Homélies
Liste des Homélies
C 2004 Pâques Jour 1°Dimanche 11 avril 2004
Dimanche de la Résurrection
Lectures : Ac 10, 34a, 37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20, 1-9
Homélie de Frère Matthieu
Aujourd’hui, c’est Pâques
la Pâques chrétienne, la nouvelle Alliance que Jésus notre sauveur a scellé dans le sang de sa Croix et dans la gloire de sa Résurrection.
Ce matin, pour entrer plus avant dans ce Mystère, reprenons simplement les mots essentiels de notre foi, deux mots-clefs :
Pâques / Alliance.
Pâques, un mot qui signifie passage, passage de Jésus de la mort à la vie, et pour nous, par notre baptême, un passage aussi de la mort à la vie avec le Christ ; notre mort, nos morts, reprises, assimilées dans la mort de Jésus, le Christ. Sa vie transmise pour que nous soyons désormais vivants de sa vie.
Mais comment faire pour que cela ne soit pas seulement des mots ? une réalité, un mystère qui change nos vies d’hommes et de femmes aujourd’hui ?
Reprenons les images de la Bible que nous lisions cette nuit, au livre de l’Exode.
Le peuple, les hommes et les femmes d’Israël ont quitté le pays de servitude ; ils y ont connu l’esclavage qui, au fil des années est devenu terrible, invivable ; ils étaient affrontés à leur mort, puisque leurs enfants n’avaient même plus le droit de vivre… tués dès leur naissance par les soldats de Pharaon.
Ils ont quitté ce pays, mais les voilà aujourd’hui, face à la mer infranchissable et poursuivis par Pharaon et toute son armée. Cette fois, ils sont voués à une mort certaine et ils ne savent plus que crier, vers Moïse et vers Dieu.
Et ces hommes, ces femmes d’Israël, c’est nous, sans le Christ…
En avons-nous seulement encore conscience ?
Pris dans la servitude du péché, confrontés à nos blessures, à nos impasses, à nos échecs, aux persécutions, à nos morts…
Saurons-nous regarder nos vies, notre monde pour ce qu’il est, faire face à notre condition humaine ?…
Souvent nous n’osons pas… et nous avons raison de fuir ce constat désespérant…
MAIS, ce matin, comme les hommes et les femmes d’Israël, nous avons une lumière fulgurante pour oser regarder notre monde, notre vie, tels qu’ils sont : ces blessures, ces impasses, ces violences, ces morts, nous pouvons les regarder dans la lumière d’une espérance, dans la lumière du Christ ressuscité !
Moïse lève son bâton sur la mer,
Jésus lève l’étendard de la Croix sur notre monde, sur nos vies
et un passage impossible est ouvert sous nos yeux et devient un chemin possible pour nous, notre chemin. Un seuil est franchi, le Christ Jésus est descendu aux enfers, au plus profond des eaux de la mort, au plus creux de nos malheurs de notre péché, de notre mort, et il a brisé les portes de la mort, Christ est victorieux de Satan, l’antique Adversaire de Dieu et de l’humanité ; il a ouvert un passage, il a franchi le seuil, il a dégagé le chemin.
C’est Pâques pour nous, pour tous les hommes : le passage est ouvert sans retour !
Et Jésus, le Christ est désormais avec nous sur le chemin :
Dieu avec nous et nous avec lui : c’est l’Alliance, l’alliance renouvelée et définitivement accomplie.
Ici encore les texte de la Bible peuvent nous aider à comprendre.
Dieu avec nous, on peut le penser comme le guerrier puissant, plus fort que nos ennemis et qui sort à la tête de nos armées… mais tous les jours ne sont pas des jours de victoire !
Dieu avec nous, il faut le retrouver au jour du malheur, au jour de l’exil ; il a quitté le Temple et Jérusalem pour rejoindre son peuple, pour nous rejoindre, aux bords des fleuves du malheur et de la désespérance.
Dieu avec nous, Dieu qui devient l’un de nous et pendant trente ans disparaît dans notre humanité, dans notre vie d’homme faite de joies et de peines…
Dieu avec nous, compagnons de nos routes, les bons et les mauvais jours,
Dieu toujours avec nous dans le concret de nos existences quotidiennes ;
Dieu caché, Dieu présent, Dieu qui nous porte et toujours nous ramène sur le chemin.
L’Alliance :
Dieu, Jésus avec nous, ressuscité et qui nous fait, jour après jour, passer, passer vers la vie, vers Dieu son Père.
Saurons-nous le croire ?
C’est Pâques aujourd’hui : Dieu est avec nous ; il est passé, il nous fait passer de la mort à la vie, il nous accompagne sur nos routes vers la vie,
Osons le croire !
Amen.
Frère Matthieu Collin
Année C - Carême 4° dimanche - 22 mars 1998
Jos 5 9-12; 2 Co 5 17-21; Lc 15 1-3, 11-32
Homélie du F.Servan
« Un Père avait 2 fils »
« C'est la plus belle des paraboles!
« Elle est belle dans Luc. Elle est belle partout.
« Elle n'est que dans Luc. Elle est partout.
« Elle est belle sur la terre et dans le ciel.
« Elle est belle partout. " Ch. Péguy, bien sûr
Frères et sœurs, même si cette parabole (la plus longue des paraboles) s'est bien un peu usée et comme patinée d'avoir été tant et tant louée et commentée durant près de deux mille ans de christianisme (et de nos jours, s'y essaient même les lectures pointues dérivées de la psychanalyse) et puis illustrée par tant de peintres (Rembrandt bien sûr), elle garde pourtant une beauté comme printanière, véritable évangile dans les évangiles, appelant à la fête, d'ailleurs plus encore quand on la revit au secret du cœur et du lieu de la réconciliation - qui sera davantage fréquenté aux temps de la Pâque qui approche - que lorsqu'on en parle devant un micro !
Elle est le trésor et le bien commun de tout chrétien, qu'il soit d'Avallon ou de la Pierre qui Vire, de Roumanie ou du Nigéria (visité en ce dimanche par le Pape).
Elle est belle partout, pas seulement dans les églises : on la retrouve aux coins des rues, dans les familles, même sur les écrans de cinéma ... par exemple dans ce bon film anglais
« Secrets et mensonges » que les frères ont pu visionner récemment !
Elle n'a pas sa place seulement à la messe du Dimanche; mais elle est bien en prise avec notre humanité de tous les jours de la semaine. Par exemple, elle dit bien, à travers le détail des mots. Ce cher MOI qui est MIEN avec son désir, sa faim, ses manques, ses désordres, ses jalousies, avec les biens terrestres susceptibles de prolonger et rassasier ce MOI !
« Donne-MOI la part d'héritage qui ME revient » dit l'un; et l'autre fils joue sur le même registre - sur le mode coincé et frustré, il est vrai – « Jamais tu ne M'as donné un chevreau pour festoyer avec MES amis ». Pour chacun, deux fois le pronom possessif!
Pour l'un et l'autre, il faudra la révélation du " Père Prodigue " qui à chaque fois sort de la maison, à leur devant, fait le premier pas, pour les faire passer à la JOIE IMPRENABLE (titre d'une belle étude de Lytta Basset) du repas partagé. C'est l’itinéraire de toutes nos vies chrétiennes et humaines : entrer peu à peu dans ce « SE REJOUIR » mentionné juste à la fin de l'histoire et « cette Joie, nul ne pourra vous la ravir ».
On a souvent fait remarquer que cette histoire restait inachevée, en suspens. Ainsi, on ne sait pas quel sera la réaction finale du Fils aîné? Va-t-il se laisser toucher et entrer prendre sa place à la table de fête - comme cela est généreusement représenté sur la fresque qui orne le grand couloir de notre Maison d'accueil ! C'est un point de vue ! Mais inachevé, la Parabole de ce fait nous questionne et nous invite à la continuer nous-mêmes, comme dans un jeu de rôles !
Ainsi, parfois je joue au fils perdu (peut-être pas « perdu-perdu » entouré par sept cochons - chiffre parfait - comme c'est représenté sur la Croix derrière moi - mais quand même par un ou deux en désordre.
Parfois, je me surprends à jouer au fils aîné, à la religion étroite, fidèle mais triste, sans saveur, sans la joie de respirer dans l'amour du Père et plus ou moins fort, jugeant les autres.
Parfois enfin je me retrouve dans le rôle du Père, puisqu' il est écrit : « Soyez miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux » !
Dans ce jeu de rôles, il y a un bon Entraîneur, Celui dont nous allons bientôt célébrer la Croix et la Résurrection!
Pour ma part, j'aime bien prier la Croix qui est juste derrière moi et qui illustre notre Parabole: si vous avez de bons yeux, pour vous en haut à gauche, vous voyez assez bien le Père qui voit de loin, bondit et ouvre large ses bras - (comme un Père mais aussi comme une Mère aux entrailles de pitié (Rahamin ... en hébreu -)-
Or, juste à côté, vous voyez les bras du Christ sur la Croix, non pas douloureusement suspendus mais larges, ouverts, à l'horizontale, en accueil et bénédiction. L'artiste ici rejoint le regard de l'Eglise sur la Croix: « Dieu au-delà de tout créé ! Toi que nul homme n'a pu voir ! Béni sois-tu d'avoir remis entre les mains des plus petits ! Ce Corps où rien ne peut cacher ton cœur de Père !
La Croix du Christ, ce sont les bras du Père prodigue à jamais ouverts pour nous accueillir.
Pour belle que soit l'image, on peut encore l'enrichir! Non seulement le Christ faisait bon accueil aux pécheurs, mais il mangeait avec eux comme se faisant l'un d'eux. Fils perdu parmi les fils perdus - (« celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché" 2e lect.). Et c'est à Lui, le premier, à l'heure de sa résurrection que le Père dira : « Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé » !
Et désormais, à travers le Christ, ces paroles sont aussi pour nous et pour qui veut les entendre! (1998-03-22)
Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2004
Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
2004
Frères et soeurs,
Une étoile était apparue, puis elle avait comme disparu, ce qui avait obligé les mages à se renseigner à Jérusalem, puis de nouveau elle précède ces hommes d’Orient pour se fixer au-dessus de la maison de l’enfant...pour la plus grande joie de ceux qui se sont mis en route depuis longtemps...
Ainsi l’évangéliste Matthieu se plaît-il à nous entraîner à Bethléem pour y découvrir l’enfant Jésus et pour nous le présenter : voici le Roi des Juifs. Si Luc dans son évangile, nous invite à reconnaître le Sauveur, le Messie avec le regard très simple et joyeux des bergers, Matthieu nous propose d’emboîter le pas des mages, de ces hommes au savoir plus ou moins occulte. Pour les bergers, le signe est celui d’un enfant dans une crèche, et pour les mages, le signe est celui d’une étoile... D’un côté la simplicité et la pauvreté déconcertante d’une naissance d’un petit de gens de passage dans une étable, de l’autre la naissance banale incognito, pourrait-on dire, d’un enfant juif dans la ville de David, à Bethléem... Dans les deux cas, il y a une grande disproportion entre les faits eux-mêmes et ce qu’on en dit, entre l’apparente simplicité de cet enfant et son identité qui se révèle peu à peu...C’est la manière semble-il avec laquelle Dieu se plaît à se manifester...Epiphanie du Seigneur , manifestation de sa gloire dans les signes humains très quotidiens...C’est Noël qui ne fait que se prolonger et c’est le même mystère que nous sommes invités à méditer...Le mystère d’une Lumière qui se lève dans la nuit, une Lumière qui n’éblouit pas.
Aujourd’hui ce sont donc les mages qu’il nous faut suivre. Allons à Bethléem...
Ces hommes se sont mis en marche guidés par une étoile... Pour ces hommes qui scrutent les astres, une étoile qui se lève est toujours un événement. Et cet événement est interprété comme le signe de la naissance d’un roi...Sont-ils de la même trempe que le prophète Balaam qui déjà dans l’histoire du peuple d’Israël prédisait “qu’un astre issu de Jacob deviendrait chef, qu’un sceptre se lèverait issu d’Israël” (Nb 24,17) ? De part et d’autre, ce sont des hommes étrangers au peuple qui interprètent ou entrevoient des signes relatifs au peuple Juif et à son chef... Ce sont des chercheurs de vérité et de sens qui percent le mystère... Les mages se mettent en route sans savoir où ils vont. Ils savent et ils ne savent pas, aussi ils avancent... Ils cherchent...
Ils arrivent à Jérusalem, la ville des Juifs... la capitale autrefois puissante, aujourd’hui très modeste, occupée...Le signe a disparu, mais peu importe, ici il y a des gens qui sont versés dans les sciences de ce peuple. Ils doivent donc savoir... “Où est le roi des juifs qui vient de naître”...Mais rien ne bouge, rien de nouveau ici... Si on consulte les Ecritures, le lieu d’une naissance d’un roi, pourrait être Bethléem...Mais à Jérusalem, seules les Ecritures parlent vraiment, et les mages ne trouvent pas là des chercheurs qui les auraient gardées bien vivantes, comme un foyer endormi prêt à s’embraser. Non, cette nouvelle de la naissance d’un roi dérange plutôt les façons de voir, les organisations... Un roi, mais il y en a déjà un...L’étoile avait disparu au dessus de Jérusalem...pour laisser la Parole aux Ecritures, et les Ecritures ont parlé à travers ceux qui en avaient la garde...Les mages les ont entendues mais ceux qui en avaient la garde qu’ont-ils compris de ce qu’ils ont transmis ? Ont-ils vraiment écouté les Ecritures qui parlaient à travers eux ? Mystère de nos paroles humaines qui passent par nos lèvres, sans parfois ne rien dire à notre propre coeur... Mais Dieu se sert aussi de ces paroles-là pour parler à ceux qui cherchent vraiment, qui ont le coeur pur et qui ne désirent qu’une chose avancer...chercher...en se laissant guider...en acceptant de ne pas savoir...
De Bethléem à Jérusalem, la route n’est pas longue... Et voici que l’étoile reparait au dessus d’une maison. L’enfant est là, ces hommes venus d’Orient lui rendent hommage comme on doit le faire pour un roi....Avec dignité et honneur, ils offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe...Avec humilité, ils se retirent sans s’attarder pour regagner leur pays... discrètement et sans s’arrêter en chemin...
Comme les bergers, les mages ont accepté de se laisser enseigner et conduire par des signes voilés...pour chercher la Vérité, une Vérité en forme d’étoile dans la nuit...Lumière discrète dans la nuit suffisante pour la marche. Et ils ont découvert Celui qui vient éclairer les nations et qui ne se présente pas dans l’éclat d’une lumière fracassante...mais plutôt comme une étoile dans la nuit...Une étoile qui éveille le désir, qui met en joie pour chercher... “Jésus, le rejeton de la race de David, l’étoile radieuse du matin” comme le dira l’Apocalypse (22,16)...Jésus est venue comme une étoile du matin, une étoile qui fait signe que la nuit touche à sa fin, que le Jour est proche...
Aujourd’hui encore, Jésus, l’Etoile du matin espère chercheur... (2004-01-04)
C 2003 – Avent 2°Dimanche 7 décembre 2003
2e Dimanche de l’Avent
Lectures : Ba 5, 1-9 / Ps 125 / Ph 1, 4-6.8-11 / Lc 3, 1-6
Homélie de frère Matthieu
En ce deuxième Dimanche de l’Avent, ce sont les figures prophétiques qui sont mises en avant dans les textes que la liturgie nous propose.
Jean le Baptiste dans l’Evangile que nous venons d’entendre, associé à la figure d’Isaïe, ou plutôt d’un des ses disciples, qui, au cœur de l’exil du peuple à Babylone, annonce un retour merveilleux vers la terre promise.
Baruch, ce disciple de Jérémie, dans la première lecture qui, lui aussi, annonce des temps nouveaux à Jérusalem, la cité sainte, temps de joie et de reconstruction dont Dieu prend toute la charge.
Paul enfin qui, en bon prophète du Christ, se tourne vers ce Jour où viendra le Seigneur Jésus, jour d’accomplissement où chaque chrétien parviendra à la plénitude de la justice et de l’amour dans le Royaume de Dieu.
Paroles prophétiques qui retentissent aujourd’hui pour nous, en ce temps de l’Avent, attente de la venue du Christ Jésus que nous devons préparer toujurs à nouveau dans notre vie, en marchant vers son Jour.
Et que nous disent-ils ces prophètes ?
D’abord qu’il faut ouvrir les yeux sur le temps où nous sommes pour y discerner ce qui est le plus important, aujourd’hui comme hier : Dieu à l’œuvre en nos vies d’hommes, au delà des apparences superficielles, Dieu qui veut faire de nous des pèlerins, des marcheurs à la suite du Christ, le vrai chemin.
Saurons-nous enfin reconnaître ce temps favorable où nous sommes visités par Dieu qui nous offre à chacun sa force et son salut ?
Ils nous disent encore, ces prophètes, qu’il nous faut reconnaître le chaos où nous vivons : notre péché qui brouille les pistes et obscurcit le chemin vers Dieu ; qu’il nous faut aujourd’hui nous convertir, faire retour vers le Dieu qui veut nous sauver.
Oui, aujourd’hui, il nous faut prendre conscience à nouveau que Dieu nous appelle à nous retourner vers le seul but digne de notre vie : le Christ Jésus. Dieu nous appelle à renoncer à tout ce qui entrave notre marche, amour de l’argent, du pouvoir, toute forme d’égoïsmes…
Ces prophètes nous font entendre enfin la Bonne Nouvelle de la part de Dieu. Car si nous devons « préparer le chemin du Seigneur, aplanir sa route », c’est le Seigneur lui-même qui vient au devant de nous ; comme le dit le livre de Baruch, « Dieu a décidé que les vallées seraient comblées, la terre aplanie afin que nous puissions cheminer en sécurité sous le regard de Dieu ».
Oui, c’est d’abord Dieu qui veut que tout homme voit son salut et Il nous en a donné et nous en donne aujourd’hui comme hier tous les moyens.
Saurons-nous aujourd’hui écouter enfin la parole des prophètes qui nous parlent de la part de Dieu ?
Le temps est favorable, Dieu nous appelle à « quitter notre robe de tristesse, à revêtir la parure de la gloire de Dieu pour toujours ». Dieu nous appelle. Quelque soit notre détresse, osons nous remettre debout ; tournons notre visage d’homme pêcheur, défiguré, brisé, vers le visage de notre Dieu, car il est miséricordieux. « Il a si bien commencé son travail en nous qu’il veut le conduire à son achèvement au Jour du Christ » nous dit l’apôtre Paul.
Laissons-nous réconcilier par Dieu.
Osons tendre la main pour saisir la main que Dieu nous tend pour nous entraîner à sa suite sur la route qu’Il aplanit pour nous.
Ecoutons la Parole de Dieu : aujourd’hui, Il veut nous sauver.
Croyons que , pour nous, aujourd’hui, Il met en œuvre la puissance de son amour.
Aujourd’hui, si nous écoutons, si nous prenons le chemin ouvert, si nous croyons…
Alors on dira : « Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous sommes en grande fête ! »
Car nous serons sauvés !
Amen.
Frère Matthieu Collin
Année ABC - Messe de la Toussaint - 1 Novembre 2003
Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
b]2003
Frères et soeurs,
La Toussaint : la fête des amis de Dieu !!!
En ce jour, frères et soeurs, nous réjouissons de ce que Dieu a fait en tant d’hommes et de femmes qui nous ont précédés, de ce qu’il en a fait ses amis...Il y a les amis très connus, et l’on pense immédiatement à la dernière en date que l’Eglise a voulue honorer, Mère Teresa, et il y a les amis moins connus ou inconnus aux yeux des hommes, mais connus de manière sûre par Dieu, reconnu par lui. Et c’est peut-être à eux d’abord que cette fête est dédiée, à cette foule innombrable des amis de Dieu, anonymes, oubliés des hommes et pourtant uniques aux yeux de Dieu...
Car cette fête nous redit avec force que Dieu seul, finalement, connaît tous ses amis, lui seul reconnaît les siens. Nous les hommes, et c’est ce que fait l’Eglise, nous reconnaissons ceux dont la sainteté brille de manière plus éclatante. L’Eglise les propose alors comme des témoins sûrs de la foi et de la charité vécue dans l’Esprit-Saint. Mais il y a tous ceux qui, de manière plus ou moins obscure, ont cheminé avec fidélité à la suite du Christ, marchant humblement avec leur Dieu au service de leur frères. C’est heureux qu’il en soit ainsi, que le nombre des saints déborde largement les listes que nous pouvons dresser... “144 000" nous dit l’Apocalypse pour exprimer l’immensité incalculable des élus.
Ainsi il y a la sainteté qui brille aux yeux de tous, et il y a la sainteté cachée... Il y a les amitiés franchement déclarées, et les amitiés plus discrètes, celles qui ne regardent que les deux amis.
Dieu, notre Père se plaît à vivre avec nous, les humains selon ces deux registres. Il se plaît parfois à manifester très largement la richesse de ses dons en certaines personnes, de telle sorte qu’il n’est pas possible qu’elles les cachent... Ce sont les géants de la foi et de la charité...Mère Teresa, Vincent de Paul, François d’Assise, Martin, Antoine, Paul.
Pour d’autres personnes au contraire, ses dons demeurent cachés durant tout le temps de leur vie, et parfois leur sainteté n’éclatera qu’après leur mort.
Je pense ici à la sainteté de Thérèse de Lisieux ou à celle de Catherine Labouré dont les soeurs, les plus proches, furent parfois les premières surprises...Et puis il y a ceux, tous ceux dont l’amitié avec Dieu ne sera révélé que dans la joie du Ciel quand les uns et les autres seront unis au choeur des anges et tous les bienheureux...
On le voit, la sainteté, l’amitié avec Dieu ne se mesure pas à l’éclat de ce que nos yeux humains pourraient repérer ou approcher. Elle est cette relation unique que Dieu veut nouer avec tous les hommes pour leur révéler Son visage de Père, et aussi pour manifester peu à peu à chacun son visage de fils dans le Christ Jésus.
L’amitié avec Dieu est d’abord comme un secret entre Dieu et chacun de ses amis, entre Dieu et chacun de nous. Un secret que l’on reçoit comme un cadeau à découvrir, à explorer et à faire grandir.
Comme tout cadeau reçu, cette relation avec Dieu peut nous surprendre nous-même, et parfois nous trouver maladroit dans notre réponse... Il faut du temps pour que la présence de Dieu que l’on a entrevu un jour, comme la présence d’un père, ou ami très proche et très sûr, prenne peu à peu plus de consistance dans nos vies...Il faut du temps pour prendre au sérieux notre relation avec Dieu que l’on ne voit pas. Il est ce Père ou cet ami déroutant dont le visage, révélé en Jésus, reste encore voilé à nos yeux de chair. Il est cet ami sur lequel nous pouvons compter, sans jamais pouvoir le saisir ou le retenir...Il nous parle à travers les Ecritures ou à travers nos frères, ou encore dans un murmure au fond du coeur.
C’est le chemin de la foi de nous apprendre à écouter la Parole de notre Dieu, qui nous dit “Tu”, “Tu es mon enfant”. Et en retour, nous osons dire “Tu” à Dieu, “Tu es mon Dieu, tu es mon Père”, celui sur lequel je sais pouvoir m’appuyer.
Ainsi se noue, dans le coeur de chacun, cette relation qui trouvera autant de mots pour se dire qu’il y a d’êtres humains. Relation qui ira s’approfondissant, pour nous donner d’oser croire toujours plus en l’Amour de notre Dieu, du Christ notre Seigneur, et de mieux le connaître. Car notre coeur humain recèle bien des possibilités de relation et d’ouverture à Dieu, à son mystère d’Amour que nous n’avons pas finies de découvrir.
Mais peut-être me direz-vous, comment être sûr qu’on n’est pas dans l’illusion, que l’on ne s’entretient pas dans le rêve ?
Si notre relation est unique, comme une amitié intime à accueillir et laisser vivre, nous ne sommes pas les seuls amis de Dieu.
Nous avons besoin de l’aide des autres amis de Dieu, pour avancer. Ce sera le bien précieux de nos assemblées eucharistiques et de nos offices qui, célébrés en Eglise, nous offre le secours de la Parole entendue, la force du Pain de Vie, et le témoignage de foi des frères et soeurs qui sont là. A nos côtés, les autres amis de Dieu nous font pressentir combien est grand le mystère de notre Dieu, et combien nous n’aurons pas jamais de découvrir son visage, s’il est vrai qu’Il désire se faire proche de chacun de nous si différents.
Unique aux yeux de Dieu, et unique dans notre manière de nous engager à sa rencontre, nous ne sommes pas seuls. Nous nous aidons les uns les autres, par notre recherche mutuelle, par le partage de la foi, par notre engagement au service les uns des autres, par notre fidélité- nous rendons grâce aujourd’hui pour les 60 ans de profession monastique de notre f.Rouin-.
En ce jour, nous recevons de plus l’assurance du témoignage de tous ces amis de Dieu qui ont fondé toute leur vie sur cette relation de vie et qui ont trouvé dès ici bas leur joie et leur bonheur à se donner à Dieu.
Que notre célébration de ce matin nous redonne confiance sur notre chemin de foi, Dieu est fidèle à l’égard de tous ses amis, à l’égard de nous tous.....
Année B - 30° Dimanche du temps ordinaire - 26 octobre 2003
Jér 31 7-9; Heb 5 1-6; Mc 10 46-52
Homélie du F.Guillaume
Ce récit de la guérison de l’aveugle-mendiant, Bartimée, aux portes de Jéricho, que nous venons d’entendre dans l’Evangile selon St Marc est intéressant à bien des titres.
Le double cri de ce pauvre infirme : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi », combinée avec la supplication du publicain de la parabole de St Luc est à l’origine de la prière du cœur, (ou prière de Jésus), inlassablement murmurée depuis des siècles par nos frères d’Orient, « Seigneur Jésus, Fils de David, aie pitié de moi, pécheur ! »
En outre, dans l’ensemble de l’évangile de Marc, ce texte occupe une place que certains exégètes qualifient de « plaque tournante ». Il conclue en effet toute une marche de Jésus avec ses disciples, depuis la Galilée, et il précède l’épisode de l’entrée triomphale à Jérusalem, où nous voyons les foules acclamer Jésus en étendant des vêtements et des feuillages sur la route, à son passage, tout en criant, comme Bartimée : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, le règne de David, notre père ! Hosanna au plus haut des cieux ! »
Le thème du chemin, de la route, est très présent chez Saint Marc. Il est mentionné au début et à la fin de notre passage ; au début, où il nous est dit que Bartimée se tenait assis en bordure de ce chemin, en train de mendier. Plus explicitement, cela signifie qu’il est fixé, là, en dehors, exclu de ce chemin sur lequel circule Jésus, ses disciples et la foule dans une certaine agitation. Cette exclusion est renforcée par l’attitude que beaucoup de gens lui manifestent, alors qu’il crie : on cherche à le rabrouer, à le faire taire. C’est un gêneur, un marginal, comme l’on dit aujourd’hui à propos de ceux qui font la manche dans les couloirs ou les rames du métro, ou sur les marches de sortie des églises de nos grandes villes.
Mais l’aveugle-mendiant n’a que faire de la foule qui le rejette. Ce qu’il veut, ce qui l’intéresse, c’est d’entrer en relation avec Jésus, et pour cela, il redouble ses cris pour attirer son attention, à lui. Ce en quoi il va réussir. Il réussit si bien que cette foule dans un premier temps si hostile et si méprisante à son égard, va se retourner en sa faveur : telle une opinion publique versatile et malléable, qui, à l’appel d’un mot d’ordre d’un leader, obéit sans réfléchir). « On » s’intéresse alors à lui, « on » l’appelle, « on » lui parle : « Confiance ! Lève-toi ! Jésus t’appelle ! »
Jésus s’est arrêté. Et c’est alors qu’a lieu le dialogue si beau, si personnel entre Jésus, le Maître, et le futur disciple, entre la miséricorde et la misère (comme le disait Saint Augustin à propos de la rencontre de Jésus et de la femme adultère). Bartimée a la simplicité et la confiance d’appeler Jésus : « Rabbouni ! » , un terme familier que l’on ne retrouve qu’une seule fois dans les évangiles, prononcé par Marie-Madeleine, une autre exclue de la société d’alors, au matin de la Résurrection, dans le jardin, à l’appel de son nom.
Jésus interroge Bartimée sur son désir : « que veux-tu exactement que je fasse pour toi ? ». Tout comme il interroge Marie-Madeleine : « qui cherches-tu ? » ou la samaritaine « quelle est ta soif ? ». Et Bartimée de répondre tout simplement et en vérité : « donne-moi la capacité de voir, de te voir, toi, en particulier et en premier ! ».
Jésus reconnaît la foi de cet homme : il le guérit.
D’éloigné qu’il était, au bord du chemin, exclu, Bartimée devient par cet échange, un proche, un intime de Jésus. Jésus reconnaît sa foi : il le guérit. Désormais, Bartimée est capable de voir, mais la guérison physique de sa cécité occupe peu de place dans le récit, ici, à la différence d’une autre guérison d’aveugle, rapportée par Saint Marc, à Bethsaïde. Ce qui importe, c’est la conversion du regard, qui accompagne le miracle, et avec la vue retrouvée, le changement de vie de cet homme. D’exclu du chemin, pauvre et aveugle, rejeté par tous, Bartimée devient l’exemple du disciple à part entière : «il suivait Jésus sur le chemin » (le texte grec écrit même « dans » le chemin : « ». Bartimée est riche de sa nouvelle condition, il voit clair sur l’identité de Jésus, son sauveur ; il peut marcher, le cœur et le corps libérés.
Bien sûr, ce texte d’évangile est un modèle de catéchèse. Certains ont pu y déceler le schéma de toute vocation, notamment à la vie religieuse : une supplication, un appel, une conversion (accompagnant ou non une guérison), un envoi en mission : Va ! et une mise en route, à la suite du Christ. D’autres contestent cette séquence pour la vocation à la vie religieuse, mais peu importe. L’essentiel est de se reconnaître chacun dans l’attitude profonde de ce Bartimée ; fils de Dieu, ayant la crainte de Dieu (Bar – ). Une attitude qui contraste si fortement avec celle de la foule impersonnelle et versatile, qui n’a pas encore accès à la foi et qui n’est pas entrée dans une relation d’intimité et de confiance avec Jésus, Sauveur.
Nous sommes tous plus ou moins en bordure de ce chemin où marche Jésus. Tous plus ou moins éloignés, plus ou moins aveugles et mendiants, assis et fixés dans nos acquis, nos certitudes, emmitouflés dans nos manteaux ou dans nos coules. Au passage de Jésus dans notre vie, et à son appel, nous avons à nous lever, nous aussi, à lâcher notre manteau (et peut-être davantage) et à nous jeter avec confiance dans le dialogue avec Jésus qui guérit nos blessures et nous rend à la vraie vue, qui est à la fois vie en vérité, parole et mouvement en vérité.
Sur le chemin, « dans le chemin », car Il est lui-même : « le Chemin, la Vérité, et la Vie ».
AMEN (2003-10-26)
B – 19° dim du TO -13 août 2000
1 R 19, 4-8 ; Ep 4,30 – 5,2 ; Jn 6, 41-51
Homélie de Frère Matthieu
A quatre reprise dans ce passage de l’évangile de Jean que nous venons d’entendre, Jésus nous parle de la vie : de la « vie éternelle », du « pain de vie », du « pain vivant » et enfin de cette « vie » que lui, Jésus, donne au monde en donnant sa propre vie.
Qu’est-ce donc que cette « vie » dont nous parle Jésus ; qu’a-t-elle à voir avec notre propre vie quotidienne, et comment y accéder aujourd’hui ?
Dans ce passage, cette vie, Jean nous la présente en référence à deux grands événements racontés dans la Bible :
le premier, le plus explicite, est celui de la Manne, ce pain que Dieu a donné au peuple d’Israël dans le désert de son Exode vers la Terre promise – c’est à cette épisode que fait référence aussi l’histoire d’Elie que nous avons écouté dans la première lecture – : durant quarante ans, nos Pères ont mangé la manne ; ils en recueillaient chaque jour, juste ce qu’il en fallait pour ce jour-là et toute provision pour le lendemain devenait pourriture… et quand les Hébreux entrèrent en Terre promise, la manne cessa car la Terre pouvait désormais leur donner son fruit et sa vie. Et ceci était écrit pour nous servir d’exemple.
Le second épisode, qui sert de référence à l’évangéliste, moins apparent, mais tout aussi présent, est celui de la création et du Péché dans ce Jardin, au milieu duquel se trouvaient deux arbres, celui de la Connaissance et celui de la vie. Le récit de la création nous redit comment l’homme et la femme reçurent la vie de Dieu, « à son image et à sa ressemblance », et comment ils reçurent tout l’univers créé, pour le faire fructifier et y trouver leur vie ; le récit du Jardin, raconte comment, l’homme et sa femme ont perdu le chemin de l’Arbre de vie en écoutant la voie du Satan, de l’Adversaire, qui leur présenta une vie « comme des dieux » – et n’était pas la « vraie vie » car elle les conduisit à la mort certaine. Et ceci aussi était écrit pour notre instruction.
Il faudrait reprendre ces textes tout au long et en faire notre méditation… pourquoi ne serait-ce pas, pour vous, d’utiles « devoirs de vacances » durant cette semaine ?
Pour l’instant, je me contenterai de relever deux éléments, qui me paraissent la réponse essentielle à notre question : « quelle est donc cette vie que Jésus nous offre, en offrant sa vie ? »
La « vraie vie », celle que Dieu veut pour nous, c’est la vie qu’Il nous donne.
C’est la vie qu’il crée pour l’homme et la femme et qu’il leur donne : elle est une vie à l’image et à la ressemblance de la vie de Dieu qui n’est que don.
… / …
C’est aussi la manne, nourriture de vie qui descend du Ciel, c’est à dire qui vient de Dieu lui-même, et qui n’est une vraie nourriture que si elle est reçue jour après jour, comme un don gratuit.
La « vraie vie », c’est une vie toujours et à chaque instant reçue.
Cela peut paraître évident… et pourtant si vous vous arrêtez un instant, vous réaliserez sans doute que c’est une évidence bien difficile et que nous mettons bien peu en pratique, nous tous, pour préférer le plus souvent une vie qui soit « nôtre », que nous créons nous-mêmes, que nous voulons maîtriser… Que de soucis ne nous faisons-nous pas pour l’assurer, cette vie, pour la gagner, pour l’organiser, pour la prévoir, pour la maîtriser… et dès lors cette vie nous échappe, et cette vie nous déçoit, parce qu’elle n’est pas la « vraie vie ».
La « vraie vie » c’est une vie concrètement reçue comme un don dans la reconnaissance de qui en est la Source.
Mais nous constatons, au fil de nos existences quotidiennes, qu’il est au delà de nos capacités de vivre ainsi dans la reconnaissance concrète que la vie n’est que don, à recevoir au jour le jour de la main du Créateur : et cette incapacité là, bien concrète – et pour laquelle nous trouvons toutes les bonnes raisons du monde – , la Bible l’appelle le « Péché », « cassure originelle » qui nous empêche aujourd’hui de vivre selon notre être profond, créé par Dieu…
Et voilà le deuxième élément décisif de cette « vie » que Jésus nous offre : elle est aussi une « vie pardonnée », c’est-à-dire « redonnée au delà » de la Cassure et du Péché ; et c’est ce que nous redit, aujourd’hui, saint Paul dans la seconde lecture : « Dieu vous a pardonné dans le Christ » et vous allez pouvoir désormais commencer à expérimenter qu’il est possible et surtout qu’il est heureux, de recevoir la vie plutôt que de la prendre, car Jésus est venu pour nous réapprendre le chemin de la « vraie vie », celle qui est reçue pour être redonnée.
Oui, dans le Christ, nous pouvons commencer à être une « créature nouvelle », c’est-à-dire retrouver à nouveau la ressemblance de Dieu qui est en nous : redevenir comme Dieu, redevenir capable d’aimer parce que nous savons à nouveau que nous sommes aimés, parce que la vie ne nous fera plus jamais défaut parce qu’elle vient de Celui qui la donne et la reçoit, qui la crée et la recrée.
Oui, en croyant au Christ mort et ressuscité pour nous, nous pouvons réapprendre ce qu’est la « vraie vie », réapprendre surtout à la recevoir comme un don gratuit que Dieu nous fait chaque jour.
Convertissons, et notre pensée, et notre regard, et notre cœur, osons croire enfin que nous sommes faits pour la « vraie vie », celle que Dieu nous donne sans cesse gratuitement, celle que nous pouvons transmettre à notre tour si nous réapprenons à la recevoir comme un don gratuit.
Voilà l’incroyable merveille que Dieu réalise, voilà l’incroyable Bonne Nouvelle à laquelle nous pouvons croire, à laquelle ils faut croire : la « vraie vie » est là, offerte... sachons l’accueillir aujourd’hui !
Frère Matthieu Collin
B 2003 16°Dimanche 20 juillet 2003
16e Dimanche du temps ordinaire
Homélie de frère Matthieu
Lectures : Jér 23, 1-6 / Ep 2, 13-18 / Mc 6, 30-34
Homélie de frère Matthieu
L’évangile de Dimanche dernier se terminait sur un beau résumé de l’activité missionnaire des douze : ils chassaient beaucoup de démons et guérissaient de nombreux malades…
Aujourd’hui, les apôtres reviennent et rapportent à Jésus « ce qu’ils ont fait et enseigné ». On peut sentir leur fierté devant la mission accomplie et leur émerveillement devant ce qu’il leur a été donné de faire, devant ce qu’ils ont fait. Jésus, dans l’évangile de Marc, ne semble pas partager cet enthousiasme ; il perçoit sans doute le risque de « la grosse tête », le risque de la « surchauffe », alors il se montre plein de sollicitude, il parle de repos, il faut fuir cette agitation qui envahit et empêché même de se nourrir normalement…
« Le Seigneur est mon berger,
« sur des près d’herbe fraîche, il me fait reposer,
« il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre. »
Jésus, déjà, se montre ici comme le vrai berger, celui qui sait ce dont ses brebis ont d’abord besoin : devant l’euphorie missionnaire, Jésus invite à la prise de distance, au ressourcement et c’est sur les eaux tranquilles du lac qu’ils emmènent ses disciples, seuls avec lui.
Il le sait, mais il faut que ses disciples aussi l’apprennent, le vrai pasteur, selon le cœur de Dieu, n’est pas celui qui se glorifie de sa réussite mais bien celui qui se fait le serviteur attentif des brebis du troupeau à lui confié. Jérémie nous l’a rappelé dans la 1ère lecture et c’est l’enseignement de tous les prophètes.
C’est que le chemin est long pour conduire le peuple jusqu’en terre promise, la terre du repos.
Et les foules qui se sont rassemblées avant même l’arrivée de Jésus et de ses disciples sont là pour le prouver : elles sont là « comme des brebis sans pasteur » et Jésus le voit et éprouve pour elles la pitié même de Dieu : il est ému jusqu’aux entrailles.
« Comme des brebis sans berger ».
La référence est ici au livre des Nombres et c’est Moïse, tout proche de sa mort, qui demande à Dieu, « lui qui dispose de la vie de toute créature – dit-il » de susciter un homme « qui entre et sorte à leur tête, qui les fasse sortir et entrer en bon ordre – sans agitation ni bousculade… – afin que « la communauté du Seigneur ne soit pas comme un troupeau de brebis sans pasteur » (Nb 27, 17).
Ce berger, ce sera Josué, fils de Nun, ce berger, aujourd’hui, c’est Jésus.
Jérémie, lui aussi, nous l’avons entendu, annonçait un jour où Dieu, pour rassembler les brebis dispersées, enverrait un « Germe juste, issu de David » qui lui aussi fut berger avant d’être roi d’Israël au nom de son Dieu.
Ce nouveau David, c’est aujourd’hui Jésus.
Et face à la détresse des brebis dispersées, abandonnées qui suscitent son immense amour, Jésus montre aux apôtres, aux disciples, et Il nous montre à nous aussi aujourd’hui, que l’important, l’indispensable, l’unique nécessaire, c’est l’instruction, l’enseignement de la Torah, le pain de la Parole…
Chasser les démons, guérir les malades… oui bien sûr, pais il est un remède plus nécessaire, plus radical, une lumière sur la route : le pain rompu de la Parole de Dieu.
Et aujourd’hui c’est bien à nous que cet exemple est donné, que cette parole s’adresse.
Ce dont nous avons faim – en avons-nous encore conscience ? – ce dont nous avons en tout cas besoin, c’est de l’enseignement de Jésus, et longuement, très longuement comme nous dit notre évangile.
Et où le trouverons-nous sinon dans les Ecritures illuminées, ouvertes, interprétées par la Parole de Jésus et par l’Esprit qui nous est donné.
Vous êtes en vacances, vous partez en vacances : prenez du repos, c’est ce que Dieu demande, mais un repos où ne manque pas le ressourcement véritable :
« il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre. »
Alors n’oubliez rien dans vos bagages… et surtout pas votre Bible !
Alors ne négligez rien dans votre programme de repos et surtout pas le temps de la lecture et de la méditation des Ecritures ! Et pourquoi pas le temps du partage de la Parole avec d’autres, rencontrés au hasard de vos chemins !
Alors, et alors seulement, vous aurez entendu, aujourd’hui, l’appel du Christ, votre Pasteur, au repos… et vos vacances seront alors de bonnes vacances, temps de la Vie renouvelée.
Amen.
Frère Matthieu Collin
Année ABC - Fête de st Pierre et st Paul - 29 juin 2003
Ac 12 1-11; 1 Tim 4 6-18; Mt 16 13-19
Homélie du F.Guillaume
La liturgie réunit donc en une fête solennelle les deux apôtres Pierre et Paul, colonnes de l’Eglise et figures éminentes et déterminantes dans la construction des communautés chrétiennes du 1er siècle.
L’Eglise ancienne aurait très bien pu établir une fête de tous les Apôtres, car Jacques et Jean sont aussi appelés « colonnes de l’Eglise », et on leur aurait associé André, Thomas, Philippe et tous les autres du premier collège épiscopal. Il y a quelques jours, nous recevions à l’hôtellerie, avant son ordination épiscopale pour le diocèse de Lyon, Thierry Brac de la Perrière. Il nous disait que son archevêque, Mgr Barbarin avait demandé au Pape 3 auxiliaires (il n’en a obtenu en fait que 2). Cela, dans le but de former une véritable équipe épiscopale autour de lui, et ainsi retrouver un peu de l’esprit du gouvernement de l’Eglise primitive, dans une diversité de vocations personnelles. A l’un de ces évêques, pas nécessairement toujours le même d’ailleurs, il serait demandé de rappeler l’exigence et l’urgence de la mission, à l’image de Paul, à un autre la nécessité de la prière et de la communion de l’amour fraternel, à l’écoute de Jean, à un autre le souci de respecter et de ménager les sensibilités plus traditionnelles de certains, à la suite de Jacques. A l’archevêque enfin, le rôle de Pierre pour assurer l’unité de l’Eglise locale, conforter sa foi et l’inviter avec insistance à l’écoute et à la méditation de la Parole de Dieu et à la réception des sacrements.
C’est bien cette écoute de la Parole de Dieu et la célébration de l’eucharistie que nous sommes venus accomplir ce matin, en ce dimanche d’été. Qu’allons-nous alors retenir des 3 lectures entendues, 2 d’entre elles (la 1ère et l’évangile) centrées sur la personne de Pierre, la 3ème sur celle de Paul ? On aurait aimé, en ce jour de leur fête avoir une lecture associant les 2 apôtres ensemble ; il en existe dans les Actes ou les lettres de Paul et de Pierre, mais elles font mention d’une incompréhension mutuelle entre les 2 apôtres, voire même d’un conflit ou d’une opposition suivis certes d’une réconciliation, en particulier à propos de l’admission et de l’intégration des nouveaux baptisés. La liturgie n’a pas osé le choix de ces textes, pourtant très révélateurs de la complémentarité et de la différence de tempérament des 2 apôtres.
Les 3 textes que nous avons écouté dans cette liturgie insistent chacun à leur manière et dans leur contexte sur la grâce de Dieu à l’œuvre dans l’un et l’autre disciple : grâce libératrice, grâce source d’espérance, grâce qui révèle et qui permet de confesser la foi.
La 1ère lecture nous place dans un contexte pascal. Les parallèles sont nombreux entre cette libération miraculeuse de Pierre avec les récits de la Passion et de la Résurrection de Jésus, dans les Evangiles. Pierre est persécuté et emprisonné du fait de la haine des Juifs et sous les ordres d’Hérode, Jacques vient d’être décapité, tout comme Jean-Baptiste l’avait été avant Jésus. On est dans la semaine de la Fête de Pâques. La prière de l’Eglise, devant Dieu, insistante, douloureuse évoque la prière du Christ à Gethsémani. Pierre est invité à vivre sa pâque, sa libération, sous les ordres de l’ange de Dieu qui le fait passer de la captivité à la liberté. C’est la grâce divine qui agit de bout en bout, et Pierre n’a qu’à consentir, à se laisser conduire et à faire confiance, et toute l’église avec lui.
La 2ème lecture est une confession-testament de Paul, pour la grâce de Dieu qui l’a accompagné durant toute sa vie, et en particulier dans les persécutions, lui aussi, dans les abandons et les trahisons des faux-frères. Paul pardonne à tous, à l’image de Jésus en croix, d’Etienne lapidé qu’il a jadis persécuté et qui lui a pardonné alors. C’est une confession d’espérance aussi, quand Paul pense à son avenir. Il a l’assurance d’avoir mené le bon combat et qu’il recevra la récompense promise, non pas du fait de ses œuvres et de ses mérites personnels, mais du fait de sa foi en Jésus-Christ et de l’action de l’Esprit Saint en lui. Il a conscience que ce n’est plus lui, Paul ou Saul, qui vit, mais Christ qui vit en lui, Sa vie présente dans la chair, il la vit dans la foi au Fils de Dieu qui l’a aimé et s’est livré pour lui. Ainsi, la grâce de Dieu n’a-t-elle pas été vaine en lui.
La 3ème lecture enfin, l’Evangile, nous rapporte la confession de Pierre à Césarée : un texte bien connu, s’il en est... Ne retenons là encore que la dimension de grâce ou de gratuité totale de l’expérience vécue alors par l’apôtre. Ce n’est en effet pas la chair et le sang qui font prononcer à Pierre les paroles décisives de la reconnaissance de Jésus comme Messie, Fils de Dieu. C’est une révélation gratuite du Père des Cieux. Pierre n’y est pour rien. La preuve en sera que, quelques versets plus loin, quand il laissera s’exprimer en lui la chair et le sang, il voudra éviter à Jésus d’avoir à souffrir sa Passion. Jésus le reprendra vivement et Pierre se verra traité de « suppôt de Satan », d’obstacle dangereux à écarter de la route.
Pierre et Paul sont ainsi de grands amis de Dieu, des passionnés de Jésus. Ils sont nos amis aussi. Nous nous reconnaissons en eux, si nous laissons à notre tour la grâce divine agir en nous, si nous l’accueillons généreusement et si nous la faisons grandir autour de nous. Pierre et Paul n’étaient pas des héros. La Tradition n’a pas occulté leurs faiblesses ni leurs péchés, bien au contraire. Mais ils étaient des hommes loyaux, sincères, dont le cœur brûlait d’amour pour Dieu, pour leurs frères et leurs communautés. Ils ont su accueillir la miséricorde et le pardon de ce Dieu d’Amour et de tendresse.
Pour nous, ils ne sont pas nécessairement des modèles à imiter, tout comme les autres saints dont nous faisons souvent mémoire. Si nous honorons les saints, Pierre et Paul aujourd’hui, ce n’est pas pour eux-mêmes en fait, mais pour le Christ qu’ils ont connu, aimé et servi, tout comme nous aussi, nous voulons le connaître, l’aimer et le servir.
Dimanche dernier, ç’était la Fête du Saint Sacrement, la Fête-Dieu disait-on autrefois ou celle du Corps et du Sang du Christ, et vendredi, nous avons célébré le Cœur Sacré de Jésus. Aujourd’hui, c’est la fête des amis de Dieu : fête de l’amitié fraternelle et spirituelle. Souvenons-nous des dernières paroles de Jésus échangées avec ses disciples avant sa Passion : « désormais, je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ».
C’est dans cette communion d’esprit et de cœur que nous pouvons maintenant, après avoir écouté et médité la Parole de Dieu, entrer dans la Grande Prière Eucharistique du Christ et de l’Eglise, et rendre grâce au Seigneur de tout notre cœur.
(2003-06-29)
B 2003 Pâques Dimanche 20 avril 2003
Dimanche de la Résurrection
Lectures : Ac 10, 34a, 37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20, 1-9
« Il vit et il crut. »
Voilà ce que, la plupart du temps, on retient de cet évangile et la foi du disciple bien-aimé est objet de notre admiration, donnée en exemple de ce que devrait être notre propre foi…
Mais nous voilà loin, peut-être, de la foi, bien réelle qui est la nôtre, celle de ce matin de Pâques ! Qu’en est-il en effet de notre propre foi, à chacun d’entre nous, au delà – ou en deçà – des alleluias et des professions de foi qui remplissent nos liturgies et nos célébrations…
Oui, qu’en est-il de ma foi en la résurrection du Christ ? N’est-ce pas le jour où jamais de se poser la question ?
Et l’Evangile de Jean que nous venons d’entendre, si nous le regardons de plus près, est sans doute bien fait pour nous aider dans ce questionnement personnel.
Car, il n’est pas seulement question ici de la réaction de foi du disciple bien-aimé, mais aussi de celle des deux autres acteurs que Jean met en scène : Marie de Magdala et Pierre… et il ne s’agit pas de n’importe qui… Marie Madeleine est celle qui deviendra pour toute l’Eglise, l’apôtre des Apôtres, et Pierre n’est-il pas le chef du collège apostolique, le fondement de l’Eglise ?
Que nous dit l’Evangile ?
Marie vient au tombeau de grand matin, elle voit elle aussi, mais seulement la pierre enlevée et elle s’enfuit, ou plutôt elle va trouver l’appui de deux de ses frères, les disciples de Jésus… et elle leur dit tout simplement son affolement devant ce qu’elle comprend comme la disparition du corps de Jésus, la violation de sa sépulture, le vol sans doute de son cadavre… elle est bien loin de la foi en la résurrection de son Seigneur !
Et Pierre ? Il part en courant, il arrive au tombeau, il entre dans le sépulcre… vide… il voit le linceul resté là, il regarde le linceul et le linge qui avait recouvert la tête… il voit, mais de son constat minutieux de l’état des lieux, il ne semble rien tirer qui est à voir avec la foi !
Et le verset qui clôt le récit… - mais que l’on ne nous a pas lu ! - nous dit simplement que les disciples rentrèrent chez eux… et le disciple bien aimé aussi…
Nous voilà sans doute plus à l’aise pour avouer nos interrogations, nos perplexités face au mystère de la résurrection de Jésus.
Mais n’en restons pas là, car l’Evangile n’en reste pas là lui non plus…
Il nous a d’abord fait remarquer que ces interrogations des disciples ne restent pas dans le secret de leur cœur, ils les partagent : Marie va le dire aux disciples, et ils vont ensemble au tombeau… et ils regardent ensemble et il s cherchent ensemble… et la suite de l’Evangile nous dira que leur recherche se poursuit, que Marie reste au tombeau et se penche pour regarder… il continuent de chercher, ils sont en marche, ils sont en route… ils sont en quête de leur Seigneur et c’est bien là ce qui nous est aussi demandé : être éveillé, à l’écoute, en recherche, en quête de Dieu.
Et l’Evangile nous indique aussi et surtout le lieu essentiel de leur recherche et de la nôtre : les Ecritures… c’est là qu’il s’agit de voir – l’Evangile reprend le mot –, de voir qu’ « il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » ! Oui, voilà bien l’essentiel : nous savons désormais où chercher, que lire, relire et méditer : les textes de notre Bible ; il est grand temps de la ressortir, de la mettre sur notre table de chevet, de lui donner le pas sur toute autre lecture… si toutefois nous voulons être sérieux avec nos questions, nos doutes, notre recherche !
Oui, dans cette quête de Dieu, la communauté des croyants est le lieu primordial du partage, peut-être pas d’abord de notre foi, mais de notre recherche, de nos questions… c’est de là qu’il faut partir et il faut se mettre en route, courir ensemble, regarder ensemble…
Oui, dans notre quête du ressuscité, les Ecritures sont le lieu essentiel, indispensable qu’il faut scruter… et pourquoi pas ensemble aussi, en Eglise en tout cas, à la suite de tous les croyants qui nous précèdent dans notre quête et nous transmettent ce qu’ils ont eux-mêmes reçu.
Oui, alors, mais alors seulement, nous pourrons demeurer en chemin et faire, au jour que Dieu voudra, l’expérience personnelle de la venue de Jésus, le ressuscité, à notre rencontre… au cœur de nos vies…
Et en cela aussi, il faut suivre Marie de Magdala, qui va reconnaître son Maître bien-aimé dans celui qu’elle croit d’abord être le jardinier !
Et en cela aussi, il faut suivre Pierre, qui fera lui aussi l’expérience de la rencontre du ressuscité, celui qu’il a renié et qui le remettra dans l’assurance et de son pardon et de son secours toujours offert.
Et en cela aussi, il faut retrouver le disciple bien-aimé, et apprendre avec lui, à voir et à grandir dans la foi…
Amen.
Frère Matthieu Collin