière phrase de notre évangile : « Grand est Jean Baptiste certes, et cependant le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui » !
Qu'est-ce à dire?
Il me semble trouver la réponse à peine une page plus loin, dans ce même Chapitre 11 de
l'évangile de Matthieu : « Jésus dit (Luc écrit: « Il exulta de joie sous l'action de l'Esprit Saint ») « Je te loue, Père, d'avoir caché cela aux sages et de l'avoir révélé aux tout petits. Nul ne connaît le Père et sa bienveillance, sinon le Fils et celui à qui il veut le révéler. Venez à moi vous tous qui peinez, je vous donnerai le repos (la joie imprenable).
Dans nos vies humaines et chrétiennes, il y a des moments de joie qui s'extériorise et aime se partager, mais caché dans nos cœurs (comme un beau lac de montagne, une réserve inépuisable) il y a une joie que fait grandir l'Esprit qui « habite en nos cœurs ». « La joie toujours » disait St Paul au sein même des épreuves joie de l'Esprit, capable de résilience, de rebond rapide, de pardon, qui ne s'attarde pas au négatif, mais s’attarde plutôt sur ce qui est beau et bon.
« Le Seigneur est avec toi, tu es aimé ; la paix soit avec toi, tu aimeras toi aussi ». C'est sans doute pour cela que les moines chrétiens inclinent souvent leur corps (autant que leur âge le permet) en disant :
« Gloire au Père - tel que nous l'a révélé Jésus
Gloire à son Fils Jésus Christ, le Seigneur - qui nous conduit au chemin de la Vie
Gloire à l'Esprit qui habite en nos cœurs. »
Mais c’est aussi cette même joie des enfants de Dieu que nous allons réveiller et alimenter, petits et grands, en regardant nos crèches de Noël. L'enfant, Marie et Joseph, sans oublier l'âne et le bœuf, si patient : dirige notre joie vers la joie d'un si grand Mystère ! Amen
(2010-12-12)
Année C - Avent 1° Dimanche (2/12/2007)
Isaïe 2 : 1-5, Romains 13 : 11-14 ; Matthieu 24 : 37-44
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les trois lectures de la liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent orientent nos regards et nos cœurs vers l’avenir. Ils cherchent à nous présenter ce temps liturgique comme celui d’un temps de désir, un temps d’espérance, porté par une double attente :
- attente des temps messianiques contenue dans l’Ancien Testament, et c’est le prophète Isaïe qui nous accompagnera dans notre préparation à Noël, fête de l’incarnation de Dieu dans notre monde, avec la naissance de Jésus, reconnu comme le Messie, Fils de Dieu, Emmanuel, Dieu avec nous,
- mais aussi attente des derniers temps et de la nouvelle venue de ce même Messie pour le jugement final et l’accomplissement du Royaume de Justice et de Paix.
Dans la première lecture, Isaïe nous fait part de la révélation qu’il a eue au sujet de l’avenir de Jérusalem. Il entrevoit le temps messianique comme celui d’un rassemblement de peuples en marche, vers la montagne de Sion. 2 caractéristiques sont frappantes dans le texte et il nous faut les retenir :
- l’universalité de ce rassemblement qui ne concerne pas seulement Israël, le peuple élu de Dieu, mais toute l’humanité, toutes les nations, invitées à écouter les enseignements du Seigneur et à suivre ses chemins, c’est-à-dire obéir à sa Loi, à sa Parole ;
- et la seconde caractéristique, c’est l’établissement de la paix, en ce temps de bénédiction, où les armes d’entraînement à la guerre (épées, lances) céderont la place aux outils de production agricole (socs de charrue, faucilles).
- Toute cette marche, tout ce rassemblement s’effectuera dans la lumière et la joie du Seigneur.
Saint Paul, dans la seconde lecture, lui, écrit à des chrétiens qui ont cru que le salut est déjà arrivé pour eux. Ils ont confessé Jésus comme le Messie, mort et ressuscité, et en un sens tout a été accompli avec la Croix et la Résurrection. Mais le Christ est remonté au Ciel, avec la promesse d’une seconde venue dans la Gloire pour le jugement définitif, dans les derniers temps. Saint Paul semble penser que ces derniers temps sont imminents. L’aurore va bientôt se lever : le jour est tout proche et le moment est venu de sortir de son sommeil. C’est une invitation à vivre le présent comme une urgence pour se convertir et se débarrasser de toute conduite mauvaise. Appel positif à revêtir les sentiments du Christ, à vivre dans l’amour, dans la lumière et la vérité. L’avenir du chrétien éclaire et donne tout son sens à l’action du présent et à l’espérance qui la porte.
L’Evangile enfin, est en consonance avec les deux premiers textes ; c’est Jésus lui-même qui parle à ses disciples de sa venue. A trois reprises, en quelques lignes, il mentionne la figure du Fils de l’Homme et de son Avènement, imprévisible, à l’heure où les gens ne se doutent de rien.
Ce Fils de l’homme fait référence au livre du prophète Daniel, qui annonçait la venue, dans les nuées du Ciel d’un personnage mystérieux, à qui sera confié la Souveraineté, la Gloire et la Royauté, et cela pour toujours. Ce personnage mystérieux dans le récit de Daniel a un double aspect : individuel et en cela il s’apparente à un ange ou à un être divin, mais aussi collectif, en tant que représentant « le peuple des Saints du Très-Haut », à qui sera confié la Royauté éternelle. Cette venue du Fils de l’Homme rejoint alors la vision du prophète Isaïe de la 1ère lecture, avec le rassemblement final à Jérusalem.
Mais si Jésus annonce à ses disciples cette venue du Fils de l’Homme, ce n’est pas pour leur faire peur ou pour la présenter comme une catastrophe. C’est pour les inviter à la vigilance, et à la confiance dans une attitude d’attente sereine. « Tenez donc vous prêts : ne craignez pas, mais examinez-vous pour le bon discernement de votre quotidien. Alors quand il surviendra, vous ne serez pas surpris ».
Que retenir alors, frères et sœurs de ces 3 textes comme leçon d’espérance ? Nos existences sont tissées d’ombre et de lumière. Elles sont tantôt tirées vers le passé, tantôt apeurées par l’avenir, souvent encombrées dans le présent. Le temps de l’Avent est le temps où Dieu vient nous rejoindre pour l’annonce d’une Bonne Nouvelle, aujourd’hui.
Laissons-nous porter pour conclure par les mots du poète jésuite Didier Rimaud, dans cette belle hymne que nous chantons à l’office :
« Dieu est à l’œuvre en cet âge
Ces temps sont les derniers…
Ne doutons pas du Jour qui Vient
La nuit touche à sa fin
Et l’éclat du Seigneur remplira l’Univers
Mieux que l’eau ne couvre les mers.
Quelle est la tâche des hommes
Que Dieu vient rassembler ?
Que peut-on faire pour hâter
Ce jour tant espéré ?
Pour que ce jour ne nous perde,
Ce jour comme un voleur,
Ne dormons pas aux ténèbres
Veillons dans le Seigneur !
Dieu est Amour pour son peuple
Il aime pardonner
Il veut sa liberté
Déchirons notre cœur, revenons au Seigneur
Car Il est le Dieu qui revient. »
(2007-12-02)